samedi 4 mars 2023

Comment devient-on un dictateur

 

En janvier 1913, Joseph Staline se trouvait à Vienne (l'un des très rares voyages à l'étranger qu'il ait effectués). Il lui arrivait de se promener dans le magnifique parc, tout proche, de Schönbrunn. Il est possible, probable, qu'il ait alors croisé un jeune homme désœuvré et d'aspect pitoyable, Adolf Hitler. Ce dernier avait alors 23 ans tandis que Staline en avait 11 de plus. Leur point commun était qu'ils étaient tous les deux des ratés et qu'ils n'avaient encore à peu près rien fait de leur vie. Quelques décennies plus tard, un autre "grand raté" allait aussi se révéler, contre toute attente, au monde: Vladimir Poutine.


Les "grands monstres", on ne cesse de s'interroger sur leur parcours, de cerner les grands "déterminants" de leur enfance-adolescence expliquant leurs crimes. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on n'arrive à rien de vraiment convaincant tant leur existence est sinistrement banale. D'explication psychologique définitive, il n'y en a pas. Rien que des interrogations.


On peut quand même déceler, me semble-t-il, quelques ressemblances et analogies dans les trajectoires et comportements de ces trois "extrémistes" du pouvoir. 

Concernant leur enfance d'abord, tous trois avaient des pères, plutôt  alcooliques, qui aimaient dispenser des coups à leur progéniture et à leur épouse et qui ne s'intéressaient guère à l'éducation de leurs enfants. On peut aller jusqu'à dire que Staline et Hitler ont été ensuite portés par la haine de leur père.


Deux pères étaient, cependant, honorables. Celui d'Hitler, tout d'abord, fonctionnaire méritant et ambitieux des douanes autrichiennes. Une énigme s'attache toutefois à lui: ses origines biologiques sont incertaines. Qui était vraiment son père ? Cela a-t-il pu troubler le jeune Hitler ? A ce sujet, de multiples théories, plus ou moins farfelues, ont été développées (allant jusqu'à affirmer que le père d'Hitler était d'ascendance juive et que l'antisémitisme forcené du fils était donc une manière d'effacer son père).


Le père de Poutine était, lui, un ardent communiste, soldat de l'Armée Rouge, gravement blessé dans la défense de Leningrad. Un personnage sombre et taciturne dont les conversations portaient surtout sur ses exploits et l'héroïsme de toute la nation russe.  


Le père de Staline était, lui, une vraie brute. Un cordonnier itinérant, violent et alcoolique qui prenait plaisir à se quereller et à battre sauvagement son entourage. Il fut tué dans une bagarre vers 1910 (alors que son fils avait donc près de 30 ans). 


Quant aux mères, on peut dire qu'il y avait deux grandes timorées et une femme énergique.

La mère de Hitler, d'abord. On sait que son fils a toujours exprimé sa vénération envers elle. Mais elle n'avait rien d'une femme forte, elle était entièrement soumise aux diktats de son époux, elle ne pouvait servir de modèle. Sa passivité faisait qu'elle se désintéressait, en fait, du monde extérieur et probablement, également, de son fils pour le quel elle n'éprouvait pas, en réalité, de véritable affection. Une femme triste, à la vie triste, morte prématurément (47 ans) d'un cancer.


Quant à la mère de Poutine, on peut dire qu'elle était une femme modeste lourdement psycho-traumatisée, ultra craintive et anxieuse. Ca s'explique d'abord par la mort, en bas âge, de ses deux premiers fils. Ensuite parce qu'elle a traversé, pendant, plus de 2 années le siège de Leningrad et qu'elle a, alors, failli mourir de faim et d'épuisement. C'est à l'âge de 41 ans qu'elle a donné naissance à son troisième et dernier fils, Vladimir. Mais avec un passé à ce point incommunicable, comment établir un lien authentique avec son fils, cet unique survivant ?


La mère de Staline, bien que très modeste (simple lessiveuse), s'est, en revanche, révélée une femme forte. Elle a mis à la porte le père de Staline et, surtout, elle a eu le souci de l'éducation de son fils. Très pieuse, portée à la spiritualité et la fréquentation des Popes, elle s'est démenée pour que son fils entre au séminaire de Tiflis.


Voilà l'essentiel de ce que l'on peut dire de l'enfance de nos futurs dictateurs. On peut ajouter que leur cadre de vie était à peu près sinistre, voire lugubre. La Géorgie de la fin du 19ème siècle de Staline, on peut imaginer que c'était très primitif. Quant au Léningrad de Poutine, c'était la misère soviétique dans un appartement communautaire surpeuplé et dans une ville en ruines. Seul Hitler a bénéficié d'un environnement matériel pas trop désagréable, à l'abri du besoin, dans de petites villes autrichiennes.


Quand est venu le temps de leur scolarité, on peut dire que les parcours respectifs de nos trois énergumènes n'ont guère été brillants, allant du lamentable au médiocre.


Le plus cancre a été incontestablement Hitler. Mais peut-être moins en raison d'une intelligence bornée, que d'un esprit velléitaire et paresseux. Un "glandeur" absolu, dirait-on aujourd'hui. Incapable d'effort et d'investissement dans une quelconque discipline. Même la langue allemande, il l'écrivait avec des fautes surprenantes.  Un laisser-aller complet. Toute sa vie, il a traîné ça mais devenu adulte, il essayait de le dissimuler sous le masque d'une agitation permanente. 


A l'issue du Gymnasium de Linz (abandonné sans diplôme à la fin de la 3ème et où il a côtoyé, par un de ces hasards étranges de la vie, Ludwig Wittgenstein, un des grands génies du 20ème siècle), il avait des prétentions artistiques d'abord pour la musique (mais ça demandait trop de travail et de persévérance), ensuite pour la peinture. Mais il avait, tout au plus, le talent d'un peintre de la Place du Tertre à Montmartre. Il est ainsi passé complétement à côté des grands bouleversements artistiques qui agitaient Vienne à cette époque (Klimt, Schiele, Kokoschka, Die Brücke, le Blaue Reiter). 


Il a préféré, après avoir dilapidé son maigre héritage paternel, errer lamentablement dans les rues de Vienne pendant près de 6 longues années, vivant simplement d'une ou deux aquarelles quotidiennes des grands monuments viennois. Sa seule qualité (mais en était-ce une ?) : il n'a jamais été un rebelle dans sa jeunesse, n'a jamais fait les 400 coups, s'est montré toujours docile, discipliné, conformiste, un jeune homme "présentant bien". Autre "qualité": il se targuait d'être un grand lecteur mais l'examen de sa bibliothèque, effectivement importante, montre qu'il ne lisait pas de grande littérature ou de philosophie mais des bouquins de "vulgarisation" destinés à conforter ses idées fumeuses.


