samedi 22 juin 2024

Des Empires mortels, forcément mortels










On vient de voter, avec les brillants résultats que l'on sait, pour les élections européennes.


Le sentiment, c'est que l'Europe, cette grande idée universaliste, ça n'arrive pas vraiment à prendre. On en revient vite à la nation, à ce que l'on appelle les "racines ancestrales" des peuples (même si on est bien incapables de définir ça).


Et je ne sais pas non plus si on peut aller jusqu'à prôner, comme Kant, ce statut d'un "citoyen du monde".  Oui mais quel monde ? Il y a tout de même bien une spécificité de l'esprit européen qui repose sur l'idée d'émancipation, d'affranchissement d'une autorité, de servitudes ou de préjugés.


Inutile de préciser à quel point m'attriste ce retour des peuples. Mais il faut essayer de comprendre ça. Chaque pays vit en fait sur sa mythologie propre, sa grande Histoire fantasmée, forcément glorieuse. On se considère tous un peu comme le flambeau de la civilisation et c'est au point qu'on n'imagine pas qu'ailleurs dans le monde, on a un tout autre point de vue. 


Ca m'amuse presque mais l'un de mes premiers motifs de différends dans des discussions avec des Français, c'est l'Histoire. Et ce n'est pas qu'on n'est pas d'accord sur des faits, c'est surtout qu'on n'a pas le même imaginaire, le même cadre de perception.

Moi,  mon histoire personnelle fait que j'éprouve plutôt une espèce de nostalgie pour les Empires. Ca relève de mon aversion pour les nations.

- ce qui m'a ainsi d'abord influencée, c'est l'ancienne Autriche-Hongrie dont, sans les fracas de l'histoire, j'aurais pu être citoyenne. C'est curieux, pour les Français, l'Autriche-Hongrie, c'est nul. Et c'est vrai que l'histoire "officielle" contemporaine présente cet Empire comme arriéré, sénile et dépassé comme s'il se réduisait à cette vieille baderne de François-Joseph.  Moi, au contraire, je suis sûre qu'à bien des égards j'aurais aimé vivre en Autriche-Hongrie. Cet extraordinaire  pays, le plus cosmopolite du monde, dans lequel se côtoyaient une multitude de langues et de religions. On pouvait le parcourir facilement en train, se rendre, par exemple, en moins d'une journée et sans formalités, de Lemberg à Trieste (c'est quasiment impossible aujourd'hui). 

Et surtout, l'Autriche-Hongrie produisait, comme des petits pains, une foule de génies dans tous les domaines: peinture (toute la Sécession), architecture (Otto Wagner), musique (Mahler, Schoenberg, Berg, Webern), littérature (Karl Kraus, Musil, Stefan Zweig, Leo Perutz, Arthur Schnitzler, Joseph Roth), philosophie et sciences humaines (Wittgenstein et Freud). Au début du 20ème siècle, la modernité, elle était davantage à Vienne qu'à Paris.


- ce qui m'a, en second lieu, préoccupée, turlupinée, c'est l'Empire des Khazars. Ca, ça se rapporte à ma période adolescente, iranienne. Là-bas, à Téhéran, un vieux professeur persan, connaissant mes origines, ne cessait de me tarabuster (était-ce seulement pour m'instruire?) avec cette histoire. Il faut dire qu'en persan, la Mer Caspienne s'appelle la mer des Khazars. Et il est vrai aussi que ce peuple, apparenté aux Turcs, qui a établi un puissant Empire entre la Mer Noire et la Mer Caspienne du VIIème au Xème siècle, a tout pour faire rêver tant il est mystérieux. Il a soudainement disparu  au Xème siècle et on l'a alors complétement oublié. 


Et puis, il a tout à coup ressurgi à la fin du 20ème siècle déchaînant d'infinies spéculations et controverses. Il faut dire que la grande aventure des Khazars fut leur conversion au judaïsme vers 740, sans doute pour échapper à l'influence islamique et chrétienne de leurs puissants voisins. On s'est mis alors à voir en eux (notamment Arthur Koestler) les ancêtres des Juifs Ashkénazes d'Europe Centrale. Moi la Galicienne, ça m'a évidemment beaucoup intéressée mais la polémique est devenue tellement forte sur le sujet que je m'en suis peu à peu détournée.

- troisième influence forte, quand on est slave-esclave, c'est, bien sûr, la domination mongole. On en porte tous sur soi la marque au fer rouge. J'ai bien rigolé quand, au mois de février dernier, l'ancien Président Mongol a raillé Poutine qui, voulant démontrer que l'Ukraine n'avait jamais existé, évoquait l'histoire de la Grande Russie depuis le IXème siècle. Le Président mongol lui a, alors, aimablement rappelé la petite taille de la Russie sous le joug tatar (de 1237 à 1480). Il précisait aussi, en souriant, que la Mongolie était devenue pacifiste et n'envisageait pas de demander la restitution de ses terres.


Et c'est vrai que les Mongols ne cessent de faire frémir tous les Slaves. Plusieurs siècles après, on en demeure sidérés. D'ailleurs, par quoi, les Mongols étaient-ils animés ? D'abord par une soif inextinguible de conquêtes territoriales. Partout où ils passaient, ils laissaient rivières de sang et villes brûlées. Mais ensuite, ils demeuraient pragmatiques. Ils exigeaient certes un impôt de toutes les principautés conquises mais, pour le reste, ils se montraient très pragmatiques: ils ne cherchaient pas à imposer leurs croyances ou à faire vivre comme eux les peuples conquis. Finalement, ils se mêlaient peu du mode de vie de leurs administrés et étaient plutôt tolérants à l'égard d'autres cultures et religions. C'est au point que ce sont finalement eux qui ont été progressivement absorbés par ceux qu'ils gouvernaient. Finalement, les Mongols ont constitué l'Empire le plus "ouvert" de l'Histoire au point que ça a initié leur effacement progressif, sans même qu'ils cherchent à se maintenir. Poutine ferait bien d'en prendre de la graine.


