samedi 27 février 2016

"Les chats persans"


On parle un peu de l'Iran en ce moment avec l'accord sur le nucléaire et les élections parlementaires. Mais la réputation du pays demeure désastreuse. 


L'Iran, je connais bien, très bien, j'y ai vécu et m'y suis, encore, rendue régulièrement ces dernières années et y conserve de nombreux contacts, très forts. 


Je me sens donc autorisée à vous conseiller, vivement et très sérieusement, d'envisager d'aller faire un peu de tourisme là-bas. Je puis vous assurer que, contrairement à ce qu'on peut raconter, le pays est très sûr et que vous n'y risquez rien. J'ajoute, à l'attention des messieurs, que les Iraniennes sont, probablement, parmi les plus belles femmes du monde.




En plus, c'est très facile et très bon marché: aucune difficulté pour se déplacer,  se loger,  se nourrir. Seul problème: la convivialité des Iraniens est si forte que vous serez continuellement abordé, sollicité, pour faire la conversation, partager un thé, rencontrer des amis, une famille. C'est agréable mais ça devient, aussi, épuisant. Si vous recherchez la tranquillité et la solitude, l'Iran n'est pas pour vous.



Surtout, il faut, absolument, avoir vu dans sa vie Ispahan, Shiraz, Persépolis (j'ajouterai Yezd et Abiâneh). Si on n'a pas vu ça, on n'a rien vu. Ça fait partie des merveilles du monde. 


Evidemment, beaucoup de choses pourront aussi vous stresser: la tenue vestimentaire de rigueur pour les femmes (même si ça s'est énormément assoupli), l'Enfer urbain de Téhéran (j'adore mais je crois que, pour apprécier, il faut bien connaître), la terreur automobile (traverser une rue, pour un piéton, c'est un stress épouvantable; quant à la conduite automobile, à chaque fois qu'on descend d'une voiture, on a l'impression d'avoir échappé, mille fois, à la mort...). 


Et pourtant..., la vie est aussi, oserais-je le dire, très agréable à Téhéran et en Iran. C'est beau, ça fait rêver! Un cadre enchanteur (la montagne, la mer, l'immensité de paysages désolés), des appartements ou des villas gigantesques.


Mais il ne faut pas non plus idéaliser. Le pays est bien gouverné par des tueurs dont le grand chef est Ali Khamenei, un abominable religieux. Le régime ne survit que par la terreur policière et on a la conviction qu'il va, un jour, s'écrouler mais on ne sait pas quand. La révolution de 1979 a été immédiatement confisquée mais, depuis, la majorité de la population s'en est accommodée en vivant dans une schizophrénie totale. Rien ne correspond aux apparences.


La répression politique est effroyable mais on jouit aussi, dans la vie quotidienne, d'une étrange liberté. 
Etre une femme, c'est affreux mais c'est l'un des pays, au monde, où elles sont les plus éduquées et fréquentent le plus l'Université; d'ailleurs, on les voit partout, elles exercent des responsabilités, sont omniprésentes dans la vie sociale. 


Il n'existe pratiquement aucun lieu de divertissement public mais on organise des fêtes démentes chez soi.


L'alcool est prohibé mais on en trouve sans difficulté. Quant à l'opium...

En fait, le pays est beaucoup moins austère qu'on ne l'imagine et on ne s'ennuie vraiment pas en Iran. Une bonne raison pour y aller.

La photographie iranienne contemporaine illustrée ici par: Jalal SEPEHR, Hossein ZARE, Babak KAZEMI, Abbas KOWSARI, Gohar DASHTI, 

samedi 20 février 2016

Moderne/Archaïque


Je me rends compte que ça fait un grand moment que je n'ai pas mis les pieds au Japon. Ça remonte à une éternité, fin novembre 2012 très exactement (à une époque où j'étais malade à crever et où je me suis traînée comme une idiote, à ne pas pouvoir faire 3 pas). 

C'est énorme ! Je m'efforçais, autrefois, d'y aller tous les ans.