Poutine, c'était un peu différent. Il avait du mal à s'intéresser à autre chose qu'aux jeux et aux bagarres avec ses copains. Pour fuir l'enfer de la vie en "kommunalka", il passait son temps avec des voyous de son espèce dans les cours d'immeubles. Il y a fait l'apprentissage de la violence : en dépit de son frêle gabarit, il choisissait ainsi l'"attaque" et jouait au caïd. On dit qu'il était sur le point de verser dans la délinquance. Ce qui l'en a détourné, c'est peut-être la pratique, jusqu'à un bon niveau, du judo (il est d'ailleurs le seul sportif de notre bande des 3). 


Mais dans ce contexte, il a évidemment été un élève médiocre. Il a toutefois réussi à intégrer l'Université et à effectuer de laborieuses études de Droit. Mais au final, on ne connaît aujourd'hui à Poutine aucune véritable passion intellectuelle, artistique ou littéraire (à l'exception de l'auteur de romans policiers, il est vrai remarquable, Julian Semenov). Son russe n'est pas élégant et même, souvent, vulgaire. Seul semble l'intéresser le sport et, surtout, le sport de combat.


Staline, en revanche, a, tout au long de sa vie, affiché une intelligence que l'on disait assez remarquable. Très bon écolier, il s'est ensuite montré un brillant séminariste passant son temps à lire et à étudier. Du trio, il est d'ailleurs le seul véritablement cultivé. Il disposait d'une impressionnante bibliothèque au Kremlin et avait une connaissance approfondie de la littérature européenne (française notamment). Du séminaire, il a retenu les "méthodes jésuitiques" de surveillance, espionnage, invasion de la vie privée.


Staline aurait pu devenir un excellent prêtre mais il est rapidement devenu athée et a choisi un autre Dieu, le marxisme. Il a donc été renvoyé, en 1899, du séminaire de Tiflis et devint alors un "révolutionnaire professionnel". A partir de là, il est entré dans une forme de délinquance en se livrant, pour les besoins financiers du Parti, à l'attaque et au pillage de banques en Géorgie. Staline simple braqueur de banques, cela a généralement été oublié, effacé. Il n'hésitait pas, pour cela, à faire feu et ça a été, quelquefois, sanglant. En 1907, il a ainsi réalisé un "casse du siècle" en faisant usage de bombes. Ce furent ses premiers crimes. Ca lui a coûté plusieurs relégations en Sibérie dont il s'est assez bien accommodé.


Finalement, nos trois lascars ont achevé leur scolarité avec un sentiment de frustration et d'échec. Ca explique le ressentiment et même la haine qu'ils ont ensuite entretenus envers les élites intellectuelles et artistiques. Ca a été particulièrement le cas pour Hitler, bien sûr, qui a organisé de grands autodafés des œuvres des "dégénérés" mais aussi de Staline qui a voué une haine mortelle à Trotsky, cet intellectuel élégant qui semblait être le successeur "naturel" de Lénine, et n'a eu de cesse de l'éliminer.


Il est en tout cas remarquable que jusqu'à l'âge d'à peu près 40 ans, aucun d'eux n'ait réellement travaillé. 

Certes Poutine a exercé au KGB où il a accédé au grade de colonel. Mais peut-on dire qu'il s'agit d'un véritable travail, d'autant qu'il n'exerçait que des fonctions subalternes? Sa plus grande promotion a été d'être envoyé en RDA à Dresden.  Mais espion en RDA, dans pays où une bonne partie de la population passait son temps à surveiller l'autre, c'était presque comique, ça ne devait pas être trop foulant. La véritable énigme, c'est en fait de comprendre comment cet agent subalterne du KGB, inconnu de tous, a pu, un jour, conquérir le pouvoir suprême en Russie.

Dans la relation au travail, le pire, ce fut évidemment Hitler. Il était incapable de traiter un dossier administratif et de s'y intéresser. Il ne savait que dégoiser, à l'infini, sur la grandeur de l'Allemagne. Il a rapidement mis fin à tout conseil des ministres laissant s'accumuler les affaires non résolues. C'est un aspect qui a été rarement étudié, mais sous le nazisme, l'administration allemande est rapidement devenue un foutoir inimaginable. Mais pour que le pays continue néanmoins de fonctionner, on a eu l'idée d'une nouvelle gouvernance: l'important, c'était d'agir "dans l'esprit du Führer". Ca ouvrait évidemment la voie à toutes les interprétations et exactions mais qu'importe le Droit et la Loi ! C'est à méditer à une époque où, aujourd'hui, on ne cesse de dénoncer les méfaits de l'administration et on ne parle que de déconcentration et de délégation. 


Un seul s'est finalement révélé un grand travailleur et même un bourreau de travail. Ce fut Staline par qui toutes les affaires devaient passer. La centralisation absolue ! Mais il se gardait bien, en revanche, de se confronter au terrain. 


Il faut enfin évoquer l'aspect intime de la vie de nos apprentis dictateurs: celui de la sexualité et de la relation aux femmes.

Tous les trois étaient  physiquement très moches. Hitler, pas besoin de développer, il était naturellement repoussant. Staline avait le visage grêlé par la variole, un bras gauche atrophié, était petit et d'une apparence asiatique, au teint mat. Quant à Poutine, il est vraiment tout petit pour aujourd'hui (1m 67) et d'aspect caricaturalement russe. Tous trois s'affichent, en tous cas, puritains et pudibonds et ont du rapidement se convaincre que, sur leur seule apparence, ils n'avaient absolument aucune chance auprès des filles.


Hitler est, sur cette question de la relation aux femmes, incontestablement le plus énigmatique. Dans sa jeunesse, on ne lui connaît aucune "histoire de filles". Il ne se prenait probablement que des râteaux ou plutôt n'osait-il même pas. Après, quand il a commencé à devenir connu, tout le monde s'accorde à relater sa grande courtoisie et sa déférence envers les femmes. C'est cette attitude respectueuse à leur égard qui explique sans doute la séduction qu'il a exercée sur nombre de femmes allemandes. Des "groupies" hystériques venaient assister à ses meetings. Cela, c'est l'aspect public mais, pour ce qui est du privé, c'est beaucoup plus trouble. 


Que penser d'abord de sa relation avec Magda Goebbels, une femme d'une certaine classe et éducation qui lui vouait une admiration sans bornes ?  Il l'a étrangement "déléguée" à ce nabot de Joseph Goebbels (qui ne s'est pas privé de la tromper effrontément), tout en continuant d'entretenir une relation de confident avec Magda. Que penser aussi de sa relation avec Eva Braun, soigneusement dissimulée au peuple allemand et épousée au dernier moment ? Une jeune fille un peu écervelée, une midinette, de 23 ans sa cadette (étrangement, le même écart d'âge qu'entre le père d'Hitler, Aloïs, et sa dernière épouse, Klara) . Et enfin et surtout de sa relation avec sa nièce Geli Raubal qui s'est suicidée en 1931, alors qu'elle n'avait que 23 ans, dans son appartement de Munich ? C'est un mystère macabre qui ne sera maintenant jamais élucidé (avait-il une relation incestueuse avec elle ?) mais qui n'a curieusement pas freiné l'accession de Hitler au pouvoir suprême. On sait simplement que Hitler cherchait à exercer une véritable "emprise" (comme on dit aujourd'hui) sur elle.