- et enfin, mon dernier horizon historique, c'est évidemment Byzance. Tout le monde, à l'Est de l'Europe, connaît la date de sa chute: 1453. Mais plus à l'Ouest, l'ignorance est presque totale. Comme si le Grand Schisme s'était implanté dans les esprits.  L'orthodoxie, c'est perçu comme une religion un peu brumeuse, empêtrée dans un cérémonial archaïque. Ca n'est pas complétement faux. Mais, à mes yeux, l'orthodoxie, c'est d'abord une autre conception de l'homme: le pêcheur y est plus proche de Dieu que le Saint. Cette vision, étrangement paradoxale (le crime et la débauche vous ouvrent les voies du Salut), continue d'imprégner les mentalités. C'est en partie pour cette raison qu'on rencontre davantage de gens un peu dingos ou fantaisistes  en pays orthodoxe. 


Et puis l'orthodoxie, c'est une esthétique. L'Art byzantin n'est pas figuratif, il ne représente pas le monde extérieur, il est un reflet du divin. Pourquoi pas me direz-vous ? Sauf que l'esthétique byzantine est largement à l'origine  du mouvement d'abstraction, formalisation (avec Kandinsky et Malevitch notamment, puis tous leurs innombrables successeurs), qui nourrit largement ce que l'on appelle aujourd'hui l'Art Moderne.

Voilà ainsi résumés les Empires que je porte en mon cœur. Mais ma vision est peut-être déjà obsolète, complétement dépassée. Parce que, tout est passager, y compris les Empires. Y compris, peut-être donc, l'Europe. Les alliances changent, d'autres maîtres font leur apparition, les frontières se désagrègent, des fractures internes brisent les Empires de l'intérieur. On ne peut résister au mouvement de l'Histoire. J'espère seulement qu'il ne va pas consacrer le retour des Nations.

Images de "L'Atlas Catalan", de Gustav Klimt, Ludwig Holwein, Kolo Moser, Alfred Roller, Anastasia Davidova, Vassily Kandinsky

Je recommande: 

- "Les Empires Médiévaux": ouvrage sous la direction de Sylvain Gouguenheim. Ca vient de sortir. Un grand livre d'Histoire qui dessine un Moyen-Age fascinant. De multiples  Empires (Carolingien, Byzantin, Serbe, Bulgare, Germanique, Mongol, Vénitien, Chinois, Normand, Khazar, Abbaside) qui n'ont, en fait,  pas cessé d'exister.

- Bjorn BERGE: "Atlas des Pays qui n'existent plus - 50 pays que l'histoire a rayés de la carte". Paru en 2019 aux éditions Autrement.

- Gideon DEFOE: "Rayés de la carte ou la remarquable (et parfois ridicule) histoire de pays aujourd'hui disparus".  Ca vient tout juste de sortir. C'est d'un humour très britannique mais c'est sans doute salutaire à une époque où on demeure hantés par le culte du drapeau et le Droit su sang.

- Sur les Mongols, je rappelle qu'il faut absolument avoir lu Guillaume de Rubrouck (facile à trouver en poche), le 1er écrivain-voyageur mais aussi le 1er anthropologue. Et puis l'épopée du Baron sanglant, Von Ungern-Sternberg, relatée notamment par Leonid Youzefovitch.

Ca peut être complété par "le retour de Bouddha" de Vsevolod IVANOV (aux éditions Noir sur Blanc) et "Le grand réveil mongol - Entre Chine et Russie (1911-1921)" de Iaroslav LEBEDYNSKY.

- Sur les Khazars, Milorad PAVIC : "Le dictionnaire Khazar". Par le grand écrivain serbe (1929-2009), un livre à nul autre pareil. Un dictionnaire qui est aussi un roman d'aventures, un roman-policier, un ouvrage cabalistique, un récit fantastique.

- Arthur KOESTLER: "La treizième Tribu". C'est le livre qui, en 1976, a vraiment fait redécouvrir au monde les Khazars. C'est passionnant mais les thèses en sont aujourd'hui âprement critiquées.




16 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

L’Empire Magog

Toutes ces histoires ce n’étaient pas de la thérapie, même pas un début de quelque chose. C’était simplement le plaisir de commenter vos photos en racontant des histoires. C’était une récréation, un plaisir d’écrire tout simplement sans me mettre martel en tête.

Présentement, je vis une période inspirante, après avoir parcouru tout Maalouf, je suis passé à un auteur américain tout aussi inspirant, et je suis en train de relire Dalva de Jim Harrison. Je crois que cette lecture vous plairait. L’action se déroule dans une famille d’éleveurs américains dans le Nebraska. Riche famille terrienne, dont une des filles se nomme : Dalva, qui tombera éperdument amoureuse d’un jeune Sioux avec lequel elle aura une seule relation sexuelle, le meilleur coup de sa vie comme elle l’affirme, qui résultera en une naissance. Je vous laisse le reste, lisez Harrison si vous voulez savoir la suite l’histoire, peuplée de personnages tordus. Avec cet auteur vous pourriez vous livrer à votre plaisir analytique, car ce roman qui déborde d’humains tordus, demeure une rude critique de la société américaine.

