samedi 1 avril 2023

La Haine des Femmes


Un récent documentaire de la télévision vient de me remémorer le personnage de Guy Georges, un tueur en série qui opérait à Paris dans les années 80-90. Il a violemment agressé une vingtaine de femmes, il opérait au couteau (7 sont décédées). Il est aujourd'hui éligible à une libération conditionnelle.


Dans le choix de ses victimes, Guy Georges avait des critères précis de sélection: de jeunes Parisiennes élégantes, blanches et généralement blondes. C'était ce fantasme caricatural, sinistrement banal, qui alimentait ses envies de meurtre.


Au "palmarès" des tueurs en série parisiens, Guy Georges avait été précédé par Thierry Paulin dans les années 80. Lui, sa spécialité, c'étaient les femmes âgées à Paris. Sa violence était inimaginable: il contraignait certaines à boire des détergents (de la soude caustique) et les étouffait lentement dans un sac en plastique. Il a avoué le meurtre de 21 femmes. Il est mort du Sida (en 1989), peu de temps après son arrestation (1987), avant de pouvoir être jugé. Claire Denis lui a consacré un film troublant: "J'ai pas sommeil" (1994).


On vient également d'apprendre le décès à 72 ans, en novembre dernier, du "Japonais cannibale", Isseï Sagawa. Etudiant à Paris en 1981, il avait tué, d'une balle de carabine, une jeune Néerlandaise qu'il avait attirée dans sa chambre. Il avait ensuite prélevé, en prenant des photographies, plusieurs kilos de sa chair qu'il avait consommés, crus ou cuits, pendant plusieurs jours. Il avait déjà tenté d'assassiner une jeune allemande à Tokyo. Il était d'une constitution physique très frêle (1 m 50, 35 kilos) et vivait dans le fantasme torturant de la femme occidentale. Les experts psychiatres ayant conclu à son irresponsabilité pénale, il a pu regagner le Japon à l'issue d'une année d'internement psychiatrique. Là-bas, il a pu mener une vie presque normale (le non-lieu prononcé en France interdisant un nouveau jugement) et, même, conquérir une petite célébrité.


On peut enfin mentionner le cas du tueur toulousain, Patrice Alègre, dont le "palmarès", dans les années 90, s'établit aux meurtres sauvages d'au moins 6 femmes. 


Pourquoi est-ce que je parle de ces macabres faits divers ? D'abord parce que c'est au détour des années 80-90 qu'a émergé, dans les sociétés occidentales, cette figure du tueur occidental. Et il faut bien dire qu'on s'est mis à considérer ces tueurs avec une morbide fascination. On sait, par exemple, que, dans sa prison, Guy Georges entretiendrait de nombreuses correspondances et relations avec des jeunes femmes. Plus significativement, on a, tout à coup, été submergés de romans policiers et de fumeuses analyses psychiatriques consacrés au "tueurs en série". 


Ca a même donné naissance au métier étrange de "profiler". Et faut-il encore rappeler que l'écrivain américain Bret Easton Ellis (généralement porté aux nues mais au quel je suis personnellement indifférente) a conquis, en 1992, une célébrité internationale avec son livre "American psycho" consacré à un tueur en série pourtant peu crédible (le cliché, tellement dans l'air du temps, d'un jeune Golden Boy de Wall Street, froid et psychotique; mais, dans la réalité vraie, on ne connaît aucun tueur en série relevant de cette catégorie sociale) ?


Que penser d'abord de sociétés qui font du tueur en série une véritable figure mythologique, presque un héros de notre temps ?


Pourquoi pas ? Mais le plus dérangeant, c'est qu'on retient tous la figure du tueur, on en connaît tous, plus ou moins, la biographie (l'enfance dévastée dépourvue d'affection, le chômage, la drogue, la prostitution, la petite délinquance). Mais les victimes, elles, on s'en désintéresse complétement: on les a effacées, oubliées, plus personne ne connaît leurs noms. De l'angoisse et de la souffrance atroce qu'elles ont pu vivre, personne ne dira, ne saura, jamais rien.