Quant à Poutine, il faut bien reconnaître qu'on ne connaît aujourd'hui quasiment rien de sa relation avec les femmes. Rien que des rumeurs ou des ragots tant les choses sont bétonnées. On sait seulement qu'il a le culte de la virilité et qu'il est plutôt séduit par les femmes répondant aux critères russes de la féminité (pimpantes et apprêtées). Une ancienne épouse qui était hôtesse de l'air (une profession très prestigieuse à l'époque) et, aujourd'hui, une maîtresse ancienne gymnaste: Alina Kabaeva. Et enfin deux filles d'une trentaine d'années (dont l'une vit dans cet Occident qu'il déclare détester) qui seraient de brillantes universitaires.


Le plus effrayant en la matière est, probablement, Joseph Staline. Après un premier mariage avec une femme géorgienne prématurément décédée mais dont il a eu un fils, Yakov (qu'il a laissé mourir, en 1943, dans un camp allemand de prisonniers), il a épousé Nadia Allilouïeva, une militante communiste, une femme forte qui lui tenait tête et qu'il écoutait. Elle était même la seule personne capable de lui faire peur. Elle lui hurlait dessus en lui reprochant ses insuffisances vis-à-vis d'elle-même, de ses enfants et du peuple russe tout entier. Le plus grand assassin de l'humanité allait alors se barricader dans une pièce parce qu'il tremblait devant sa femme en colère. 


On dit aujourd'hui de Nadia qu'elle était devenue maniaco-dépressive, souffrant de mille douleurs et migraines qu'elle calmait avec une dépendance aux somnifères et médicaments. Quoi qu'il en soit, elle s'est un jour suicidée, à l'âge de 31 ans, avec un petit révolver que venait de lui offrir son beau-frère. C'était tellement inattendu que tout son entourage en a été pétrifié. Pour Staline, ce fut même un drame épouvantable, il en a affiché une douleur et une culpabilité immenses. On dit même que cela a définitivement bouleversé sa personnalité et que c'est, à partir de là qu'il est devenu un dictateur sanguinaire.


Pour se consoler, Staline s'est ensuite rapproché de sa belle-famille Allilouïeva et, en particulier de Zhenia (la soeur de Nadia qui lui ressemblait beaucoup) avec la quelle il entamera une liaison. Ca marchera un certain temps jusqu'en 1938 où Staline fera assassiner tout le monde, toute sa belle-famille, par ses sbires. Edifiant, n'est-ce pas ?


Je terminerai en mentionnant quelques attitudes et comportements de nos trois grands "massacreurs":

- tous trois sont de grands hypocondriaques. Alors que ça ne les perturbe pas de commander l'exécution de milliers de personnes, ils se montrent extrêmement préoccupés de leur petite personne. Constamment suivis par un médecin plus ou moins charlatan (pour Hitler et Staline) et usant et abusant de médicaments et drogues divers et variés. Quant à Poutine, on sait qu'il est terrorisé par le Covid et on a tous en mémoire la table démesurée à l'extrémité de la quelle il a reçu Macron l'an dernier.


- Hitler et Poutine font même des efforts pour demeurer en bonne santé. On sait qu'Hitler est devenu végétarien (mais s'empiffrait de pâtisseries, ce qui était sans doute plus nocif que la viande) et ne fumait ni ne buvait. Poutine, pareillement, ne fume ni ne boit (ce qui est vraiment très rare pour un Russe) et se vante, comme tous les dirigeants du Kremlin depuis Khrouchtchev, de pratiquer la natation 1 heure par jour. Quant à Staline, il n'avait aucune hygiène de vie: grand fumeur et grand buveur, il avait l'habitude de défier ses compagnons de tablée (dont la présence était obligatoire) à de grandes soûleries: la terreur par la surenchère alcoolique.


- Hitler adorait les chiens, spécialement les bergers allemands; au point qu'il leur consacrait une bonne partie de son temps libre et qu'il  s'est suicidé avec sa femme et son chien (cette bizarrerie n'a pas été commentée par ses biographes).

- Aucun de nos trois tristes personnages n'a jamais vraiment voyagé, quitté son pays. Aucun ne parle vraiment une langue étrangère (Poutine baragouine quand même l'allemand avec un accent épouvantable).


- Enfin tous les trois ont des horaires bizarres. Ils prennent plaisir à épuiser leurs collaborateurs en leur imposant des "nocturnes interminables". Jamais couchés avant 3 heures du matin au plus tôt et, souvent même, 4 heures, 5 heures. Mais ils se permettent en revanche, quant à eux, de se lever à 11 heures, midi (quand les autres doivent bien sûr être disponibles dès le petit matin). Ces horaires, ça m'amuse presque parce que je me dis que, pour ce qui me concerne, je suis tout le contraire d'une "dictateur": je me lève à l'heure où ils se couchent. Un compagnon comme ça n'aurait guère le temps de m'embêter.


Voilà les grandes lignes de ce que j'ai pu retenir de l'éducation de nos "trois monstres". Ca ne nous avance pas beaucoup, allez-vous me dire, il n'en ressort aucune clé de compréhension. Rien qui puisse satisfaire un psychiatre, psychanalyste, en effet. Des millions de gens de par le monde ont eu une enfance malheureuse mais ne sont pas devenus, pour autant, des dictateurs.


J'avancerai quand même une explication. On a affaire à trois "monstres froids". Ils furent, certes, tous les trois traumatisés, dans leur enfance, par la violence, l'insécurité, la méfiance mais le dogmatisme politique leur a ensuite fourni un cadre d'action, une vision prométhéenne de la vie. Mais ils sont surtout des personnages attardés sur le plan émotionnel, incapables de compassion et de sentiments vrais; mais aussi d'une irascibilité effroyable, rythmée par des explosions de colère qui sont une manière de dénier la réalité. 


Refuser le réel, s'en protéger, c'est peut-être l'explication. Il m'apparaît ainsi significatif que tous les trois se gardent bien d'aller sur le terrain et s'attachent à vivre, en permanence, dans un véritable "bunker". Rappelons le : Hitler n'a jamais visité un camp de concentration; Staline n'est jamais allé dans les campagnes ukrainiennes à l'époque de la Grande Famine; quant à Poutine, on peut être sûrs qu'il ne se rendra jamais près du front, en Ukraine, pour y contempler le fruit de ses exploits militaires.


Images d'Otto DIX (1891-1969), Felix NUSSBAUM (1904-1944 à Auschwitz), Boris GRIGORIEV (1886-1939), Alfred KIRCHNER

Un record absolu de longueur pour ce post. C'est évidemment idiot et je doute que certains parviennent à me lire. Mais tant pis, c'est probablement mon côté Europe Centrale qui ressort ici. On demeure, là-bas, obsédés par la guerre. Ca fait certes complétement ringard en France. Mais moi, ça me passionne parce que la guerre,  la dictature, ça nous apprend une foule de choses sur la psychologie humaine. Et un pays comme la France est-il vraiment immunisé contre ça ? Pas sûr, tellement la montée des haines y est grande aujourd'hui.

