S'il est un sujet qui emporte l'adhésion de tous les hommes politiques (de Donald Trump à Jean-Luc Mélenchon en passant par Marine Le Pen, voire même Emmanuel Macron), c'est bien celui de la nécessaire réindustrialisation de son pays.
On ne cesse de se lamenter. On ne produit presque plus rien, presque tout est importé. On est inondés par des produits à bas coûts, de la camelote étrangère, asiatique en particulier: l'habillement, l'électronique, la pharmacie, l'automobile. Même notre agriculture est menacée par l'Amérique Latine ou par l'Ukraine .
Tous les leaders populistes sont d'accord là-dessus: il faut produire et consommer national (français ou américain), réimplanter de belles usines qui répondront aux besoins de la population. Et si les produits seront probablement plus chers, le consommateur s'y retrouvera en qualité, durabilité.
Parce qu'aux yeux des écolos et des populistes, le consommateur, il se laisse trop facilement duper, abuser, par la publicité, les réseaux sociaux, les mirages du "bon marché". Le consommateur, il est crédule, il est futile, il gaspille dans des bêtises. Il faut absolument le remettre dans le droit chemin des biens durables et écologiques. Le consommateur, il faut l'éduquer, le rééduquer, lui apprendre à acheter local.
Retrouver notre souveraineté économique en fabriquant chez nous tout ce dont nous avons besoin et en privilégiant nos bons produits nationaux, c'est donc la solution et le nouveau mot d'ordre. Ca permettra, en outre, de résorber nos déficits et de créer des emplois. Et personne n'ose émettre d'objections tellement cela semble de bon sens.
Etrangement, les Etats-Unis et les pays européens pensent qu'ils ont été les dindons de la farce de la mondialisation, qu'ils se se sont carrément fait voler leur richesse manufacturière par les pays en développement. C'est oublier que l'Europe exporte infiniment plus qu'elle n'importe. Et que ce qu'il faut considérer en économie, ce n'est pas la balance des marchandises mais la balance des paiements (comprenant l'intégralité des échanges financiers et notamment les services).
Et de ce point de vue, la situation de pays comme les USA ou la France est beaucoup moins problématique ou déficitaire qu'on ne l'affirme. Et remettre à l'équilibre une balance du commerce extérieur, c'est facile, il faut pour cela éponger la consommation excédentaire. Mais rien à faire, on préfère s'en remettre à des Trissotins de l'économie.
On préfère s'entêter dans l'absurdité économique et personne n'ose se moquer de l'incompétence de Donald Taco-Trump qui se met à bricoler les droits de douane. Sans doute parce qu'en Europe même, on partage cette obsession manufacturière, cette grande ambition, illusion, industrielle. Si on le pouvait, on relèverait nous-mêmes fortement nos droits de douane. Mais comme on n'est pas dans la même position de force que les USA, on multiplie plutôt les subventions et on envisage même des nationalisations (ce qui est tout aussi nocif).
Ce qui me fait rigoler, c'est que Trump est un anticommuniste viscéral. Mais sa politique économique, on a l'impression qu'elle a été inspirée par la Chine de Mao, ou par l'Union Soviétique, voire l'actuelle Corée du Nord. Là-bas, l'industrie nationale produisait tout ce qui était nécessaire à la couverture des besoins de la population et les échanges avec l'extérieur étaient très limités. On connaît les brillants résultats de cette politique. Est-ce vraiment cela que l'on veut aujourd'hui ?
Et puis, j'en ai assez qu'on considère le consommateur comme quelqu'un de fragile, manipulé, aliéné, à rééduquer de toute urgence pour le recentrer sur ses vrais besoins. Le consommateur, il est peut-être idiot comme le pensent les écologistes, mais il est au moins porteur d'une rationalité essentielle; celle qui concerne son pouvoir d'achat. Et celui-ci, il est impacté immédiatement par les hausses ou baisses de prix. Parce que c'est lui et non pas le pays exportateur qui paie directement les droits de douane.
Je me souviens qu'on avait hurlé à propos des poulets ukrainiens à 5 € importés en Europe au lendemain de l'invasion russe. Les médias télévisés français s'étaient même dépêchés de colporter des horreurs sur ces volatiles probablement radioactifs. Comme si toutes les familles françaises avaient les moyens de se payer des poulets de Bresse.
