samedi 25 mars 2023

La Finance honnie

 

Au rang des haines collectives, figure, en bonne place, celle vouée aux banquiers et à la Finance.

En France, chaque grande manifestation se conclut par la vandalisation d'une agence bancaire.


Pourtant, on sait bien qu'on ne va rien trouver dans ces agences. De l'argent concret, de l'or, des pièces, des billets, il n'y en a plus. Et bientôt même, dans un avenir très proche, on n'utilisera même plus de papier-monnaie, rien que de la monnaie électronique. L'argent est devenu immatériel, une simple forme pure et abstraite comme le disait Marx, en réalité une simple écriture comptable. Cette disparition de toute forme tactile de l'argent bouleverse largement notre relation à la dépense: on achète plus facilement parce qu'on ne voit pas fondre nos liquidités. Il n'y a plus de lingots, plus d'once d'or, tout est dans un grand ordinateur. On peut avoir le sentiment d'une immense fiction. Ca explique peut-être qu'il y aurait plus d'1 million d'interdits bancaires en France.


Mais cette abstraction de l'argent n'a à peu près rien changé à la haine entretenue envers les banquiers et le "monde de la finance": des escrocs, des voleurs. A titre anecdotique, on peut rappeler que le footballeur Eric Cantona, grande gueule emblématique, avait appelé, il n'y a pas si longtemps, à ce que l'on retire tout notre argent des banques. 

Ou bien encore, s'intéresser aux banques, à la finance, c'est considéré comme extrêmement dévalorisant. Il m'apparaît d'ailleurs significatif que les économistes aujourd'hui portés au pinacle (tendance Piketty) négligent totalement ce rouage essentiel de l'économie. 

Pour ce qui me concerne, je suis toujours très évasive sur ce que je fais. Jamais, je n'oserais, par exemple, raconter, au cours d'une soirée d'amis, que je m'intéresse aux cours de Bourse depuis presque toujours. Ce serait presque le même scandale que si je déclarais être pédophile: comment peut-on porter attention à des choses aussi triviales, aussi sales ? Quand j'évoque mon boulot, on ne manque pas de me rappeler que, selon Freud, la relation à l'argent est liée à la fonction excrémentielle. Pour schématiser, ce sont les constipés qui aiment l'argent parce qu'ils y trouvent une occasion d'affirmer leur narcissisme et leur pouvoir. Mais ça n'est justement pas du tout mon cas. Et d'ailleurs, pour gagner, il faut aussi savoir accepter de perdre.


Il y a surtout ces deux idées, dans l'opinion publique, que les banquiers se nourriraient de la misère des peuples et que le vrai pouvoir, serait entre leurs mains; les gouvernements n'en seraient que les marionnettes. On est en plein complotisme: ce seraient les banques qui dicteraient la conduite du monde. Le véritable ennemi, le responsable de nos malheurs, c'est la finance. Un ancien Président de la République a d'ailleurs été élu sur ce slogan démagogique.


Quant à l'actuel Président, on ne cesse de rappeler qu'il est un ancien banquier de Rothschild. On ne s'émeut même pas de la sombre connotation de l'insulte.


Mais la haine des banquiers, elle n'est pas seulement française. Elle est quasi universelle et, surtout, ancestrale. Les militants d'extrême-gauche qui s'en prennent, aujourd'hui, au "Grand Capital", à l'argent qui engendre l'argent, ne font que reproduire la haine et la réprobation morale vouées aux prêteurs d'argent jusqu'à la fin du Moyen-Age. L'église catholique vouait ainsi à l'Enfer tous les usuriers. Dante voit même les banquiers en compagnie des sodomites au sein des cercles de l'Enfer. Quant à Shakespeare, il présente, dans sa pièce "Le marchand de Venise", un épouvantable usurier juif qui réclame une livre de chair à son débiteur. Ça faisait évidemment frémir. Quant à l'Islam, Mahomet a, d'emblée, banni le prêt avec intérêt.


Dans ce contexte, ne se risquaient à être prêteurs que des minorités ethniques (les Juifs en Europe, les Chinois, en Asie, qui, les premiers, ont inventé le papier-monnaie) aux quelles on interdisait l'accès à d'autres métiers plus respectables. Les premiers banquiers étaient, en fait, des apatrides rejetés par les religions dominantes. C'est l'une des grandes sources de l'antisémitisme: tuer son banquier était le meilleur moyen de se débarrasser de ses dettes et ça n'avait rien de répréhensible puisqu'on ne faisait qu'exterminer des suppôts du Diable.


Cet interdit religieux sur le prêt à intérêt a ainsi considérablement pesé sur la croissance économique au Moyen-Age. Ce n'est qu'à partir du moment où l'interdit a été progressivement levé, quand les banquiers ont pu espérer accéder au Paradis, qu'on a assisté à un véritable décollage de l'Europe. On peut dater ce moment de bascule de manière précise : quand les Lombards ont inventé la comptabilité en partie double puis qu'à Florence, les Médicis ont échafaudé un premier système bancaire. Un peu plus tard, Jean Calvin, en Europe du Nord, jugeait le prêt acceptable. 


Ce fut la véritable naissance du capitalisme, une naissance favorisée par une évolution libérale des mentalités. Mais c'est aussi à partir de ce moment que s'est creusé un écart entre l'Europe et le monde islamique enfoncé dans la pauvreté car dépourvu de crédit bancaire. Et il faut bien constater que les pays pauvres aujourd'hui (notamment ceux du continent africain) sont ceux où la population n'a que faiblement accès à un réseau bancaire (le grand espoir, c'est à cet égard Internet).


Mais l'hostilité envers les banques, les financiers et l'argent d'une manière générale, n'a jamais cessé. On évoque régulièrement les affreux 1% (largement composés de financiers) qui s'accapareraient une grande part de la richesse nationale au détriment des vertueux 99%. Marx considérait lui-même les Juifs comme les promoteurs du capitalisme, une malédiction dont ils ne pourraient se libérer que par la Révolution. Quant à l'argent, c'était la forme de l'aliénation capitaliste, "la prostituée universelle, l'entremetteuse générale". Et les banques, Marx ne s'en est tout simplement pas préoccupé, n'y a prêté aucune attention. Ca explique que dans le communisme soviétique, le système bancaire était quasi inexistant. Ce qui s'est traduit par les brillants résultats économiques que l'on sait.