Pour ces portraits de nos 3 monstres, je n'invente évidemment rien et il ne s'agit pas de mes élucubrations mais d'analyses recueillies au cours de mes nombreuses lectures. Il y a en effet une littérature surabondante sur nos trois dictateurs. Je recommande à cet égard :

- concernant Staline, le livre de Simon Sebag MONTEFIORE ("Staline, la cour du tsar rouge") m'a beaucoup intéressée. Il vient d'être réédité en poche. Il y a aussi Robert SERVICE mais je n'ai pas encore lu.

- concernant Hitler, j'ai deux références: Peter LONGERICH ("Hitler") et surtout Volker ULLRICH ("Adolf Hitler"). J'ai bien aimé également le petit livre récent de Claude Quétel: "Hitler, vérités et légendes" qui démonte bien toutes les âneries psychologisantes qui ont pu être développées sur le personnage. Il y a enfin le livre très novateur de Johann Chapoutot, consacré au management selon le nazisme: "Libres d'obéir"

- sur Poutine, il n'y a pas grand chose de fiable et exhaustif aujourd'hui. Les deux derniers bouquins de Sergueï JIRNOV ("L'éclaireur" et "L'engrenage") donnent néanmoins une bonne idée de ce qu'était la formation KGB.

15 commentaires:

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Félicitation pour votre texte, c’est vraiment bien résumé, vous avez fait le tour de ces trois irrespirables. Cependant, il ne faut pas hésiter à lire et relire leurs nombreuses biographies. Nous pensions que nous en avions terminé avec la disparition de Hitler et Staline, et voilà que qu’apparaît de paranoïaque de Moscou! Celui que je surnomme le cousin Vladimir.

Ce n’est pas parce qu’une personne a fait de brillantes études qu’elle sera reconnu de la masse; et ce n’est pas parce que tu es nul que tu n’atteindra pas le pouvoir.

Ils auront tous eu des parcours singuliers, ce qui devient fascinant. Comment ces gens-là ont pu s’emparer du pouvoir? Hitler est sans doute et demeure le plus fascinant parce que c’était un type qui n’avait aucun avenir. Qui aurait osé parier sur ce quidam qui ne payait pas de mine? Qui avait tout raté jusqu’à la première guerre mondiale. Ce conflit va lui mettre le pied à l’étrier. Il va quitter son Autriche, pour s’engager volontaire en Allemagne, que dire, il a couru pour s’engager. Il craignait même que la guerre se termine avant qu’il n’atteigne le champ de bataille, sur lequel il a pris conscience de sa petite vie minable dans le civil. Il sera blessé à deux reprises, décoré de la croix de guerre, ce qui n’est pas rien. Il atteindra le grade de caporal. Il sera gazé vers la fin de cette guerre. Le travail d’estafette ce n’était pas de tout repos dans les tranchés. C’est dans son lit d’hôpital qu’il apprendra la capitulation de l’Allemagne, en proie à une rage dévastatrice. Il y a un excellent passage dans Mein Kampf où il raconte cet événement. Je recommande de lire ce livre, ce qui permet de se faire une idée sur la suite des événements. Cela permet d’explorer la façon dont un homme pense, évolue, il ne reste plus que l’opportunisme, et dans son cas, il découvrira après la guerre sa capacité de parler aux foules. Ce qui fut pour lui une révélation. Il mettra quand même une douzaine d’année avant de conquérir le pouvoir en Allemagne en 1933. Plus la situation politique et économique se détériorait en Allemagne, plus c’était favorable pour cet homme impitoyable. On ne peut pas lui reproché d’avoir saisie l’occasion. Nous pouvons comprendre son manque d’intérêt pour les femmes, l’amour et le sexe, il ne rêvait que de revanche et pour cette revanche, il lui fallait le pouvoir. C’est le lot de ces genres d’humains. Si tu ne fais pas l’amour, tu fais de la politique, et lorsqu’ils font de la politique, ils deviennent des dangers publics. Peut-on imaginer un tel être devenir passionnément amoureux? J’ai essayé, mais je n’y suis pas arrivé, imaginer Hitler tout nu en train d’avoir un rapport sexuel avec une femme. Personne ne l’avait pris au sérieux, on se moquait même de lui en Allemagne. Hindenburg un jour avait dit à propos de Hitler : «  Hitler, je ne ferais même pas un sous-secrétaire au poste. » Le héros de la bataille de Tannenberg, ne cachait pas son mépris à l’endroit de Hitler. Pourtant, il n’a pas eu le choix, il l’a nommé chancelier du Reich. Lorsque Hindenburg décédera en 1934, Hitler occupera toute les fonctions. Et, c’était parti, (Ein Volk, ein Reich, ein Führer. Il y a une leçon à tirer de ce cheminement tout à fait particulier pour nous tous qui sommes en démocratie, c’est qu’il faut s’occuper de politique, et toujours s’interroger sur les candidats lorsqu’ils se présentent aux élections. En conclusion, pour un médiocre, il nous en a fait voir de toutes les couleurs. Peut-être que s’il avait baisé un peu plus, on aurait épargné bien des vies humaines!

