dimanche 8 novembre 2009

Manifeste pour une vampire


Je me réjouis. Le mouvement vampirique prend sans cesse de l’ampleur. Je ne parle pas seulement des nombreux films, très beaux, récemment sortis : « Morse » du suédois Thomas Alfredsson, « Thirst, ceci est mon sang » du coréen Park, « Jennifers’Body » de Karyn Kusama avec la renversante Megan Fox. On annonce également la prochaine sortie de « Twilight n°2 » mais c’est un peu trop ado pour moi. J’ai aussi remarqué que, dans les librairies, il y a maintenant tout un rayon consacré à la littérature vampirique ; ça change des étagères entières autrefois consacrés à Karl Marx. Et puis, il y a, dans les journaux, beaucoup d’articles consacrés au phénomène. Certes, on parle d’un effet de mode, d’adolescents un peu attardés ; quelques parents s’inquiètent, tout de même. Ils ont bien raison, car je suis convaincue qu’il s’agit d’une tendance de fond.






















Le vampirisme, c’est d’abord une révolte :

Contre la société hygiéniste et écologiste,
Contre l’Etat Orwellien qui cherche à nous exproprier de notre vie et de notre mort,
Contre le totalitarisme de la transparence absolue,
Contre le gouvernement des purs et des incorruptibles,
Contre tous les moutons dociles, pour qui la loi intérieure s’assimile à la loi positive, tous ces pieux et zélés fonctionnaires, thuriféraires du familialisme, artisans de la banalité et de l’ordre moral.





















Echapper à la grisaille ataraxique du monde, l’atonie du désir, l’indifférenciation généralisée, voilà mes rêves de vampire. Cracher sur les « hommes sans qualités » pour qui tout se vaut, retrouver la dimension tragique de la condition humaine.

Le vampirisme redonne d’abord à la sexualité sa force subversive. Elle n’est pas un choix, une hygiène, une satisfaction. Elle est d’abord un trouble, un bouleversement, une terreur. Elle est transgression, elle a partie liée avec le mal et avec la mort. Ce n’est pas le bien qui nous fait rêver, c’est l’abîme de la perte qui nous attire.
C’est le mal qui nous séduit jusqu’au vertige, tel est le message de Dostoïevsky (Фёдор Достоевский). Personne n’a envie de vivre avec un saint, en revanche nous sommes tous fascinés par les criminels.

Le vampirisme, c’est donc la conscience du mal en chacun de nous, cette pulsion de mort qui nous travaille sans cesse, nous pousse au crime et au suicide. Pas de désir sans interdit,… reconnaître cela c’est comprendre que nous sommes pêcheurs pas essence, ce qui fait notre grandeur et nous rapproche peut-être du divin.

Le sentiment de la faute, l’ivresse de la destruction, voilà ce qui nous entraîne, dicte nos conduites, sans que l’on sache si le crime précède la faute ou inversement. On peut aussi être criminel à force culpabilité dit Freud.

Le mal, le péché, la faute, l’interdit, voilà des notions qui font ricaner aujourd’hui à l’heure où tout le monde se proclame innocent, sincère, transparent, honnête, spontané.



Le vampirisme ne craint pas de réhabiliter tout cela. De même, il réaffirme l’absolu de la différence des sexes alors que l’on semble aujourd’hui croire à leur possible communion, confusion, réconciliation, dans une vision idyllique et pacifiée. Mais non !! Le mythe androgyne qui hante nos sociétés est là encore un fantasme totalitaire visant à évacuer le désir et la sexualité. Qu’on s’en réjouisse ou s’en afflige, il y a le roc du destin, l’incontournable de l’anatomie.

Le vampirisme est donc une exaltation de la féminité, sous ses aspects aujourd’hui les plus occultés : la séduction, l’artifice, l’apparence et surtout le pouvoir, un pouvoir terrifiant, maléfique. Ce n’est pas pour rien que je m’appelle Carmilla. Je sais bien en effet que certaines femmes ont une puissance d’effroi sur les hommes, une capacité à provoquer la terreur et l’angoisse. Comment ? Je ne vous le dirai évidemment pas mais c’est un thème qui affleure de plus en plus dans le cinéma et la littérature.

La toute puissance féminine, voilà ce qui me transporte. J’ajouterai évidemment, pour conclure, le goût des voyages insolites et la folie des langues.


Lord Leighton, Hugo Simberg, Photos Carmilla Le Golem sur SIGMA DP 2 à Montmartre

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