Dans mes lectures, j'ai des périodes de "tocades".
En ce moment, j'avale des bouquins sur la chute de Rome.
Je me plonge là-dedans parce que, pour moi, c'est très lié à "l'ambiance" politique mondiale, à l'effet Trump et à la nouvelle coalition des trois empires facho-réacs (Etats-Unis, Russie, Chine) qui prétendent, maintenant, se partager le monde.
Leur point commun à tous les trois: une même détestation de l'Europe et de sa démocratie. Et ils ont deux abominations principales :
- l'Etat de Droit qui n'est pour eux qu'une bureaucratie absurde et paralysante;
- une nouvelle bien-pensance, le "wokisme", qui promeut, paradoxalement, une immoralité générale (l'effacement de la différence des sexes et le "métissage" ethnique et culturel).
A leurs yeux, l'Europe, c'est fini, elle est condamnée à la relégation dans le grand concert des nations. Paralysée par ses réglementations ubuesques et ayant perdu son âme à force de se vautrer dans la débauche.
Et le parallèle est tout de suite établi avec la Chute de Rome, cette chute qui est sans doute l'événement le plus important de l'histoire universelle. Comment l'incroyable, l'impossible, a-t-il pu se produire ?
Et aujourd'hui, l'opinion la plus commune, c'est que la décadence a emporté Rome. Et à Moscou comme à Washington, on ne se prive pas de marteler cette analyse en l'appliquant à l'Europe. Il est vraiment dommage, à ce propos, qu'on ne rediffuse pas les informations russes sur l'Europe. Leur mépris est vraiment édifiant.
Quant à Rome, la décadence y aurait été avant tout morale avec une sexualité débridée incarnée par des personnages comme Héliogabale, Messaline, Néron etc... Et à force de ne plus songer qu'au plaisir, tout le reste, les affaires courantes, la justice, l'activité économique, l'armée, tout cela se serait progressivement délité et parti à vau l'eau jusqu'à la chute finale en 476 (destitution du dernier Empereur romain d'Occident).
Rome est donc brandi comme exemple: voilà ce qui arrive quand on ne cherche qu'à jouir et à se mélanger. On a tous en tête le titre du bouquin de l'historien anglais Edward Gibbon: "Histoire de la décadence de l'Empire romain".
Et c'est vrai qu'on trouve aujourd'hui une énorme littérature sur la question avec une foultitude d'approches et de théories. Mais cette multiplication des théories, depuis deux siècles, sur la fin de l'Empire d'Occident reflète surtout l'angoisse des peuples face à leur propre disparition.
Et puis ces analyses sont biaisées parce qu'elles reflètent, généralement, les préoccupations de l'époque au cours de laquelle elles ont été élaborées.
* Tordons d'abord le cou à à l'idée reçue de la grande débauche romaine qui aurait entraîné la chute. C'est un peu "Le Satyricon" de Fellini. Mais les Romains, dans l'ensemble de la population, étaient tout sauf des jouisseurs. Loin de l'érotisme débridé des Grecs, ils portaient plutôt sur la sexualité un regard angoissé, puritain. C'était le sexe et l'effroi, la naissance de cette culpabilité qui continue de nous ronger. La "bagatelle", ça n'était pas l'obsession première.
* Quant aux autres analyses, on a d'abord dit que l'avènement du Christianisme aurait scellé la fin de Rome (Voltaire, Gibbon, Renan). C'est oublier que l'église s'est d'emblée fortement structurée, institutionnalisée, en reprenant l'architecture administrative romaine. Et du reste, Byzance a survécu plus d'un millénaire.
* On a également développé, "dans l'air du temps", une approche écologique, celle du Britannique Kyle Harper. Un petit âge glaciaire et les épidémies de peste auraient précipité la Chute de Rome. C'est tellement réducteur que c'est anodin.
* Ou alors, il n'y aurait tout simplement pas eu de "grande catastrophe" avec une fin brutale de la "romanitude". Le Moyen-Age n'en aurait été qu'un prolongement avec des barbares romanisés et un maintien des principales institutions romaines (Peter Brown).Un point de vue intéressant mais, sans doute, idéologique: il est fait, cette fois ci, l'éloge du multi-culturalisme avec la volonté de proclamer l'équivalence des cultures et les bienfaits qu'apporteraient les Barbares aux "civilisés" grâce à un fructueux métissage.
Toutes ces visions "modernes" de "la Chute" reposant sur un grand facteur explicatif ne sont finalement que des approches biaisées, détournées. On préférer s'empêtrer et s'embrouiller dans les théories et on a du mal à considérer la réalité brute des choses.
C'est peut-être trop simple, mais la réalité, la vérité, c'est que l'Empire d'Occident a été, brutalement, vaincu militairement par les Barbares. Et ces Barbares, c'étaient les peuples germaniques et plus encore les Huns qui venaient de révolutionner l'Art de la Guerre avec leur extrême mobilité face à des légions statiques. Il est venu un moment (en 410 avec le sac de Rome) où l'Empire a été submergé et n'a plus été en mesure de défendre ses frontières. La pression était devenue trop forte et l'assimilation des Barbares impossible.
Et c'est vrai que la Chute de Rome était inéluctable. Parce que, comme le souligne bien l'historien Michel de Jaeghere, "il est illusoire de prétendre faire subsister une zone de civilisation entourée d'une périphérie livrée à l'anarchie et à la misère. Parce que la prospérité attirera toujours irrésistiblement vers elle les populations qui en ont connaissance". Et puis, il y a aussi la séduction exercée par le mode de vie des femmes.
