Je reviens, aujourd'hui, d'un petit voyage (relation à venir), alors je suis fainéante! Je me contente, donc, de vous recenser les bouquins que j'ai aimés ces derniers mois:
Christoph HEIN: "Le noyau blanc". L'un des grands écrivains allemands contemporains. A vécu en RDA. J'ai adoré ! L'incompréhension et la difficulté à s'adapter à une nouvelle société beaucoup plus compliquée et contraignante qu'on ne l'imaginait, où rien ne peut s'arranger, où tout est encadré par les règles bureaucratiques et l'esprit juridique. Je recommande également, vivement, son précédent bouquin: "Paula T. une femme allemande".
Négar DJAVADI: "Désorientale". Une révélation. Un premier roman, drôle et bouleversant, la saga d'une famille iranienne qui traverse une histoire particulièrement mouvementée. Une réflexion, aussi, sur l'appartenance à deux cultures (iranienne et française). Un livre qui est également musical (je recommande sa bande-son que vous pouvez trouver sur Internet) et cinématographique (c'est la profession de Négar Djavadi).
Andreï IVANOV: "Le voyage de Hanumân". Le récit de l'exil de deux paumés au Danemark et leur vie quotidienne dans un camp de réfugiés. Le sort tragique des immigrants, exilés, réfugiés. C'est aussi une description au vitriol du Danemark, pays censé être celui du bonheur. Qu'est-ce que c'est le bonheur aujourd'hui ? C'est réchauffant, lénifiant, mais c'est aussi écœurant, terrifiant. Andreï Ivanov est né en Estonie mais a choisi d'être apatride et écrit en russe. Un livre féroce, d'une grande actualité.

Benedetta CRAVERI: "Les derniers libertins". Liberté, aristocratie, raison, nouveauté! S'il est un siècle fascinant, c'est bien le 18ème en France où la liberté des mœurs et l'audace de pensée n'ont, sans doute, jamais été aussi grandes. Beaucoup de livres autrefois publiés au 18 ème siècle, pas seulement le Marquis de Sade, seraient aujourd'hui censurés, interdits. Ça interroge sur notre supposée liberté des moeurs actuelle. Un livre merveilleux, très documenté, très érudit, par une Italienne. Le destin de 7 grands libertins (le duc de Lauzun, le vicomte de Ségur, le vicomte de Brissac, le comte de Narbonne, le chevalier de Boufflers, le comte de Vaudreuil, le comte de Ségur) enfants des Lumières et précurseurs de la révolution même s'ils en ont été les victimes;

Kjell WESTO: "Un mirage finlandais". Depuis quelque temps, je m'intéresse à la Finlande. Curieusement, c'est un pays dont presque tout le monde se fiche complètement. On croit que c'est un pays perdu dans les brumes et les glaces (ce qui est faux car le climat est, en fait, assez doux voire relativement chaud en été et même l'hiver, ça n'est pas si terrible). Le poids de l'histoire y est pourtant très fort: qui connaît la guerre civile finlandaise, en 1918, qui continue d'imprégner les mentalités aujourd'hui ? Chaque Finlandais a, aujourd'hui, un rapport complexe avec les Suédois (2ème langue officielle du pays) les Russes et aussi les Allemands. J'ai adoré ce thriller écrit par un Finnois suédophone. Palpitant ! Dépêchez-vous de le lire même si la Finlande ne vous branche pas plus que ça. Vous apprendrez, comme moi, plein de choses.

Timothy SNYDER: "Terre noire. L'holocauste et pourquoi il peut se répéter". Le grand historien américain a bouleversé notre vision de la seconde guerre mondiale. Il faut absolument avoir lu "Terres de sang". Oserais-je le dire ? On ne sait pas, en France ce qu'a été la seconde guerre mondiale: on a, même, été relativement peinards et tant pis si je choque en écrivant ça ! Ce nouveau livre de Timothy SNYDER est ultra-dérangeant: difficile à lire et d'une érudition extrême.Très puissant ! Il retrace toute la genèse de la Shoah et va jusqu'à affirmer, en conclusion, qu'au regard des préoccupations "écologiques" actuelles" un renouvellement des massacres de masse est aujourd'hui possible.

Julia KRISTEVA: "Je me voyage". Kristeva, je trouve ça, dans son ensemble, très pesant. Ça m'assomme et, à vrai dire, je ne comprends pas grand chose à ses essais. Quant à ses quelques romans, c'est, pour moi, une catastrophe! J'ai quand même bien aimé son dernier bouquin où elle parle, un peu, d'elle même et notamment de sa jeunesse en Bulgarie. Ça me l'a rendue plus proche parce que j'aime bien la Bulgarie. Ce qui m'a sidérée: Sollers n'a jamais foutu les pieds en Bulgarie et ne connaît pas trois mots de la langue !
Olivier ROY: "Le djihad et la mort". Et si le but des terroristes était non pas de tuer mais de mourir ? Si le Djihad était pour eux non pas un projet politique mais un prétexte pour se suicider ? Une thèse très iconoclaste, très (violemment) critiquée mais aussi, à mes yeux, très féconde. J'aime bien Olivier Roy, grand orientaliste (d'abord spécialiste de l'Iran et de l'Afghanistan).

Laurence Grenier: "Proust en 500 pages au lieu de 3 000" et Laure Hillerin: "Proust pour rire". "La recherche du temps perdu", il faut des années pour la lire et, quand on a fini, on a oublié le début. Et pourtant "la Recherche" ne peut se comprendre que comme un tout. Il faut, effectivement, avoir lu et relu, dans son entier, "la Recherche" pour la comprendre pleinement mais on n'a pas tous un temps infini devant soi. Voilà 2 bouquins qui ont fait hurler les ayatollahs proustiens mais que je défends absolument! Si vous n'avez jamais lu "La recherche" (ce qui n'a rien d'honteux) ou si vous voulez la relire, vous la remettre en tête, je vous conseille, vraiment, ces deux bouquins. Le premier (que j'ai trouvé très fort), celui de Laurence Grenier, parce qu'il restitue l'intégralité (c'est une très bonne synthèse) de l'esprit et de l'histoire de "La Recherche" (même si le style et ses circonvolutions n'y sont évidemment plus), le second, parce qu'il met bien en évidence que c'est une oeuvre profondément drôle et humoristique. Tant pis si certains considèrent que c'est du "Proust pour les nuls"!

Hélène L'HEUILLET: "Du voisinage - Réflexions sur la coexistence humaine". On croit vivre à une époque de fraternité généralisée! Plus rien ne séparerait, aujourd'hui, les hommes. Nous sommes donc tous voisins. Mais notre voisin est, très rarement, notre ami! Notre voisin (d'immeuble, de palier, de bureau), c'est souvent l'horreur ! Il devient même souvent l'ennemi, il suscite le déchaînement de la plus extrême violence. Comment vivre, alors, et coexister avec son voisin ? Un très bon bouquin de philo original et novateur.
Tableaux de Ida TURSIC et Wilfried MILLE. Ils peignent et travaillent en duo, ce qui est exceptionnel, voire unique. Nés en 1974, elle à Belgrade, lui à Dijon, représentants éminents de la nouvelle école figurative.