C'est vrai qu'il y a un grand déclin de l'emploi industriel et agricole depuis plusieurs décennies. Depuis 25 ans, l'industrie, en France, aurait ainsi perdu le quart de ses effectifs. Mais c'est beaucoup moins la conséquence de la concurrence étrangère à bas coûts que celle de l'amélioration de la productivité et de l'automatisation. Et d'ailleurs, si les effectifs de l'industrie ont diminué, la production totale a, quant à elle, augmenté.
L'obsession industrielle des gouvernants occidentaux est, en fait, dangereuse. A défaut de relever les droits de douane comme Trump, on risque de se ruiner en multipliant les aides et subventions en tous genres. Mais qu'imagine-t-on ? Croit-on sérieusement qu'on peut ressusciter une sidérurgie à Dunkerque ou une industrie textile à Roubaix capables de concurrencer l'Inde et le Vietnam ?
Les emplois industriels sont les emplois d'hier. Et ceux qui subsistent aujourd'hui sont les emplois peu qualifiés et peu rémunérés. En faire la promotion, c'est aller à contre-courant de l'histoire économique, celle de la "destruction créatrice" qu'a si bien décrite Joseph Schumpeter .
La nostalgie est mauvaise conseillère. Les hauts fourneaux, l'automobile, l'habillement, la grande pharmacie, c'est fini sauf pour des segments très spécialisés.
On rentre dans une nouvelle ère, celle des actifs incorporels. Incorporels par opposition aux machines et aux bâtiments. Incorporel pour désigner l'investissement immatériel, celui relevant des données et des logiciels. Et si ça peut rassurer, la France s'en sort très bien en ce domaine.
Préparer l'avenir, c'est plutôt investir dans la formation et l'éducation , notamment dans les disciplines scientifiques et mathématiques. C'est ce qui permettra d'occuper les emplois de demain, notamment dans l'informatique et l'intelligence artificielle.
Bonjour Carmilla
RépondreSupprimerLu : Le désir de nouveautés de Jeanne Guien
« Si on ignore combien de nouveaux produits sont mis sur les marchés chaque année, il est certain que la majorité en est retirée rapidement, faute d’avoir été vendu. »
Note en bas de la même page :
« En 2008, un marketeur donnait les chiffres suivants : plus de 156,000 produits lancés sur le marché aux seuls États-Unis pour l’année 2005 ; 21,000 nouvelles marques lancées dans le monde par an ; 52% des nouvelles marques et 75% des nouveaux produits échouant peu après leur lancement. Martin Lindstrom, Buyology. How Evenrything we Belive about why we Buy es Wrong, New York, Random House Business Books, 2008.
Le moindre qu’on puisse dire c’est qu’on ne manque pas de produits, je dirais que nous sommes en surproduction tellement que nous sommes efficaces.
C’est la même situation, non seulement au USA, mais dans de nombreux pays à travers le monde.
L’ouvrage de Jeanne Guien touche des sujets d’économies, de fabrications, d’obsolescences, d’Histoires et de Politiques Commerciales, en autre les nombreuses colonisations. Livre intéressant, que je le recommande.
Certes, on ne cesse de se lamenter comme si on était sur le bord de la famine. Mais, cela aussi fait parti de la mise en marché.
Je ne pense pas que nous avons besoin de tout ce qu’on nous offre, acheter c’est faire preuve de diligence. La publicité est là pour y voir. Ainsi, le commerce traîne ses maladies auto-immunes comme l’autosuggestion. Vendre c’est créer le besoin même si tu n’as pas besoin du produit qu’on veut te vendre. Ce que je considère comme une attaque à ma liberté.
Jeanne Guien souligne les colonialismes de l’Europe comme ceux des USA. Ces pauvres petites pleurent sur leur infortune, souvenons-nous qu’ils ont pillé la planète pendant quatre siècles. Maintenant qu’on est en train de leur retirer leurs assiettes au beurre, ils pleurent. Au final, sur cette guerre des tarifs se sont les consommateurs qui vont payer. Ce qui est loin d’être une solution.