Les Barbares veulent alors "s'emparer des richesses produites par la civilisation, faute d'avoir été capables d'adopter les disciplines qui en avaient permis la production". Et il ne faut pas enjoliver les choses, ne pas se détourner des faits parce qu'il y a effectivement eu, après la chute de Rome, un véritable effondrement politique économique, culturel: disparition des villes, de l'agriculture, des arts, de la culture littéraire, de la Paix et de la sécurité. On réhabilite aujourd'hui le Moyen-Age, ça n'était effectivement pas la grande obscurité mais il faut aussi relativiser.
La chute de Rome, ça a bien été, quelles que soient les théories développées, un véritable drame dans l'Histoire de l'humanité. Il y a tout de même bien, en effet, des degrés d'avancement dans la civilisation (tant pis si vous trouvez mes propos d'esprit colonialiste). On prétend aujourd'hui que toutes les civilisations se valent. Oui ! Mais il y a des nuances à apporter. L'Europe, c'est peut-être, en effet, comme le voient les Russes et les Américains, une Rome décadente. Mais ils oublient qu'ils sont, en l'occurrence, les Barbares, ceux qui n'ont pas d'autre argument que la haine généralisée et la menace des armes.
L'Europe, la culture et la démocratie européennes, contre les barbaries russe et américaine. Ca a aussi une implication sexuelle parce qu'il s'agit aussi d'un combat du féminisme contre le virilisme et le machisme.
Les premières images sont des peintres pompiers, très prisé à la fin du 19ème siècle, Jean-Noël Sylvestre et Jean-Léon Gerome.
Je recommande:
- Peter HEATHER: "Rome et les Barbares". J'ai été passionnée et convaincue par ce gros bouquin (800 pages). Il m'a surtout permis de découvrir qui étaient "les Barbares". C'était très confus pour moi. Sa publication en Grande-Bretagne remonte à 2005 mais il n'est sorti que récemment en France, en septembre 2024.
- Michel de JAEGHERE: "Les derniers jours, la fin de l'Empire romain d'Occident". Un livre très intelligent dans le prolongement de Peter Heather.
Et puis, il y a tous les livres de Paul Veyne (notamment "Sexe et pouvoir à Rome") et tous ceux de Lucien Jerphagnon.
22 commentaires:
Bonjour Carmilla
Fabuleuses tocades, des analyses intéressantes, des histoires et des politiques qui ressemblent à ce que nous vivons présentement et qu’on n’aurait jamais pensée possible, et pourtant, cela est en train de se produire dans nos sociétés, l’Europe, comme la société romaine, qui se croyait invulnérable, est en train de découvrir sa vulnérabilité, pour s’y complaire d’une manière inélégante. Pendant qu’elle discute, les autres agissent, même au prix de nombreuses vies humaines. En un mot, l’Europe craint l’effort, et surtout la prise de décision, dans une frousse de douleurs annoncées, mais qui demeure aléatoire, tellement que nous baignons dans l’incertitude.
Ça débute toujours un peu de la même manière. Afin de provoquer la bagarre rien de tel, que de fermer le commerce aux frontières, d’imposer des tarifs douaniers, des taxes à l’importation, de répande des rumeurs de pénuries, de crises économiques, des justifications de protections de marchés intérieurs ; surtout lorsque tu te sens dans ton droit avec une grosse armée, pour assurer le droit de faire ce que tu désires, aux mépris de toutes les ententes, les traités, et les diverses politiques internationales.
L’économie en est un excellent exemple. Un jour tu conquières des terres, des peuples, pour les soumettent afin d’agrandir ton territoire pour le transformer en empire, afin de pouvoir écouler tes produits sur le marché international, surtout avec les colonies que tu as fondées. Mais les autochtones ne sont pas des imbéciles. Si les Romains sont capables de produire du vin et du blé et de nous les vendre ; pourquoi nous ne produirions pas notre propre vin, blé, et autres denrées ? C’est ainsi, que le vin d’Espagne et du sud de la France ont pénétré le marché romain, et pour beaucoup moins cher que pour les vins locaux de la métropole. Pendant que les romains s’occupaient de leurs conquêtes, les colonisés s’occupaient de leur commerce. Il en fut aussi avec le blé, et la fameuse huile d’olive. Les colonies produisaient en quantité et en qualité et inondaient ainsi les marchés romains en coupant les prix.
Comment contrer ce problème ? Qui est tout sauf nouveau, ce qui fut les cas après la Deuxième Guerre mondiale. Les américains avaient développés des méthodes de productions avec la capacité d’inonder tous les marchés mondiaux. Comme la demande était grande et qu’on pensait à tort sans fin, alors ils ont diminué leurs productions militaires pour se reconvertir dans le civil. Ce fut les trente glorieuses, l’ouverture des marchés, avec l’idée, qu’une fois la paix revenue, il n’y aurait plus de limite dans tous les domaines. Même le ciel n’avait plus de limite. On s’est même payé le luxe d’un plan Marshall pour rebâtir l’Europe. Alors que les russes avec leur complexe d’infériorité en bavaient d’envie derrière leur mur, tout en prenant conscience que leur régime les menait à la ruine.
Puis, on s’est installé confortablement dans la guerre froide, avec quelques agressions mineures. Mais l’affaire tenait le coup, il n’y avait pas à s’en faire, nous pouvions laisser le communisme aux russes, et s’occuper de nos petites affaires. Un peu à la manière des romains qui allaient dans leurs colonies pour rétablir l’ordre, ce qui n’était pas toujours justifié. C’était sans compter qu’ils y avaient des autochtones qui rêvaient de puissance, de pouvoir, et même de surpasser les maîtres. C’était une réplique du modèle de base. Cela a joué longtemps dans l’histoire romaine, avec toutes sortes de variantes comme une pièce de musique.
