Je me sens toujours perturbée à chaque fois que je reviens d'un voyage.
Ma vie parisienne m'apparaît alors grise et monotone. Tandis que le pays que j'ai visité est nimbé d'un halo vif et chatoyant. Tout apparaît, là-bas, plus intense, plus attrayant.
Je sais bien que c'est ridicule et que je ne suis pas à plaindre à Paris. Et puis, j'aurais vite fait de m'ennuyer à Erevan. L'Arménie, c'est quand même tout petit et je pense qu'on en épuise assez rapidement les charmes.
Et sur ce point, les Français ne se rendent pas compte de l'un de leurs privilèges: l'intérêt qu'il y a à faire du tourisme dans son propre pays. Et d'ailleurs, ils s'y adonnent volontiers comme si cela allait partout de soi.
Visiter la France et ses régions, c'est, en effet, attrayant tant le pays est divers et imprégné d'Histoire. Ca n'est pas le cas partout dans le monde. Dans les pays de l'ancien bloc communiste par exemple, même si ça change aujourd'hui, on ne faisait guère de tourisme dans son propre pays, on n'avait pas envie de se confronter à l'uniforme grisaille socialiste.
Le revers de la médaille en France, c'est qu'on y a du mal à sortir "mentalement" de son pays. Certes, on voyage quand même, on fréquente massivement les pays du Club Med, du soleil et du farniente, mais, même si on s'est géographiquement déplacés, ça ne remet surtout pas en cause ses "petites habitudes" de vie et de pensée.
Un voyage, ça devrait pourtant d'abord vous bouleverser, scarifier.
Mais force est, hélas, de constater qu'on a tous, plus ou moins, des vies bétonnées, cloisonnées. On se contente de sa petite coquille et on se satisfait de ne pas en sortir. Aux fracas du monde, on préfère les anecdotes de son chez soi.
J'avoue me sentir de plus en plus déconnectée de l'actualité française. Je m'en fiche même presque complétement. Et l'Arménie (sa tragédie, le sentiment d'abandon éprouvé par la population) vient d'aggraver le choses. J'ai été consternée de consulter, à mon retour, ce qui faisait l'actualité médiatique de la France. Ca m'est apparu carrément surréaliste. Quelqu'un se rend-il compte que se joue, en ce moment, l'avenir de la société européenne et de ses valeurs ?
Je n'en ai pas l'impression. Depuis mon retour, j'ai entendu principalement parler de "l'école de Bétharram". Je ne conteste pas que ce soit une affaire importante mais il me semble qu'à se concentrer sur un établissement en particulier, on en vient à occulter un système général : celui d'une éducation qui a longtemps reposé (notamment en France et en Grande-Bretagne) sur une discipline de fer et même la violence et l'humiliation.
Des Bétharram, il y en a, sans doute, eu plein en France et en Europe. Il y a une abondante littérature et filmographie à ce sujet. C'est aujourd'hui heureusement révolu, la violence institutionnelle a largement régressé. Ce sont plutôt les violences individuelles, entre élèves, qui s'exercent à l'école. C'est plus feutré, plus insidieux mais pas moins destructeur. C'est notamment pour cette raison que j'ai détesté l'école. Et c'est d'autant plus dangereux que les chers enfants sont tous considérés, a priori, comme de petits saints et que presque personne, en général, n'est disposé à faire son auto-critique, à interroger sa propre violence. Le Mal nous habite pourtant dès le départ mais cela, on ne le reconnaît pas.
Après Bétharram, j'ai entendu les médias ressasser, à l'infini, sur la mort du Pape. A quoi ça rime ces pleurnicheries ? On est censés être modernes mais on en fait un Saint. Je m'intéresse, personnellement au Christianisme mais je n'ai jamais eu aucune sympathie pour toutes ces vieille badernes et momies que l'on exhibe comme d'archaïques "totems". Et puis, le "François", il a eu des propos totalement ambigus sur la Russie et l'Ukraine. Quant aux chrétiens d'Orient et à l'Arménie, il les a soigneusement délaissés. Et je ne parle pas de ses "idées" économiques absurdes. Il aimait, en fait, tellement les pauvres qu'il en souhaitait sans doute la multiplication.
Je suis donc exaspérée et cela, d'autant plus, que je suis par ailleurs, chaque jour, "matraquée" avec l'Ukraine. Cela vire carrément au cauchemar. C'est la concrétisation des scénarios les plus inimaginables. Trump et ses acolytes ne cessent de pulvériser tous les records de l'immonde et de l'abjection: le comble de la bêtise, de la brutalité, de la vulgarité, de la vénalité. Je crois n'avoir jamais détesté quelqu'un à ce point.
Et personne ne semble disposé à résister au chantage et à l'intimidation exercés. Un journaliste américain vient de tracer une juste analogie. "Imagine-t-on que l'on demande à Israël de reconnaître diplomatiquement, avant toute négociation, un Etat palestinien et de se retirer immédiatement des colonies de Cisjordanie ? En ajoutant que si ça ne convient pas à Netanyahou, les Etats-Unis se retireraient du processus ?" Voilà bien, en effet, comment travaille le "Grand Négociateur". Bâcler les choses pour ne plus en entendre, provisoirement, parler.
Triste constat. L'Arménie, que tout le monde s'est dépêché d'oublier, a, pour moi, été instructive. L'Ukraine, ça va (mal) se terminer, de la même manière. Et tout le monde s'en lavera les mains. L'Ukraine, on en a marre. On n'aspire plus qu'à une chose: tourner la page, ne plus en entendre parler.
Images de grands peintres français de la fin du 19ème, début du 20ème siècle: Matisse, Monet, Manet, Gauguin, Caillebotte, Degas, Cézanne, Renoir, Van Gogh. C'est à ces peintres et à ces images que l'on associe souvent la France à l'étranger.
Je recommande:
- THUÂN: "B-52 ou celle qui aimait Tolstoï". Un bouquin totalement singulier écrit, en français, par une Vietnamienne qui a vécu 5 ans à Moscou. Un livre plein d'humour et de dérision dans un contexte insupportable. Comment se reconstruire ailleurs ? Ca décoiffe vraiment.