Difficile pour moi de rédiger des posts en ce moment. Ca m'apparaît totalement futile et complétement hors propos.
J'ai l'impression d'être revenue complétement en arrière, comme il y a 3 ans au lendemain de l'invasion russe. Je n'entretenais alors aucun espoir.
Une seule chose m'a un peu remonté le moral: une lettre de Lech Walesa et d'anciens opposants anticommunistes à Donald Trump. Il écrit ainsi: "C'est avec effroi et dégoût que nous avons suivi la retransmission de votre conversation avec le Président ukrainien Volodymyr Zelensky. L'ambiance qui régnait dans le Bureau ovale nous a rappelé celle des interrogatoires menés par les services de sécurité et celle des salles des tribunaux communistes. Nous trouvons offensante votre attente de respect et de gratitude pour l'aide matérielle fournie par les Etats-Unis à l'Ukraine dans sa lutte contre la Russie au moment où la gratitude est due aux héroïques soldats ukrainiens qui ont versé leur sang pour défendre les valeurs du monde libre".
Evidement, cette lettre ne servira à rien et je ne suis pas sûre que Trump connaisse Walesa (qui ne parrainera sans doute pas son rêve de devenir prix Nobel de la Paix).
Mais l'effroi et le dégoût, c'est vraiment ce que j'éprouve en ce moment.
C'est bizarre ! Il n'y a pas si longtemps, je me fichais à peu près de mes origines. L'identité ukrainienne, je voyais mal ce que c'était. C'était au point que je racontais, souvent, à des Français, que j'étais née russe ou polonaise tellement l'Ukraine, c'était, pour eux, Terra Incognita.
Mais ça a commencé à sérieusement changer avec la "Révolution Orange" de novembre 2004 conduite par Iouchtchenko qui était un type vraiment bien. Et puis, j'ai complétement basculé avec Maïdan. Et c'est sûr que je perçois bien maintenant l'immense écart des mentalités entre Russes et Ukrainiens. Autant les premiers sont lourds, rudes et soumis, autant les autres sont légers, amicaux et contestataires.
Aujourd'hui, c'est triste à dire mais j'ai carrément des envies de meurtre. De Trump, de Vance, de Poutine, des Russes... Et je sais que je n'éprouverais pas grande culpabilité. La guerre est un terrible révélateur de l'âme humaine.
Mais mes sentiments personnels, ça n'est rien. De ce qui se passe en Ukraine, je sais simplement que la population se sent sidérée, matraquée. Comme si un immense astéroïde venait de lui tomber sur la tête. Qu'est-ce qui se passe, comment est-ce possible ?
C'est la "stupeur et l'angoisse" ? Comment est-il possible qu'on nous traite de cette manière, avec un tel mépris ? Au point de nous humilier, nous et nos morts, et de nous juger, par un fantastique retournement, responsables de la guerre.
Au point de nous extorquer un contrat d'un cynisme écœurant en "remboursement" d'une aide militaire d'ailleurs parcimonieuse. Heureusement que Trump est stupide: il se croit un bon commercial, un expert en "deals" avantageux. Mais qu'imagine-t-il ensuite ? Bien sûr que les Ukrainiens se vengeront en éliminant toutes les entreprises américaines des marchés pour la reconstruction de leur pays. Et quant au contrat sur les "terres rares", il pourra facilement être cassé pour extorsion sous chantage.
Cet abruti de Trump ressasse que ce sont les Ukrainiens qui ne veulent pas faire la Paix tandis que les Russes sont de bonne volonté. Il inverse les choses: il oublie que si les Russes arrêtent de se battre, alors la guerre est immédiatement terminée. Mais si les Ukrainiens arrêtent de se battre, alors il n'y a plus d'Ukraine.
Et dans le registre de l'infâmie, j'ai particulièrement apprécié les propos du Général Keith Kellog, chargé par Trump de négocier un accord Russie/Ukraine. Interrogé sur la suspension de l'aide militaire à l'Ukraine et du partage de renseignements, il précise que les Ukrainiens "l'avaient bien cherché". Et que la réponse des USA, "c'est comme frapper une mule avec une planche sur le nez". On peut dire que cette vieille baderne (81 ans) a le sens de la formule poétique et que ça en dit long sur sa grandeur d'âme. Mais qu'un pareil étron ait pour mission de faire la Paix, c'est terrifiant.
Américains et Russes sont pressés de célébrer, très bientôt, la victoire à nos dépens. A cette occasion, Trump, qui vient de célébrer la générosité des Russes, se rendra sans doute à Moscou mais évidemment pas à Kyïv. A-t-on jamais vu pareille indécence et saloperie dans l'Histoire ?
Mais les cochons se réjouissent peut-être un peu trop vite. Ils croient qu'après avoir signé, une balle sur la tempe, un Traité de Paix inique, les Ukrainiens se tiendront cois.
On oublie que les Ukrainiens ne se sentent pas les vaincus mais les vainqueurs de cette guerre. Et ils le sont effectivement pour avoir combattu pas seulement pour leur territoire mais aussi et d'abord pour la Liberté et la Démocratie.
Il y a donc tout à redouter d'une Paix humiliante qui serait imposée à l'Ukraine. Je n'ose songer dans quelle période effroyable le pays rentrerait alors. Un traumatisme complet matériel et mental. Tout pourrait alors se passer. Une Paix inique fera le lit d'une nouvelle guerre à brève échéance.
Images de Zdzislaw BEKSINSKI (à l'exception d'un KUBIN). . Personnellement, je retrouve beaucoup, dans Beksinski (1929-2005), de mes états d'âme. Et puis surtout, il faut avoir vu réellement ses tableaux pour en apprécier la splendeur. Les images et reproductions ne sont que de très pâles copies.