Nous pouvons prendre un autre exemple. Comment les américains se sont affranchis de la Grande-Bretagne ? La mère patrie s’imaginait qu’on pouvait ouvrir des colonies en Amériques et qu’on allait les transformer en consommateurs. Mais, un jour, ce fut l’Amérique qui a inondé de ses produits l’Angleterre, tabac, coton, maïs, blé, etc. Encore une fois l’élève avait dépassé le maître. C’est le propre des élèves que de dépasser leurs professeurs.
Qu’est-ce qui s’est produit dans la décennie 90 ? Le mur venait de tomber, le communisme allait suivre, et nous avons commis l’erreur nous les occidentaux, qu’il n’y aurait plus de problème, que l’avenir était radieux, qu’on allait ouvrir les frontières, que la richesse allait couler à flot, et qu’on n’aurait plus besoin ni de la politique ni de la diplomatie avec l’ouverture des marchés.
Dès le début des années 2000, ça commençait à flotter tout croche, et pour les plus allumés nous nous sommes aperçus que la barque prenait l’eau. On venait d’embarquer les Chinois dans le commerce international en pensant qu’on pouvait transformer ces commerçants dans l’âme en consommateurs. Et qu’est-ce qui s’est produit ? Ce sont eux les chinois qui nous ont inondé de leurs produits. Pour les chinois, l’ouverture des marchés ce n’était pas une brèche, c’était la grande ouverture. Facile de monter en puissance lorsque la main d’œuvre est bon marché et surtout soumise. Cependant, le peuple chinois, lui aussi désire sa pointe de gâteau !
Ainsi, nous sommes entrés dans l’époque des grands médiocres, le plus bel exemple dont nous venons d’en être témoin, avec ce merveilleux budget de 900 pages que célèbre le Traître Taco après s’être fait humilier par le Cousin de Moscou au sujet de l’Ukraine, qui le lendemain a bombardé copieusement l’Ukraine, le Traître célèbre sa puissance. Au cours de sa campagne électorale et immédiatement après son assermentation, il fallait l’entendre, que l’Amérique devrait travailler plus fort afin de payer ses dettes, c’est à ce prix que l’Amérique serait de nouveau grande et toute puissante. Alors on a coupé partout en instrumentalisant Musk, qui a fini par être congédié. D’une certaine manière les USA se sont coupés du monde.
Tout cela fait partie d’une seule et unique chose : l’évolution. Nous pensons, (toujours à tort), qu’une situation favorable et agréable va perdurer dans le temps, qu’on n’aura plus besoin de mélanger dangereusement la politique et l’économie qui doivent être manipulées avec prudence. Ce qui est tout le contraire, surtout lorsqu’un gouvernement augmente drastiquement les budgets militaires, et pour se faire coupe dans les programmes sociaux. Une odeur de poudre traîne dans l’air. Lorsqu’on réarme, c’est peut-être parce qu’on songe sérieusement à utiliser la force dans une atmosphère d’inquiétude délétère.
Merci pour votre texte inspirant, il y a de quoi réfléchir.
Bonne fin de journée
Richard St-Laurent
Merci Richard,
On avait cru, en effet, au lendemain de la Chute de l'URSS, au triomphe de l'Europe ou plutôt de l'esprit européen (la démocratie, le libéralisme).
On découvre aujourd'hui qu'une foule de pays émergents nous détestent et nous considèrent comme des débauchés, des décadents, des colonisateurs. Et pire encore, que le pays que l'on croyait un flambeau de la Liberté, les USA, change de camp et se rallie aux Brutes et aux tyrans qui ne connaissent que le chantage et la force.
Et la gangrène est générale. En Europe même, l'extrême-droite atteint des scores invraisemblables au point qu'elle va sans doute prendre le pouvoir à peu près partout.
Tout cela est très inquiétant d'autant qu'on est trop éduqués, trop policés, pour répondre efficacement à des Brutes. On donne finalement l'impression d'être faibles, de se plier.
C'est au point qu'il faut, effectivement, souhaiter un échec énorme des politiques étrangères et économiques de Trump. Mais il n'est pas sûr que ça suffise à tourner la page. Parce qu'il est remarquable que les plus grands scandales, les affaires les plus sordides, ne l'atteignent nullement et même, au contraire, le renforcent.
Alors oui, l'esprit européen, démocratique et libéral, est effectivement, aujourd'hui, en grand péril et je ne sais pas si on parviendra à redresser la barre.