Selon les documents officiels, je serais bien le fils de Jeanne et d’Armand. L’Église catholique a bien des défauts, mais pour tenir des registres les curés des paroisses étaient excellents.

Pourquoi appeler ma mère par son prénom? Je ne vois pas de problème, il en a toujours été ainsi. Pourquoi on n’appellerait pas sa mère par son prénom? Moi, on m’appelle bien Richard! D’ailleurs, j’aime bien mon nom.
Magog n’a ici, aucune référence historique de l’histoire ancienne. C’est une expression Abénakis, les indiens qui habitaient cette région des Cantons de l’Est avant l’arrivée des blancs. En langue abénaquise, Magog signifie un plan d’eau, et pour son grand lac, on dit Memphrémagog. J’ai été très étonné lorsque j’ai lu ce nom dans La Bible.

Le pont Dufferin, qui enjambe la rivière Magog est un endroit tout à fait spéciale. C’est à cet endroit que les premiers habitants se sont installés, autant que les Abénakis qui les avaient précédés, au confluent des rivières Magog et Saint-François. Puis les industries se sont installées construisant des barrages. L’Hôtel Magog a été la proie des flammes, et l’ancienne banque de commerce a été reconverti en Centre D’Art. Qui plus est, c’est un bon endroit pour se suicider. Si vous sautez en bas du pont ou des falaises qui bordent la rivière Magog, vous risquez de réussir votre suicide. Plusieurs personnes se sont suicidées à cet endroit. Je tiens à vous rassurer que Sherbrooke n’a rien de morne, c’est même une jolie ville intéressante.

Personnellement, j’ai appris à lire dans les livres relativement tard dans ma vie; mais j’ai appris à lire en moi-même assez tôt, même si je ne comprenais pas toujours ce que je lisais. Après, j’ai recollé les morceaux et puis j’ai foncé dans la vie!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il y a, chez chacun de nous, un plaisir évident, presque une joie, à se raconter, parler de sa vie, se confier. Ca conforte notre assurance et ça nous ferait donc du bien.

On dit généralement qu'il faut parler parce que la parole libère. Ce n'est pas entièrement vrai parce que la parole peut aussi vous figer, vous enfermer dans un statut, une fausse identité. Ce que l'on dit doit pouvoir aussi être mis en question, problématisé, dans le cadre d'un dialogue avec un interlocuteur neutre. Pourquoi raconte-t-on ceci ou cela ? C'est ici qu'intervient justement le thérapeute.

Il n'est pas habituel, en Europe, que les enfants appellent, par leur prénom, leurs parents. Les choses évoluent néanmoins en la matière. Pourquoi pas, me dites-vous ? Je n'ai pas d'avis tranché mais j'observe simplement que cela s'inscrit dans la tendance générale actuelle des sociétés humaines à repousser, voire abolir, les frontières: celles entre l'homme et l'animal, entre l'homme et la femme, entre la vie et la mort et, en l'occurrence entre les générations (entre parents et enfants).

Les parents-copains, je n'y crois pas. Il faut tout de même bien que quelqu'un énonce des interdits. Et surtout, les parents ne doivent pas tout dire à leurs enfants et je ne suis d'ailleurs pas sûre que les enfants souhaitent tout savoir de leurs parents. La transparence est souvent destructrice et chacun de nous a, en fait, besoin de secret (s). C'est dans le secret et la dissimulation que l'on construit son identité. C'est ce que l'on appelle le mentir-vrai.

Je ne doute pas de l'intérêt et de la beauté de la ville de Sherbrooke mais le nom de Magog, tellement chargé de sens, y a peut-être eu une influence sur certains événements de son histoire. L'hôtel Magog détruit par les flammes, c'est tout de même étonnant même si ça ne relève, bien sûr, pas du surnaturel. Ca a pu avoir une origine criminelle.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

L’Empire Magog, l’Empire du Vide.