Et aujourd'hui même, on ne cesse de vanter les mérites des crypto-monnaies (notamment le bitcoin). Ca commence même à alimenter un courant anarcho-libertaire. Le bitcoin, ça permettrait de s'affranchir de la gestion étatique de la monnaie et de la rapacité des banques. J'y vois surtout l'ébauche d'une économie mafieuse favorisant les transactions illicites et un véritable attrape-gogo, la valeur de ces crypto-monnaies ne reposant que sur du vent.


Mais les choses sont plus compliquées que ça. Les Français, par exemple, détestent, comme tout le monde, les banquiers mais ils ne répugnent pas à leur confier leur argent. Depuis plusieurs décennies, ils comptent même parmi les plus gros épargnants au monde: bien plus que les Américains et Britanniques, autant que les Japonais ou les Allemands, juste derrière les Suédois ou les Suisses.


Et on peut même ajouter que si les Français bénéficient d'un niveau de vie qui demeure enviable, c'est justement parce qu'ils continuent d'avoir un comportement de fourmi, qu'ils thésaurisent et font des économies. Ils pourraient même être encore beaucoup plus riches si l'Etat français ne siphonnait une grande partie de leurs économies en leur fourguant la masse énorme de ses obligations destinées à financer ses déficits abyssaux. C'est un détournement, un véritable "racket", qui n'est jamais dénoncé alors qu'il est extrêmement préjudiciable. La richesse d'un pays est largement corrélée à la quantité de son épargne, ai-je souligné; mais si celle-ci est, malheureusement, utilisée pour financer des déficits publics, alors elle se perd dans des sables mouvants et stériles. Et finalement, cette équation épargne = investissement est, hélas, très mal comprise à une époque où l'on encourage plutôt à faire chauffer sa carte bancaire et où l'on ne cesse de réclamer davantage de services publics financés "quoi qu'il en coûte". 


Et d'ailleurs, les "économistes" adoubés par les médias se dépêchent de déplorer l'excès d'épargne: c'est vraiment dommage, tout ce bel argent déposé dans des Banques ! Il faudrait inciter à le dépenser bien vite pour encourager la "consommation populaire". Et les récalcitrants, ceux qui s'obstinent à entretenir un "bas de laine", il faut les taxer lourdement.


L'épargne, c'est condamnable, la consommation, ça fait marcher le commerce, c'est, partout, le grand Credo populaire.


Il n'y a pourtant pas d'idée plus pernicieuse. Tout simplement parce que la vraie croissance, le vrai développement économique, ne reposent pas sur la consommation mais sur l'investissement. Ça se comprend d'autant mieux que la plupart des biens de consommation courants sont aujourd'hui importés: les roses du Kenya, les berlines allemandes, les smartphones chinois, les téléviseurs coréens. Vider son compte en Banque pour ce type d'achats, ça n'est bien sûr pas répréhensible mais ça n'apporte à peu près rien à l'économie d'un pays. 


La croissance, ce n'est pas l'éphémère, ce qui est rapidement dilapidé. C'est le durable, le long terme: construire des routes, des voies ferrées, des hôpitaux, des lycées, des logements, des réseaux d'eau, d'électricité, de communication, financer des entreprises innovantes.
 

Et c'est par rapport à tous ces projets de long terme qu'intervient justement une banque. On peut croire à de la magie noire mais le moindre sou déposé sur votre compte bancaire n'est jamais précieusement conservé. Il est immédiatement prêté à quelqu'un d'autre: un particulier, une entreprise voire même des structures publiques: vous déposez 100  sur votre compte courant, simultanément votre banque ouvre un crédit de 80 à un tiers extérieur. L'argent, votre argent, se retrouve alors à deux endroits différents simultanément. 
 

Cet argent, celui sur votre compte, ça demeure bien le vôtre mais il appartient également, en même temps, à celui qui vient de contracter un emprunt auprès de votre banque. Et rien n'interdit à ce dernier d'aller déposer l'argent de son emprunt (qui est aussi le vôtre) dans une autre banque qui, elle aussi, peut en prêter une partie à quelqu'un d'autre et ainsi de suite. Sans que vous le sachiez, votre argent se retrouve alors dans plusieurs endroits à la fois. Vertigineux, n'est-ce pas ?
 

Ça peut vous faire frémir mais c'est bien ce miracle de la multiplication des crédits qui alimente l'essentiel de la création monétaire (bien plus que les pièces et billets ou les chèques et la monnaie électronique). C'est aussi un puissant moteur de la croissance économique: 1 euro déposé dans une banque stimule celle-ci environ 4 fois plus qu'1 euro consacré à l'achat de biens de consommation.


 Vous ne le savez donc pas mais votre argent prend tout de suite la poudre d'escampette ! Essayez toutefois de vous consoler en pensant qu'il sert aussi à financer l'acquisition par un jeune ménage d'un appartement ou à aider un petit entrepreneur en difficultés. C'est pour cette raison que les appels à boycotter les banques sont irresponsables.


Dans ce contexte, le métier de la banque, c'est un jeu d'équilibriste périlleux: entre ses fonds en dépôt et ses engagements externes : particuliers, entreprises, investissements publics, actions, placements financiers. Et il s'agit, cette fois ci, des miracles de la comptabilité et des équilibres bilantiels.


Mais il est vrai qu'il y a toujours une prise de risque et que dans des contextes de plus en plus incertains, on a vite fait de se casser la figure. Une banque peu faire faillite dès qu'une défiance s'installe (ce qui se traduit par ce que l'on appelle le "Bank Run" au cours du quel, dans une espèce de prophétie autoréalisatrice, tout le monde se précipite, en même temps, aux guichets pour retirer son argent). La faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) et les déboires du Crédit Suisse viennent de nous le rappeler. Et puis, on a tous en mémoire la grande crise financière de 2008, avec une contagion généralisée, des défaillances en chaîne et un effet domino.


Mais il faut se garder de considérer qu'on est dans la répétition de 2008. Il y a 15 ans, le système financier était submergé de créances pourries (regroupées en produits financiers à risques) issues d'une politique extrêmement accommodante de prêts-logements consentis aux classes défavorisées américaines. 


Aujourd'hui, on sort d'une grande décennie de paresse financière avec des politiques gouvernementales d'argent gratuit. Jamais, on n'a fait fonctionner, à un tel régime et avec autant d'irresponsabilité, la "pompe à Phynances" du Père Ubu. Les grands dirigeants se sont comportés en pompiers pyromanes en rendant l'argent gratuit. Prêter et épargner n'avaient quasiment plus aucun sens dans ce contexte. On pouvait même tout faire et parfois..., n'importe quoi: acheter n'importe quoi à n'importe quel prix. Mais pour l'essentiel, les liquidités qui ont afflué dans les banques ont été placées en obligations du Trésor. Et ces fichues obligations, elles se sont évidemment dépréciées avec la remontée des taux d'intérêt rendue nécessaire par la résurgence de l'inflation. D'où des déficits potentiels importants pour les banques.