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Le deuxième personnage est aussi fascinant que mystérieux. Un séminariste qui allait devenir le plus grand meurtrier de l’histoire. Pourtant Lénine ne s’était pas gêné pour le dire à Trotski, de se magner le train pour prendre sa succession, et surtout d’empêcher Staline de s’emparer du pouvoir parce qu’il était trop violent. J’avoue que j’ai autant de mal à me figurer Staline en soutane officiant dans une église, que j’ai du mal à imaginer Hitler tout nu dans un lit avec une femme. Lénine en bon révolutionnaire professionnel avait vu clair en ce qui concernait Staline. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi Trotski ne s’est pas méfié de Staline. Ces révolutionnaires professionnels avaient voué leur existence à la révolution, mais, ils demeuraient des humains, et ils étaient en concurrence pour le pouvoir, et ils le savaient très bien. De toute façon, Staline a éliminé tous ces concurrents, tous ces vieux révolutionnaires. Il n’y avait que Lénine pour lui tenir tête, mais il est décédé. Alors, Trotski a été isolé, puis largué, et pour sauver sa peau il s’est enfui de Russie, pour finalement mourir au Mexique d’un coup de piolet à la tête par un émissaire de Staline, qui avait le bras long. Il fallait le faire en pleine guerre mondiale assassiner Trotski en 1940. Comment avoir de la compassion pour un tel homme, mérite-t-il le titre d’homme? Pendant une trentaine d’années, il va se livrer à toutes les horreurs. On n’a qu’à penser à la famine en Ukraine, des milliers de personnes en sont mortes. Ce n’est pas d’hier que les Ukrainiens subissent les horreurs de leur voisin. Sans oublier ceux qui sont morts dans le Goulag, dont on n’arrive pas à estimer le nombre. S’ajoute le 25 millions de morts sur les champs de batailles de la deuxième guerre mondiale. Comment expliquer, comprendre, et justifier de tels carnages? Et, il me semble que le mot carnage est encore faible. Comment le peuple russe s’est soumis? Et surtout pourquoi il s’est soumis? À qui la responsabilité? Toutes les biographies que j’ai lu de Staline m’ont apparu lourdes, imbuvables. Il était aussi cruel avec ses proches, il a laissé son fils mourir en détention dans un camp de prisonnier. Lorsque sa cuisinière tombait enceinte, il l’a faisait avorter. Lorsqu’on regarde des films d’époques, c’est un homme qui ne sourit jamais et qui rit encore moins. On ne sait même pas à quoi il pense. Son regard est fascinant comme un œil de serpent. Il aura bénéficié d’un pouvoir immense que nul Tzar avant lui n’avait seulement approché. Même Poutine n’a pas ce pouvoir ultime. Ce qui est intéressant, c’est sa fin. Il va mourir dans sa chambre d’une hémorragie cérébrale complètement seul, parce que personne n’ose pénétrer dans sa chambre de peur de subir les foudres du dictateur. Finalement c’est Khrouchtchev qui va faire ouvrir sa porte, mais il est déjà trop tard. Il va mourir dans la plus grande solitude, parce que tous le craignaient. Les dictateurs ne connaissent pas de belle fin. Ils ne peuvent faire la paix avec eux-mêmes. Le plus étrange c’est qu’il a encore des admirateurs aujourd’hui! Que serait devenu la Russie si c’était Trotski qui avait eu le pouvoir? Quoi qu’il en soit, nous l’avons aidé lors de la Deuxième Guerre mondiale, en matériel de toutes sortes, entre la peste et le choléra, on a choisi Staline. Avions⁻nous le choix? Après nous l’avons eu dans les jambes jusqu’à sa mort. Le pire, se sont les pays de l’Europe de l’est qui sont passés sous sa dictature. Pourquoi pensez-vous que les polonais, les ukrainiens, les pays Baltes ne veulent plus rien savoir des russes? C’est parce qu’ils les connaissent très bien.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Le troisième personnage de cette sinistre galerie, c’est le paranoïaque de Moscou. On sait ce qu’il vient de faire. On ignore ce qu’il va faire et pourquoi il va le faire. Un autre imprévisible. On dirait un crocodile dans un marécage. J’ai bien essayé d’écouter son dernier discours. J’ai décroché au bout de dix minutes. Je me demande ce qu’on trouve à cet homme. Lui aussi, et ne l’oublions pas a ses admirateurs. Comment peut-on admirer un tel homme? Je n’ai pas oublié les cadavres les mains attachées dans le dos dans les rues de Boutcha, toutes ces femmes qui ont témoignées de leur viols, de tous ces ukrainiens qui continuent de tomber dans les combats, de toutes ces ruines, ces tas de cendre, et cela par la décision d’un seul homme. Mais dites-moi, comment négocier avec une telle charogne? Le comble de l’absurdité, c’est cette guerre, qui n’a aucune raison, qui n’aurait jamais être déclenchée. Ce personnage sinistre est en train de conquérir des tas de cendre.

Ces trois personnages partage en commun, la paranoïa. Ce qui les étouffe c’est la peur. Poutine en est un bel exemple. Cet homme a peur, alors il plonge dans l’horreur. Sa complaisance, c’est la guerre, et plus elle se prolonge plus il s’y sent confortable. Les hommes qui ont peur sont comme les animaux, ils deviennent dangereux. Ce qui est souligné aussi par son confinement dans ces salles somptueuses où ils donnent ses ordres, on dirait des palais, de véritables décors de film. Ils n’a pas l’air de changer d’endroit souvent. Toujours aussi froid, toujours aussi bien mis, ses complets tombent bien. Et, pendant que se soldats tombent au front, il s’empresse de rassurer que tout va bien, qu’il va gagner cette guerre, que se sera un triomphe. En passant, ces longues tables pour recevoir ses invités, c’était d’un ridicule consommé. Ce qui est remarquable, c’est qu’il est toujours solitaire, et qu’on le voit rarement avec ses ministres, ses conseillers. Je me demande même s’il a des conseillers?

Pendant ce temps Zelenski sort, va partout, visite les champs de bataille, serre les mains de ses soldats, verse des larmes, se rend dans des pays étrangers, prononce des discours. Il ne se ménage pas. D’ailleurs ça commence à paraître, les trais de son visage sont souvent tirés. Il n’a pas eu l’année facile. Il fallait le voir avec Biden. Les vrais leaders sortent. Ils ne se cachent pas. Est-ce que quelqu’un a assisté à la visite de Poutine à Paris, Londres, ou Washington depuis le début de cette guerre? Un des beaux exemple c’étaient Churchill qui sortaient, qui allait partout souvent sur des lignes de front, qui marchait dans les rues de Londres bombardées. Les alliés ont été obligé de tenir la conférence à Yalta parce que Staline ne voulait pas s’éloigner de la Russie. Que se soit Hitler, Staline ou Poutine, cela dénote un manque de confiance le fait qu’ils ne voyageaient pas. Ce n’est pas Poutine qui est venu au USA parler devant les deux chambres, c’est Zelenski. Plus que tout, ils redoutaient même leur propre population. Les sondages en Russie, si le russes pouvaient vraiment s’exprimer librement, ne seraient sans doute pas aussi unanimes.

Merci pour votre texte Carmilla, vous avez de l’avenir comme professeur d’Histoire.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Il appert, qu’un homme comme Mikhaïl Gorbatchev nous manque. Au moins avec lui on pouvait discuter. Il n’avait surtout pas envie de taper sur tout le monde. Je crois qu’il est arrivé trop tard et qu’il est parti trop rapidement. Je n’arrive pas à concevoir que dans ce vaste pays, il n’y a personne pour s’opposer à Poutine. Cela dépasse l’entendement.

Les alliés devraient porter une attention particulière à ce qui se déroule présentement sous leurs yeux. On parle encore de négociations? Mais qu’est-ce qu’il y a à négocier? Comment peut-on négocier avec un être qui ne conçoit que la force et la violence. En plus il faudrait se mettre à genoux devant lui! Les Européen en particulier se sont mis à genoux devant Hitler, et l’on connaît le résultat. C’est étrange cette façon d’oublier l’histoire, parce que l’on s’imagine qu’à coup de compromis on évitera le pire. Ça aussi fait parti de l’horreur.

Les Ukrainiens ont intérêt à terminer cette guerre rapidement. Il fallait entendre le discours de Trump en fin de semaine dernière devant les Républicains. C’était à vous glacer le sang. Poutine c’est son ami. S’il est réélu comme Président des USA, se serait la fin de l’aide aux Ukrainiens. Pas besoin d’un dessin, on sait ce que cela signifie...Alors, les Ukrainiens ont deux années pour laver le plancher et liquider l’affaire!