Dans cet espace, il n’y avait que du vent, que des êtres de passages, presque des ombres timides qui ne s’appartenaient même pas, qui provenaient du sud, que nous connaissons aujourd’hui sous les noms, de Vermont, New Hampshire et Maine, il n’y avait plus d’espace pour eux, alors ils descendaient la rivière Saint-François pour aller se réfugier là où cette rivière se jette dans les Fleuve Saint-Laurent. Et, si une tribu décidait de faire un raid sur ce village, les Abénakis ramassaient leurs maigres biens et remontaient la rivière Saint-François, puis empruntaient, la rivière Magog qui débutait sur des rapides, alors il fallait faire des portages. Transporté les canots à dos d’homme, puis reprendre la course, là où l’eau était plus calme, afin de traverser le grand lac Memphrémagog pour aller se cacher entre les montagnes vertes du Vermont, qui a l’époque, bien sûr, ne portaient pas le nom de Vermont. Ils ont ainsi transité pendant longtemps, si longtemps, qu’ils ne s’appartenaient plus eux-mêmes. Ils étaient toujours de passage. Ce territoire n’appartenait à personne. Étais-ce le (grand vide)? Une espèce d’empire fictif, du courant d’air, de la fuite, de l’incertitude, de la spiritualité, parce que les indiens en générale étaient très spirituels. Ils étaient même trop spirituels pour devenir religieux. Certaines nations indiennes édifiaient des confédérations, mais on ne peut pas affirmer que dans le nord de l’Amérique à cette époque, ces confédérations disparates tendaient vers l’Empire. Mais qu’est-ce qu’un empire? Et qu’est-ce qu’une nation? Un empire c’est un outil politique pour asservir des nations. Les empires sont vastes, mais peu nombreux. Les nations en revanche pullulent. L’Empire, c’est l’outil de la domination, ça fait rêver, nous en connaissons un à Moscou présentement, qui en rêve jour et nuit, afin d’agrandir son empire. Les Abénakis qui campaient en face de l’île du Pin Solitaire à l’embouchure de la rivière Magog, étaient à des années lumière de toute idée d’empire. De sédentaires dans les environs de Boston, ils allaient se transformer en nomades, pour remonter au nord, se glisser entre les Micmacs à l’Est, et les Iroquois à l’ouest, lorsque ce n’étaient pas les Hurons au Nord. Restait le lit de la Vallée du Saint-François, un espace comme un tampon, un lieu de passage, avec une seule route, la Rivière Saint-François. Souvent pour échapper aux massacres, une seule solution, se perdent dans les forêts impénétrables, semer ses poursuivants dans les jungles d’aulnes jusque dans le fond des marécages. La vie était à ce prix. Et, plus que la vie est dangereuse, plus son prix est élevé. Les Abénakis célébraient la vie, mais cela ne les empêchaient pas d’être aussi cruels que les autres nations indiennes. Si les Iroquois étaient les maîtres des raids, les Abénakis allaient devenir les maîtres des embuscades. S’il arrivait dans les courtes périodes de paix, qu’on parvenait à commercer tant bien que mal, en période de conflits on ne se faisait pas de cadeau. Ils n’avaient pas besoin d’un empire pour s’égorger. Les Empires c’est l’époque des grands massacres, comme l’a été la guerre de 14, où six empires s’affrontaient pour un minable meurtre commis à Sarajevo. De ses six empires, quatre allaient disparaître au cours de la Première Guerre mondiale. Ces empires ont disparu, mais les nations existent encore. Qu’est-ce qui a pressé ce grand empire moderne, summum de la civilisation, que vous aimez tant Carmilla, à réclamer le prix du sang? Pour les Abénakis, ce n’était pas une question d’empire; c’était tout simplement devenu une question de sauver sa peau dans cette région, qui allait porter les noms de : Eastern Towships, qu’on allait franciser sous le vocable de : Cantons de l’Est, ce qui allait devenir l’Estrie, et que j’ai nommé l’Empire du Vide. Oui, L’Empire du Vide, comme un courant d’air, si éphémère.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je ne veux pas apparaître comme celle qui défend les Empires.

Certes, les Empires se constituent par la guerre et ils se sont presque tous effondrés à l'issue de la 1ère guerre mondiale. Mais aux Empires, ont succédé les nations et les peuples avec un repli généralisé sur soi-même et le développement d'un nationalisme outrancier et de l'idée de race. Là aussi, ça a débouché sur la guerre.

Une entité (comme l'Union Européenne) qui dépasse la nation, ça m'apparaît positif. Il faut parvenir à faire comprendre que ce qui unit les hommes, ce ne sont pas leurs racines géographiques, ni même leur langue maternelle, mais un ensemble de valeurs universelles et démocratiques.

C'est évidemment difficile d'arriver à faire tenir tout ce monde sur des bases qui peuvent apparaître abstraites. Pourquoi l'Empire d'Autriche-Hongrie s'est-il écroulé ? Parce qu'il était miné par les nationalismes et qu'à peu près tout le monde (Tchèques, Hongrois, Polonais, Croates etc...) essayait de tirer la couverture à soi.

L'erreur finale, ça a été l'annexion formelle, en 1909, de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie. Et en 1914, quand François-Joseph a déclaré la guerre à la Serbie, il était persuadé de régler l'affaire en quelques jours.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

L’Empire du paradigme et l’esprit du Memphrémagog.

Au sortir de la Deuxième Guerre mondial, des Européens lucides ont pensé, que cette région du monde, ne pouvait se payer des champs de ruines à tous les vingt ans, et qui plus est, le prix du sang. Il fallait chercher, mais surtout trouver, quitte à inventer, une formule, une solution, une politique, au lieu de se sauter à la gorges à répétition. L’enfantement n’a pas été simple, et pour donner quelques chances d’avenir à cette idée d’Union, on a débuté modestement par des accords commerciaux, comme l’entente sur le charbon et l’acier. Cela ne va pas sans me rappeler, les échanges que les Abénakis et les Iroquois avaient entre eux, qui se déroulaient comme présentement au solstices d’été, aux journées les plus longues de l’année, les plus lumineuses afin d’être bien éclairé. Les Iroquois qui étaient non seulement de grands guerriers, mais aussi d’excellents agriculteurs, une fois les semailles terminées, quoi de mieux en attendant les récoltes que de rendre une visite à ses voisins. C’était presque des sédentaires, mais pas tout à fait, et ce (pas tout à fait) pesait lourd dans la balance, presque autant que le monstre du Memphrémagog, que je n’ai jamais aperçu, sans doute une histoire mensongère qu’on a édifié en légende, imaginé par les Abénakis afin de tenir les Iroquois en respects. Il y a avait un produit dont les indiens étaient très friands : le tabac, qui n’était pas seulement une plante de plaisir, mais qui servait aussi, aux cérémonies spirituelles, et aux accords diplomatiques. Les Iroquois cultivaient le tabac, mais pas les Abénaquis. Inutile de se la cacher, L’Union Européenne, sur le fond, ressemble à un empire, certes en plus moderne, mais tout de même, un empire quand même de 27 nations. Qu’on le veuille ou non les empires sont composés de nations. Comment ne pas penser que c’est leur défaut principal? Alors comment les faire fonctionner à l’unisson? Peut-être que les européens n’ont pas encore trouvé leur plante, ou leur tabac, pour lubrifier leurs relations? C’est beau les valeurs universelles, la démocratie, la solidarité, la félicité de la paix, l’ouverture des frontières, le libre commerce, les institutions partagées. En principe cela ne devait pas causer problème, mais si vous êtes incapables de trouver des compromis viables, c’est l’organisation de la communauté qui sera invivable. C’est le début du cauchemar que vous êtes en train de vivre. Vos institutions politiques sont en train d’être inféodées par l’Empire de l’Est, lorsqu’elle ne joue pas dans vos institutions bancaires. Même certains de vos politiciens sont incapables de reconnaître que le Hamas et le Hezbollah sont des vulgaires terroristes. J’ai terminé hier la relecture de Dalva de Jim Harrison. C’est un grand livre qui parle beaucoup des politiques américaines intérieures et en particulier de celle qui a été appliquées aux indiens, toutes nations confondues. En refermant le livre, j’ai pensée que ce n’est pas très différent après toutes ces années, de la situation présente, que ce que nous vivons. Et puis, il y a encore des personnes qui croient au monstre du lac Memphrémagog comme d’autres croient au monstre du Loch Ness. Nous sommes encore dans les croyances, moi qui pensait, qu’enfin nous en étions sortis. Peut-être qu’Harrison a raison, que les Sioux entretenaient ce genre de pensée, que sans doute auraient accepté les Abénakis et les Iroquois, que les Canadiens-Français, n’auraient pas craché dessus, que tout être humain sur cette terre aurait fait sienne.