C'est maintenant la fin des réjouissances procurées par l'argent magique. Il y aura évidemment de la casse, dans l'immobilier, dans les start-up notamment. Avec des taux qui passent de 0% à 4%, c'est inévitable. Mais c'est peut-être aussi un retour salutaire au principe de réalité, à un fonctionnement plus sain de l'économie.


Images de Jan Provoost, Massysm Quentin, Jan Van Eyck, Giorgio Vasari, Ludwig Von Langenmantel (Savonarole), Honoré Daumier, Gustave Doré, Vermeer, Jan Massijs, Salomon Koninck, Quentin Metsys, Marinus Van Reymersvale, Paraskeva Clark, Alain Rolland ("L'intrique ou le banquier").

Un post que j'ai longuement hésité à publier. Que l'on pourra juger ridicule ou prétentieux. Mais tant pis ! Toutes ces élucubrations, que j'ai quand même essayé de rendre claires, ça fait aussi partie de ma vie quotidienne, c'est aussi un peu moi. Je ne cacherai pas non plus que j'ai un point de vue "orienté" en économie. Mais est-ce qu'on n'aborde pas toutes les choses de la vie selon une perspective ?

Lectures: 

- Honoré de Balzac: toute son œuvre est traversée par cette question de l'argent, lancinante au 19ème siècle. On pourra lire notamment "La maison Nucingen", "Melmoth réconcilié" et bien sûr "Gobseck" (portrait terrible de l'avare et de l'usurier).

- Emile Zola: "L'argent". Un bouquin que j'ai lu il n'y a pas si longtemps et qui m'a étonnée: Zola s'est parfaitement documenté sur les marchés financiers et les mécanismes de la Bourse pour écrire ce livre. Il n'écrit jamais de bêtises sur ces sujets. Les rares romanciers qui se risquent aujourd'hui à parler de la finance sont beaucoup plus désinvoltes mais sombrent généralement dans la caricature.

- Jacob Goldstein : "La véritable histoire de la monnaie - De l'âge de bronze à l'ère numérique". La monnaie comme histoire fabuleuse, la fiction la plus remarquable de l'histoire de l'humanité".

- Jean-Marc Daniel: "Il était une fois l'argent magique" et "Vivement le libéralisme". Un anti-Piketty assumé, clair et percutant.

- Jacques Delarosière: "En finir avec l'illusion financière".

Ces deux derniers auteurs sont des "libéraux", bien loin donc des idées dominantes aujourd'hui. Mais c'est aussi comme ça que je me définirais.

19 commentaires:

Julie a dit…

Bonjour Carmilla,
Vous êtes chez vous ici, pourquoi hésiter à traiter tel ou tel sujet ?
Personnellement, j'aime ma banque :) Elle a permis sur quelques décennies de nous constituer un petit lot immobilier qui nous permet aujourd'hui de vivre décemment. Bien que parfois c'est compliqué, certains personnes parfaitement solvables ont du mal de s'acquitter de leurs loyers.
Quant à Monsieur Cantona, cela n'a pas empêché son épouse de faire la publicité pour une grande Banque.
Pour conclure, j'apprécie globalement les banques, mais pas du tout les radins.
Merci pour ce billet écrit dans le chaos actuel.
Bon courage Carmilla, je vous embrasse fort.
Julie

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Julie,

Oui, l'intérêt d'un blog est que l'on a toute liberté d'opinion et de choix des sujets traités.

Il faut quand même essayer de ne pas être trop ennuyeux et de ne pas chercher à étaler son savoir. Mais c'est difficile et je sais que j'ai du mal à être "légère" dans mon expression.

Mais disons que je n'aime pas les idées reçues. Parler des banques, ça peut paraître évidemment provocateur dans le contexte actuel mais je trouve regrettable qu'on ne sache généralement pas quelle est leur utilité. La France a la chance de disposer de quelques banques puissantes (parmi les plus importantes au monde) et on perçoit mal à quel point elles jouent un rôle dans la richesse du pays. Plus de banques et c'est l'effondrement économique garanti en peu de temps. Ca signifie en effet un Etat qui n'arrive plus à payer ses fonctionnaires, presque plus de construction de logements et multiples faillites d'entreprises.

Ce sont des évidences mais que l'on se dépêche d'oublier. Les choses sont toutefois plus complexes. Si les français proclament souvent leur haine de la Finance, les enquêtes effectuées montrent qu'ils sont, malgré tout, généralement satisfaits de leur banquier.

Merci pour vos encouragements, Julie, mais j'ai quand même l'impression de devenir parfois "pesante". Ou d'apparaître réactionnaire, voire conformiste, ce qui ne me semble vraiment pas être mon cas.