Bien à vous,
Carmilla
Bonjour Carmilla
Qui a dit, ou penser, que nous étions des incapables et des minables? Qui sont ceux qui nous croit hors-combat? Nous serions des dégénérés, des incompétents, des minables, des imbéciles, prêts pour les poteaux de l’inquisition? Des parfaits décadents? Certes, nous ne sommes pas les victimes, surtout pas les victimes, qu’ils s’imaginent reverser et humilier à souhait, parce que l’on sait et surtout que nous sommes conscients de la situation et de notre savoir. Nous sommes dérangeants parce que nous savons et que nous voulons augmenter ce savoir. Il y a même un petit velours à être détesté. J’en sais quelque chose par expérience. Cette opposition, si nous pouvons l’appeler ainsi, est composé d’envieux, et qu’est-ce qu’ils envient : notre savoir. Peut-être même notre état de confiance? Ils peuvent cacher la rouille sous une couche de peinture, mais cela ne supprime pas la corrosion. Impossible de faire semblant, parce que nous le savons tous. Ici, je ne parle pas de doute, je parle de peur, cette bonne vieille compagne lorsque nous sommes tétanisés par une situation qui nous dépasse. L’extrême-droite comme vous dites, a besoin de certitudes, même si ces certitudes sont enveloppées de mensonges rutilants et à priori séduisants. Ces horribles conservateurs en redemandent, surtout qu’ils ont la peur du changement, et qui dit changement, dit évolution. Ils savent qu’ils sont dépassés, alors ils désirent restés, là immobiles, et ce n’est pas parce que tu as un téléphone portable dans une main, que tu es évolué. Se serait plutôt quelque chose comme de l’addiction, pour ne pas dire de l’esclavage, ce genre de soumission crasse. Il faut les voir et les observer, là où les mots et les idées ont été remplacer par des aboiements. Non, ce n’est pas le Taco Traître qui a écrit les 900 pages de ce (merveilleux bill), car il n’en est que le prolongement malheureux incapable de lire même une seule page. Il a engagé des scribes pour cela, pour le dire d’une manière brutale, et il en sait quelque chose dans ce domaine, il a engagé des nègres. Taco, ne savoure pas sa victoire; présentement, il savoure sa vengeance. Il a déjà commencé à convaincre que ce fut les six mois de son pouvoir les plus éclatant pour aussitôt pour s’atteler à la tâche de convaincre ses partisans, que l’Amérique est redevenue grande, forte, indépassable. Pour ceux qui en sont conscients, tout cela, c’est du flan.
Ce qui s’est reflété dans cette attaque en règle face aux universités américaines. Taco n’aime pas se faire dire ce qu’il a à faire, c’est lui qui mène, et comme il n’a rien réussi dans sa vie, et qu’il est assoiffé de reconnaissance, il dédaigne, que dire, il déteste le savoir, et surtout ceux qui portent ce savoir. Il faut voir son entourage qu’il dirige à la baguette. Qui s’assemblent, se ressemblent. Taco a l’amour parcimonieux, en revanche il a la haine féroce. C’est le professionnel des manipulateurs, un maître incontesté, qui ne parvient jamais à cacher ses faiblesses, ses ignorances, et surtout ses vulnérabilités. Nous pouvons déduire, que ceux qui ont voté pour ce Traitre, sont vulnérables. Ils seront, un jour, les victimes de ce maître croupissant, ou de ses successeurs, parce qu’il me semble que nous sommes loin de la conclusion de ce chapitre historique. On va sans doute ouvrir d’autres camps dans les marécages floridiens, (Everglades). Ça ne vous rappelle pas quelque chose comme dans le genre de racisme que nos parents ont connu. Nous ne sommes pas très éloignés de quelque chose comme l’extermination. Faut dire, que l’endroit est rudement bien choisi pour cette tâche, je dirais même que c’est machiavélique. Souvenons-nous que le sud-est ce cette région des États-Unis a été le berceau de l’esclavage. Petite nouvelle, il en reste encore des racines très vivantes. Le racisme n’a pas disparu, et un jour je ne serais pas surpris lorsqu’on aura éradiqué les sans-papier, qu’on les remplace par des personnes de couleurs, et peut-être même par quelques professeurs d’université. Ce qui débute par une chose temporaire pourrait bien devenir permanent. Les États-Unis ne manquent pas de ces genres d’endroits insalubres. Ils peuvent en dresser d’autres de ces genres de camps. Mais cette vulnérabilité ne disparaîtra pas pour autant et la peur continuera de régner en maître. Ce qui est remarquable, c’est que ces genres d’époque commence toujours par une mise à l’index de certains ouvrages, avant de le brûler. Nous sommes en train de répéter le passé sur fond de crises économiques
Bonne fin de journée Carmilla.
Richard St-Laurent
Je voulais vous laisser sous autre chose…
« Il préfère appartenir à ce monde qui ne le connaît pas encore vraiment et à l’égard duquel il a eu le temps de se définir. Il préfère courir le risque que ce monde aussi le déçoive et qu’il lui faille s’enfuir de nouveau, partir ailleurs, vers un endroit plus reculé encore, pour ne pas sombrer dans cet état familier, désespérante, où il n’est qu’un problème pour lui et pour les autres. Il est en train de prendre conscience que la maladie l’a atteint à un moment particulièrement propice de sa jeune et brève existence, lui offrant une chance de se reformuler, et qu’à vrai dire il devrait être heureux de se retrouver là, dans cette petite station thermale silésienne, bâtie au-dessus des eaux d’un lac souterrain. »
Mieczyslaw Wojnicz
Tiré de : Le banquet des Empouses, page -163-
Par : Olga Tokarczuk
Ce fut une excellente lecture.
Merci Carmilla
Richard St-Laurent
Merci Richard,
"Le banquet des Empouses" est, en effet, un bouquin absolument remarquable. Je connais même les lieux évoqués, avec ses forêts, ses petites montagnes et ses stations thermales. J'espère pouvoir m'y rendre bientôt pour y faire des photos.
Quant à Trump ou plutôt Taco, ce surnom qu'il déteste, le problème c'est qu'il y a une "Trumpisation" générale des esprits qui s'étend aussi à toutes les démocraties et à l'Europe avec une haine générale des élites. C'est l'idéologie du "y'a qu'à, faut qu'on", des solutions simples, à la hache. Quant aux pays émergents (les BRICS), ils considèrent que nos grands principes démocratiques débouchent sur l'inefficacité bureaucratique et la décadence morale. A leurs yeux, on est déjà morts, on appartient au passé.