«  On n’appartient jamais qu’à soi-même. »
Jim Harrison
tiré de Dalva
Page 398

Je pense que le vieux Harrison avait raison, on n’appartient vraiment qu’à soi-même, et que c’est le fondement de toutes les civilisations.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

C'est vrai qu'on n'arrive pas à trouver de formule politique assurant la Paix. Kant avait rédigé un projet de paix perpétuelle reposant sur le Droit mais il n'y avait vraiment que lui qui y croyait.

Un jour ou l'autre, il y a le retour du refoulé. Il faut plutôt se poser, comme Freud, cette question: "Pourquoi la guerre?" On peut lire sa correspondance avec Einstein sur le sujet. Il était très pessimiste sur le sujet.

La guerre, c'est un peu la marmite qui, un, jour, explose inévitablement. Les contraintes de la civilisation, de la domestication des pulsions, finissent par apparaître trop fortes et l'homme a besoin de pouvoir libérer ses pulsions criminelles. La guerre est donc, tôt ou tard, inévitable.

En Europe même, il y a de multiples tiraillements entre Etats et nul ne sait si ne vont pas se constituer, depuis son intérieur, de nouveaux blocs d'alliances.

L'état de paix ne semble donc vraiment pas convenir à l'homme.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

L’Empire empirique

Voilà ce à quoi ressemble l’Union-Européenne, depuis sa création elle demeure une créature fragile et artificielle, niveau qu’elle semble incapable de dépasser, qu’elle n’arrive pas à se hisser dans de nouvelles formules inédites. Et, encore une fois, l’union devra se comporter comme un Empire, ça sent la poudre depuis plus de deux années et on se contente d’évoquer de la douceur de vivre à Vienne. Toujours la même inconscience, et l’on dirait que c’est partie pour continuer. La Communauté Européenne doit devenir une puissance majeure, du même niveau que les USA et La Chine, rien de moins. Cesser de se pavaner en (guenilloux) à l’image d’un SDF qui crie famine et s’agenouiller devant les insultes, prêt à lécher les babouches de n’importe quel envahisseur, et à pardonner n’importe laquelle infidélité. Se souvenir que nous avons eu une répétition générale en Bosnie-Herzégovine à la fin du millénaire dernier. Et comment nous avons réglé l’affaire, en prenant les moyens, en y mettant le paquet, ce qu’on aurait dû faire rapidement en Ukraine. Pour reprendre une expression d’un indien du nord : Si les aboiements de ton chien te dérangent, cesser de tirer au travers sa niche : tues le chiens. C’est empirique, clair, et l’on sait à quoi s’en tenir. Il faut avoir les moyens de ses ambitions, et en imposer. 27 États ensembles disposent d’une grande capacité d’imposition, le tout sans rejeter ses particularités locales. Comment vous croyez que les USA fonctionnent, ils fonctionnent avec les États. La communauté des Sioux avaient compris après avoir été chassé par le Ojibwées, qu’il y avait qu’une solution, s’unir et surtout combattre à fond pour se faire respecter. Je sais, cela révèle comme quelque chose de détestable chez l’humain, mais vous avez peut-être le choix, entre la paresseuse douceur de Vienne la douce, et la rigueur de l’UE. Vous n’avez jamais songé Carmilla de vous installer à Vienne avec un chalet en Galicie pour les vacances. Cela transpire dans tous vos propos. Se serait le grand confort. La grande mélancolie de Vienne et les Vampires de Galicie, rien de moins. Peut-être que le problème de l’UE, c’est que tous ses membres agissent comme des étrangers. Vous avez l’organigramme, mais ça s’arrête là, vous n’osez pas aller plus loin, de peur de déplaire. Des fois la politesse c’est une forme de défaut. Le déplaisant de Moscou ne manque jamais de déplaire et personne ne lui reproche. Il y a même en Europe qui l’acclament.

« Ce n’est pas en continuant de faire ce qu’on connaît qu’on pourra faire ce qu’on ne connaît pas. »
Jim Harrison
Dalva
Page 387

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Le problème, c'est que l'Union Européenne n'est pas allée suffisamment loin dans la voie de l'intégration. Il n'y a notamment pas de gestion budgétaire et financière communes. Chaque pays bricole dans son coin et s'autorise même à faire n'importe quoi grâce à la couverture de l'euro. Peu importent les déficits d'un pays en particulier, c'est noyé dans la masse.

