samedi 29 avril 2023

Au pays des lynx, des rennes et des ours

 

Voici donc quelques-unes de mes photos de Finlande. 


Ca a évidemment un caractère un peu dérisoire d'exhiber ainsi ses petits souvenirs touristiques. C'est, peut-être même, ridicule, parce que, dépourvue de talent créatif, je sombre dans le cliché: les grands  monuments, les rues pittoresques, les beaux paysages. 


Les images, on en est maintenant accablés, submergés, au point qu'on porte à peine attention à toutes celles dont nous bombardent nos amis sur Whatsapp: les enfants, la grand-mère, la fête familiale des autres, ça nous laisse généralement de marbre. 


Et puis, on se moque des touristes, mais on s'empresse de faire comme eux, on ne conçoit pas de ne pas "fixer" quelques lieux, quelques instants. Mais des photos, il y en a tellement aujourd'hui qu'on les zappe toutes et qu'on n'en voit plus aucune.  


Mais je me décide quand même à poster les miennes. Non pas parce que je croirais à la qualité esthétique de chacune mais parce que leur ensemble traduit/trahit, peut-être, quelque  chose de celle que je suis, quelque chose de ma personnalité. J'espère donc simplement que la subjectivité de mes photos, ma perception propre du pays, en compensera, peut-être, la maladresse.


Ce n'est quand même jamais complétement par hasard qu'on débarque, un jour, dans un pays. Les motivations sont diverses, bien sûr, allant du farniente au trek sportif. 


Personnellement, je cesse justement de faire du sport, rien que de la marche, quand je suis en vacances. Quant au repos, je m'ennuie très vite. Au total, qu'est-ce que ça peut apprendre de crapahuter ou de se vautrer sur une plage ? Rien qu'on ne sache déjà.


Voyager, ça répond plutôt pour moi à un besoin de remise en cause, de moi-même et de ce qui m'entoure. Voyager, c'est une occasion de réfléchir sur la manière dont les différentes sociétés, et les individus qui la composent, fonctionnent. Je me pose ainsi souvent cette question: plutôt qu'en France, est-ce que je ne ferais pas mieux d'aller vivre dans un autre pays ? Est-ce que je n'y serais pas plus à l'aise ?


La réponse, je ne la trouve jamais parce que je suis tout de même prisonnière d'un boulot et de la rémunération qui va avec. Mais l'essentiel, c'est la réflexion ébauchée. 


De ce point de vue, la Finlande, c'est idéal. Je l'ai déjà dit, c'est le pays classé le plus heureux au monde. Mais c'est probablement aussi, l'un des pays les moins visités au monde. 


Les pays nordiques n'ont vraiment pas la cote en Europe de l'Ouest. 


Mais pour les rares touristes, la mode aujourd'hui, c'est de faire une croisière dans les fjords de Norvège avec les iles Lofoten comme clou du voyage. 



Ou alors, en plus intello et plus aventurier, c'est l'Islande avec ses geysers et ses volcans. Tant pis si on découvre, trop tard, qu'on s'agglutine tous sur les sites et que l'Islande est devenue un enfer touristique. 


Alors on se rabat éventuellement sur la Suède parce qu'on a lu Camilla Läckberg ou le Danemark parce qu'on a entendu dire que c'était le pays du design. Mais, in fine, à peu près personne ne s'intéresse à la Finlande. 


Voilà au moins un pays préservé en Europe (peut-être avec la Moldavie et la Macédoine du Nord). 


Et c'est vrai que quand on y débarque depuis un Paris tumultueux, plein de bruit et de fureur, le contraste est immense. Tout est feutré, quasi silencieux, aucune "musique d'ambiance", plus aucune bousculade, jamais d'attentes. Tout semble facile, sans stress. On se dépêche de vous aider, on peut manger à toute heure, les transports sont une merveille d'efficacité et de confort.


On dit des pays du Nord qu'ils sont des "sociétés de confiance". C'est l'histoire du portefeuille que l'on dépose dans une rue animée. Il disparaît immédiatement dans les pays latins. Dans les pays du Nord et d'Europe Centrale, il est généralement restitué à son propriétaire.



En Finlande, on remarque ainsi qu'il serait très facile de voler ou de resquiller: la surveillance et le contrôle sont très lâches (il n'y a même pas de puce électronique sur les objets dans les magasins). Mais voler, extorquer, je crois que ça ne viendrait à l'idée de personne, c'est proprement inconcevable.