Et le pire, c'est que personne n'ose et n'est capable d'affronter Taco. Il peut nous insulter mais on ne répondra jamais. On dira même qu'il a eu une idée géniale. On est trop éduqués, trop diplomates pour risquer de le froisser. Mais lui sait bien qu'on encaissera sans rien dire et il joue là-dessus.
Bien à vous,
Carmilla
Bonjour Carmilla
Nous pouvons tout perdre, mais cela ne fait pas de nous des perdants, bien au contraire, l’épreuve nous soumet non plus à la tentation du désir, mais à plonger dans la bagarre. Un homme réduit à un tas de paille pas très éloigner de la boue et de la misère, malgré son dénuement, peut devenir très dangereux. Attention, il va sorti de sa misère, peut-être, jusqu’à ce que, mort s’en suive, et attention pour ceux qui lui en ont fait baver, jusqu’au point de le ruiner et de l’humilier. L’animal n’est pas encore mort. Nous pouvons tout perdre, sauf notre humiliation, cette descente de la perte de tous nos repères, de toutes nos valeurs, de nos bâtiments comme de nos autres possessions, de notre société dans laquelle nous baignons depuis notre naissance, des idées que nous avons glané à coups de lectures de peines et de misères, afin de nous faire une idée de ce monde dans lequel nous évoluons. Rien de plus facile que de perdre nos remparts comme nos repères, lorsque nous sommes les victimes de toutes les convoitises, parce qu’on ne saurait cacher nos réussites. Nous avons élaboré, devant les envieux, un fruit délicieux qu’ils tentent d’empoisonner, parce que ce n’est pas eux qui ont fait pousser ce fruit. Que tout ce qui peut germer, c’est la liberté d’action, la capacité de construire comme de démolir, puis de refaire sous une autre forme, non seulement pour aller plus loin, mais pour occuper tous les espaces surtout ceux de l’imagination. Notre principale carburant, c’est la liberté, si fragile, si éphémère, ce qui fait l’envie des voleurs, lorsqu’ils se posent la question : Pourquoi sont-ils plus heureux que nous? Non seulement ils désirent nous dévaliser, mais ils tentent par tous les moyens, même les plus pervers, de nous éliminer. Cela s’est déjà produit dans l’histoire de l’humanité, et, cela se reproduira encore. Il est douloureux de perdre son but, sa destination, sa manière d’être, ce qui effectivement ne se commerce pas, mais peut-être dévalisé sur le poêle de la vengeance, sous le coup de la colère sans raison. Nous étions relativement confortables, les affaires allaient bien, l’espérance était permise, même si ce n’était pas absolument le plein soleil. Depuis, les nuages se sont accumulés, des douleurs imprévues ont refait surface, des gens qu’on pensait semblables à nous ont brandit des cris, des mensonges, en attendant de se procurer des armes pour occuper ce qui nous appartenait, et qui de fait, nous appartient encore. Difficile d’effacer le passé, sans pulvériser des innocents qui forment des nations. Il y aura toujours quelqu’un pour vous murmurer à l’oreille, non pas des paroles, mais un inconfort de culpabilité, s’il vous reste encore une conscience.
On étrangle la liberté en assassinant la conscience, de celui, qui non seulement sait, mais désire savoir encore plus, qui ne craint pas l’évolution, le savoir, qui fouille continuellement les entrailles infinies de la compréhension. Il suffit souvent pour perdre cette compréhension de prendre la route des camps situés au milieux de nulle part, de préférence dans un marécage, endroit de non-lieu par excellence pour une fin secrète. Pas besoin de faire un dessin pour faire comprendre aux tortionnaires que la solution finale c’est la seule solution de ce nouveau monde, de cette nouvelle société, de cette nouvelle forme d’être. Certes nous perdons présentement, mais cela ne fait pas de nous des perdants, bien au contraire. Le réveil est brutal, mais ce n’est que le début du réveil, et, il risque de se prolonger; qui sait ce que nous devrons avaler, endurer, souffrir, pour parvenir non seulement à nos fins, non seulement pour récupérer ce qu’on nous a dévalisé, mais aussi, pour prendre un nouvel élan dans une nouvelle forme de courage dans un renouveau, mélange de passé et d’avenir, et ça commence maintenant. Nous ne sommes pas appelés car nous sentons d’instinct ce que nous devons faire et que rien ne nous sera épargné. Nous assistons à un naufrage, nous pesons le poids des déceptions, et pourtant, il faut continuer. Nous n’avons plus de temps pour tordre nos esprits pour savoir comment nous sommes arrivés là, dans cette espèce d’impondérable qui hurle et qui urge. Encore une fois, dans l’histoire humaine, rien n’est écrit, et personne ne nous indiquera la direction qu’il faut prendre. Ce n’est même pas un secret ni une recette, c’est l’inconnu qui intimide. Je ne crois pas à l’injonction de la distorsion. Il ne suffit pas de tordre les bras pour convertir, ce qui tient plus de la croyance que de la foi, ce qui n’est pas de l’implication. Qu’est-ce que nous voulons après les désirs mercantiles? C’est là qu’il faut viser haut, et être, malgré tout ce que nous sommes, prêts à agir, même si c’est déplaisant. Propos que je n’entends pas souvent présentement, parce qu’on pense que cela va passer. Mais, cela ne passe pas, ce qui dégénère quotidiennement, parce que c’est toujours plus chaotique, plus ténébreux, incompréhensible, irrationnel, pour se sentir dépassé. On nous attaque, parce que parce que nous sommes dégénérés? Non, nous sommes loin d’être des dégénérés et c’est justement, sur ce fond, ce qu’on nous reproche d’être des dégénérés. Nous ne traînons pas derrière nous un climat de décadence. Il se dresse devant nous une lutte à finir d’une grande exigence, peut-être pour l’heure des faits évidents, dont nous ne sommes pas conscients pour le moment. Je ne vois pas comment nous allons pouvoir éviter ces désagréments.
