samedi 25 août 2018

"La mer allée avec le soleil"

 
Enfin ! On en a fini, semble-t-il, avec ces températures dingues qui m'ont rendue léthargique. Le seul plaisir de la chaleur, c'est la possibilité de se promener quasi-nue, vêtue d'une simple robe légère. En ces temps de pudibonderie exacerbée, c'est appréciable.

Curieusement, on se fait plutôt moins siffler. Peut-être que l'exhibition, à un certain degré, a une vertu sidérante. D'ailleurs, j'ai toujours pensé que les filles conquérantes se faisaient moins embêter que celles qui cherchaient à passer pour des souris grises. On ne se frotte pas à moi impunément, l'attitude, c'est important.

 
Mais les beaux jours, le climat parisien, de plus en plus continental, j'en ai vraiment marre. Je déteste par dessus tout transpirer, avoir l'impression de puer, sentir mon maquillage ruisseler.

Bientôt, on va retrouver les collants, les bottines, les chemisiers, les manteaux. C'est un autre registre mais j'aime bien, c'est plus sophistiqué, plus discriminant.



Alors, je fête aujourd'hui la fin de l'été. Pour la célébrer, j'ai retenu quelques images aquatiques avec tout ce qu'elles comportent de trouble. C'est de circonstance parce qu'on s'est presque tous retrouvés sur une plage au cours de ces dernières semaines mais il s'agit ici de rappeler qu'on n'a jamais un rapport neutre, distancé, avec l'eau, la mer, mais plutôt un lien sexuel, sensuel.



Pour illustrer ça, je me suis, en particulier, référée à une estampe japonaise. Curieusement, il y a, dans la peinture japonaise du 19 ème siècle, plein de représentations de femmes faisant l'amour avec une pieuvre sur le modèle du célèbre "rêve de la femme du pêcheur". Ça semble être un fantasme érotique dominant au Japon.

Je ne crois pas, bien sûr, que les pieuvres fassent beaucoup rêver les femmes occidentales. Enfin, moi du moins; j'ai trouvé toutefois une affiche russe des années 20 et puis il y a le film hystérique d'Andrzej Zulawski, "Possession", avec Isabelle Adjani. Mais j'avoue être fascinée. C'est sans doute le fantasme érotique extrême: plus monstrueux, plus impossible, il n'y a pas, il ne peut pas y avoir me semble-t-il. On touche donc là à une espèce d'absolu d'horreur et... de jouissance. Comme quoi la beauté apaisante de la mer a vite fait de se retourner en épouvante.


Images d'Arthur Frank MATHEWS (1860-1945), Hokusai (1760-1849), Marcello Dudovich (1878-1962).

Le titre du post est bien sûr une allusion à Arthur Rimbaud.

samedi 18 août 2018

Interlude

















Cette semaine, je ne me casse pas la tête. Je me contente de poster quelques images.


Ce n'est pas que je n'ai rien à dire mais j'ai l'impression, en ce mois d'août, d'une  vacance généralisée qui rend tous les propos superflus. Les discours, c'est donc remis à plus tard.
 
 Et puis, il faut bien dire que parmi ceux qui fréquentent mon blog, beaucoup m'avouent qu'ils s'intéressent avant tout à mes images mais mes textes...., c'est vraiment trop farfelu et irritant.

Je n'y vois bien sûr aucun inconvénient même si je n'ai aucune prétention ou compétence artistiques et que j'accorde tout de même une priorité à mes petits textes sur les images.

Images de Julius KLINGER  (1876-1942). Peintre de la Sécession viennoise. J'aime beaucoup, je crois qu'il illustre bien le monde de Carmilla.

samedi 11 août 2018

Du Bleu de Delft au Bleu de Prusse



La semaine prochaine, c'est la rentrée littéraire d'automne. Pour que la période printemps/été 2018 ne s'efface pas complétement, je récapitule donc aujourd'hui ce que j'ai aimé ces derniers mois:

- "Tumulte" de Hans Magnus ENZENSBERGER. Une espèce d'autobiographie du grand écrivain allemand. Passionnant car on voyage beaucoup: l'URSS d'Est en Ouest, les Etats-Unis, Cuba... Un livre formidable.