Mais je dirais que les tueurs en série nous enseignent malgré tout quelque chose de profond concernant la psychologie humaine, de ses refoulements inavoués, de ses obsessions dissimulées. On s'attache généralement à retracer leur parcours, tous les "traumatismes" explicatifs de leur vie et de ses accidents. Mais j'oserais dire que la psychologie, on s'en fiche un peu en l'occurrence. Tout simplement parce que les actes des tueurs en série obéissent, le plus souvent, à un mécanisme univoque: celui d'une irrépressible haine des femmes.


Cela semble limpide: 95 % des tueurs en série sont des hommes (les rares "tueuses" n'ont pas de motifs sexuels mais économiques ou de querelle). Et la plupart des tueurs en série s'attaquent prioritairement, voire exclusivement, à des femmes.


Et la haine des femmes, c'est très banal... C'est banal parce que l'hostilité est de règle entre les sexes, qu'il n'y a que guerre et conflits entre eux. Certes, on raconte aujourd'hui qu'on peut parvenir à se comprendre et à établir des rapports de parfaite égalité. Voire même abolir toute frontière entre le masculin et le féminin. 


Je demeure sceptique parce qu'il y a tout de même bien une relation "apeurée" entre l'homme et la femme. Une peur, un effroi, qui poussent à la violence. Cela découle de cette opacité essentielle entre les sexes que rien ne pourra jamais lever. La femme est bien un "continent noir" pour l'homme et Freud, lui-même, avait déclaré avoir échoué à comprendre "ce que voulait une femme". Du côté des femmes, les hommes, quant à eux, sont beaucoup plus prévisibles. On les "voit venir", il est plus facile de les circonscrire. Et surtout, pour une femme, les hommes ne sont pas attirants par leur seule apparence physique.


Au total, de l'autre sexe, de quelque côté que l'on soit, il y a une part irréductible qui nous échappera toujours. C'est inquiétant, perturbant et c'est justement pour contenir, circonscrire, cette étrangeté de l'autre que s'établissent des rapports de sujétion, domination. D'entente, d'harmonie complète, il n'y aura jamais.


Pour nombre d'hommes, il y a quelque chose d'insupportable, d'intolérable, chez les femmes. C'est le pouvoir, la puissance, qu'elles peuvent exercer instantanément, en dépit de leur rang inférieur, par leur seule présence physique. Sur ce point, les expériences d'un homme et d'une femme sont radicalement différentes. Il suffit de se promener dans une rue pour comprendre cela. Une jolie femme rencontre immédiatement des dizaines de regards qui la détaillent. Pour un homme, en revanche, je crois que c'est à peu près zéro; son apparence ne suffit pas à assurer sa séduction. Il est à peu près physiquement transparent.


Ca explique que, d'une manière générale, les femmes déclenchent une hostilité profonde, jamais avouée bien sûr. C'est étroitement lié à ce privilège de leur apparence et de leur séduction immédiate. Mais la beauté de la femme est souvent vécue, comme une insulte, une blessure. Un scandale profondément inégalitaire qui rabaisse les autres, les pauvres types, au rang de minables. Ca donne alors des envies de meurtre. Le tueur en série ne fait donc qu'exprimer, en la portant à sa tension maximale, l'hostilité essentielle, primitive,  de l'homme envers la femme. On vient d'introduire, dans la langue française, ce mot nouveau de "féminicide". On en abuse souvent parce que les motifs d'un crime sont multiples et complexes. Néanmoins, on assassine bien, parfois, des êtres humains simplement parce qu'elles sont des femmes.


Mais sans aller jusqu'au meurtre, il y a bien sûr les simples "violences" quotidiennes faites aux femmes; elles vont jusqu'à s'exprimer dans de petites remarques dépréciatives, dévalorisantes. Pourquoi l'insulte la plus banale, dans toutes les langues, est-elle "putain" ? Sans doute parce que l'on pense que cette vénalité et cette disponibilité en toute indifférence de la prostituée correspondent à la sexualité de la femme. Que c'est dans la frénésie consommatrice qu'elle trouverait son vrai plaisir.