Sous d’autres cieux pas très éloignés.
Comment ne pas retourner dans les propos de Tokarczuk?
« Les gens élaborent leurs fictions et adhèrent à celles qu’ils ont négociée avec eux-mêmes. Vous savez, la vérité n’est pas nécessairement que les choses doivent être soit comme ceci, soit comme cela. Il s’agit juste d’une facilité pour pouvoir naviguer, dans la pratique, c’est la phtisie ou c’est la syphilis, l’une ou l’autre. Mais vous êtes bien placé pour savoir que, dans la plupart des circonstances, notre expérience n’est pas confrontée à des divisions aussi simplistes – il jette un regard perçant à Mieczyslaw avant de poursuivre : je vous invite à créer votre propre fiction. Par exemple, que c’est vous qui êtes parfait. »
« Les propos de SemperweiB sont effrayants et fascinants à la fois. »
(Alors que le docteur SemperweiB s’adresse à Mieczyslaw lors du dernier examen médical.)
Olga Tokarczuk
Le banquet des Empouses.
Page -262-
Cette écrivaine me fascine par ses propos pertinents, ça me donne le désir de relire: Les livres de Jakob. Tous ces propos ne sont pas très éloignés de notre réalité actuelle.
Bonne nuit, dormez bien!
Richard St-Laurent
Merci Richard,
Après leur triomphe au lendemain de la Chute du Mur de Berlin, on se met, aujourd'hui, à détester, à peu près partout, les sociétés démocratiques. Et cela, même en leur intérieur. C'est le triomphe du repli sur soi, du populisme et du nationalisme.
La question, c'est alors : "Pourquoi nous n'aimons pas la démocratie ?"
Sans doute parce que la démocratie, c'est l'instabilité permanente, le mouvement, la remise en question continuelle de nos certitudes. Et c'est sûr qu'il est mentalement plus confortable de vivre dans un pays où les vérités sont établies une fois pour toutes au point qu'on peut prédire l'avenir.
Tandis que nous, on est bien incapables de ce qui va nous tomber dessus dans 5 ans, dans 10 ans. Jusqu'en 2022, par exemple, personne ne pensait que Taco avait des chances de revenir au pouvoir.
Et c'est sûr que la vérité, comme le dit Tokarczuk, ne repose pas sur des divisions, oppositions simplistes (le Bien ou le Mal, le Juste et l'Injuste). Les événements, la vie, la maladie, sont multifactoriels.
Bien à vous,
Carmilla
Bonsoir Carmilla
Comment ne pas apprécier :
« Vous voyez bien que je ne suis pas comme tout le monde. Je suis une anomalie, dit Mieczyslaw qui prend le chandail qu’il a sur les épaules pour l’enfiler.
Après un bref silence, le médecin poursuit :
Vous devriez traiter cette anomalie de la même manière que la petite affection que vous avez au poumon. Un élément avec lequel il faut apprendre à vivre sans lui permettre de nous détruire. Il s’agit ici de la cosmogonie du corps. Tout peut être une anomalie, et l’instant d’après, cette anomalie peut devenir l’atout permettant de gagner la course de l’évolution. Ce n’est qu’une question de regard. »
Olga Tokarczuk
Le banquet des Empouses
Page -263-
Une anomalie, une épreuve, un accident, peuvent se transformer en avancement, en victoire. Ce qui est mauvais aujourd’hui peut devenir bon demain. Il appert, que des fois, il faut donner des chances aux destins afin de mieux le comprendre. Grâce à ce médecin, une porte vient de s’ouvrir, dans une certaine mesure, la maladie de Mieczyslaw devient une opportunité de s’assumer en tant qu’être différent. Olga Tokarczuk a bien saisi l’idée pour nous la transmette avec son écriture tout à fait particulière. C’est une pensé tout à fait séduisante qui nous réconforte. Qui me réconforte, parce que moi aussi je suis différent, tout comme vous êtes différente. L’élargissement des possibilités c’est la différence.
Bonne fin de nuit, dormez bien.
Richard St-Laurent
Merci Richard,
Heureusement, on n'est pas tous absolument semblables.
Chacun de nous est traversé par une ligne de faille, une singularité.
On peut choisir de réparer, combler, cette fêlure.
Ou alors, on peut chercher à l'exploiter, la développer, pour donner à son existence sa beauté propre.
Bien à vous,
Carmilla
« Il lui semblait évident qu’on ne pouvait pas réussir au théâtre de la vie sans avoir appris à improviser. Certes, il fallait connaître son texte, mais dans certaines circonstances il était non moins nécessaire de l’inventer. »
John Irving
Je te retrouverai
Page -202-
L’existence est un énorme paquet d’improvisations, rien n’est écrit d’avance, et tout peut s’écrouler dans l’instant présent, ou bien, se prolonger sur une longue rivière qui semble sans fin. Certaines époques s’éternisent, pendant que d’autres périodes nous bousculent au point de perdre les pédales. Je savais que j’avais déjà lu ce roman d’Irving, mais j’avais oublié l’histoire. Au fruit du hasard en bouquinant dans une librairie de Sherbrooke, (La Biblairie), j’ai tendu la main vers ce livre de poche dont j’avais oublié l’histoire. Présentement c’est une redécouverte, et l’histoire me revient par bouts effilochés. Je me plais dans ce vieux John Irving, c’est toujours vibrant, ça vous interroge sur votre propre nature, vous-mêmes vous pouvez vivre ces genres d’histoires, même si elles vous apparaîtraient insolites voir impossibles.