Mais, depuis quelque temps, c'est sûr, j'ai un peu décroché. C'est, simplement, parce que mon boulot ne me permet plus de m'absenter pour aller jusque là-bas. Plus d'une semaine de vacances en dehors de l'été, ça ne m'est pas possible!

Enfin... L'an prochain, je devrais avoir plus de temps disponible et je me suis déjà programmé un grand voyage de longue durée.


Le Japon, c'est, en effet, pour moi, une véritable respiration. Je pourrais exprimer mille raisons à ma fascination pour ce pays.

Je m'en tiendrai donc à une seule: au Japon, il y a la coexistence continuelle d'une extrême modernité et d'un certain archaïsme. Moderne ou ringarde, c'est l'une de mes interrogations principales. Je me sens, en effet, le plus souvent, moderne, à la pointe, mais souvent, aussi, ringarde, larguée.


La tradition au Japon, on la perçoit, évidemment, dans le poids des codes sociaux et religieux très forts(cette bizarre religion polythéiste, le shintoïsme), au point qu'un touriste, un étranger, redoute continuellement de commettre de multiples impairs. On dit ainsi, de manière très juste, qu'au Japon, personne n'est religieux, n'est croyant mais que tout le monde pratique.

Quant à la modernité, ce n'est pas seulement la technologie mais c'est, surtout, cette nouvelle génération de jeunes dont l'univers mental semble à des années-lumière du nôtre.


Mais ce mélange d'archaïsme et de modernité, c'est justement ça qui me convient. En Europe, il faut être "absolument" modernes, dans tous les domaines, sinon on est ringards et ridicules: connectés 24 heures sur 24, au fait de toutes les technologies, évidemment athées et plurisexuels.

Moi, je reconnais que je suis ringarde à bien des égards. Disons, d'abord, que les technologies, je m'en fous un peu (hormis la photographie et le cinéma) et je trouve même ça effrayant.


Je suis très distancée vis-à-vis de tout ça:
*Internet ? J'ai plein d'ordinateurs et de tablettes mais je suis très médiocre, c'est tout juste si je sais télécharger une application. 
* L'iPhone? Je ne l'utilise que pour téléphoner et pour la messagerie. Le reste, je ne sais pas quoi en faire.
*Mes messageries? Je les ai en horreur et les déteste même carrément: je reçois près de 100 mails quotidiens et j'ai envie d'assassiner toux ceux qui m'écrivent (sauf les lecteurs de mon blog, bien sûr). 
*Les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Linkedln)? Je suis volontairement (pour des raisons de sécurité/confidentialité), en dehors (hormis blogspot bien sûr). 
*J'ajouterai que je n'ai pas de GPS (enfin si! mais je n'ai jamais regardé) ni même de calculatrice (même chose: j'ai, mais je n'utilise pas; un comble pour une financière). 
*Quant à lire un bouquin ou regarder un film sur ordinateur, j'en suis incapable. Il me faut absolument un livre papier ou une salle de cinéma.


En matière de mœurs, je suis, aussi, très ringarde: je pense qu'une femme est une femme, qu'il y a une véritable séparation, guerre, des sexes. La nouvelle idéologie du genre, ça me laisse de marbre. La mort, la différence des sexes, ce sont, pour moi, des incontournables de la condition humaine. Mais là-dessus, l'histoire tranchera.

Je l'avoue donc: je suis vraiment un mélange de modernité et de ringardise.C'est pour ça que j'aime le Japon: j'y ai le droit d'être moderne, bien sûr, mais, aussi, ringarde.