C'est ce qui explique qu'une femme est toujours sur ses gardes. Initialement, c'est exaltant et pas du tout désagréable de se sentir regardée. Ca conforte même dans son assurance; on se dit qu'on va pouvoir conquérir le monde puisqu'en un claquement de doigts, on peut avoir tous les hommes, même ses professeurs, même les plus riches. La sexualité apparaît comme un instrument de pouvoir. Et on s'engage alors dans de multiples aventures. 


Mais on commence rapidement à éprouver des doutes parce qu'on se dit qu'on n'est faites que pour le désir. On se rend compte qu'on fait simplement l'objet d'une prédation visuelle, qu'on est prisonnières d'une cage, enfermées dans une relation spéculaire, "un reflet" dans un œil d'homme. On se punit alors en adoptant des conduites à risques: en se donnant à des inconnus ou des mauvais garçons, en buvant trop, en fumant trop, en entrant dans une certaine marginalité.


La relation sexuelle, affective, est finalement très angoissante, presque terrifiante. On a vite fait de se perdre là-dedans. Comment s'en sortir ? Je n'ai et ne veux pas donner de recettes. Personnellement, je suis devenue Carmilla. Mais je viens de découvrir avec grand intérêt le livre et les propos d'Ovidie, une icône-intello du début du siècle, étudiante en philosophie qui a débuté, par désir de provocation et d'émancipation, dans le cinéma pornographique. Elle a aujourd'hui une deuxième vie, étrangement détournée de toute vie sexuelle. Sortir carrément de la sexualité, du moins provisoirement, à une époque où on ne cesse de proclamer le plaisir, la jouissance, c'est peut-être consternant, regrettable, mais ça interroge, n'est-ce pas ?

Images de Tiziano VECELLIO (dit Le Titien: "Tarquin et Lucrèce"), Jakub SCHIKANEDER, Leon MAXIME-FAIVRE (" L'assassinat de la Princesse de Lamballe"), Franz Von STUCK, Bo BARTLETT, George GROSZ ("Le tueur de femmes"), Rudolf SCHLICHTER, Otto DIX, Félix VALLOTON, Walter SICKERT, John STEZAKER, Hugo SIMBERG, René MAGRITTE, Jacques MONORY (pour qui la peinture est le lieu du Crime).

Un post personnel qui ne rencontrera peut-être guère d'adhésion. Mais c'est tout de même bien ainsi que je vois les choses. Je ne crois pas à l'harmonie possible du masculin et du féminin et encore moins à la possibilité de "choisir" l'un ou l'autre genre. Mais le conflit, c'est, probablement, ce qui fait le piment de la vie. 

Ma sélection féministe :

D'abord deux livres récents de serial-killers :

- Yûsuke KISHI: "La leçon du Mal". Un grand succès au Japon. Un charmant professeur, inspirant une confiance absolue en faisant étalage d'altruisme et d'engagement social, se révèle un tueur.

- Danya KUKAFKA: "Une exécution". Un thriller américain impressionnant. Il est novateur car il donne la parole aux victimes. Un livre féministe donc qui renverse, utilement, les perspectives.

- OVIDIE: "La chair est triste, hélas". C'est plutôt décevant sur un plan littéraire. Mais c'est le questionnement qui est intéressant.

- Laura POGGIOLI : "Trois sœurs". Un très bon bouquin que j'ai déjà évoqué mais qui, je crois, est trop passé inaperçu en France. Il n'évoque pas seulement les violences domestiques en Russie mais il fait aussi de justes comparaisons, pas forcément avantageuses, avec la France (dans l'espace public, les femmes sont mieux traitées, beaucoup moins harcelées, dans un pays slave. Je le confirme). Et puis, c'est aussi une réflexion plus générale sur les difficultés à trouver son positionnement quand on est une jeune femme.

- Nancy HUSTON: "Reine du réel - Lettre à Grisélidis Réal" et "Reflets dans un œil d'homme". Je suis une fan absolue de Nancy Huston. J'adore tous ses bouquins. Curieusement, elle n'est pas unanimement appréciée des féministes en France. Son livre "Reflets dans un œil d'homme" a, notamment, souvent été étrillé.