Avec toute ma sympathie,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

L’argent, c’est plus excitant que la politique et le sexe. Du moins, c’est ce que je constate lorsque j’en discute avec mon conseillé financier. C’est tellement excitant, que les gouvernements sont obligés de s’en mêler. Qui garantit l’argent des déposants? Se sont les gouvernements avec leurs réglementations, auxquels Carmilla, vous devez une fois de tant à autre vous frotter. Qui sauvent les institutions bancaires lorsqu’elles sont sur le point de sombrer? Encore une fois, se sont les gouvernements. Et, c’est qui les gouvernements? Et bien, c’est nous autres les épargnants et les emprunteurs! Pour faire un raccourci somptueux, les épargnants dans cette manière de faire, se prêtent à eux-mêmes. Les banques agissent comme des leviers et leur principal outil c’est l’argent. Le seul principe qui prévaut au niveau de toutes ces manœuvres, c’est la confiance. Cet argent qu’on déplace comme vous le mentionnez si bien, sur le fond, c’est une question de confiance. Sans confiance, pas d’emprunt, pas de financement, et pas d’économie. Tout le monde, sans exception, s’abrite sous le même parapluie : la confiance. Cela va du patron d’entreprise, aux petits épargnants, en passant par les institutions religieuses, sans oublier les parrains du crime organisé, même le raisin qui abouti sur votre table c’est de la confiance. Alors l’argent délaisse son espace comptable, pour devenir une question philosophique de confiance. Delà, à la recouvrir d’une couche respectabilité, il n’y a qu’un coup de pinceau. Ne dit-on pas : qu’on ne prête bien qu’aux riches! Autrement dit, si tu possèdes des grosses garanties devant ton prêteur, tu n’auras pas besoin de négocier longtemps pour avoir ton prêt. Nous en connaissons tous des personnes qui ont vécu ainsi pendant toute leur vie, en empruntant et en refinançant, pour finalement découvrir qu’après leur mort, que même la paille qu’ils avaient sous eux, ne leur appartenaient pas. Ils avaient vécu sur le bord de la faillite pendant toute leur existence. J’aime bien ces genres d’histoires. Si tu as les nerfs assez solides, pourquoi pas? Je vous fais remarquer qu’on parle beaucoup plus d’argent que de politique et de sexe. C’est que l’argent s’est transformé au cours des âges en déité. Nous l’adorons pour le pouvoir qu’elle procure lorsque nous la transformons en respectabilité. Les religions l’on transformé en débat, en la maudissant dans un premier temps, puis en la tolérant sur une certaine période, pour finalement, l’accepter, parce que ces religions avaient compris que c’était un outil incontournable. Les protestants avaient très bien compris l’affaire. Les catholiques n’ont pas eu d’autre choix que de suivre la parade. L’argent, dans un certain sens venait de parler, et lorsque l’argent parle elle parle fort. Elle prend beaucoup de place, requière beaucoup d’énergie, de diligence, et de prudence. Ce qui fait, que l’univers de la finance exige une société apaisée, confiante dans ses institutions politiques et sociales, en retour, elle se doit de tenir son rang entre le politique, et autres institutions humaines. En somme elle fait parti d’un tout, ce qui des fois lui échappe comme cela vient de se produire au USA. Il appert, que les institutions bancaires américaines sont moins réglementées que les banques françaises ou canadiennes. Mais cela demeure un choix politique. Les américains depuis qu’ils sont devenus un pays détestent les réglementations. D’autre part, ils doivent vivre avec leurs fautes pour ne pas dire leurs péchés, mais ils sont assez religieux pour cela, c’est même gravé sur leur monnaie!

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Comment ne pas faire le lien avec ma dernière lecture sur le sujet du jour : l’argent? Dans : au commencement était...Une nouvelle histoire de l’humanité par Graeber et Wengrow, où on évoque la manière dont nous sommes parvenus à aujourd’hui. Il est question dans ce livre d’évolution, et qui passe cette question fondamentale : Pourquoi sommes-nous devenus ce que nous sommes? Pourquoi nous avons inventé l’agriculture? Pourquoi nous nous sommes unis pour former des tribus qui allaient se transformer en société? Pourquoi nous avons fini par construire des villes? Pourquoi on a inventé les dieux? Toutes ces questions au travers d’un immense récit qui débute pas très loin de chez moi, chez les amérindiens entre autre les sociétés Mandats et Iroquoises, comparé aux Européens qui venaient d’arriver. Deux manière de concevoir le monde qui allaient s’opposer. Mais, ces auteurs n’aillaient pas en restés là. Ce n’était qu’une entrée en la matière. En fin de compte, ils vont s’enfoncer 10,000 ans avant l’arrivé des blancs. Pour se positionner après la fin de la dernière ère glacière. Qui était ces humains qui vivaient de cueillettes et de chasses, qui ne savaient ni lire, ni écrire, qui ne bâtissaient pas de maisons ou de temple, qui étaient loin de penser qu’un jour leurs descendants inventeraient l’argent, la guerre, la politique, l’esclavage, la religion, l’agriculture et bien autres choses. C’est ce parcours fabuleux auquel nous invite les deux auteurs. C’est une immense réflexion non seulement sur ce que nous sommes devenus, mais aussi ce que nous sommes et ce que nous allons devenir. Je ne me cache pas que c’est une lecture exigeante, qui exige de l’attention, parce que passer d’une civilisation à une autre, pour y revenir en chassé-croisé nous pousse à une gymnastique mentale assez étourdissante. C’est ainsi que par la voie de l’archéologie, nous nous promenons en Europe, dans cette époque qui n’avait aucune idée du futur Empire Romain, pas plus que de la société Grec. Même mieux, je pense que cela devrait vous intéressez, les auteurs se sont intéressés à ce qui allait devenir l’Ukraine. C’est dans le chapitre 8 intitulé Cités imaginaires, Comment les premiers citadins d’Eurasie (Mésopotamie, Indus, Ukraine, Chine) ont bâti des villes sans roi. Et tout cela s’est passé pendant des milliers d’années avant notre ère. Pourquoi ces peuples ont pris des décisions qui allaient avoir des conséquences sur notre futur? Dans cette ouvrage, on pose beaucoup de questions existentielles. Pourquoi certains de ces peuples sur des périodes relativement courtes ont disparu? Alors que d’autres peuplements étaient en croissance? Comment s’est installé l’agriculture sur une duré de 3 millénaires? Ce ne fut pas l’affaire de quelques saisons, ce fut un long processus d’essais, d’erreurs, dans un mélange entre les chasseurs-cueilleurs et les agriculteurs, ce qui était loin d’être délimité. Comme le paradoxe de la connaissance, ou pourquoi nous nous sommes comportés en humains dès l’instant où nous le sommes devenus? Ou encore, qui connaît Kandiaronk , philosophe et chef politique Wendat? Et une vraie question : Pourquoi la vraie question n’est pas:( Quelles sont les origines de l’inégalité?, mais : Comment se fait-il que nous soyons retrouvés bloquées? Nous pourrions nous demander pourquoi présentement, nous sommes incapables d’imaginer un nouveau concept social? Ou encore, si on n’avait pas inventé la monnaie, qu’est-ce que nous aurions pu inventer? C’est une lecture qui en vaut la peine, parce qu’elle nous expulse de notre zone de confort, remet en question bien des idées toutes faites, en un mot, c’est une lecture déstabilisante, que j’ai mis une semaine à lire pendant qu’on faisait brûler des poubelle à Paris.
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Très sincèrement, je ne crois pas que l'argent m'intéresse en tant que tel. Je n'ai pas de fascination pour l'or, pour la possession en tant que telle. Surtout, je ne crois pas que l'argent engendre l'argent. C'est l'illusion de ceux qui achètent du bitcoin ou des produits financiers opaques.

Ce qui m'intéresse, en réalité, ce sont les montages financiers: comment on peut réaliser un projet (une entreprise, un investissement important, des fusions-acquisitions) à partir de ressources limitées. Comment, à partir de 100, on peut acquérir un bien qui vaut 1 000 ou une affaire qui générera 20 chaque année.

