On s'est passionnés, ces dernières semaines, pour quelques affaires criminelles hors du commun: Gregory, Maëlys, Alexia... Ça nous a même davantage intéressés que l'actualité politique.
Ça donne d'abord le sentiment d'une vie plus intense. Vivre peut être périlleux, tout n'est pas englué dans la banalité.
Et puis, ça permet de s'afficher plein de compassion pour les victimes. On est des gens bien, on est du côté de ceux qui souffrent.
Quant au meurtrier, on en façonne l'image d'un monstre absolu, de quelqu'un totalement en-dehors de l'espèce humaine; on n'aurait évidemment avec lui aucun point commun.
Mais est-ce bien sûr ? Qui nous fascine le plus dans un fait divers sanglant ? Est-ce que c'est vraiment la victime ? Est-ce que ce n'est pas plutôt le meurtrier, son ambiguïté, sa part d'ombre ?
Pourquoi, d'ailleurs, lit-on des romans policiers, voit-on des films d'horreur ? Pourquoi "Crime et Châtiment" de Dostoïevsky est-il considéré comme l'un des grands livres de la littérature mondiale ?
Dans l'art, dans la littérature, on trouve, en fait, l'occasion d'assouvir, de manière détournée, nos impulsions criminelles, de devenir des meurtriers par procuration. Moi-même, souvent, la nuit, dans mes rêves, je suis hantée par des crimes que j'aurais commis. Et puis, après avoir lu "Crime et Châtiment", je me suis dépêchée d'aller refaire, avec passion, le parcours de Raskolnikov dans Saint-Pétersbourg.
On le sait aujourd'hui: les criminels ne sont ni des monstres, ni des "anormaux", ni des fous. Ce sont, le plus souvent, des gens parfaitement ordinaires qui donnent, un jour, libre cours à leurs impulsions.
"Le crime est le fait de l'espèce humaine" écrivait Georges Bataille dans le prolongement de la pensée de Sigmund Freud.
Ça veut dire qu'il y a une duplicité essentielle en nous et qu'on est tous susceptibles de basculer, tout à coup, du côté noir du désir et de la passion. Le pire criminel est, en réalité, mon frère en humanité. Il y a même une étrange proximité entre le saint et le criminel.
C'est une idée qu'on récuse aujourd'hui absolument à une époque où on se prétend tous vertueux, exemplaires, pleins d'humanité.
Jamais même on n'a d'ailleurs autant exalté l'engagement caritatif, la démarche humanitaire. Est-ce que ça n'est pas aussi le signe d'une haine accrue des autres ? Tous ces gens qui veulent se faire passer pour des saints tout au long de leur vie sont peut-être, finalement, les plus effrayants (cf. le récent scandale de l'association humanitaire britannique Oxfam).
Une série de tableaux bien "dans l'air du temps" avec la représentation d'une femme criminelle: Judith décapitant Holopherne. Curieusement, c'est l'un des thèmes qui a été le plus exploité dans la peinture.
On reconnaîtra ici les Judith du Caravage, d'Artemisia Gentileschi (la plus cruelle), de Cristofano Allori (la plus belle), de Valentin de Boulogne (la plus prosaïque). Et aussi celles de Cranach, de Jan Massys et de Franz Von Stück