10 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Épuisante violence!

Mais le conflit, c'est, probablement, ce qui fait le piment de la vie. 

Devons-nous ajouter, que les russes manquaient de piments de la vie pour se lancer dans un conflit avec l’Ukraine?

Peut-on avancer que ce qui vaut pour un homme solitaire, vaut aussi pour toute une armée et tout son peuple?

Il y a de quoi vous dégoûter de n’importe quel conflit pour le restant de vos jours. Fuir toute séduction pour se mettre à l’abri. Vous êtes en train de donner raison à Ovidie?

C’est une violence qui se justifie mal, elle est et demeure épuisante. Ce n’est pas parce que tu vois un iceberg que tu dois foncer dessus. Nous connaissons tous des gens qui existent seulement pour le conflit. Sans conflit, ils n’ont pas d’existence. Le champion est à Moscou.

Ici au Canada comme au Québec, on vient de passer un sale hiver et ce n’est pas à cause des conditions météorologiques. Voilà deux semaines un type avec sa camionnette a foncé sur des passants innocents à Amqui. Résultat trois morts et six blessés La semaine dernières une policière a été tuée en devoir, alors qu’elle répondait à un appel d’urgence, son partenaire de mission a été blessé. Deux policiers ont été tués en Alberta alors qu’ils répondaient eux aussi à un appel d’urgence. Je trouve que ça fait beaucoup, sans oublier les huit corps qu’on a finit pas extraire d’un édifice vétuste dans le vieux Montréal, ce qui est une autre genre de violence, parce que la location était prohibé pour ce genre d’édifice, l’exploitation aussi est un genre de violence, et ajoutons à cette triste liste, les huit corps de réfugiés clandestins qui tentaient de passer su Canada aux USA illégalement dans la réserve de Akwesasne, dont deux enfants âgée de un ans et deux ans qui se sont noyés dans le fleuve Saint-Laurent? Comment peut-on qualifier toute cette violence? Pourquoi faut-il que toute cette souffrance existe? Non, rien ne la justifie!

Notre meilleure pays au monde ne serait que foutaise.

L’horreur mur à mur!

Le cas Asseï Sagawa devient intéressant, le meurtre puis l’anthropophagie. Pour finalement être reconnu inapte à son procès et après retourner dans son pays après une année en institution psychiatrique, sans jamais être inquiété et mourir sans doute doucement dans son lit. Ce qui est intéressant dans son cas c’est qu’il ne semble pas avoir commis d’autres meurtres par la suite.

Et pourtant, il n’existe que deux solutions à cette violence épuisante. La fuite, ou bien le combat. Tous les animaux sur terre, incluant les hommes, en font parti, tous le savent, du fond de leurs tripes!

Bonne fin de nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je crois qu'on en a tous fait un jour l'expérience dans sa vie: même ceux que l'on croyait nos meilleurs amis se révèlent tout à coup entretenir une étrange hostilité à notre encontre. Ou bien dans les relations de travail, au sein d'une entreprise: on ne sait pas qui vous aime ou vous déteste.

Avant d'atteindre l'âge adulte, on a tendance à croire que tout le monde nous aime. Plus tard, le traumatisme c'est de découvrir que ce n'est pas le cas, que c'est beaucoup plus compliqué que ça. Je crois que toutes les relations humaines reposent sur des sentiments mêlés d'amour et de haine.

C'est particulièrement vrai dans la relation amoureuse. Que l'on se mette à prêter à quelqu'un d'éminentes qualités, c'est bien sûr commencer à l'aimer mais c'est en même temps commencer à le haïr car cette personne nous fait éprouver notre infériorité. C'est encore plus vrai pour les femmes séduisantes: on se met à leur en vouloir de leur beauté, on cherche tout de suite à les déprécier.


Je ne crois pas que ma vision des relations humaines soit noire ou pessimiste. Il y a bien des pulsions hostiles et agressives en chacun de nous. On a du mal à supporter les qualités d'un autre parce que c'est une blessure pour notre propre identité.