Ce sont ces effets de levier qui permettent de développer une économie (bien plus que la simple consommation). Tout est affaire de calculs et de prévisions. Bien sûr, il y a de nombreux aléas et il ne faut pas "se planter". C'est un continuel jeu d'équilibriste et on a souvent des sueurs froides mais quand on réussit, c'est gratifiant.

Y a-t-il un lien avec le sexe là-dedans, j'ai du mal à vous répondre. Il est vrai que maîtriser de chiffres, savoir jongler avec eux, donne un sentiment, sans doute un peu bête, de puissance. Il y a, là-dedans, un côté démiurgique qui peut être dangereux. Et il est vrai que les gens qui travaillent dans la finance ont généralement un côté transgressif qui s'étend même à leur vie privée. On peut en venir à faire n'importe quoi. On peut ainsi se casser la figure et plus dure est alors la chute.

Je vous remercie pour vos remarques concernant le livre de Graeber et Wengrow. Je l'ai encore longuement feuilleté à la Fnac. Mais j'avoue que j'ai un peu de mal à m'y retrouver dans ce déluge. Surtout, leur approche du siècle des Lumières et du concept d'égalité m'apparaît surprenante et contestable. Mais mon analyse est vraiment trop superficielle.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Pour certains, jongler avec l’argent des autres, peut chez un financier, déclencher un sentiment de puissance. Je l’ai constaté à plusieurs reprises au cours de mon existence. En fait, ils font de la politique d’une autre manière. Ils deviennent tellement puissant qu’ils ne sont plus imputables. Il faudrait peut-être le demander à la personne qui vient de perdre son emploi suite à une fusion.

Mais, je ne pense pas qu’un financier se serait livré à l’exercice auquel Élisabeth Borne s’est livrée devant l’Assemblée Nationale. Nous avons assisté à une véritable pièce d’anthologie, un moment historique, à la manifestation d’un courage hors de l’ordinaire.

Nous avons une expression au Québec pour ce genre de prestation.

« Il fallait avoir un front de bœuf, pour affronter cette assemblée. »

Qui plus est, je ne l’avais jamais entendu parler, je ne la connaissais pas, je savais qu’elle était Premier Ministre, mais pas plus que ça. C’est vrai que c’est une personne d’une grande discrétion. Dès que je l’ai vu se diriger vers la tribune, je me suis dit : Ça va barder. Elle n’avait pas l’air du condamné qui s’en va à l’abattoir.

Malgré l’atmosphère anarchique, elle ne s’est pas privée. Elle a regardé tout le monde et n’a épargné personne. Quel regard perçant! C’était net, froid, et sec, pas de fioriture. Peu importe la droite ou la gauche, elle les a tous varlopés après les avoir déculotté. On sentait chez elle, la colère, mais c’était une rage maîtrisée. Envers et contre tous, elle a prouvé qu’elle était capable d’affronter la tempête. Et, elle l’a affronté. J’ai constaté que c’était une personne courageuse et qui avait des convictions.

Le lendemain, elle s’en est ouverte à des journalistes. Elle a dit une chose fondamentale, lorsqu’une personne parle dans un lieu de débat, la simple politesse exige qu’on écoute. C’est un manque de respect flagrant envers l’institution. Peu importe les propos, même si cela ne fait pas notre affaire. Les députés se sont comportés comme des grossiers personnages.

Elle n’a pas eu peur. Elle a engagé la responsabilité de son gouvernement. Elle a mis sa tête sur la bûche. Elle est demeurée droite dans ses bottes. J’avoue que j’ai de l’admiration pour ce genre de personne.

Après, bien quoi après? Shakespeare et Molière peuvent aller se rhabiller!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

J'ai d'abord oublié de vous répondre concernant la relation de confiance que l'on devait avoir avec son banquier. Elle est effectivement essentielle. Elle ne suffit cependant pas quand se propage une rumeur sur les difficultés supposées d'une banque. Vous pouvez aujourd'hui vider intégralement votre compte en quelques clics sur votre smartphone, vous n'avez même plus besoin de vous présenter à un guichet. Il est également devenu très facile de pratiquer le banque switch (le changement de banque). Les choses peuvent donc aller très vite et la propagation d'une rumeur peut aboutir, en quelques heures et de façon parfaitement irrationnelle, à la faillite d'établissements au départ tout à fait sains et solvables. C'est un grand risque.

Oui, il est facile de devenir mégalomane quand on travaille dans la finance. Parce qu'on se croit porteurs d'un savoir que les autres n'ont pas; parce que l'on pense être les seuls à comprendre les mécanismes de l'économie. Et puis, il y a le stress, les aléas qui peuvent vous rendre "dingues". Quand ça va bien, c'est parfait, mais quand il y a des ennuis, des difficultés (ce qui est tout de même fréquent), je vous assure qu'il faut des nerfs d'acier.

Quant à Elisabeth Borne, elle est une femme que j'apprécie: carrée, claire, précise, absolument pas démagogue. Sa biographie est intéressante: son père était un Juif polonais déporté à Auschwitz. Il est devenu dirigeant d'un laboratoire pharmaceutique mais s'est suicidé en 1972 (alors que sa fille n'avait que 11 ans). Marquée par ce drame, Elisabeth Borne n'est donc pas une technocrate sans âme. Elle était socialiste avant de rejoindre Macron.

Les séances de l'Assemblée Nationale sont devenues, en effet, un grand bazar, avec un chahut permanent de l'opposition, des invectives, des cris et des insultes. Il n'y a plus d'échange constructif.

Je ne porterai pas de jugement mais je ferai simplement remarquer que lorsque l'on tolère une pareille violence de la part de députés de l'Assemblée Nationale, il ne faut pas s'étonner d'une violence encore plus grande dans les rues, à l'occasion des manifestations.

Mais je constate que vous êtes bien au courant de l'actualité politique française. Je pense que les Québécois en savent mille fois plus sur la France que les Français sur les Québécois.