Vous avez posé la bonne question en vous interrogeant sur la montée de ce genre d’esprit détestable. Personne, aucun pays n’est immunisé contre cet ascendant idéologique de la violence, même pas la France, même pas les USA. C’est aussi significatif à notre époque, que ce l’était dans les années 30 en Europe. Je ne pense pas que se soit idiot de se pencher sérieusement sur ces événements et surtout sur ces personnages déjantés particulièrement dangereux. Je dirais même que c’est un devoir.

Tout cela pourrait être très désolant, mais j’aime aussi souligner qu’il y a des personnes courageuse, et il n’est pas le seul en Ukraine. Il s’appelle Brandon Mitchell, il est originaire du Nouveau-Brunswick. Il travaille en Ukraine depuis le début de cette guerre dans un bataillon médical. Son rôle, sauver des vies, ramasser des blessés sur la ligne de front, poser des garrots, boucher des trous, soulager et ramener ces blessés à l’hôpital.

https://ici.radio-canada.ca/info/videos/1-8738804/un-canadien-au-sein-un-bataillon-medical-en-ukraine

Oui cette guerre prend un tour terrifiant et dans la terreur il n’y a pas de limite, alors il faut faire ce qu’il faut. Votre texte, c’est un texte utile, comme plusieurs de vos textes, quoi qu’il en soit, je continue de vous lire, et à vous relire. On ne sait jamais quel lecteur ou lectrice vous lira, et c’est déjà beaucoup, des fois cela éveille des consciences. L’écriture, ce n’est pas un jeu innocent.

Bonne nuit
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je ne sais pas si un nouveau Gorbatchev serait l'homme adéquat. Il était, certes, soucieux de démocratiser le système et de rendre son économie plus performante. Mais il a aussi été dépassé par les événements. Il n'avait pas anticipé que tout s'écroulerait en même temps. Ce qui est significatif, c'est qu'il est massivement détesté en Russie: la grandeur russe aurait pris fin avec lui. Ca en dit long sur les mentalités de la population. Qu'importe qu'on soit pauvres, l'essentiel, c'est qu'on soit certes pauvres mais, avant tout, puissants. Il faut ainsi rappeler que Gorbatchev n'était pas, à ce point, attaché à l'Etat de Droit puisqu'il avait lui-même soutenu l'annexion de la Crimée.

Il me semble donc que cette guerre doit être l'occasion de ramener les Russes à un peu plus de réalisme: ils ne sont pas si forts et si puissants que ça, ils sont une puissance moyenne parmi d'autres.

C'est pourquoi, il ne saurait y avoir, pour eux, de sortie "honorable" de cette guerre. Il faut qu'ils soient punis, la paix du monde en dépend. Qu'ils comprennent qu'on ne peut rien obtenir par la force.

Je pense même qu'il faudrait envisager un nouveau découpage géographique du pays. Des experts travaillent là-dessus. Moi-même, j'aime bien faire des "bricolages" sur cette question.

Evidemment, la perspective du retour d'un Trump est aujourd'hui effrayante. Poutine table d'ailleurs là-dessus. Il va essayer de geler le conflit sur des lignes de défense presque inexpugnables en espérant qu'Européens et Américains vont bientôt se lasser de cette guerre et vont lâcher l'Ukraine.

Mais ce que je sais, c'est que les Ukrainiens ne sont pas prêts à faire la moindre concession. Et puis, ils renforcent maintenant sans cesse leur armée.

Bien à vous,

Carmilla


Richard a dit…

Bonsoir Carmilla
Gorbatchev n’avait pas anticipé la situation. Il faut reconnaître qu’il avait hérité d’une situation particulièrement pourrie. Je me demande qui aurait pu faire mieux dans les circonstances? J’aime bien le mot anticipé parce qu’il touche à l’ignorance. On ne sait pas mais on anticipe. C’est le mot noir de tous dirigeants et plus particulièrement des hommes politiques. Nous nous sommes tous trompés lorsque cette guerre a commencé. Nous doutions de la possibilité de résistance des Ukrainiens. Nous avons tous été surpris et je pense que les russes ont été encore plus surpris que nous. Aujourd’hui encore nous redoutons surtout avec ce qui se passe à Bakhmout. Il y a quelque chose de reptilien dans le fond de notre cerveau. C’est à se demander comment ils fonts ces soldats ukrainiens pour résister sous les obus, au travers des ruines, dans la boue et la misère? Visiblement, ils ne manquent pas de courage et de volonté.

Certes les russes ne sont pas si forts et si puissants que cela, n’empêche, qu’ils demeurent dangereux. Ils ne sont pas très imaginatifs, mais ils peuvent toujours nous surprendre. Malgré les coups des Ukrainiens ils sont toujours présents. Vivement que la saison de la boue se termine afin de reprendre une guerre de mouvement. Les Ukrainiens jusqu’à maintenant nous ont prouvé leurs capacités dans la guerre de mouvement. Là, ils sont bons. J’espère que Michel Yakovleff ne se trompe pas dans ses raisonnements et prévisions. Nous sommes encore dans l’anticipation. Rien n’est encore joué, et je ne puis concevoir autre chose que la victoire ukrainienne.

Le temps presse. Des échéances électorales se rapprochent. C’est une guerre qui ne peut pas se prolonger dans le temps, j’espère que nous en sommes tous conscients. C’est intenable sur une longue échéance, et plus elle se prolonge, plus il a danger d’erreurs. C’est toujours ce que j’ai redouté depuis le début de ce conflit, l’erreur grossière.

J’ignore comment le russes peuvent comprendre qu’on obtient rien par la force. Ils ne semblent pas avoir compris et je me demande s’ils comprendront un jour. Après tout ce qu’ils ont subi dans l’Histoire, on dirait que toutes considérations nouvelles ne les effleurent même pas. Ils sont incapables d’innover. Pour copier ils sont bons, mais pour imaginer c’est autre chose.
Quoi qu’il en soit, de nombreux Ukrainiens sont en formations dans divers pays, avec le printemps, ils devraient rentrer au pays. J’espère qu’ils feront la différence, et que l’intendance va suivre. Ils sembleraient qu’ils se débrouillent bien à l’entraînement sur les Léopards.

Je remarque que sur certaines vidéo, l’état des terrains boueux. C’est incroyable les défis que cela imposent, toutes ces routes défoncées par des profondes ornières, surtout pour les ravitaillements et les évacuations des blessés. Lorsqu’on évoque la boue ukrainienne on a du mal à se figurer. Pourtant au Québec on connaît cela la boue, mais je dois dire que la boue ukrainienne dépasse tout ce que j’ai vu au cours de ma vie.

Bonne nuit, et j’espère que vous n’avez pas eu de problème pour aller travailler malgré les manifestations.
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Nul ne peut bien sûr prévoir l'avenir. Et, personnellement, je me garderais bien de toute prévision concernant l'évolution de la guerre.