- "Les guerres perdues de Iouri Belaïev" de Pierre SAUTREUIL. Le meilleur livre, de très loin, écrit sur l'Ukraine et le conflit dans le Donbass. C'est juste, précis, sans manichéisme et ça repose sur une présence directe sur la ligne de front. Pierre Sautreuil est un jeune (25ans) journaliste du "Nouvel Observateur".  Son livre évoque un peu le "Limonov" d'Emmanuel Carrère mais il est peut-être supérieur. Impressionnant! Pierre Sautreuil a tout compris. Dommage qu'on n'ait pas davantage parlé de son bouquin mais il est vrai qu'on préfère la propagande pro-russe (cf. Cédric Gras: "Anthracite").


- "Là où se mêlent les eaux" de Laurent GESLIN et Jean-Arnault DERENS. Un grand voyage, d'abord en bateau puis par voie terrestre, qui nous conduit de la pointe de la botte italienne aux Balkans (Slovénie, Croatie, Monténégro, Albanie) puis la Grèce, la Turquie, la Georgie, l'Abkhazie, un morceau de Russie,  l'Ukraine et la Crimée, la Moldavie. Un livre très bien écrit, très érudit (j'ai appris énormément de choses) qui nous permet, surtout, de découvrir, redécouvrir, une foule de minorités oubliées. Je recommande vivement ce livre.


- "Keila la Rouge" d'Isaac Bashevis SINGER. Un grand roman inédit (il n'était paru qu'en feuilleton). Immense plaisir de retrouver cet immense écrivain. L'un des écrivains majeurs du 20 ème siècle à mes yeux. Il ressuscite de manière très vivante, avec ses drames, sa poésie, sa cruauté, le monde juif de l'Europe Centrale.


- "Toucher le cœur des hommes" d'Anne-Marie SCHWARZENBACH. Les éditions Payot rééditent en ce moment les textes de cette grande journaliste suisse. La prose est magnifique et permet de découvrir un Orient disparu, celui des années 30, de Trébizonde à Kaboul, Peshawar, Téhéran.

- "La vie quotidienne de Freud et de ses patients" de Lydia FLEM. Une jolie réédition d'un très bon livre paru dans les années 80. Même si vous êtes allergique à la psychanalyse, ce bouquin vous passionnera. Je précise également que Lydia Flem est l'une de mes écrivains belges préférés ("La reine Alice" est bouleversant). A découvrir.


- "La langue géniale 9 bonnes raisons d'aimer le Grec" d'Andrea MARCOLONGO. Ce livre a été un grand succès en Italie et on le comprend tout de suite. Vous êtes peut-être comme moi: je n'ai jamais fait de grec. Cependant, j'ai été passionnée par ce bouquin qui montre bien comment chaque langue est une grille d'appréhension du monde. On ne perçoit jamais de la même manière le temps, l'espace, les genres, on ne compte pas de la même manière, on n'a pas la même perception, la même sensibilité. Du bonheur du plurilinguisme.

- "L'été d'Olta" d'Ornela VORPSI. Ornela Vorpsi est une femme fascinante. Une très belle Albanaise mais qui écrit en Italien et en Français. Qui est aussi plasticienne et photographe. Dérangeante, provocatrice, elle reconnaît ne pas être très appréciée des féministes. Ce livre parle de son enfance en Albanie dans les années 70 et de son éveil au désir, à la sensualité.


- "Bleu de Delft" de Simone van der VLUGT. Vous voulez visiter la Hollande ? Lisez ce roman captivant décrivant le parcours d'une femme forte, une femme artiste au siècle d'or néerlandais (le 17 ème).

- "Bleu de Prusse" de Philip KERR. Je ne lis qu'exceptionnellement des romans policiers mais il faut reconnaître que les bouquins de Philip Kerr constituent une source d'information prodigieuse sur l'Allemagne nazie. Ce livre se passe principalement à Berchtesgaden, le nid d'aigle du Führer. C'est sans doute l'un des meilleurs livres de Philip Kerr. C'est, hélas, aussi son dernier puisqu'il vient de décéder prématurément.


Tableaux de Adolf Hiremy Hirschl (1860-1933). Il est classé parmi les peintres académiques mais je vous assure que chacun de ses tableaux, en  original", est un choc.

Le premier tableau, "Aphrodite", sert d'affiche à une exposition consacrée à la mer au MUMA (musée André Malraux) du Havre. Elle est placardée un peu partout dans la ville y compris sur les bus. Nul doute que les Havrais la remarquent et s'en souviennent

samedi 4 août 2018

Les Tigresses

 

Ouh la, la ! C'est le grand vide maintenant. Y'a plus personne à Paris !
Alors, cette semaine je vais essayer d'innover et de faire du léger (sur le fond ! parce que sur la forme, je dois battre mon record de longueur). On me dit tellement souvent que je suis ennuyeuse et que je me prends au sérieux.