Je suis heureux de lire qu’il faut éponger la consommation excédentaire, autrement dit, il faudrait rationnaliser l’économie et surtout le commerce qui se noie dans sa psychologie. On nous fait croire que nous avons besoin de quelque chose ; et nous les croyons ces vendeurs de pacotilles. Et à ce chapitre le web suit le même chemin que la télévision de jadis. Il y a des limites à se faire prendre pour des imbéciles. Ce que je peux détester la publicité surtout lorsqu’elle s’adresse à nos instincts les plus bas.
RépondreSupprimerIl y a longtemps que j’évoque la formation, une réforme en profondeur des apprentissages, parce que présentement, nous risquons de laisser beaucoup de gens derrière nous. Qu’est-ce que l’on fait pour ceux qui ne réussissent pas l’école ? Pourquoi les USA élise un Taco-Traitre, suivit d’une bande d’opportunistes comme ministres, à la place d’un brillant économiste ? Serait-ce que la moitié de ceux qui ont voté dans ce vaste pays auraient raté leurs examens, et que tout ce qu’ils comprennent se sont les solutions simplistes du Taco ? Il y a ici un changement qui nous presse, nous sentons l’urgence, surtout lorsque les temples du savoir sont agressés. Les médiocres viennent de donner une leçon aux brillants élèves. Ce qui peux nous amener à des solutions extrêmes, dont les conflits présentement en sont les symptômes précurseurs. Qu’est-ce qu’on fait avec la main d’œuvre en trop ? Qu’est-ce qu’on fait avec ceux qui n’ont pas d’avenir ? Qu’est-ce qu’on fait avec un médiocre si on est incapable de le transformer en consommateur ? Pour consommer, il faut avoir les moyens de payer.
Reste que l’économie comme le commerce, sont loin d’être des sciences exactes, on y retrouve une bonne dose de mensonges, de séductions, de désirs, de psychologies, ce qui n’est pas très loin de la séduction amoureuse, pour vendre des nouveautés il faut plaire, mais on reste souvent sur sa faim pour ne pas dire sur sa déception. On tente de nous faire croire que c’est une science exacte, ce serait plutôt une espèce de jeu de tâtonnement soumis à beaucoup de hasards. Nous n’avons qu’à lire les épopées des colonisateurs dans cette recherche de la richesse, au point d’exterminer des peuples entiers, pour finir par faire venir des Africains pour les remplacer dans les plantations, toujours dans l’espérance de devenir riche !
Jeanne Guien
Le désir de nouveautés
L’obsolescence au cœur du capitalisme
(XVe-XXIe siècle)
Bonne fin de journée Carmilla et merci.
Richard St-Laurent
Merci Richard,
RépondreSupprimerLa question c'est : sommes-nous riches ?
En apparence, oui ! Puisque nous sommes submergés de biens de consommation.
Et l'économie mondiale repose largement là-dessus: le forçage, la stimulation, à tout prix de la consommation. Qu'importe la qualité des biens proposés, leur obsolescence rapide, l'important, ce serait d'assurer une croissance à court terme de l'économie.
On a fait le choix de la consommation contre l'investissement. Avoir de l'épargne, c'est mal vu. On incite à la vider, la dépenser dans des biens éphémères.
Le capitalisme a pourtant eu, il n'y a pas si longtemps, une autre orientation. Je suis Parisienne et je m'émerveille souvent: beaucoup de grandes infrastructures ont été réalisées il y a plus d'un siècle et sont toujours debout: les réseaux de l'eau, le métro, les bâtiments d'Haussmann. Il y avait, à l'époque, une vision d'avenir, de long terme.
Aujourd'hui, on préfère le court terme avec le forçage de la demande et de la consommation, et le découragement de l'offre et de l'épargne.
On fabrique donc de la monnaie sans limites, en dehors de toute réalité économique. Les politiques économiques actuelles privilégient la consommation au détriment de l'investissement. C'est ce qui explique les déséquilibres actuels. On ne cesse de distribuer des chèques en blanc. La quantité de dollars en circulation est devenue insensée et est à la merci d'une défiance subite.
Les consommateurs paient et on fait tout pour qu'ils en aient les moyens. Tant pis si tout le monde, l'Etat, les particuliers, s'endette massivement pour cela.
Il faudrait plutôt encourager l'épargne mais une épargne orientée sur le financement des entreprises et non, comme c'est le cas aujourd'hui, sur le financement de la dette des Etats.
Bien à vous,
Carmilla