L'un des endroits qui m'a ainsi le plus impressionnée, c'est la nouvelle Bibliothèque centrale Oodi, installée, en plein centre de la ville, dans un bâtiment futuriste (le tout jaune, un peu en dessous). Chacun y entre librement sans aucun contrôle. Là des milliers des milliers de livres et de revues s'offrent sur des étagères aux visiteurs. On se sert soi-même, il est simplement demandé de remettre le livre à sa place. On peut aussi, à d'autres étages, disposer d'ordinateurs nombreux et performants. 


Il est évident que, dans un tout autre pays que la Finlande, la bibliothèque serait volée, pillée, saccagée, en quelques semaines. Mais ici, à Helsinki, tout demeure parfaitement rangé et dans un état impeccable. C'est au point que la bibliothèque est devenue un lieu de rencontre privilégié des jeunes et de tous les habitants. Il y a même un café et des salles de projection mais chacun s'efforce d'être le moins bruyant possible.

Le contraste est immense avec la Grande Bibliothèque de Paris dont l'accès relève d'un parcours du combattant et n'est finalement réservé, après moults contrôles, qu'à une toute petite minorité.


Et puis, il faut évoquer l'environnement urbain d'Helsinki. Rien n'est déglingué, rien ne semble en mauvais état, tout est bien repeint, ripoliné. Même les grands immeubles collectifs de la banlieue apparaissent proprets et cossus.


La Finlande, c'est donc, à bien des égards, séduisant.


Le pays coche, pour moi, bien des cases: d'abord son climat avec de la neige garantie chaque hiver (même si à Helsinki, ça n'est plus du tout ce que c'était). C'est ce dont je rêve: il fait vraiment beaucoup trop chaud pour moi à Paris. 


Et puis, son alimentation. La cuisine française, je trouve ça trop compliqué, je ne sais plus ce que je mange. En Finlande, les plats sont simples: du renne, du saumon, des airelles ... C'est ce qui me convient.

Et puis, évidemment, la facilité de la vie quotidienne y est attrayante. Le stress, on ne connaît visiblement pas trop.


Mais est-ce que ça peut suffire aussi ? 


Entre la France tumultueuse, en excitation permanente, et la Finlande tranquille et cotonneuse, on peut hésiter.


Est-ce qu'on n'a pas besoin aussi de pression, d'aiguillon, qui vous force à, sans cesse, sortir de soi-même ? Le calme, la routine confortable, ça ennuie vite.


Et puis, il y a cette vision hygiénique de la vie (l'alimentation, le corps, le désir, la sexualité, la symbiose avec la Nature) qui devient vite exaspérante. On n'est pas simplement de bonnes personnes pétries de bons sentiments. On aspire aussi à autre chose, à la déviance. 




























Mes photos finlandaises. J'en ai sans doute posté beaucoup trop. Mais le pays est tellement peu connu que j'ai pensé qu'il méritait une plus grande attention.

La 1ère image est un tableau célèbre d'Edvard ISTO représentant une jeune fille finlandaise, tenant un Livre de Loi, agressée par l'aigle russe bicéphale. C'est aujourd'hui particulièrement d'actualité.

Outre Helsinki, vous trouvez des images de villes proches: Porvoo et Espoo.

A Helsinki, deux monuments ont fait scandale au moment de leur inauguration: l'hommage au musicien national Sibelius inauguré en 1967 (photos 41 et 42) et la fontaine d'Amanda Havis (photo 48) dont la nudité et la séduction ont choqué en 1908. Elle a fini par devenir le symbole de la ville. Mais est-ce qu'une telle statue ne déclencherait pas, aujourd'hui, un courroux encore plus grand ? Le "male gaze", on en entendrait parler. 

J'évoque les lynx dans le titre de mon post parce qu'une association pour la protection de ce charmant félin en Finlande m'a gratifiée, en remerciement, d'un magnifique petit lynx (en peluche bien sûr).

En Finlande, j'ai lu trois livres remarquables :

- "Pierrette" d'Honoré de Balzac. Un petit livre de Balzac qui contient toutes ses préoccupations: le rapport sordide à l'argent, la situation de la domesticité, "l'ambiance" dans les villes de province avec le conflit entre les républicains et les monarchistes.

- "Après nous le déluge" de Peter Sloterdijk. Je le trouve parfois un peu verbeux. Mais le grand philosophe allemand a aussi une qualité d'écriture remarquable. Il est en outre éminemment sympathique et grand connaisseur de la France.

- "La renarde" de Dubravka Ugresic. Elle est décédée très récemment. Cette grande écrivaine croate eût mérité le Prix Nobel.