Quant à mon expatriation en Europe Centrale, j'y pense quelquefois en effet mais pas plus que ça. Mais le problème principal, c'est de trouver un travail de même niveau avec une même rémunération.

Et pour ça, il faudrait que je me mette à niveau dans plusieurs langues (allemand et autres langues slaves). Curieusement, dans le domaine financier, il ne suffit pas de se débrouiller, de parler couramment. Il faut parler parfaitement parce qu'on écrit beaucoup et on intervient beaucoup en public. Et il ne peut y avoir d'erreurs ou d'approximations.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Les Empires...des histoires d’intégrations.
Comment fait-on pour intégrer quelqu’un, pour le transformer, afin non seulement qu’il vous ressemble, mais qu’il oublie son existence précédente? Qu’il devienne ce qu’il n’a jamais penser devenir. Le bouseux du fin fond de campagne qui n’avait sans doute jamais entendu parlé de François-Joseph comment devait-il se transformer? Nous pouvons élargir ces questions, autant à l’autorité de l’UE, que à celle des Iroquois qui pratiquaient l’esclavage envers les autres nations indiennes. Ici, ce n’est pas l’esclavage culturelle, celle des noirs qui resteront des esclaves à part entière, ils vont demeurer des esclaves, mais ne connaîtrons jamais l’intégrité. Chez les Iroquois et plusieurs autres nations indiennes voisines lord de raids, on faisait des prisonniers, surtout des filles pour en faire des épouses. C’est ainsi qu’une femme abénaquis pouvaient devenir une iroquoise à part entière. Les indiens pratiquaient le métissage bien avant l’arrivée des européens. Ainsi, une personne pouvait passer des Abénaquis, aux Iroquois, aux Hurons, pour aboutir chez les Ojibwées, donner naissances dans chaque nation à des descendances diverses. Ces nations indiennes avaient trouvées un genre de compromis, un genre de modus operandi, ce qui leur permettait d’échapper à la consanguinité. Et fréquemment ces personnes finissaient par être affranchies. Si les indiens ont réussit ce genre de tour de force, sans forcer la note, pourquoi les Européens n’ont sont jamais parvenus à des résultats semblables? Il me semble que c’est une question fondamentale. Ce qu’on oublie souvent, et cela, volontairement, c’est ce que le racisme revêt plusieurs visages, et certains ne sont pas très éloignés de l’intégration. Le plus surprenant résultat fut la vie de Pierre-Esprit Radisson, qui allait passer une bonne partie de sa vie chez les indiens et apprendre plusieurs de leurs langues, ainsi que de leurs traditions, et surtout de leurs méthodes de chasses. C’est devenu un personnage fascinant, si bien, qu’il est devenu aux yeux des autorités coloniales françaises, un personnage dérangeant et dangereux. Les Gouverneur Frontenac, ne pouvait pas le sentir. Pourquoi, François-Joseph à mis la main sur la Bosnie-Herzégovine en 1909? Faut croire qu’il n’en n’avait pas encore assez. Ce qui est le propre des Empires, cette faim de toujours s’agrandir. Que leur empire n’est jamais assez vaste. Sur le fond tu as deux choix, soit intégrer les peuples conquis, ou bien, les exterminer pour les remplacer par des colons de ta race. Un empire, c’est un poids à remorquer, sauf sans doute dans l’Empire du Vide dans les environs du Memphrémagog et quelques autres lieux comme au Nebraska pour les Sioux. Cela tient peut-être à leurs manières de concevoir leurs manières d’édifier les mentalités. Pour la plus part des nations indiennes, l’indien ne possède aucune terre, car c’est la terre qui le possède. D’une certaine manière cela évite les empires. C’est un concept très intéressant, qui nous échappe nous les visages pâles. Une autre manière de voir le monde. La modernité s’est installée en Europe, mais cette Europe traîne derrière elle, des conceptions anciennes élaborées dans un passé lointain, et cela lui pèse. Ce qui l’entrave. Delà, ma citation de Harrison d’hier à la fin de mon texte, qui à ce sujet, nous interpelle tous. C’est un auteur qui, malgré son peu de formation, s’accroche autant à son passé de blanc, qu’à ses valeurs indiennes où la lucidité éclate plus chez les métis. Et, pourquoi, l’Europe ne serait-elle pas un grand métissage? La solution, du moins en partie, est peut-être là, dans ce mélange?

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

On ne peut se baser que sur les apparences (car chaque pays a sa façon de comptabiliser ses étrangers) mais il est évident que la France est l'un des pays les plus accueillants au monde. Autant que la Grande-Bretagne, plus que l'Allemagne et infiniment plus que les pays de la Méditerranée et de l'Europe Centrale. Le métissage, il est devenu une réalité en France. La France d'aujourd'hui est sans doute bien différente de celle d'il y a quelques décennies.

Je ne crois donc vraiment pas que les Français soient racistes ou xénophobes. Un peu sans doute mais ce qu'il faut considérer, c'est l'évolution positive des mentalités dans le temps. Il n'y a plus aucun racisme envers les Italiens, les Espagnols, les Portugais (ce qui était, paraît-il, autrefois le cas).