Ce qui me ramène à Tokarczuk :
« La proposition est sympathique, tous les deux se détendent, même si Mieczyslaw tremble encore. SemperweiB lui confie qu’il a affaire chaque jour avec l’imperfection, et que Göbersdorf est la contrée même de l’imperfection, où échouent les exemplaires défectueux, condamnés à une lente annihilation. Après des années en ce lieu, il a appris que chaque être humain, chaque organisme humain a son point de moindre résistance, son point le plus fragile, le fameux talon d’Achille, et c’est la loi de la perle : à l’exemple du grain de sable qui blesse l’huître et qui se voit neutralisé par la nacre et finit par constituer un bijou précieux pour nous, les lignes directrices de notre psychisme s’articulent autour de notre point le plus fragile. Chaque anomalie, affirme SemperweiB, qui sans doute ne veut pas utiliser le mot (carence), stimule une activité psychique particulière, un développement spécifique qu’elle concentre autour d’elle. Nous sommes structurés non pas par ce qui est puissant en nous, mais par l’anomalie justement, la fragilité, ce qui n’est pas accepté. »
Olga Tokarczuk
Le banquet des Embouses
Page -263-et-264-
Les personnages d’Irving sont aussi vulnérables que ceux de Tokarczuk, mais ils sont entiers, véridiques, ainsi, ils peuvent meubler nos rêves en nous rappelant que nous aussi nous sommes habités par notre vulnérabilité. Nous avons nos faiblesses, nos fragilités, ce qui ne fait pas de nous des infirmes dévalorisés. Ainsi, je puis passer de Tokarczuk à Irving, pour constater que l’humanité entière est vulnérable, autant chez les Américains du Vermont que les Silésiens de Göbersdorf. L’humanité reste l’humanité avec ses variantes. C’est ainsi que je puis passer de Tokarczuk à Irving, parce que les sentiments, joies ou peines, sont l’apanage de tous les humains, que je retrouve dans le roman d’Irving : Je te retrouverai que je suis en train de relire.
J’aime bien l’échange de Mieczyslaw et du Dr. SemperweiB, j’aurais bien aimé participer à cette discussion et ça se poursuit ainsi :
« Si vous me demandiez, jeune homme, ce qu’est l’âme, je vous dirais ceci : l’âme est ce qui est en nous est le plus fragile. Dans vos symptômes, il y a votre âme.
Mais Mieczyslaw ne veut pas entendre cela.
-Toute ma vie, j’ai considéré qu’il faut se concentrer sur ce qui est fort, sain, puissant. J’ai été éduqué ainsi par mon père. Et vous, vous venez me dire que l’âme est une poubelle.
Je n’ai pas dit (poubelle). Voyez cela sous un autre angle. Notre nature s’est développée sur un sentiment d’infériorité, sur toutes sortes d’ambitions inassouvies. Or, il en va différemment : ce qui est en nous est faible nous donne de la force. C’est cette compensation permanente des faiblesses qui réagit l’ensemble de notre vie, Démosthène avait un défaut de prononciation, et précisément à cause de cela il est devenu le plus grand orateur de tous les temps. Non pas malgré cela, mais précisément à cause de cela.
Olga Tokarczuk
Le banquet des Empouses
Page : -264-
C’est une chance de rencontrer un médecin comme Dr. SemperweiB, mais nous sentons l’hésitation et le doute de Mieczyslaw comme s’il était piégé entre deux portes en n’osant pas fermer l’une de ces portes pour ouvrir l’autre porte. C’est une chance de rencontrer quelqu’un qui vous remet sur les rails, mais sans vous imposer une direction. Ce qui n’est pas donné à tout le monde. Comment on établit notre propre cosmogonie? Comment devient-on qui l’on est et comment on le devient? SemperweiB offre une opportunité à Mieczyslaw, mais ce dernier est loin d’être convaincu. Est-il en train de passer à côté de son destin, ou tout simplement du destin qui s’offre à lui? Moment grisant, que je recherche autant dans mes lectures, que dans mes rencontres, lorsqu’on sent qu’on atteint un point de bascule, et qu’on ignore s’il va basculer. Ici, il n’y a ni victoire ni défaite, il y a juste la possibilité de choisir. Une possibilité d’erreur comme une possibilité d’évoluer dans ce capharnaüm de l’existence. Savons-nous toujours qui nous sommes? C’est étrange, car j’ai l’impression, qu’il y a beaucoup d’humains qui passent à côté de leur destin.
Bonne fin de journée
Richard St-Laurent
Merci Richard,
Beaucoup de gens passent, en effet, à côté de leur Destin.
Généralement parce qu'ils se surestiment, ont une trop haute d'opinion d'eux-mêmes.
Mais souvent aussi parce qu'ils se sous-estiment, n'ont pas assez confiance en eux.
L'un et l'autre ratent ainsi complétement leur vie parce qu'ils se laissent abuser par les conventions et impératifs sociaux. Mais je crois quand même que les modestes ont davantage de chances que les prétentieux. Des circonstances adverses peuvent les amener à se révéler.
Mais je dirai qu'il faut quand même avoir une juste évaluation de ses capacités. Et bien savoir ce que l'on aime ou déteste.
Ne pas chercher à s'entêter dans des domaines où l'on est nuls et essayer de trouver les chemins que l'on prend plaisir à arpenter et qui stimulent notre imagination et notre créativité. C'est ainsi que l'on peut apporter sa modeste contribution à la beauté du monde.