Je recommande:
- Victoria AMELINA (1986-2023): "Regarder les femme - Regarder la guerre - Journal interrompu". Victoria était l'une des plus prometteuses écrivaines ukrainiennes. Elle s'est malheureusement pris un missile sur la tête à Dnipro alors qu'elle prenait une part active à documenter les crimes russes. Sa mort a été un choc en Ukraine. C'est son journal de guerre qui est ici publié. C'est bien mais j'aimerais aussi que l'on publie ses romans.
- Artem CHAPEYE: "The Ukraine". Une série de nouvelles, de petites histoires, qui donnent une idée de la mentalité ukrainienne: sa loufoquerie, sa fantaisie, son humour. Bien, très bien même, mais j'ai un problème, en général, avec les nouvelles: je les oublie très vite.
- Daron ACEMOGLU et James A.ROBINSON: "Prospérité, puissance et pauvreté - Pourquoi certains pays réussissent mieux que d'autres". Par les Prix Nobel d'économie 2024. Même si vous n'êtes pas économiste, ce bouquin peut vous passionner. C'est surtout d'ailleurs un formidable bouquin d'Histoire des Civilisations, de leur organisation et de leurs mentalités. Ca éclaire beaucoup sur le monde actuel.
Bonjour Carmilla
RépondreSupprimerNon, écrire ce n’est ni futile, ni hors sujet, au contraire c’est maintenant que votre blog prend toute sa valeur, parce que c’est dans l’esprit de la solidarité. Le monde d’hier a basculé, et nous ignorons tout ce que nous réserve l’avenir, mais il n’est pas question de baisser les bras devant les intimidateurs, chaque parole, chaque note de musique, chaque dessin, deviennent des promesses de réconfort. C’est dans ces époques troubles, que chaque petit geste prend sa valeur, et solidifie nos convictions. Il ne faut pas se laisser submerger par les événements, les défaites, les souffrances, les déceptions, parce que je suis persuadé que nous avons raison de défendre la démocratie et surtout notre liberté. Ce monde est mauvais, alors c’est à nous de le rendre meilleur. Il n’est pas question de reculer sur nos principes, encore moins de jeter la serviette. Je pense que vous êtes à la hauteur de ces défis Carmilla. Et, qui sait à quel destin nous serons tous appelés. Je vous invite à poursuivre votre activité d’écriture, parce que lorsqu’on écrit, nous ignorons par qui nous serons lus, mais quelques mots, un encouragement, une ferveur nouvelle, peuvent apporter du réconfort. Et, ceci est une grande générosité. Les paroles peuvent être blessantes, mais je préfère comme Salman Rushdie être du côté de la vie comme il le raconte dans son livre sans complaisance : Le Couteau, après avoir rasé la mort suite à son attentat. Il écrit : « Il était essentiel que j’écrive ce livre : une manière d’accueillir ce qui est arrivé, et de répondre à la violence par l’art ». Sérieusement amoché, il a relevé le défi de vivre. C’est un livre très intense, mais j’aime ce genre de courage, qui me rappelle Le Lambeau par Philippe Lançon, que je relis toujours avec la même ferveur. J’aime et j’admire ce genre de courage, j’y revient toujours. Nous ignorons tous ce que nous réserve le destin, c’est pourquoi nous devons toujours être droit dans nos bottes, prêt à affronter l’impensable. J’espère que tous ces Ukrainiens et Ukrainiennes qui sont morts sur le champ de bataille, ne sont pas mort inutilement. Vous l’avez bien dit Carmilla : il oublie que si les Russes arrêtent de se battre, alors la guerre est immédiatement terminée. Mais si les Ukrainiens arrêtent de se battre, alors il n'y a plus d'Ukraine. À la suite de la lecture de ces phrases, j’ai pensé à tous ces corps à Boucha, ce sont des images que je ne peux oublier. Nous devons être ferme dans nos déterminations, parce que cette histoire est loin d’être terminée, sans oublier cette femme exceptionnelle Victoria Amelina et elle n’est pas la seule, et vous aussi Carmilla vous en faites partie.
Avec toute ma solidarité
Richard St-Laurent
Merci Richard,
RépondreSupprimerMais je pense aussi que lorsque l'on écrit, il faut savoir ne pas se limiter à son petit moi, son petit ego.
Je conçois très bien ainsi que certaines personnes ne s'intéressent pas du tout à l'Ukraine. Ca ne leur dit rien, c'est trop éloigné de leurs préoccupations. Et d'ailleurs moi-même, est-ce que je porte attention à tous les malheurs du monde ?
Mais j'avoue que ce qui me fiche absolument en rage concernant l'Ukraine, c'est que la cause est absolument sans ambiguïté. A la différence de nombreux autres conflits, il y a bien un agresseur et un agressé, un bourreau et une victime, le Mal contre le Bien.
Mais c'est cela même qui est souvent contesté par des esprits qui se croient forts et renvoient dos à dos les protagonistes. Les Nazis ukrainiens qui l'ont bien cherché, j'entends ça souvent. La désinformation fonctionne à plein.
On arrive à travestir le Mal. Comment répondre à cette violence ? Il est particulièrement humiliant de devoir se justifier, de devoir chercher à convaincre.
Et penser que toutes ces souffrances, toute cette horreur, devront peut-être être ravalées, effacées, sous le sourire arrogant de ceux qui se seront proclamés vainqueurs (Trump et Poutine), c'est absolument intolérable.
Mais ceux qui croient que l'affaire pourra être ainsi rapidement réglée se trompent lourdement.
Bien à vous,
Carmilla