Il faut bien dire, en fait, que la question du racisme en France se double d'un autre problème beaucoup plus épineux: celui de la religion et, en l'occurrence, de l'Islam. Et c'est un problème qu'on ne sait pas traiter. Que faire vis à vis de l'islam ? On ne peut pas être répressifs mais on ne peut pas non plus être trop tolérants.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

L’Empire de l’impossible.
Plus un empire est vaste et populeux, plus il est difficile à gérer. L’Empire Romain en est un exemple incontournable. Comment gérer un immense territoire plus des populations multiples? Après, c’est l’Église Catholique Romaine qui allait prendre la place de l’Empire Romain en copiant ce modèle administratif de cet Empire qui était en train de se décomposer. C’est quand même fascinant! Ce fut loin d’être un long fleuve tranquille. Une fois la conquête terminée d’un pays, il fallait installer une autorité, favoriser le commerce, impliquer des personnages locaux afin de favoriser les communications. Ce qui allait prendre des dimensions souvent désagréables et décevantes. Un bel exemple c’est lorsque les vins espagnols et l’huile d’olive arrivait sur les marchés romains en se vendant moins chez que les produits locaux, ce qui ne faisait pas l’affaire des marchands et des producteurs romains. On dirait qu’il y a comme un petit relent de mondialisation. C’était un problème d’Empire. Nous pouvons même penser qu’il était plus facile de faire la guerre, que d’entretenir la paix.
Un empire, c’est une institution difficile à administrer, à faire fonctionner, et surtout à prolonger dans le temps, dont la pérennité n’est jamais assurée. Il est quand même étonnant, qu’aujourd’hui, il se retrouve des individus qui rêvent d’empire. Ce qui serait une régression, par rapport à ce que nous connaissons présentement. C’est une formule qui pourrait réapparaître. Est-ce que le RN s’il parvient à gouverner, va faire tout ce qu’il a annoncé? Dire n’est pas toujours faire, et faire exige toujours plus que dire. La France a toujours accueilli beaucoup d’émigrés, et ces émigrés souvent se sont illustrés dans leur pays d’adoption en apportant leurs contributions à ceux qui leurs avaient ouverts les bras. Entre le 17e siècle et le 20e, tous les Européens rêvaient de La France, comme aujourd’hui tout le monde rêve de l’Amérique du Nord. Peut-on refuser, au pire discriminer, des personnes, ou des familles, qui désirent tout simplement améliorer leur sort économique? Ce qui à mes yeux devance les problèmes religieux. Si vous passez devant un chantier de construction en France, il se pourrait fort bien que les travailleurs qui œuvrent sur ce chantier soit des émigrés qui viennent d’arriver, parce qu’il n’y a pas de français qui veulent grimper dans les échelles et se salir les mains. Je sais, ce n’est pas une réalité plaisante à entendre. Alors on détourne son regard pour se réfugier dans l’indifférence.
Comment ne pas sentir cette déchirure qui s’installe à demeure dans ce pays de cocagne? Les deux prochains dimanches seront douloureux en France, certains se boucheront le nez pour aller voter, d’autres fouleront aux pieds leurs convictions, d’autres penseront à émigrer, et je ne doute pas que certains s’abstiendront de voter. Ce qui serait dommage, vu les circonstances.
Reste la religion, ce qui est une autre manière de faire de la politique, et lorsque la politique ne fonctionne pas, alors on se lance dans le terrorisme. Vous y avez rudement goûté en France, et qui vous dit que c’est terminé? Qu’est-ce que vous pouvez faire devant cette incertitude? Les temps sont incertains présentement et l’on ne voit pas comment il pourrait en être autrement dans un avenir proche.

« Nous pensons à la vie comme à un solide immuable et nous sommes sidérés quand le temps nous apprend qu’il s’agit d’un liquide. »
Jim Harrison, La route du retour, page 21.

Merci Carmilla et bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Oui, un Empire, c'est souvent difficile à administrer. Mais ce que j'aime dans l'Empire (notamment celui de Napoléon ou de l'Autriche-Hongrie), c'est qu'on y était citoyen ou sujet indépendamment de sa langue, de son ethnie, ou de sa religion. En outre, la liberté de circulation, d'installation et d'entreprise y était totale.

Il faut lire "Le monde d'hier - Souvenirs d'un Européen" de Stefan Zweig, ou bien les bouquins de Josef Roth pour avoir une idée de ce que pouvait être un Empire libéral.

Mais a contrario, il y a évidemment des Empires qui reposent sur la brutalité et la répression avec un même moule pour tout le monde. On y éradique tous les particularismes. C'est la Chine ou la Russie.

Quant à la France, je le répète, je pense qu'on y est beaucoup moins racistes qu'ailleurs. Ce qui s'y passe, c'est plutôt ce déchaînement des passions et des jalousies, décrit par Tocqueville, qui est la pente dangereuse de toutes les démocraties. On se met à détester les élites technocratiques, ce qui est inquiétant parce que, des élites, on en a malgré tout besoin.

Et il est vrai que "la France du Travail" est maintenant profondément fracturée. D'un côté des gens qui travaillent beaucoup (professions manuelles, ouvriers, artisans, commerçants, restaurateurs) mais en retirent financièrement peu; et de l'autre des gens qui travaillent peu (au moins 2 mois de vacances et télétravail) mais vivent confortablement.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

J'avoue que les événements politiques français, avec la dissolution irresponsable décidée par Emmanuel Macron, me plongent dans la stupeur et l'anxiété. Que le RN arrive au pouvoir, voilà une perspective consternante et angoissante. Seules les grandes villes et une partie de l'Ouest et du Sud-Ouest échappent, en partie, à cette vague annoncée.

S'il n'est pas impossible que le RN n'ait qu'une majorité relative, et soit donc dans l'impossibilité d'exercer le pouvoir, le risque, s'il devait quand même gouverner, serait d'assister à des dérives "illibérales" comme en Pologne et en Hongrie.