Bien cordialement,

Carmilla

Richard a dit…

Merci Carmilla

En lisant et relisant votre premier paragraphe, je me suis souvenu immédiatement d’un bout de texte :

« Qu’est-ce au juste qu’une rumeur? L’illusion d’un secret collectif. Elle est une toilette publique que tout le monde utilise, mais dont chacun croît être le seul à connaître l’emplacement. Il n’y a aucun secret au coeur de la rumeur; il n’y a que des hommes qui seraient malheureux s’ils ne pensaient pas en détenir un, ou détenir une vérité rare dont ils auraient le privilège.
Je ne cois pas au secret partagé. Une fois dit, un fois coulé dans une phrase, une confession, un récit, un secret n’en est plus un. Tout langage le viole. Toute mise en parole est déjà une élucidation de son coeur primordial et obscur, une souillure du silence qui en est la seule vraie condition d’existence. »
Mohamed Mbougar Sarr
De purs hommes
Page 152-153 dans le Livres de poches

La rumeur peut avoir raison de la confiance. C’est si facile aujourd’hui, tu pèses sur une touche après avoir respiré la rumeur. Et voilà que ton argent prend le chemin d’une nouvelle institution. Oui, on va vite, mais plus on va vite, plus il est difficile d’éviter les erreurs. C’est la raison principale qui m’a fait débuter mon texte sur la confiance. Aujourd’hui, à qui, pouvons-nous avoir confiance? Pas seulement pour la finance, mais aussi pour la politique et encore plus pour nos relations personnelles.

Lorsqu’on vote, c’est notre confiance que l’on met sur la table. Je pense qu’on pourrait avoir une bonne discussion avec madame Borne au sujet de la confiance. Je suis sûr que cette femme-là pourrait nous en dire long, entre quatre yeux, elle pourrait nous surprendre. J’ignorais que son père avait été prisonnier à Auschwitz, et en plus qu’il s’était suicidé. Je remarque que plusieurs anciens pensionnaires des ces camps se sont suicidés, et cela, longtemps après leur libération. En autre Primo Levi. Tant qu’à madame Borne, elle se sera reconstruit une confiance, du moins c’est qu’elle laisse paraître.

Vous avez parfaitement raison, la violence s’est installée dans nos institutions, et maintenant elle glisse dans le public, dans des foules hagardes, qui semblent avoir perdu leur confiance personnelle.

Tant qu’à la politique, je n’ai aucun mérite. J’ai été élevé dans un milieu politique, on parlait politique, et pas seulement de politique canadienne. L’Histoire et la géographie c’était très important chez nous, mais aussi des humains, de leurs manières de penser, de concevoir, de comprendre et de s’exprimer, et cela autant pour le Québec que la France, sans oublier l’Angleterre, les USA, et en plus je dois vous remercier parce que vous m’avez ouvert bien des portes au niveau de l’Europe Centrale.

Merci Carmilla!
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Si je voulais suivre de près l'actualité politique du Québec, j'aurais les plus grandes difficultés depuis la France. Ce ne serait sûrement pas à partir des informations télévisées. La course à l'audience fait qu'elles n'abordent pratiquement pas de sujets internationaux. La mondialisation n'a curieusement pas apporté d'élargissement de l'information.

Quant à moi, je ne connais pas trop mal en effet l'Europe Centrale. C'est normal. Mais quant à la France, j'ai toujours l'impression d'y être un peu extérieure. Il y a des choses que je ne comprends pas.

On vit en effet un "temps des rumeurs". C'est aussi l'apogée du complotisme, avec ses grands "manipulateurs" désignés (principalement les USA), ses haines et sa violence. Les analyses sommaires l'emportent. Ca n'augure rien de bon pour la démocratie.

Quant à la France actuellement, j'ai le sentiment d'un grand théâtre où chacun adopte une posture totalement figée. Ce qui est sûr, c'est que le dialogue est impossible. Le plus inquiétant peut-être, c'est que l'opposition essaie de diffuser cette idée que l'on vit maintenant sous une dictature. Aussi caricaturale soit-elle, une pareille analyse autorise alors tout, en particulier l'exercice de la violence.

Je ne suis donc pas sûre qu'Elizabeth Borne ait retrouvé confiance.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Je ne suis donc pas sûre qu'Elizabeth Borne ait retrouvé confiance.

Vraiment?

Les personnes qui ont vécu de grandes épreuves parviennent souvent à se refaire une confiance.

Je pense que madame Borne est de cette nature.

Du moins je l’espère et je lui souhaite.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

J'éprouve toujours un certain respect pour les personnalités politiques.

L'opinion publique a tendance à considérer qu'ils se prélassent tranquillement dans le luxe.

Ce que j'en sais, c'est que la vie d'un élu ou d'un responsable public est un véritable enfer. Il faut renoncer à toute vie personnelle parce qu'on n'a plus une minute à soi. Le stress est, en outre, permanent car on est continuellement sollicité sur tout et n'importe quoi. Et puis on est haï, trainé dans la boue. Certes, on est également très entouré et flatté mais on se rend vite compte que c'est complétement artificiel. Quant à la rémunération, je ne sais pas ce qu'il en est au Canada, mais, en France, c'est franchement médiocre en regard de la disponibilité exigée.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

René Lévesque s’est déjà ouvert sur ce sujet de la vie politique, il avait qualifié le tout de (job) de fou, de tues monde. C’était un homme très simple, mais très réaliste et directe. Et, je présume parce qu’il est décédé tôt dans sa vie, que sa mort en grande partie aura été provoquée par son haut niveau de stress.

Ce qui m’amène à une belle découverte que je suis en train de lire :

« Monde d’hier, monde de demain.
Un voyage à travers l’empire des Habsbourg et l’Union européenne.

Est-ce que vous connaissez Caroline de Gruyter?

Un beau livre de réflexions politiques et humaines.

J’ai particulièrement apprécié :

« Au XXIe siècle, nous nous faisons croire à nous-mêmes que nous nous débrouillons mieux. Que nous sommes civilisés et éclairés. Nous pensons avoir tiré des leçons du passé. Pourvue que se soit vrai. À présent que de nombreux politiciens plaident pour la restauration des frontières et la dissolution de l’Union européenne, c’est la première fois que l’occasion se présente, après une longue période de tranquillité, de prouver notre progrès moral. »
Monde d’hier, monde de demain
Page 149

Comme vous pouvez le constater, je n’en sors pas, je suis toujours dans la politique.

Ce paragraphe que je viens de citer est et demeure à réfléchir en ces temps troubles!

Pouvez-vous me dire combien totalisait de kilomètres carrés à l’apogée de l’empire des Habsbourg?

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Caroline de Gruyter, bien sûr que je connais. Je l'ai d'ailleurs évoquée dans un très récent post en janvier dernier ("Tribulations européennes"). C'est un livre inspirant surtout en France où l'on connaît très mal l'Autriche-Hongrie.

C'était pourtant un pays extraordinaire par son cosmopolitisme et son multilinguisme. On pouvait se rendre par le train, en une journée, de Trieste (aujourd'hui italienne) à ma ville de Lviv. C'est ensuite devenu complétement impossible. Je crois qu'il y avait un peu plus de 50 millions d'habitants pour près de 700 000 km².