Donc, je vous ai déjà dit que je fréquentais beaucoup la piscine, celle de mon quartier, tout près du Parc Monceau.

J'ai pas tardé à remarquer que plein de femmes seules y venaient, très fréquemment.

Mais au fond, ça se comprend: où est-ce qu'on peut aller, tranquille, quand on est une nana qui ne sait pas trop à quoi s'occuper ? Les cafés, on se fait tout de suite embêter et les magasins, on ne peut quand même pas y aller tous les jours.


La piscine, c'est idéal  pour échapper au mari et aux gosses pendant tout un après-midi. On a un bon prétexte: on s'entretient, on fait du sport et puis la natation, c'est quand même davantage un sport de nana.

On peut y draguer aussi bien sûr mais c'est pas terrible:  les mecs qui fréquentent les piscines, c'est surtout des chômeurs ou des retraités.

 En fait, ce qui est surtout intéressant, c'est qu'il y a là un solarium et qu'on peut s'y retrouver entre copines et voisines du même quartier, du même milieu.




Comme je ne connais pas beaucoup de Françaises en dehors de mon boulot, j'ai essayé de m'intégrer à plusieurs groupes.

C'est très intéressant parce que la piscine, c'est déjà un milieu chargé d'érotisme. Quand en plus, ça regroupe plein de jeunes nanas des beaux quartiers, ça devient féroce.

Il faut bien le reconnaître: on en frémit toutes quand on voit débarquer une nouvelle femelle au charme foudroyant. Je crois que les hommes sont épargnés par ça mais pour les femmes, c'est vraiment terrible même si c'est quelque chose qu'on n'avoue presque jamais: ça nous vrille le bas-ventre, ça nous donne des envies de meurtre.


C'est pas possible qu'elle ait un plus beau cul que moi celle-la, qu'elle soit plus bronzée. Et ses yeux et sa peau et sa chevelure... Elle ne doit absolument rien fiche, juste se faire entretenir et passer son temps à courir les esthéticiennes et les coiffeurs.

On est très primitives, animales, dans notre détestation. On est vraiment des tigresses prêtes à bouffer l'autre pour éviter qu'elle ne devienne la star de la piscine.

Enfin, j'ai réussi à passer cette épreuve et j'ai été admise, peut-être parce que j'ai joué à la godiche.



Alors voilà quelques extraits de nos conversations :

On commence toujours par se féliciter qu'on ait une piscine à peu près propre (mais pas toujours) et surtout "bien fréquentée" (ça signifie plein de choses). Après on commence à discuter.

- "Tu t'appelles Carmilla ? C'est joli comme prénom. C'est comme pour la maîtresse du Prince Charles ?"

- Ah non ! Elle, c'est Camilla et j'espère surtout ne pas du tout lui ressembler. Moi, c'est le célèbre roman d'épouvante érotique".



- "T'as un joli maillot".

- "Ah oui ? C'est un Erès. C'est tout de même mieux qu'un Arena qui vous gratte tout le temps. Un Erès, à porter, c'est aussi excitant que de la lingerie fine. Les seins nus et même le deux pièces, c'est dommage mais c'est terminé, on n'a plus le droit d'exhiber que sa silhouette. Alors, on compense en retrouvant le plaisir de l'auto-érotisme. J'adore me regarder dans mon maillot".


- "Rouge, c'est pas un peu voyant ?"

- "Le rouge et le noir, pour m'habiller et pour mes dessous, j'adore. Bien sûr, avec un rouge à lèvres et un vernis assortis, très vifs. C'est d'un goût limite, je le reconnais. Ça fait trop sexe, ça ne va pas et ça ne plaît pas à tout le monde. Au boulot, j'évite. C'est mon plaisir du week-end."


- "On te connait bien, tu ne passes pas inaperçue. Tu nages très bien mais tu nous fais peur. Tu déboules sans cesse comme une dingue avec ton crawl frénétique. Tu vas avoir un accident, c'est sûr, tu vas emboutir gravement un autre nageur. Moi, je suis enceinte et, dès que je te vois, je fais bien attention à ne pas nager dans la même ligne que toi. Tu  pourrais pas nager plus cool,  pratiquer, comme nous, la brasse ou le dos crawlé  par exemple ?"