La Flandre a aussi un grand parti d'extrême droite, le Vlaams Belang ("Intérêt flamand"), celui-ci a environ 22 % des voix dans la région, mais ne semble pas en mesure d'accéder au pouvoir. Quant à la Belgique francophone (Wallonie et Bruxelles), elle constitue une exception, peut-être provisoire, en Europe, avec l'absence d'un parti d'extrême droite significatif.

Richard a dit…

Bonjour Carmilla.

L’Empire ou l’intégration?

Toute la douceur de vivre émane dans : Le monde d’hier, de Stefan Zweig. Une belle vie qui ne méritait pas le drame qui allait se jouer en 1914. L’économie tournait à plein, personne ne se doutait de rien, la belle insouciance bien rendue dans les propos de Zweig. C’est un livre à lire et à relire, à réfléchir surtout en notre époque instable. Une leçon d’humanité qui vous prend au corps, s’empare de votre esprit, et je comprends votre attachement, non seulement à ce régime politique, mais aussi à cette espèce d’insouciance de vivre comme à un pique-nique sur le gazon, la belle vie quoi! Et dire, que se sont eux qui ont commencé les hostilités soutenu et encouragé par l’Allemagne. Cela devait se résumer en une petite affaire, on connaît la chanson, juste quelques jours comme un fait divers. Qui sait peut-être que notre belle vie tire à sa fin? Qui sait? Présentement, nous dansons sur un volcan dans une très grande insouciance. Vous faites bien de souligner cette ouverture d’esprit qui animait cet Empire. Je serais moins positif en ce qui concerne Napoléon. Que dire, l’Europe de l’époque a refusé son Union Européenne, avec ses milliers de morts. Il faut se souvenir qu’il a conquis le pouvoir par un coup d’état. Cependant, la peur du changement comme à toutes les époques instables, a favorisé le conservatisme et le prolongement des dynasties. Qui sait, le scrutin de dimanche prochain va peut-être ressembler à un : « Coup d’État démocratique ». La France est peut-être prête pour cela? J’ai hâte de constater le pourcentage de ceux qui s’abstiendront. C’est peut-être là que ça va se jouer. Ceux qui ne voteront pas vont porter une lourde responsabilité. Le moins qu’on puisse dire c’est que vous avez l’apparence des confusions politiques. Une petite période d’anarchie avec cela? Je peux comprendre votre trouble. Nous avons tous les yeux rivés sur le France. Que va faire cette France? Est-elle capable encore de nous surprendre? Surtout qu’elle n’en serait pas à ses premières frasques. À surveiller, les petits financements internationaux qui pourraient appuyer certains formations politiques. Je sais, il ne faut pas en parler trop fort, cela pourrait être déstabilisant. C’est à ce demander, dans quel monde vivons-nous? Est-ce vraiment un monde? Il appert, que ce n’était pas mieux hier lors du débat télévisé entre Biden et le Blondinet de Washington. Il semblerait que c’est tout ce qu’on mérite, parce que nous méritons les gouvernements que nous élisons, en conscience comme en inconscience, en se concentrant sur les politiques intérieures, pendant que le molosse du voisin est en train de déchirer vos pantalons sur la corde à linge. Présentement, cela se passe sur la scène internationale pas ailleurs. Faudrait-il s’étonner de tous ces gens qui cherchent un guide, une bête politique autoritaire, afin d’être guidé sur la route de la servitude comme l’écrivait Timothy Snyder :

« Faire l’expérience de sa destruction, c’est voir un monde pour la première fois. Héritiers d’un ordre que nous n’avons pas construit, nous sommes aujourd’hui témoins d’un déclin que nous n’avons pas prévu. »
Timothy Snyder, La route pour la servitude, page 381

Et la route ne s’arrête pas là…
Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Ce qui se passe actuellement en France est effectivement bien angoissant.

On ne saura sans doute jamais quels "pervers" ont pu conseiller à Macron une dissolution. A un moment aussi peu propice d'une éclatante victoire du Front National aux Européennes. Il fallait vraiment être porté par un instinct d'auto-destruction.

C'est vrai que le vote Front National est concentré dans les zones rurales délaissées.

Sont également intéressantes, les intentions de vote en fonction des professions. Il s'y révèle que le Front Populaire n'a rien de populaire car les ouvriers votent Front National et surtout qu'il est le parti des professions d'encadrement de la société (fonctionnaires, enseignants, métiers de la culture et de l'information) qui réclament sans cesse davantage de protection alors qu'ils sont déjà blindés en la matière. Le Front Populaire est en fait le Parti de l'ordre établi ou plutôt de la rente de situation.

Ca permet de pointer la fracture de la société française. Il y a ceux qui ne vivent pas trop mal, sans trop travailler, aux dépens du système et ceux qui vivent franchement mal en galérant beaucoup. Le vote Front national s'explique, en partie, à partir de cette division.

Mettre fin aux rentes, c'est plus que jamais d'actualité mais je doute qu'on s'engage dans cette voie.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Double catastrophe en effet: le duel Trump/Biden d'un côté et les élections en France de l'autre.

Rien qui augure d'une victoire de la démocratie.

En France même, les jeux sont faits. Les écarts sont beaucoup trop grands. Un sursaut démocratique en faveur de gens sensés est inconcevable.

Je ne crois même pas que l'expérience d'une destruction soit profitable. A preuve Trump: ses pires vilenies et scandales lui sont, en fait, profitables. Serait-il jeté en prison que ça ne compromettrait pas forcément son élection. On n'est plus dans les mêmes logiques.

Bien à vous,

Carmilla