Les relations humaines et sociales, c'est un jeu continuellement cruel soigneusement dissimulé sous de convenables apparences. Là-dessus, Proust et Freud ont écrit des pages décisives.

Ce conflit continuel, ça peut devenir épuisant, on peut, un jour, en avoir complétement marre, aspirer à un peu de calme. C'est, sans doute, ce qui a motivé la conduite d'Ovidie. Personnellement, j'essaie d'être toujours "neutre", très calme, au risque d'énerver parce qu'indéchiffrable.

Quant au Japonais cannibale, il n'a effectivement pas commis d'autre crime. Mais, d'une certaine manière, il a tiré un grand profit de son crime. Il a acquis une petite célébrité dans le monde et particulièrement au Japon où on l'a considéré avec une certaine bienveillance. Il a du en retirer une certaine fierté narcissique et on peut dire que, pour lui, le crime a payé. La vie n'est pas toujours morale: quelqu'un a-t-il jamais évoqué cette étudiante hollandaise qu'il a assassinée ?

Quant aux Russes, je crois qu'il suffit de se reporter aux biographies absolument effrayantes de leurs tsars (presque tous des personnages du Marquis de Sade) pour comprendre à quel point leur histoire a été façonnée par une violence extrême.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

La haine je sais très bien ce que c’est. Dans certaines entreprises, c’était facile de savoir qui me détestait, j’étais détesté de tous.

De là mon adage : Vaut mieux être bien détesté, que mal aimé. Tu es parfaitement sûr et surtout de la profonde et honnête haine de ceux qui te détestent. Le jour où tu prends conscience de cet état, la liberté cogne à ta porte. C’est une opportunité rêvée. Tu peux passer à autre chose. Une nouvelle part du monde s’ouvre à toi. Ta raison critique prend le dessus. Tu as franchi une étape dans le réalisme. Il appert, que quelques variantes s’offrent à toi. On en connaît une présentement sous nos yeux, le parano de Moscou, qui ne manque pas de se plaindre que tout le monde le déteste. C’est loin d’être la seule voie qui s’offre à ceux qui vivent cette expérience. Oui, on peut devenir violent, mais à mes yeux cela demeure du gaspille d’énergie. Haïr, c’est perdre son temps. C’est épuisant. Comment jouer ce jeu, d’amour-haine, sans s’épuiser? À mes yeux cela n’a pas de sens, c’est aussi absurde que la guerre. Cela tient du paradoxe. Tu aimes, ou bien, tu déteste. Ça le mérite d’être clair. On ne peut pas aimer une glace au chocolat recouverte d’une couche de moutarde. Alors pourquoi se vautrer dans la violence? Vladimir, fais ton sac, et va au lac Baïkal pêcher sur la glace, ça vaudra mieux que te plaindre. Il y a tellement d’autres choix qui s’offrent à nous, et ces choix, sont souvent des révélations. Nous n’avions pas à envisager la vie ainsi. Nous oublions souvent cette autre facette du devenir, je me souviens que nous avions touché ce sujet, lorsque j’ai évoqué ma lecture : Penser le mal. Il faut découvrir ce qui est essentielle à nos vies. La solitude n’est pas mauvaise. L’indépendance offre beaucoup d’opportunités. De nos manques nous pouvons les transformer en forces. C’est comme un plat que vous aimez, puis, pour une raison ou une autre pendant six mois vous n’en mangez pas. Lorsque ce plat revient devant vous pour vous faire saliver, vous prenez conscience, que ce manque, ce n’était rien. Ce qui est étrange, c’est lorsqu’une personne dit : je ne pourrais pas m’en passer. Puis soudain c’est la privation, alors on s’aperçoit que ce n’était pas si important que cela. Qui sait, je suis peut-être au-dessus de ma condition? Je me suis peut-être trop éloigné du monde? L’exemple d’Ovidie à chapitre est très révélateur. Elle est passée à autre chose dans sa vie. Et, ce qu’elle pense n’est pas dénué de sens. Bien au contraire. La vie est beaucoup plus vaste que nous l’imaginons. Pourtant, nous avons tendance à la réduire, à nous satisfaire de moins, mais pourquoi devrions-nous nous satisfaire de moins? Le sentiment d’exister est puissant chez l’humain et il nous faudrait nous complaire dans les disputes stériles pour éprouver des sentiments futiles. Laissons les humains vivre leur liberté à part entière, cela leur appartient, souffrir n’est pas une obligation, surtout pas dans les relations humaines. Éviter les conflits, c’est économiser de l’énergie. Ceci est une vision tout à fait personnelle que je n’impose à personne. Je n’ai aucune attitude pour la pédagogie. Que se soit pour une personne, pour un peuple, pour y pays, imposer une vision c’est très délicat. Pour le dire autrement, n’engage personne dans une direction qui le rebute. N’impose point! Je sais que j’ai une tendance à la domination, mais je me soigne, je puis reculer ma chaise de la table lorsque que je suis rassasié, c’est au moins une chose que j’aurai appris au cours de ma vie.
Bonne fin de nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Aujourd'hui, la tendance et l'idéologie générales, c'est d'agir en sorte que tout le monde nous aime. On essaie de se montrer sympathique, avenant, à l'écoute, surtout pas autoritaire. Les personnalités politiques de l'Ouest empruntent cette même voie, maternante, compatissante: il faut épouser l'"opinion" du peuple qui aurait forcément raison.

