On me demande sans cesse, on me harcèle même : "Pourquoi t'es pas mariée ?"
Y'a sûrement un problème !
T'es pas lesbienne au moins ?
Je pense pas vraiment, je réponds !
Etre bisexuel(le), je n'y crois pas, on est l'un ou l'autre mais, sûrement, pas les deux ! Mais c'est vrai que j'aime bien, parfois, les filles belles et intelligentes et je préfère coucher avec elles plutôt qu'avec un poivrot abruti. Et d'ailleurs, entre filles, souvent, on ne fait, la plupart du temps, pas grand chose: on se contente de s'embrasser, se caresser, dormir dans le même lit. Avec ma copine Daria, on ne fait que ça et ça nous suffit et c'est merveilleux !
Une fille distinguée, un soir, ça ne me pose, donc, pas de problèmes (je m'appelle, quand même, Carmilla) mais ça n'est pas, non plus, mon centre d'intérêt exclusif et, surtout, ça ne peut pas durer!
Il y a un amour féminin dont on ne parle jamais mais qui est pourtant très fréquent, presque universel: un amour entre filles, sûrement incompréhensible mais qui dépasse toutes les orientations sexuelles ! C'est très peu physique, très peu intrusif !
Coucher avec une fille, de temps en temps, c'est, donc pour moi, très doux, très agréable, mais, en fait, je préfère, quand même, un mec qui me pistonne !
Finalement, quand on me demande pourquoi je ne suis pas mariée, je réponds, toujours (comme je ne veux vexer personne), par une pirouette: je dois être bête et moche!
D'ailleurs, je suis Ukrainienne et c'est un handicap majeur, une image désastreuse en France: c'est les FEMENs ou la Porte de Clignancourt !
Mais en fait, ça me fait bien rigoler et je m'en fiche complètement! Je n'ai pas l'esprit victimaire et je sais bien que ce ne sont pas les mecs qui ne veulent pas de moi mais c'est moi qui ne veux pas d'eux !
Pour moi, il y a, en fait, deux gros problèmes:
- La langue, les langues, la culture d'abord! Vivre avec un Français de France, je perçois ça rapidement comme un appauvrissement: la cuisine, la belle-famille, les résidences secondaires... Ça me fait peur! Je suis complètement out!
Je ne me sens pas complètement Française, je n'ai, pas tout à fait, le même imaginaire: je rêve de Varsovie à Vladivostok! La Baule, le Pot-au-feu, ça ne me dit rien du tout!
En plus, ça m'énerve vite qu'un type ne parle ni le russe, ni le polonais. On ne peut pas, complètement, se comprendre, ni être en phase. En fait, je suis une indécrottable Slave! On va me dire que je pourrais aussi m'apparier avec un Russe ou un Ukrainien ou un Polonais, mais ce serait un même appauvrissement, dans un autre sens. Et puis, les hommes russes ou ukrainiens... ouh! la, la ! Quant aux Polonais, ils sont plus civilisés mais ils détestent les Russes et inversement.
- L'argent. J'ai un peu honte d'aborder cela mais il faut bien le dire: je suis, généralement, beaucoup plus friquée que mes amants et ça, c'est, très vite, destructeur!
Tout de suite, je suis confrontée à la rancœur, la jalousie, la perfidie: d'où tu tires ton fric? Ça vient sûrement de sombres trafics et c'est, évidemment, immérité. Je personnifie l'horreur capitaliste ! Surtout que je suis d'origine ukrainienne et, évidemment, supposée prête à tout !
Mais moi, je n'ai pas, non plus, envie de m'adapter au niveau de vie de mon amant: de bouffer dans des restaurants sympas, à trois balles, ou de prendre des vols low-cost !
Qu'une fille soit à l'aise financièrement, c'est inadmissible en France! Si elle l'est, c'est un coup de chance ou, alors, elle est une pute. Il est, implicitement, admis qu'une nana est, forcément, dépendante économiquement, qu'elle gagne, naturellement, deux fois moins que son mec et qu'elle a du mal, évidemment, à joindre les deux bouts! Son excuse, c'est qu'elle est artiste, intellectuelle !
C'est un schéma qui plaît à tout le monde: une fille riche, c'est un scandale !
Un bouleversement des mentalités est, là-dessus, indispensable: affirmer le droit pour une femme d'avoir un peu d'argent !
Le droit, pour une femme, à un peu de fric, à être, éventuellement, bien plus riche que son amant, ça me semble aussi important que les éructations actuelles concernant les tentatives de pelotage, harcèlement, que, je l'avoue, je ne comprends pas du tout.