Il ne faut pas oublier, en effet, que l'armée russe est très supérieure en nombre et que son état-major ne voit aucun inconvénient à sacrifier une proportion effarante de ses troupes. L'effet masse peut donc, à lui seul, provoquer un basculement du conflit. Et puis, la population ukrainienne commence à éprouver une immense lassitude. Subir un an de bombardements continus, c'est épouvantable.

Mais s'il devait y avoir une défaite ukrainienne, celle-ci ne pourrait être que provisoire. Les choses sont allées tellement loin, les crimes ont été si atroces, qu'une capitulation est absolument inconcevable. Et les Russes ne pourraient jamais s'aventurer en Ukraine s'ils étaient vainqueurs. Il faudra plusieurs générations avant que des relations normales puissent s'établir.

La seule condition d'une pacification, c'est donc bien que l'Ukraine récupère la totalité de ses territoires. Et il faut espérer que cela prendra le moins de temps possible.

Quant à la boue en Ukraine, il faut d'abord préciser que l'hiver a été exceptionnellement doux. Et puis, je crois qu'il y en a surtout à l'Est, là où il fait plus froid et où il y a beaucoup de "terres noires".

Quant aux manifestations à Paris, c'est tout de même moins apocalyptique qu'il n'est présenté. Ce sont surtout les gens qui habitent en banlieue qui sont pénalisés. Quant à moi, en règle générale, je me déplace à pied.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Nous aussi nous avons eu un hiver relativement doux. La facture de chauffage a baissé par rapport à l’année dernière. Le couvert de neige est faible. Deux journées de doux temps et nous allons nous retrouver sur la terre. Dans ma région il a été impossible d’entretenir les patinoires extérieures. La rivière Saint François a gelé le 6 février et débâclé le 6 de mars. En face de chez moi, elle est complètement libérée de glace. Mais au Québec, il ne faut au grand jamais anticipé le printemps.

C’est un hiver étrange du moins pour les Cantons de l’Est, très gris, avec peu de précipitation, mais toujours très humide. Nous n’avons pas connu de tempête de neige ni de grand vent. Situation qui est très favorable pour la faune. Les chevreuils doivent être en pleine forme, surtout les femelles pour les mise bas du printemps. Cela vaut aussi pour tous les autres animaux sauvages avec la facilité du déplacement, il est plus facile de se nourrir.

Je sais pour l’Ukraine, parce que je m’informais des conditions météorologiques. Pour eux aussi ce ne fut pas très froid. Bien des fois Kiev affichait presque la même température que Sherbrooke. Donc, je présume que le sol n’a pas gelé profondément. Dites-moi vers quelle date les feuilles font leur apparition dans l’Est de l’Ukraine? Habituellement ici, les feuilles éclosent, dernière semaine d’avril, première de mai, mais je présume qu’en Ukraine c’est plus tôt. Ici lorsque les feuilles apparaissent dans les arbres, c’est la saison des semailles qui débute. L’Ukraine semble avoir un peu d’avance en ce qui concerne les températures et les conditions météo par rapport au Québec, du moins pour le sud de notre province. Au nord, comme par exemple Schefferville, ils auront connu des périodes entre -30 et -40 la nuit, et jamais plus que -20 le jour.

Je sens, comme on dit ici, qu’il y a quelque chose dans l’air. Plusieurs de mes jeunes pommiers d’un an, qui ont passé l’hiver en pot à l’intérieur se réveillent, quelques uns ont des belles petites pousses vertes. Je vais pouvoir constater ceux qui ont survécus et les autres qui sont morts. Bientôt se sera le temps de semer les tomates à l’intérieur, partir les plans de poivrons. Voilà le cycle recommence. Pour l’heure, c’est la saison des sucres, les érables ont commencé à coulé. Je reconnais que tout cela demeure pour moi un grand plaisir, par ce matin de grisaille par -6 degrés. Je viens d’apercevoir mon premier petit canard gris qui nage dans la rivière. Ne me demandez pas de le rejoindre. Je suis encore éloigné de mon premier plongeon. Disons que je vais attendre un peu que l’eau se réchauffe. Je surveille aussi l’arrivée des premiers Merles d’Amérique, qui ne devraient pas tarder. Lorsqu’ils arrivent nous pouvons affirmer que le printemps est réellement arrivé et que les grands froids sont terminés. À part mon brave petit canard, quelques corneilles s’amusent à atterrir sur des plaques de glace qui descende la rivière. Après l’atterrissage, et elles se transforment en passagères. C’est le seul oiseau qui se livre à ce genre d’exercice. Elles sont très drôles.

Bonne nuit
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il m'est difficile de vous parler des hivers ukrainiens, en général, tellement les choses ont évolué avec le réchauffement climatique. Les quantités de neige sont bien moindres et s'il peut y avoir des pointes de grand froid, elles sont rapidement suivies d'un redoux subit aux alentours de 0°. Les rivières et les lacs ne sont plus gelés en profondeur comme par le passé. Mieux vaut ne pas s'y aventurer.

Et puis, il fait plus froid à l'Est (Kharkiv) qu'à l'Ouest (Lviv).

Je dirais donc que la venue du printemps s'y étale entre le 21 mars (à l'Ouest) et le le 15 avril (à l'Est). Le 1er mai, généralement, il commence à faire beau et chaud.

Cette année, en effet, l'hiver ukrainien a été relativement clément (mais bien plus froid évidemment qu'en France). Mais les hivers deviennent aujourd'hui très tristes: peu de neige, de la boue, de l'humidité et de la grisaille, c'est déprimant. Dans les villes, on marche dans la gadoue.

Dans mon jardin, les camélias ont commencé à fleurir en janvier. Mais j'y ai un autre problème: il est maintenant submergé d'oiseaux. Comme je leur donne de la nourriture, certains ont communiqué l'adresse et il y en a maintenant des dizaines qui viennent chaque jour s'approvisionner dans une véritable sarabande. Même mon couple de merles qui se considérait jusque là propriétaire du terrain et assurait la police du territoire est aujourd'hui dépassé. Je ne sais plus que faire parce qu'une multitude d'oiseaux, ça n'est plus un agrément.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Vous n’aurez pas d’autres choix que de couper la nourriture. On doit être rudement confortable chez-vous, des souris, des oiseaux, des fleurs, plus des amis, franchement vous êtes très hospitalière. Quand est-ce que vous trouvez le temps de lire?

C’est le problème lorsqu’on nourrit des animaux sauvages. Je surveille attentivement les corneilles, mais il me semble que se sont toujours les deux mêmes corneilles, une pour la surveillance, et l’autre pour chiper. Et que dire des chats, pendant un mois en plus des deux chattes, je me suis retrouvé avec deux magnifiques et farouches mâles qui venaient terminer les plats la nuit venue. Résultat, les deux chattes commencent sérieusement à arrondir. Elles vont avoir des chatons. Ce qui nous rappelle qu’il n’y a pas que les humains qui sont opportunistes, les animaux à ce chapitre ne donnent pas leur place.

