A cause de ça, j'évite absolument d'évoquer le sujet. D'autant que j'estime être mal positionnée. Je ressens toujours une certaine hostilité. De quoi je me mêle d'abord ? Et puis, on a vite fait de me juger privilégiée et, ensuite, j'incarne ce que l'on abhorre en France: la Finance (même si on ne sait pas ce que c'est), la Slave (forcément intéressée), Paris (forcément arrogante). J'ai tout pour paraître odieuse.
Je m'écrase donc, je ne dis rien, je me fais discrète, petite. Le dialogue m'apparaît, de toute manière impossible, inutile. J'ai l'impression de ne pas vivre dans le même monde.
La France, c'est un pays vraiment bizarre: la jalousie et la rancœur sociales y sont exacerbées. On considère que les riches ont, forcément, volé des pauvres mais on ne semble pas penser, non plus, qu'ils ont peut-être, aussi, créé des richesses.
Ce sont toutes les ambiguïtés de l'égalitarisme à toute force. L'égalité, c'est bien, c'est la logique démocratique mais sa dynamique comporte aussi sa part d'ombre: le risque d'une "tyrannie de la majorité" d'autant plus forte qu'elle s'appuierait sur la toute-puissance de l'opinion publique (Tocqueville).
Et puis, il y a la montée effrayante, en France, des populo-nationalistes avec une sombre rencontre de l'extrême-droite et de l'extrême-gauche (Le Pen-Mélenchon).
Des gens (évidemment mieux informés que moi), me disent souvent comme ça, avec condescendance, que l'extrême-droite est au pouvoir en Pologne et qu'en Ukraine, ce sont des néo-nazis. Là non plus, je ne dis rien mais ça me laisse rêveuse. On ne se pose pas la question de ce que je puis penser, moi, de la France ? Pays moderne, libéral, ouvert ? Les premiers résultats des élections permettent d'en douter.
Comme le constate l'économiste Pierre-Antoine Delhommais : "Un électeur sur deux s'est prononcé en faveur de candidats qui proposaient rien de moins que de faire éclater le "système" et l'Europe, qui rejetaient en bloc ou en détail la mondialisation, l'économie de marché et le libre-échange".
Ou alors, Peter Sloterdijk le grand philosophe allemand: "Avec 22 % pour le Front National, et presque 20 % pour les "insoumis" - insoumis au bon sens ?-, et en ajoutant les autres, on arrive à ce constat: à chaque élection, la moitié de la nation française s'offre une partie d'extase avec les extrémismes. Une chose est sûre: la France est profondément philistine, petite-bourgeoise, aimant savoir jusqu'où elle peut aller dans la haine de soi. Les philistins, c'est-à-dire les gens fermés aux arts, à la culture et à la nouveauté du monde"
Ce n'est évidemment pas très agréable de lire ça. La France, pays culturellement largué, frileux et enfermé dans ses rancœurs et ses affrontements populistes ?
Mais une chance historique de rompre avec l'archaïsme, la haine et l'unilatéralisme vient de se présenter. Elle est incarnée par "un jeune homme empreint de philosophie, dénonçant, dans le sillage de Spinoza, les "passions tristes" et célébrant la liberté, le savoir, l'universel.Tout être raisonnable devrait participer à cet événement dans un étonnement et une jubilation".
Dégageons donc les Mélenchon/Le Pen !
Ce texte m'a été inspiré par un entretien du journal "Le Point" avec le philosophe allemand Peter Sloterdijk qui soutient évidemment Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron: la culture, les Lumières, contre la bêtise, l'ignorance !