Images de Yumeji Takehisa (1884-1934), peintre et poète. C'est un peintre, autodidacte, très célèbre au Japon mais déprécié par les intellectuels. Il est, en fait, considéré comme un peintre populaire, un peintre pour les gens "moyens". C'est vrai, ça n'est pas de la grande peinture mais je l'ai découvert à Kyoto et j'ose avouer que j'aime bien.

samedi 13 février 2016

Miettes littéraires


Voilà les bouquins que j'ai appréciés ces dernières semaines et que je recommande:

Camille LAURENS: "Celle que vous croyez". L'injustice faite aux femmes de plus de 50 ans, brutalement, et impitoyablement, mises hors jeu. La souffrance éprouvée de l'indifférence en soulignant que "l'indifférence est un autre genre de burqa". Un roman sophistiqué, construit comme une espèce de roman policier, avec la "mise en abyme" de plusieurs versions de la même histoire. Je n'aimais pas beaucoup jusqu'alors(ou, plutôt, je connaissais mal) les livres de Camille Laurens, mais, là, j'ai été vraiment conquise. Ce bouquin ci est vraiment fort. Je rappelle également, à cette occasion, l'essai récent de Camille Laurens : "Encore et jamais" consacré au thème de la répétition dans nos vies. 


Anne BEREST: "Recherche femme parfaite". Chaque femme porte une fêlure en elle, un écartèlement: d'un coté la pression très forte d'un idéal social, narcissique, de l'autre la blessure, l'horreur de la vie.


Laurence COSSE: "La grande Arche". La grande arche, sur le parvis de la Défense, c'est, vraiment, l'un des plus extraordinaires monuments de Paris. Mais que sait-on de l'histoire de sa construction et de toutes les vicissitudes politiques qui ont failli, maintes fois, faire capoter le projet ? Que sait-on, surtout, de son architecte, Von Spreckelsen, un Danois inconnu, petit prof d'architecture au Danemark, qui n'avait, jusqu'alors, réalisé que quelques églises dans son pays et qui remporta, à la surprise générale, sur la base de quelques esquisses, le concours international ? Un formidable livre, parfaitement documenté, sur la politique, l'architecture, l'Art, les incompréhensions culturelles. On parle de la France, du Danemark et du drame personnel de Von Spreckelsen, intransigeant, ulcéré, estimant que l'on dénaturait son oeuvre. La Grande Arche a finalement été achevée par Paul Andreu. Quant à Von Spreckelsen, il s'est finalement retiré du projet avant de décéder prématurément. Presque personne n'a parlé de ce bouquin hors du commun mais j'insiste sur son importance. Peut-être une révolution littéraire !


Stéphanie DUPAYS: "Brillante". Un livre glaçant. Celui de la vie, banale, d'une cadre dans une grande entreprise. On parle trop peu, dans la littérature, de l'horreur de la vie professionnelle.


Alexandre LACROIX: "Ce qui nous relie". J'aime bien Alexandre Lacroix, rédacteur en chef de l'excellent magazine "Philosophie Magazine". C'est sans cuistrerie et c'est, vraiment, de la philosophie; pas du pipi de chat prescrivant, comme c'est à la mode, des recettes moralisantes de bonheur. Dans ce dernier bouquin, Alexandre Lacroix analyse le bouleversement du Web. C'était urgent parce que les philosophes (c'est ce que je déteste chez eux) sont généralement allergiques aux nouvelles technologies. Pourtant, Internet, le Web, ça n'est rien moins que la remise en cause de l'Esprit des Lumières, de la domination de l'homme sur la Nature, sur le monde. La dualité, c'est fini ! Un livre qui s'appuie sur des histoires extraordinaires: Julian Assange avec qui on repense, de manière radicale, l'Etat ou la liberté; ou, alors, un certain Philippe, qui vivait au Paraguay, qui nous fait découvrir la communauté des "Truthers". Et enfin, les trans-humanistes aux Etats-Unis qui pensent pouvoir repousser les limites de la mort


Jean-Claude GUILLEBAUD: "Le tourment de la guerre - Pourquoi tant de violence ?". On a tendance à penser que la violence est en régression et que l'on vit dans des sociétés pacifiées. Pourtant, depuis la bataille de Borodino (victoire française sur la Russie en 1812), on a découvert l'extermination massive échappant à tout contrôle. Un livre où Jean-Claude GUILLEBAUD, ancien grand reporter au "Monde", lauréat du prix "Albert Londres", parle de lui-même et de sa vie et c'est passionnant.