- "D'abord, je ne suis pas si bonne que ça, on est toutes, plus ou moins, des toquardes sinon on ne viendrait pas ici. Mais j'ai la compét' dans la peau et le sport, pour moi, c'est d'abord de la vitesse et de la défonce. Il s'agit d'aller le plus vite possible, le plus longtemps possible. Sinon, c'est du barbotage et de la détente et ça ne sert pas à grand chose. La brasse, la "mamie-brasse", le dos, ça m'ennuie profondément. Pour moi, il n'y a qu'une nage, le crawl, et je dirais même que si on ne sait pas crawler, on ne sait pas nager, on ne fait que le petit chien.
 

Le crawl, il paraît que ça vient des îles Hawaï et c'est d'apparition très récente. C'est la nage non seulement la plus rapide mais c'est aussi celle où le corps humain atteint à la plus grande beauté. Pour une nana, c'est la nage parfaite parce qu'il s'agit de bien balancer ses hanches et ses épaules comme lorsqu'on danse. Le crawl, c'est la danse du serpent et pour faire craquer les mecs, rien de tel. La natation, en fait, c'est un défi sexuel et physique. J'aime bien faire la course avec des mecs pour leur coller des raclées en toute indifférence. Après c'est sûr qu'ils ne m'embêtent pas. Ça devrait inspirer les féministes mais je n'ai vraiment pas l'impression qu'elles soient sur ce terrain là puisque, pour elles, les femmes sont forcément de pauvres petites créatures fragiles. Je précise enfin que l'accouchement dans une piscine est, aujourd'hui, très tendance."



- "C'est bizarre ce que tu racontes-là. T'es drôle et puis, t'as pas un petit accent ?"

- "Ah non! Pas du tout! C'est vrai que je ne parle peut-être pas comme tout le monde et que j'ai sans doute  une manière singulière de m'exprimer, appliquée et probablement précieuse, trop bien pour être authentique. Mais pour moi, c'est vous qui avez un terrible accent parisien et l'accent parisien, c'est vraiment pas beau. Ça fait négligé.


Enfin ! c'est vrai que je suis une fille de l'Est. Je viens d'Ukraine, ce pays qui produit surtout des Femens, des mannequins, des prostituées et des femmes de ménage. Y'a un peu de tout ça en moi et, d'ailleurs, j'ai un blog référencé par des sites de rencontre avec des femmes slaves. Mais ça n'a jamais rien donné et personne ne m'a jamais dit qu'il m'avait découverte par le biais d'un site de rencontre. Mais c'est pas grave, je suis pas au chômage et c'est même plutôt moi qui serais capable d'entretenir un mec. Mais les gosses et les maris une fois pour toutes, ça m'intéresse pas du tout."


Après, j'avoue que la conversation se refroidit considérablement. J'ai l'impression que tous mes propos tombent à plat. C'est drôle, on me prend toujours au premier degré. Et au total, je ne me suis encore fait aucune nouvelle copine.



Images de la photographe suédoise (vivant à Paris): Emma HARTVIG
J'espère qu'elles vous évoqueront agréablement votre vampire préférée à la piscine. Je précise toutefois que si j'ai bien un beau maillot rouge, je porte, en sus, un bonnet noir (c'est obligatoire), de grandes lunettes et, souvent, de longues palmes noires et blanches.

Si vous allez au cinéma, je vous conseille:

-"The charmer" de Milad ALAMI réalisateur danois d'origine iranienne. Un film peut-être scandaleux qui bouleverse complètement notre vision des "migrants". On est très loin de l'approche ONG.

-"Le dossier Mona Lina" d'Eran Riklis. Un film d'Israël qui nous fait voyager du Liban à Hambourg sur fond de lutte entre le Hezbollah et le Mossad.

-"Blood Simple": le premier film (1984) des frères COEN, un chef d’œuvre de noirceur.

-"Mon tissu préféré" de Gaya JIJI. Recommandé par Olympe et approuvé. Le portrait, beau et complexe, d'une femme à Damas au début de la guerre civile.


On peut enfin lire ce post en écoutant : "J'aime regarder les filles" repris par le groupe Feu! Chatterton avant que cette chanson ne tombe sous le coup de la nouvelle loi Schiappa (qui proscrit les regards appuyés).