Des camélias qui fleurissent en janvier à Paris, est-ce possible? Habituellement ça fleurit au printemps? Je ne sais pas, je ne suis pas un jardinier de fleurs, je connais mal. Moi, se sont les arbres.

Pour reprendre vos propos, nous aussi nous avons eu un hiver triste, gris, inconsistant. Ce matin, je suis allé visiter le grand lac Brompton. C’est encore blanc, et il y avait même des skieurs de skis de fond sur le lac, mais pas d’autres traces, même pas des trous pour pêcher. La glace ne doit pas être très épaisse. Je ne me rappelle pas un hiver aussi gris, depuis la fin d’octobre que nous subissons cette grisaille. Des fois, une journée de plein soleil, mais le lendemain retour à la grisaille. On dirait qu’il y a du mystère dans l’air comme quelque chose d’indéfinissable. Pourtant, j’ai toujours senti l’hiver comme une saison joyeuse, il y a de quoi, je suis né en hiver, je suis fait d’hiver, mais ce que je viens de traverser, ce n’est pas l’hiver. Allons-nous perdre nos hivers? Par contre, je remarque que cette situation ne provoque pas de printemps plus hâtifs. On ne sème pas plus tôt en saison. La seule saison qui se prolonge, c’est l’automne.

Remarquons, qu’à l’échelle planétaire de la terre, dans le temps long, il y a eu des époques chaudes, plus chaudes que ce que nous connaissons présentement, et pourtant, il n’y avait pas un humain sur terre, puis à ces époques, ont suivi des périodes de refroidissements, et même des périodes glacières. Certes, ces situations se sont étalées sur des milliers d’années, que dire, des millions d’années. Il ne faut pas se limiter à nos brèves connaissances immédiates d’humains présomptueux, qui se pensent le centre du monde. La paléontologie demeure à mes yeux encore bien sommaire, ce qui souligne nos ignorances. Il reste tellement à découvrir et je trouve cela stimulant.

De ma fenêtre présentement, je viens d’apercevoir cinq garrots communs sur la rivière, franchement c’est un retour précoce, un record pour la saison. Qui sait, nous allons peut-être vivre des événements surprenants? C’est bien cela, je viens de les observer aux jumelles, outil dont je me sépare jamais. Une bonne paire de jumelle, une boussole, du feu, une hache, et je peux aller loin!

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il est vrai que c'est maintenant la "grande volière" et que j'hésite presque à sortir. Je vais devoir, en effet, couper la nourriture mais je ne sais pas si ça suffira parce que beaucoup d'oiseaux semblent maintenant se plaire chez moi: c'est calme et sûr et il y a plein de buissons où ils peuvent se cacher.

Mais n'exagérons rien, les oiseaux, ça ne me prend pas beaucoup de temps. Quant à un jardin, je me rends compte que c'est bien plus difficile qu'on ne l'imagine de s'en occuper. On commet toujours plein d'erreurs et, surtout, les plantes et arbustes deviennent vite envahissants. Ca devient rapidement la jungle. Je me dis souvent que je devrais solliciter les conseils d'un professionnel mais je diffère ça sans cesse.

La floraison des camélias, c'est, en effet, plutôt mars-avril. Mais à Paris, les températures d'hiver sont élevées et la végétation a souvent un ou deux mois d'avance.

Il est possible, en effet, qu'on rentre dans une nouvelle ère: celle d'hivers gris et tristes sans la magie du soleil illuminant la neige avec éclat.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Vous aviez apprécié la vidéo avec l'interview d'un général français sur les perspectives de la guerre en Ukraine.
Il y a maintenant une suite, assez intéressante, où il évoque les causes de la guerre, l'attitude de l'Otan et les conséquences d'une éventuellement désagrégation de la Fédération de Russie :

https://www.youtube.com/watch?v=Y9KNYWc1gaQ

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Oui, c'est très bien. Je souscris à la quasi totalité de ses analyses.
Il est vrai que les Ukrainiens étaient tout étonnés de se retrouver dans un Etat indépendant au lendemain de la chute du mur. Moi-même, l'Ukraine, ça ne m'a longtemps rien dit et je me présentais plutôt comme Russe ou Polonaise.

Ses remarques sur la violence en Russie sont également très justes. J'ai toujours eu du mal avec la vie quotidienne en Russie. On y rencontre certes des gens merveilleux mais aussi plein de gens horribles et affreux. Il me semble que les Ukrainiens et les Polonais ne sont pas du tout comme ça, infiniment plus agréables.

Le lien entre la culture russe et le despotisme est aussi pertinent. C'est vraiment le maître et l'esclave en effet.

Ma seule réserve, c'est que je crois quand même souhaitable un éclatement et un redécoupage de la Russie. Cela parce qu'il faut ramener les Russes à un juste sens des réalités. Le sentiment qu'ils éprouvent de leur grandeur et de leur puissance est principalement lié à l'immensité de leur territoire. Ca conduit en outre l'Ouest de la Russie à vivre aux dépens de l'Est en pillant ses matières premières. C'est devenu une économie de "rente" incapable de développer une économie industrielle. Si on créait de plus petites entités, les populations de chaque nouvel Etat devraient apprendre à compter sur leurs propres forces.

Evidemment, ça ne donnerait pas forcément que des Etats démocratiques et c'est l'un des problèmes. S'y ajoute la dissémination du nucléaire. Mais il existe aujourd'hui beaucoup de gens qui "planchent" sur un redécoupage. Je verrais déjà bien une République de Saint-Pétersbourg et une République de Moscou, ça créerait une belle émulation.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Russe ou Polonaise ? Vous êtes originaire de Lviv. Avez-vous aussi des racines polonaises ? Y avait-il encore des Polonais à Lviv après la guerre ? J'espère que mes questions ne sont pas indiscrètes.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je crois l'avoir déjà précisé. Ma mère était de langue polonaise. Je parle donc couramment cette langue (mais évidemment pas comme une Varsovienne d'aujourd'hui).

Il y avait encore beaucoup de Polonais à Lviv au lendemain de la guerre et la pratique de la langue s'y est perpétuée. Aujourd'hui encore, à peu près tout le monde comprend le polonais à Lviv. On peut même se débrouiller avec le polonais dans tout l'Ouest de l'Ukraine.

On sait bien que Russes et Polonais se détestent cordialement. Mais les Polonais (qui ont été asservis par les Russes pendant près de deux siècles) ont tout de même de bonnes raisons pour cela.

Ce qui est sûr, c'est que les rapports au pouvoir et à l'autorité ne sont pas du tout les mêmes chez les Russes et chez les Polonais. L'esprit démocratique et contestataire est très fort en Pologne. Il est vrai que son gouvernement actuel, conduit par le PIS, donne une mauvaise image du pays mais ce n'est qu'une situation provisoire.

Bien à vous,

Carmilla