Le passage à une nouvelle décennie suscite toujours une pointe d'émotion et de nostalgie. Comme s'il s'agissait d'un jour plus important que les autres. Comme si notre décompte du temps et des années était absolument "naturel". Pourtant, il ne s'agit que du choix, arbitraire, d'une numération décimale, c'est à dire en base dix (à partir, probablement, du nombre de nos doigts).
La numération décimale, elle nous apparaît aujourd'hui tellement évidente qu'elle semble absolument conforme à l'ordre du monde. Pourtant, il y a eu d'autres civilisations qui pratiquaient d'autres systèmes. Par exemple :
- une base sexagésimale (60) pour les anciennes civilisations de Mésopotamie. La Mésopotamie, ça ne nous dit généralement à peu près rien mais il est fascinant de constater qu'on continue largement de compter un peu à leur manière. Cette base 60 concerne en effet encore l'actuelle mesure du temps (en heures, minutes, secondes et même la semaine de 7 jours) ou les offres commerciales par douzaines. Ça a même concerné le système monétaire lui-même jusqu'à une époque très récente (Grande-Bretagne 1971). On se transforme ainsi un peu en Babyloniens quand on commande une douzaine d'huîtres ou 6 œufs, qu'on demande simplement l'heure, ou qu'on part en week-end un samedi. On est vraiment moins modernes qu'on ne le pense.
- une base 20 qui serait en quelque sorte une numération préhistorique. On la retrouve ensuite dans les civilisations maya et aztèque ainsi que les langues basque et celte. De cette base 20, il reste d'ailleurs une trace en français avec les fameux "quatre-vingts" et "quatre-vingt dix" qui déroutent tant les Belges et les Suisses (pourquoi d'ailleurs leur allergie à la base 20, peut-être ont-ils l'impression qu'on leur demande de compter non seulement avec leurs mains mais aussi avec leurs pieds ?). Il existe aussi, à Paris, le célèbre Hôpital des "Quinze-vingts" (soit 300 lits).
Surtout, la généralisation de la numération décimale est assez récente et elle doit beaucoup à la Révolution Française. C'est bien connu, le premier souci des Révolutionnaires a été d'unifier les poids et les mesures avec le mètre et le kilogramme établis sur une base décimale. On a en revanche oublié qu'avec l'introduction du Franc, on a aussi décimalisé la monnaie (les anciens Louis étaient basés sur la douzaine, survivance mésopotamienne, comme ce fut le cas en Grande-Bretagne jusqu'en 1971 où 20 shillings représentaient 12 pence).
C'est aujourd'hui complétement oublié mais on a utilisé, de 1792 à 1806, un calendrier révolutionnaire avec des semaines de 10 jours et 12 mois de 30 jours, complétés de 5 ou 6 jours en fin d'année. On a même introduit (mais seulement de 1792 à 1795) une heure révolutionnaire où la journée était découpée en 10 heures (quand il est aujourd'hui midi, il n'était, alors, que 5 heures) divisées en 10 parties elles-mêmes décomposables en 10.
Je trouve ça assez extraordinaire et presque merveilleux. Quel homme politique aurait aujourd'hui l'audace de proposer une semaine de 10 jours (soit 3 week-ends par mois) au nom de la Raison ? Il est vrai que ça pourrait aussi être adopté pour assurer le redressement économique de la France. Combiné en effet à la suppression des fêtes religieuses et à l'adoption de l'heure républicaine, le système pourrait se révéler diablement efficace: les 35 heures hebdomadaires deviendraient 84 heures assyriennes (à effectuer sur 10 jours toutefois). "Français, encore un effort pour être Républicains" proclamait le divin Marquis.
Quel choc de compétitivité. Je vais soumettre ça à Mélenchon et la "France Insoumise" dont les militants sont tous férus de Révolution Française. Et puis, avec l'heure républicaine, on aurait l'impression que le temps passe plus lentement. Une heure républicaine passée avec son amant, c'est tout de même mieux qu'une heure assyrienne. C'est un plaisir multiplié par 2,4.
Bonne année à vous. Essayez simplement de changer votre regard sur le monde, cessez de le considérer de manière négative. Le transformer, ce n'est de toute manière pas vous qui y parviendrez. Essayez d'abord de percevoir sa beauté.
En attendant, le blog de Carmilla vient de rentrer dans sa treizième année. C'est un peu effrayant. C'est un âge crucial, celui d'une bascule de la féminité, de l'enfant à la femme. Alors, que dois-je faire maintenant ?
Images de E.L. Kirchner (1880-1938), Will Barnet (1911-2012), Louis-Maurice Boutet de Monvel (1850-1913), Julius Olsonn (1864-1942), Arthur Rackham (1867-1939), (John Duncan (1866-1945), Gaston Hoffmann (1883-1977).
J'ai sélectionné quelques images de sirènes en rapport, bien sûr, avec mon goût pour la natation. J'aime bien, en particulier, les 2 premières et la dernière. La différence, c'est que je nage toujours avec un bonnet de bain et des lunettes.