Jean ROUAUD (ancien Prix Goncourt): "Tout Paradis n'est pas perdu". On nous rebat, aujourd'hui, les oreilles avec cette idée: être moderne, ce serait être laïc. La République laïque, on pense que ça correspond à l'idéal démocratique; en agitant l'esprit laïc, on vaincra le terrorisme. C'est, peut-être aussi, une épouvantable connerie, une rigolade. La laïcité, c'est peut-être, aussi, la marque d'une épouvantable intolérance. J'en reparlerai probablement.  


Jean-Michel COSNUAU: "Froid devant !" Une vision déjantée de Moscou sur fond de beuveries et de fêtes dans des boîtes branchées. Il y a beaucoup de clichés et de bêtises (sur la spiritualité russe) mais c'est quand même intéressant. L'auteur connaît, du moins, bien son sujet et il faut admirer sa démarche et son audace.


Paul VEYNE: "Palmyre". Un petit livre plus que jamais essentiel. J'ai appris notamment plein de choses passionnantes sur l'Empire romain.


Tableaux de Georgia O'KEEFE (1887-1986), grande artiste américaine.

dimanche 7 février 2016

Au pays de Carmilla


Cette semaine, j'étais en Irlande, à Dublin. Je n'y avais encore jamais mis les pieds..., un comble quand on s'appelle Carmilla.


L'Irlande, a priori, ça m'intéressait. C'est tout de même le pays qui a vu naître le roman d'épouvante: Bram Stoker ("Dracula"), Charles Robert Maturin ("Melmoth"), Sheridan Le Fanu ("Carmilla"). 

Et je ne parle pas, bien sûr, des autres..., les très grands: Oscar Wilde et James Joyce. 

"Carmilla", "Melmoth", "Dracula", "Ulysse","Dorian Gray", ce sont des livres qui m'ont bouleversée (même si, en toute honnêteté, je n'ai pas réussi à lire "Ulysse").

"Ha'Penny Bridge"

L'Irlande, c'est vraiment le pays de la littérature. On dit que le roman d'épouvante y est né dans le prolongement de la grande famine: 2 millions de morts, 2 millions d'émigrants.Aujourd'hui même, l'Irlande est probablement le seul pays au monde dont la population actuelle est très fortement inférieure à celle du 19ème siècle: seulement 4,5 millions d'habitants au lieu de 8,5 millions.Evidemment, un traumatisme terrible...


Mais l'Art, la littérature, quand on débarque à Dublin, on ne s'y retrouve pas. 

Comment est-ce possible? Vous n'y éprouvez pas le syndrome de Stendhal, le choc de la beauté, mais celui de la laideur. J'ai été affreusement déçue. 


Les statues commémoratives de la grande famine (1846-1850).

Dublin est, sûrement l'une des villes les plus moches d'Europe. C'est terrible, c'est encore plus laid que Londres; c'est kitsch et sinistre. De beaux monuments, une belle architecture, il n'y a pas. On essaie de rehausser ça avec des couleurs flashy. 

"Dame Street"

Enfin..., c'est vrai aussi que l'architecture, ça n'est pas essentiel parce que, sinon, Dublin est une ville très animée et conviviale et les Irlandais sont très accueillants, dépourvus de toute arrogance.

Mais c'est tout de même bizarre! Qu'est-ce qui incite à écrire, à devenir artiste? La beauté ou l'horreur dans lesquelles on baigne?

Une question sans doute stupide: il est vrai, aussi, que j'ai un problème avec l'esthétique anglo-saxonne.




La statue de James JOYCE sur Earl Street devant "The Spire".
Le musée James JOYCE






Le quartier de "Temple Bar"





Photos de Carmilla Le Golem à Dublin, tout ça principalement claqué avec un appareil fétiche: le Sigma DP0 Quattro.