Et puis, l'Autriche-Hongrie est un pays qui, au début du 20 ème siècle, produisait, comme des petits pains, des génies littéraires, artistiques et scientifiques. La modernité, elle était là-bas.

On comprend vraiment mal que François-Joseph ait déclenché, pour un motif absurde, la 1ère Guerre Mondiale. Il savait en outre que l'armée autrichienne n'était pas à la hauteur. On a d'ailleurs oublié qu'il s'en est fallu de peu qu'au tout début de la guerre, l'armée russe ne prenne Vienne. Il y a eu alors un mouvement de panique en Autriche.

On comprend mal aussi qu'après la guerre, on ait totalement démembré l'Autriche-Hongrie en l'émiettant en de multiples petits pays qui, au départ, n'étaient pas viables économiquement.

Mais il est vrai que l'Autriche-Hongrie a été une Europe avant l'heure. Probablement même en mieux parce qu'on ne peut pas dire que le multilinguisme et la connaissance des autres pays ait beaucoup progressé dans l'Europe actuelle. On continue de largement s'ignorer.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Oui, je sais, vous aviez mentionné cet ouvrage, mais à l’époque je l’avais déjà commandé. Finalement, il est arrivé voilà deux jours. Ma question, c’était : Est-ce que vous la connaissez comme journaliste? Est-ce qu’elle a écrit d’autres bouquins? D’après ses propos, elle semble très ouverte sur l’Europe et le monde. Sous certain aspect, j’ai aimé sa méthode de comparer, l’Union Européenne à l’empire Austro-hongrois. Parallèle très intelligent!

C’était peut-être un pays très moderne au tournant du dernier siècle, doté d’une richesse intellectuelle étonnante autant en science qu’en art. C’était un empire qui fonctionnait.

Mais, il y a eu cet accident regrettable et pas seulement pour l’Autriche, mais pour toute l’Europe. C’est difficile d’expliquer les causes de l’enchaînement des événements. Pourquoi, François-Ferdinand a effectué ce voyage à Sarajevo? Voyage très mal organisé d’après ce qu’on peut lire.

D’autre part, François-Joseph aurait plié devant son haut commandement de l’armée impériale, sous prétexte d’aller chercher le meurtrier et de donner une raclé aux serbes. Il semblerait que François-Joseph rechignait devant tout cela. Ses généraux le traitaient de chique-molle.

C’est étrange. C’était un empire pour être heureux, mais toujours poursuivit par le malheur. Des fois, tu as tout pour être heureux et cela ne fonctionne pas. Que cela nous serve de leçon dans nos vies personnelles.

Pour la suite du monde, nous oublions souvent que cette histoire de découpage, était l’application du Traité de Versailles, qui ne fut pas une chef-d’œuvre de diplomatie.

Ce livre a été écrit avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, et nous retrouvons des propos sur Poutine qui sont prémonitoires. Quelques personnes le voyaient venir. Mais, comme les gens en 1914, par un si bel été, personne n’y croyait. La guerre de 1914 était aussi absurde que la guerre en Ukraine. Vous avez raison Carmilla, la situation présente ressemble à cette époque qui précède 1914.

Hier, je suis allé faire mon ravitaillement, je ne pouvais m’empêcher d’observer tous ces gens devant les étalages débordant de fruits, de légumes et de viande, et j’ai pensé : Quelle insouciance! Ces étagères pourraient être vides. Les portent seraient inutiles puisqu’ils y auraient des trous dans les murs.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Non, je ne connaissais pas auparavant Caroline de Gruyter. Elle est Belge mais écrit en flamand. Elle a écrit d'autres livres mais non traduits en français.

Son tour de force dans ce dernier livre est de parvenir à rendre intéressantes, voire passionnantes, des choses qui peuvent être perçues austères, voire ennuyeuses. C'est l'écueil des livres trop érudits.

L'ancien Empire d'Autriche-Hongrie a complétement disparu de la conscience européenne et c'est peut-être dommage. Il n'était pas si archaïque, poussiéreux et réactionnaire qu'on le présente. Il parvenait tout de même à faire cohabiter de multiples nationalités qui ne se querellaient pas trop et se retrouvaient dans un même art de vivre (ça n'est pas du tout le cas dans l'Europe actuelle). Il subsiste tout de même une architecture des villes.

Dans ma ville de Lviv, ont également subsisté de multiples et magnifiques cafés (ce qui n'existe pas en Russie). Et puis, on y a le goût du chocolat et du café (la boisson) qui étaient quasi inconnus, ou infâmes, dans l'ancienne Union Soviétique (j'ai personnellement toujours détesté le thé, symbole de la société soviétique). Une anecdote: l'ancien Président de l'Ukraine, Porochenko, a fait fortune dans le chocolat.

Quant au déclenchement de la 1ère guerre, c'est effectivement incompréhensible. L'assassinat de Sarajevo ne justifiait pas, à lui seul, une déclaration de guerre d'autant que le gouvernement serbe ne semblait pas y être directement impliqué.

Tout s'est enchaîné très rapidement, comme une mécanique devenue folle. Personne ne s'attendait à cela. C'est toute la face du monde qui a ensuite été bouleversée avec un effondrement de l'Europe. Et je pense qu'on ne s'en est toujours pas remis, qu'on continue d'en subir, aujourd'hui, les conséquences.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Si un autre ouvrage de madame Gruyter était traduit en français faites-moi en part. Cette femme a piqué ma curiosité.

Pourquoi des ouvrages historiques et géo-politiques devraient être austères et rebutants? Au contraire, se sont des ouvrages passionnants. Je pense que l’érudition a encore sa place dans nos sociétés superficielles. Pourquoi il faudrait toujours se contenter de médiocrité? Au contraire essayons de comprendre ce qui se passe sous nos yeux. Impérativement la dictature de la facilité devrait prendre toute la place?

J’ai aimé le regard qu’elle pose sur l’Union européenne, surtout lorsqu’elle a évoqué les subventions agricoles, qui intéressent vivement la Pologne et la Hongrie. Ces deux pays ne sont pas toujours dans les normes de l’Union. Pourtant, dans la situation présente, la Pologne appuie l’Ukraine et la Hongrie a des tendances vers Moscou. Ce qui souligne bien des difficultés pour l’Union.