Mais à trop vouloir se faire aimer, on se fait vite d'autant plus détester. A l'école, on méprise souvent les profs gentils mais on respecte les "peaux de vache". Ou bien, parmi les hommes politiques, on vénère maintenant, en France, De Gaulle (qui était pourtant hautain) et on considère Hollande comme une "chiffe molle" qui n'arrivait pas à s'imposer.

C'est vraiment la fameuse dialectique du désir (du désir de reconnaissance) décrite par Hegel, avec un renversement continuel des positions du maître et de l'esclave.

On n'éprouve en fait jamais de sentiment "pur": l'amour et la haine y sont toujours étroitement mêlés mais avec une prépondérance, toujours changeante, de l'une ou l'autre inclination.

J'ai donc peine à croire que tout le monde, dans vos entreprises, vous détestait.

Quant à Poutine, il est évident qu'il essaie de jouer le rôle du Maître. Mais il est clair qu'il n'est ni Napoléon, ni Churchill. Ni l'un ni l'autre ne pensaient d'ailleurs qu'on les détestait.

Il est vrai, enfin, que ces conflits perpétuels qui gangrènent les relations humaines sont épuisants. Mais pour s'en sortir, il n'y a de recette qu'individuelle. Il faut peut-être d'abord éviter de porter quelqu'un au pinacle ou de le traîner d'emblée dans la boue. Ca évite bien des illusions/désillusions.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Lu sur le site Radio-Canada hier en fin de journée :

« 184 femmes tuées au Canada en 2022, un augmentation de 20% par rapport à 2019! »

Un meurtre, c’est toujours un meurtre de trop.

Chez-vous en France combien de femmes sont assassinées par année?

Ici, on ne compte que les meurtres, mais il ne faudrait surtout pas oublier toutes les autres violences.

Dire que tous les migrants désirent venir au Canada!

Je crois que nous avons nous canadiens une réputation surfaite.


Effectivement, on me détestait pour une multitude de raisons, ce qui n’était pas mon problème, mais le problème de ceux qui me détestaient.

Je disais souvent au cours de ma carrière d’aviateur, que j’étais plus proche de la porte que du patron.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

En France, les données 2021 indiquent un nombre de crimes inférieur à 1 000.

Dans ce total, les femmes victimes de violences à l'intérieur du couple sont au nombre de 122 et les hommes (il ne faut pas les oublier) au nombre de 22.

En apparence et relativement aux populations des deux pays, la criminalité est beaucoup plus importante au Canada.

Mais attention ! il y a énormément de biais dans la comptabilisation de ces chiffres.

Surtout, il s'agit, il faut le reconnaître, de chiffres très faibles. Par rapport à cela, une progression de 20% n'a pas grande signification. Quoiqu'en disent les médias, toujours prompts à effrayer, le crime est heureusement devenu rare dans les sociétés développées.

