Le château de Wierzchownia
Pendant mes vacances, j’ai réalisé un vieux rêve : visiter Berditchev.
Je ne suis pas sûre que vous ayez jamais partagé ce fantasme parce que Berditchev, ce n’est aujourd’hui qu’un fichu trou en Ukraine, à une centaine de kilomètres de Kiev.
A Berditchev
Plus paumé, il n’y a pas et
d’ailleurs il y a une expression en polonais : « écris-moi à
Berditchev » (« Pisz do mnie na Berdyczow »), ce
qui veut dire « écris-moi au diable » mais en sachant que le diable
saura justement trouver mon adresse.
L'église Sainte-Barbara où s'est marié Balzac et, en exclusivité, ma petite voiture ukrainienne (la voiture de Carmilla) devant cette église.
Mais pour moi, Berditchev,
c’est un lieu extraordinaire, une ville mythique, un des grands lieux de la
culture européenne.
D’abord
parce que Berditchev a été un creuset important de la culture juive.
Berditchev, c’est en particulier le foyer d’éclosion du Hassidisme avec son
Grand Maître Levi Yitzhak dont le mausolée demeure un important lieu de
pèlerinage. Le Hassidisme, je considère ça avec plein d’interrogations mais
c’est malgré tout fascinant.
La célèbre synagogue de Berditchev
Surtout parce que deux figures majeures de la littérature mondiale ont eu leur destin lié à Berditchev et, à quelques années près, auraient même pu s’y croiser. Il s’agit de Balzac et de Conrad.
Surtout parce que deux figures majeures de la littérature mondiale ont eu leur destin lié à Berditchev et, à quelques années près, auraient même pu s’y croiser. Il s’agit de Balzac et de Conrad.
Le château de Wierzchownia et le lac devant lequel se promenait Balzac
Etrangement, ce qui réunit ces
deux écrivains, c’est qu’on ne trouve à peu près aucune trace de cette
expérience ukrainienne, pourtant hors du commun, dans leurs écrits. Voilà de
quoi disserter sur les rapports entre la vie et l’œuvre d’un artiste.
De même, dans les
biographies qui leur sont consacrées, on aborde à peine cet épisode de leur
vie.
Le plus surprenant, c’est
Balzac. Il a tout de même passé près de deux années en Ukraine, certes à la fin
de sa vie, et s’y est marié, en mars 1850, cinq mois avant sa mort.
La maison natale de Joseph Conrad
Quand il y a séjourné,
Berditchev était une ville extraordinaire : la Jérusalem de Volhynie, un
grand centre commercial, un foyer de contrebandiers, une ville multiculturelle
où l’on parlait yiddish, polonais, russe, ukrainien.
Surtout, Balzac a du être
époustouflé par la richesse et le niveau de vie de son grand amour : la
comtesse polonaise Eveline Hanska. Elle avait 2 000 serfs, quelques
milliers d’hectares, une centaine de domestiques autour d’un gigantesque
château, situé en pleine campagne à Wierzchownia (prononcer vièchrovnia en
accentuant sur le o).
Aux alentours de la maison de Joseph Conrad
Balzac a donc vécu assez
longuement là-bas, dans un monde qui ne pouvait que le fasciner et le troubler.
On aurait pu croire que le peintre de la comédie humaine allait y trouver de
nouvelles sources d’inspiration. Mais non ! Pendant toute cette période,
il n’a à peu près rien écrit, rien, en tous cas, qui se rapportât à l’Ukraine.
Je considère ça comme une véritable énigme.
Pareil pour Joseph Conrad
considéré comme un écrivain de langue anglaise. Il est né, en fait, dans un
petit bourg au sud de Berditchev. Sa maison natale, très spacieuse, témoigne du
niveau de vie élevé de sa famille. C’est aussi un lieu idyllique, complètement
perdu dans la nature.
C’est dans ce coin
parfaitement paisible qu’est né l’auteur d’ « Au cœur des
ténèbres » sous le nom de Josef Korzeniowski (prononcer Kojéniovski). Sa
langue dominante était le polonais.
La maison de Joseph Conrad
C’est très déconcertant. On
peut penser que Joseph Conrad a voulu s’arracher à ce monde trop calme et
protégé. Il a navigué de 17 à 38 ans sur toutes les mers du monde,
avant de se métamorphoser en écrivain dans une langue et sous un nom d’emprunt.
Mais on ne trouve aucune trace dans ses livres, du moins à ma connaissance, de
son enfance ukrainienne.
L'église orthodoxe de Berditchev
Photos de Carmilla Le Golem
sur Sigma DP2 Merrill
Les lieux où ont vécu Balzac
et Conrad sont parfaitement entretenus et conservés. Il est particulièrement
intéressant et impressionnant de visiter le château de la comtesse Hanska mais
c’est complètement perdu et un peu difficile à trouver. Il est sans doute
préférable d’être russophone. Idem pour la maison de Joseph Conrad.
4 commentaires:
Merci pour cette incursion en terre inconnue ; vos photos donnent envie d'y aller ..réellement . J'ai lu un livre de Balzac sur la Russie (à mon retour at home ,je chercherai)
Quelle langue parle-t-on le plus à Berditchev ? je grille d'envie d'aller voir la maison de Conrad ,d'autres photos ? ? !Lola
Merci Lola,
Il y a effectivement un petit livre de Balzac qui a été publié en mars 2010 aux éditions Nicolas Chaudun : "Russie express". C'est amusant mais très anecdotique. A cette époque, il fallait près de 6 semaines pour aller de Paris jusqu'à Berditchev mais il y avait quand même un train jusqu'à Cracovie. Ce qui est curieux, c'est que Balzac n'a pas apprécié Kiev. Par ailleurs, il exprime bien tous les préjugés de son temps à l'encontre des Allemands, des Russes et... des Juifs.
A Berditchev, on parle principalement l'ukrainien et le russe et un peu le polonais, ce qui ne vous aide peut-être pas beaucoup. Je crois que dans les grandes villes, en Ukraine, on rencontre maintenant beaucoup de gens qui parlent un bon anglais mais, en province, je ne sais pas.
Il y a cependant, à Berditchev, un petit centre culturel consacré à Balzac et, là, on peut y rencontrer une ou deux personnes parlant un excellent français. Le gros problème, c'est qu'il y a très peu de touristes en Ukraine, sans doute en raison de la mauvaise image diffusée sur ce pays par les media. Pourtant, je peux vous garentir que c'est un pays très facile et très sûr.
D'autres photos sont à venir au cours des prochaines semaines.
Carmilla
Merci pour ces photos et votre texte : je suis en train d'achever la lecture de la biographie de Balzac par Stefan Zweig et j'aborde le chapitre relatant les deux années ukrainiennes - et donc la fin de sa vie - de l'auteur de "La Comédie humaine".
Merci Pergame pour votre message.
La biographie de Zweig est en effet de qualité.
Durant cette période ukrainienne, Balzac avait cessé d'écrire. Il existe un petit texte, publié en février 2010, sur son voyage (éditions EMD, diffusion Actes Sud) : Honoré de Balzac: "Russie-Express". Il s'agit d'une succession de ses lettres.
Je me rends compte qu'il y a presque 10 ans que je ne suis pas allée là-bas. Je devrais peut-être y retourner parce qu'on y trouve tout de même de nombreux souvenirs du passage de Balzac. Ca peut peut-être intéresser en France.
Bien à vous,
Carmilla
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