J’aime bien l’expression : (un certain art de vivre). Le petit moment qu’on attend, la gâterie de la fin de semaine, le premier thé ou café du matin, œufs sur le plat au bacon, ou bien le verre de scotch et un gros cigare après une dure journée, le livre qu’on attendait plus, manger en extérieur en sachant qu’on à tout son temps, oui un certain art de prendre son temps comme avant d’entrer dans une salle de spectacle ou de cinéma. L’Europe avait développé cet art de vivre, cette touche tout à fait particulière d’une sensibilité de célébrer la vie que nous n’avons jamais développé en Amérique, et que sans doute nous ne développerons jamais.

Je peux comprendre votre aversion pour le thé, mais c’est quand même une grande boisson, dont les chinois et les anglais sont très friands, sans oublier les amérindiens qui l’on adopté. Facile à transporter et à préparer. Personnellement thé ou café, cela dépend des matins, des fois, l’un suit l’autre.

Oui, tout s’est enchaîné rapidement. Je dirais le genre d’accident ou de facteur qui bouleverse tout sur son passage. Je l’ai évoqué souvent au cours de la dernière année, ce pas de trop dans une mauvaise direction qui nous surprend tous, qui nous entraîne dans la fatalité. C’est exactement ce qui s’est produit pour la première Guerre mondiale.

Merci Carmilla et bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il y a tout de même des livres plus ou moins attrayants. Sur l'Union Européenne, un "professeur" risque de nous faire périr tout de suite d'ennui. Le talent de Caroline de Gruyter, c'est de nous faire percevoir, de manière très concrète, les enjeux et problématiques de l'Europe.

Sur les subventions, c'est vrai que ce qui est attribué à un pays "revient" rapidement aux autres sous forme de commandes et achats.

Plus problématique est peut-être aujourd'hui la constitution de nouveaux blocs au sein de l'Union. La prédominance de l'Allemagne et de la France est de plus en plus contestée. Ses dirigeants commencent à lasser, exaspérer. Un bloc de l'Est, avec la Pologne et les Etats Baltes, est en train de se former. En fait, les différents pays européens continuent de se connaître très mal les uns les autres.

Concernant l'Art de vivre, dois-je comprendre qu'il n'y aurait pas de cafés au Canada ?

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!
Au sens que vous l’entendez, il n’y a pas ce genre de cafés que vous avez en France et dans d’autres pays européens.

Un café pour vous autres, c’est plus qu’un établissement qui sert des repas, des boissons, mais c’est aussi un lieu conviviale, c’est l’endroit où l’on se réfugie, où l’on fait des rencontres, où l’on discute, lit, flâne, et c’est typique de la France. Quoi que vous l’avez évoqué que plusieurs de ces établissements ont disparu au cours des dernières années. Peut-être que sociologiquement vous êtes devenus plus individualistes, moins porté aux rencontres, et la crise sanitaire n’a pas aidé pour cela.

Ici, vous pouvez trouver des café dans les grandes villes, Montréal, Québec, Sherbrooke, quoi qu’ils ne sont pas nombreux, mais dès que vous quittez la ville, c’est terminé, bien des villages et petites villes n’ont même pas d’hôtel, ni restaurant. Ces genres de commerces ont été durement touché au cours de la pandémie. Plusieurs ont fermé définitivement leurs portes, ou bien, on fait carrément faillite.

Je sais que pour un européen et encore plus pour un français, lorsqu’ils viennent ici en voyage et c’est encore plus marquant lorsqu’ils viennent s’établir, leurs cafés leur manque.

Je ne suis pas comme le dise si bien les québécois : un « sorteux ». Parcourir 40 kilomètres pour aller boire un café avec une pâtisserie insipide, pour moi cela demeure de la perte de temps. Plus j’avance dans le temps, moins j’ai d’affinité avec les villes. Et puis, il y a l’autre facteur, la concentration des populations en Europe. Facteur qui permet de maintenir ces commerces en fonction. Ici vous sortez de la ville et quelques minutes plus tard, vous roulez en plein bois! Et vous allez rouler longtemps. Un thermos de café ou de thé fera l’affaire pour accompagner quelques brioches ou biscuits. Pour les relations sociales, on repassera! Ce n’est pas dans un restaurant rapide les long des autoroutes que vous allez faire des rencontres intéressantes. On n’habite pas le Québec ou le Canada comme on habite un quartier de Paris ou de Vienne.

Ici c’est l’Amérique, terre d’efficacité, aux vastes espaces, nous n’avons rien à voir avec la promiscuité. Reste qu’on a quelques restaurants où l’on cuisine ce qu’on présente comme plat. Ailleurs, la nourriture arrive en boîte ne reste plus qu’à déballer et mettre au four, puis à servir. J’ai cessé, et cela bien avant la crise sanitaire, d’aller au restaurant. Comme dans tous ces genres de commerces, pour ne pas augmenter les prix, alors on a diminué la quantité dans les assiettes. Personnellement, si tu n’en met pas dans mon assiette, tu risques de ne plus me revoir. Mais, j’ai toujours cuisiné tout au long de ma vie, alors cela ne me pose aucun problème. Je me débrouille avec un chaudron. Tant qu’à savoir si n’importe qui pourrait manger de mon ragoût, ça c’est une autre paire de manches. Autrement dit dans la restauration, je n’ai aucun avenir!

Bonne fin de journée Carmilla.
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Oui, je comprends bien cela. Je connais un peu les Etats-Unis et il n'y a pas non plus d'établissements assimilables à des cafés ou restaurants. Et je comprends bien que la faible densité de population rend économiquement inenvisageable l'exploitation d'un café ou d'un restaurant.

Ceci dit, le café est une institution pas seulement française mais européenne. On en trouve dans tous les pays (sauf en Russie mais ça n'est pas l'Europe). On peut noter également que l'essor des cafés est assez récent (depuis le début du 19 ème siècle), lié en fait à la démocratisation des sociétés et à l'avènement d'une grande classe salariée.

Il y en a quand même de moins en moins, paraît-il, en France. C'est d'abord un problème de rentabilité mais c'est aussi la disponibilité totale qui est réclamée : 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il n'y a plus beaucoup de volontaires pour une telle charge de travail aujourd'hui. Pourtant, c'est un métier dont la dimension relationnelle peut être passionnante.

Je ne suis pas non plus fanatique des restaurants mais pour d'autres raisons. Je n'aime que les choses simples: un poisson, une viande, un légume. Mais la cuisine française est trop sophistiquée pour moi; c'est un mélange tellement compliqué d'ingrédients que je ne sais plus ce que je mange, j'ai l'impression de perdre le goût authentique du produit initial. Mais c'est sans doute parce que je ne connais pas grand chose à la cuisine.

Bien à vous,

Carmilla