Je ne crois donc pas qu'on risque vraiment sa peau en choisissant de s'installer au Canada.

Ce qui ne veut pas dire que la violence a été éradiquée. Elle s'exprime simplement de manière beaucoup plus feutrée: dissimulée et sophistiquée (les réseaux sociaux par exemple). On essaie de détruire l'autre non plus par des actes mais par des paroles. C'est sans doute préférable mais ça peut être très déstabilisant. Il y a des suicides de personnes harcelées sur Internet et cela, c'est très grave et ça n'est pas comptabilisé parmi les crimes. Pourtant, les suicides sont souvent des "crimes parfaits".

On vit une époque de "violence des échanges en milieu tempéré".

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

« On vit une époque de "violence des échanges en milieu tempéré ».

Comme c’est bien dit! Je vais la noter dans mon carnet.

Le Canada, c’est immense, et c’est un avantage notable, ce qui te donne un avantage par rapport aux possibilités de rencontrer la violence. La majorité des meurtres sont perpétrés dans les grandes villes. Montréal, Toronto, Vancouver, sans oublier la plus violente, Winnipeg, tu as plus de chance de croiser la violence en ville, que si tu es en train de patauger dans les méandres de la rivière de Stoke, où dans les grandes plaines de l’ouest entre Gravelbourg et Medicine Hat. Personnellement, je me sens en sécurité partout. Tout au long de mes longs parcours, je n’ai jamais senti une quelconque violence autour de moi. Mais, nous pouvons toujours déboucher au mauvais endroit au mauvais moment. Reste que la violence dans les villes a rudement augmentée au cours du dernier quart de siècle. Toronto en est sans doute le meilleure exemple. Beaucoup de femmes se sont achetées des voitures pour ne pas prendre les transports en communs.

Tant qu’aux réseaux sociaux, c’est simple, tu ne les fréquente pas, alors tu ne seras pas agressé. Ou du moins tu ne te sentiras en danger. On dirait que les gens ont oublié, qu’on pouvait se débrancher, exercer son libre-arbitre, sa liberté, s’assumer comme individus. Tu peux toujours te débrancher. C’est peut-être trop simple comme solution, mais je peux vous affirmer que cela fonctionne.

C’est étrange, je me suis promené dans plusieurs endroits dans ce monde, et je n’ai jamais éprouvé un sentiment d’insécurité, que ma vie était en danger. J’étais sans doute naïf. J’ai même traversé à pied le quartier noire à Boston. Certains américains m’ont dit après que j’avais été très chanceux. Que cette chose ne se faisait pas.

Parler de civisme aujourd’hui, cela ne se fait plus, et je vais sans doute passer pour un mauvais moralisateur, un conservateur de la pire espèce, (Ce que je ne suis pas, et je le souligne), mais le civisme c’est le vivre ensemble, cela fait parti de l’éducation il me semble. Nous avons présentement toutes sortes de débats inutiles, sur la sécurité dans les villes, sur les armes, sur la conduite automobile, sur la liberté sexuelle, et les rapports sur ces fameux réseaux. Le moindre petit problème qui nous arrive, on en réfère immédiatement aux gouvernements, comme si nous étions incapables de régler nos problèmes nous-mêmes.

Votre texte en fait de compte dépasse la violence faite aux femmes, il touche par ricochets toutes les formes de violence. Soudain nous serions tous des impuissants devant nos incapacités, nos manques, et surtout nos craintes. J’ose croire, que nous sommes mieux que cela, que nous pouvons assumer les responsabilités de nos initiatives.

Bonne fin de journée Carmilla
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Bien sûr Richard,

Il n'y a pas d'un côté des femmes pleines de douceur et de l'autre des hommes qui seraient des brutes assoiffées de sang.

La violence est également partagée par les deux sexes. Simplement, l'expression en est quelque peu différente.

L'homme privilégie la violence physique. L'immense majorité des crimes et atteintes à l'intégrité corporelle est le fait des hommes.

La femme, quant à elle, serait plutôt experte en violence psychologique.

Mais les choses sont peut-être en train de changer. D'une part, les hommes ont aujourd'hui un comportement plus policé. D'autre part, les femmes se mettent à pratiquer des activités sportives violentes (boxe, sports de compétition et de combat). Il n'est pas rare, non plus, de voir des femmes exercer dans la police ou dans l'armée. En Ukraine même, de nombreuses femmes sont sur le font et ont suivi une formation militaire. C'était inconcevable, il y a quelques décennies.

Il y a en outre une distinction importante dans l'exercice de la violence. Dans la majorité des cas, elle s'effectue pour des motifs crapuleux : vol, vengeance, élimination d'un rival, non respect d'un contrat. La violence a alors un motif intéressé.

Mais il faut bien constater également que des hommes agressent des femmes simplement parce qu'elles sont des femmes. C'est l'exercice d'une haine brute, primitive, simplement parce que l'apparence d'une femme déplaît profondément, qu'on la perçoit comme une fille facile ou une prostituée.

Et je ne crois pas qu'une femme soit porteuse de cette haine. Aucune n'a envie de tuer un homme sur sa simple apparence.

Enfin, quant à la sécurité globale, il est évident que nous vivons, quoi qu'en disent les médias, dans un monde de plus en plus sûr. L'évolution des statistiques relatives à la criminalité en témoigne.

Moi-même, je n'ai jamais vécu de situation dans les quelles je pouvais craindre pour ma vie. Néanmoins, je suis toujours méfiante et précautionneuse. Dans certains pays pauvres, les objets et l'argent que l'on a avec soi représentent plusieurs mois de revenus. C'est donc très tentant.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Est-ce que vous y avez pensé? Votre texte aurait pu porter un autre titre, comme par exemple : La haine des femmes dans une société sécuritaire. Habiter dans une société la plus sécuritaire au monde et évoquer la haine, et la violence, cela tient du paradoxe, pour ne pas dire de l’oxymore.

Est-ce qu’on parle trop de certains sujets comme la violence faite aux femmes? Pas besoin de fouiller longtemps pour finalement s’apercevoir que les médias amplifient les sujets dans une surenchère étourdissante. Ils sautent sur la haine et les catastrophes comme s’ils étaient en manque. Ce n’est jamais assez, il faut toujours qu’ils en rajoutent une couche.

Est-ce qu’en tant qu’espèce nous avons un besoin viscérale de violence? Je dirais de cette sorte de violence. Ce genre de violence qu’on retrouve dans les stades et les arénas?

Il est toujours dommage d’assister à une agression physique, encore plus lorsque c’est un homme qui agresse une femme. Pourtant, je ne puis me priver de penser, que cela plaise ou pas; si nous n’avions pas été violent dans l’évolution de notre préhistoire, est-ce qu’on serait ici pour en parler?

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

La violence physique, le crime, n'est que la petite partie émergée de l'iceberg.

Oui, on vit dans des sociétés sécuritaires, ultra protégées. Bientôt, avec les systèmes de surveillance qui permettent de suivre les déplacements, au mètre près, de chaque individu, il sera impossible de commettre le moindre mouvement suspect sans être immédiatement identifié. Le crime physique, la délinquance, pourront être immédiatement sanctionnés. En conséquence, on peut penser qu'ils seront de plus en plus rares.

Mais cela suffira-t-il à éteindre la violence, les pulsions agressives, qui sont en nous ? Probablement pas. Le crime signe l'espèce humaine, ne l'oublions pas.

La haine trouvera d'autres voies pour se déverser. La cocotte-minute ne cessera de monter en pression. Il y a bien sûr les stades sportifs et même la guerre dont la probabilité et le risque sont aujourd'hui accrus. Mais il y aussi la violence feutrée des réseaux sociaux. Certes, il faut relativiser l'importance des violences physiques (aux femmes et aux hommes). C'était sans doute pire autrefois.

Mais on sait aujourd'hui tuer avec davantage d'efficacité: avec des paroles.

Joyeuses Pâques,

Carmilla