Savoir choisir, c'est en effet la clé. C'est à dire ne pas se laisser guider par les seuls diktats sociaux et culturels. C'est cela la force des faibles; c'est souvent modeste mais c'est ce qui est le plus gratifiant pour nous.
Bien à vous,
Carmilla
Bonjour Carmilla
Pendant ce temps, les Ukrainiens subissent des bombardements intensifs de la part des Russes afin de les écraser définitivement, mais les Ukrainiens résistent malgré toutes ces destructions. Ils sont dans une phase qui ne semble pas avoir de fin. Voilà ce que ça donne les coups de téléphone au cousin de Moscou. Le Taco s’est fait rouler dans la farine, carrément humilié. Il ne semble pas comprendre la stratégie du Maître de Moscou. Voilà une semaine il coupait l’aide américaine aux Ukrainiens, et voilà qu’il est obligé de changer, alors les Ukrainiens devraient recevoir des armes. Ils sont, (les américains) les seuls fournisseurs, que dire, aléatoire, pendant que les européens palabrent sans fin à coup de beaux discours vides. Qui comprend l’état de la situation présentement en Europe de l’Est? Cette situation est franchement mauvaise et surtout très dangereuse. Les américains tergiversent, deux tic-tac, trois branlants, on tourne en rond, pendant que les Ukrainiens subissent ces bombardements. Pourtant, tout est clair, et les russes ne s’en cachent pas depuis le début de leur agression. Le message est pourtant sans équivoque, liquider l’Ukraine. Ça rime à quoi toute ces conneries, et si les russes parviennent la leur fin, il faudra que le Cousin de Moscou se trouve une nouvelle guerre, un nouvel ennemi, une nouvelle raison d’exister. C’est vraiment désolant. Il y a longtemps que le temps de palabrer est terminé, et on ne peut, ou on ne veut pas comprendre. Franchement le Traître est arrivé à un bien mauvais moment dans l’histoire de l’humanité, une véritable fiasco ce Taco!
Retour sur Olga Tokarczuk et Le banquet des Empouses :
« Vous vous trompez, docteur. La culture est une recherche de la perfection, tente de plaider Mieczyslaw.
Le docteur SemperweiB reste ferme sur ses positions :
- Le sentiment d’infériorité influe sur l’ensemble de notre existence, et plus particulièrement sur notre manière de penser. Vous le saviez? Puisque nous ne sommes pas sûrs de nous, nous inventons un système très stable, rigide, capable de nous maintenir debout. Il simplifie ce que nous jugeons être des complications inutiles. Or, penser blanc ou noir, recourir à des antithèses basiques est la plus grande des simplifications. Vous comprenez ce que je veux dire? Notre esprit se constitue un ensemble d’oppositions strictes, blanc-noir, jour nuit, haut-bas, femme-homme, et ce sont elles qui déterminent l’ensemble de notre perception. Il n’y a aucun entre-deux. Le monde ainsi perçu est manifestement plus simple, il est aisé de circuler entre ces pôles, facile d’établir des règles de conduite, et, surtout, commode de juger autrui, en se réservant volontiers pour soi-même le luxe du flou.
Pareil mode de pensée protège de toute l’incertitude. Tchac, tchac! Et tout est clair, les choses sont comme ceci ou comme cela il n’y a pas de troisième possibilité. Le Nombre d’or ou le Veau d’or! – et à ce moment, il éclate d’un rire tellement joyeux que Mieczyslaw se joint presqu’à lui. -Cela nous protège de la réalité qui se compose d’une multitude de nuances très subtiles. Celui qui pense que le monde n’est qu’un ensemble d’oppositions strictes est malade. Je sais de quoi je parle. C’est un dysfonctionnement majeur.
Olga Tokarczuk, Le banquet des Empouses, page -264-et-265-
Est-ce que tout est dit? Nous pouvons décrire nos erreurs, nos certitudes, ou incertitudes, qui ressemblent à des platitudes routinières en pensant qu’on n’y peut rien, que c’est cela vie et qu’il ne nous reste plus qu’à subir en attendant la fin. En ce cas, nous pouvons craindre la mort, puisque que nous nous sommes arrêtés au cours du voyage de la vie. Ainsi, nous pensons le monde stabilisé. Mais de quel monde parlons-nous? Celui que nous pensons équilibrer à coups de conflits, comme cela se déroule présentement en Ukraine? Par nos mauvaises répartitions des richesses que l’on nomme économie? Par nos politiques de palabres qui nous sert à boucher les trous? En donnant une notion morale à nos violences? En attendant le salut de la part de croyances mystérieuses? Voici le catalogue qui occupe les millénaires de notre Histoire, ce n’est plus une bible, c’est une suite d’événements malheureux, que nous prolongeons au temps présent.
Dans un monde intermédiaire avec Olga Tokarczuk
« Je ne peux vous consoler qu’en vous disant qu’il y a beaucoup de personnes comme vous, dit SemperweiB avec sérieux, comme s’il prenait conscience du drame qui se jouait pour ce jeune homme. Vous échappez à une division primitive, tape-à-l’œil. Vous nous rappelez que la vision du monde qui prévaut est purement conventionnelle, qu’elle est construite sur les propres incertitudes des juges. Une personne comme vous suscite rejet et haine parce
qu’elle rappelle clairement que la représentation du monde en blanc ou en noir est aussi mensongère que destructrice. Vous monsieur Wojnicz, ou quelle que soit la manière dont je vais m’adresser à vous, poursuit-il, vous représentez un monde intermédiaire, difficile à supporter parce qu’il n’est pas clairement tranché. Sa vision induit en nous une sorte de vacillement qui ne permet l’affirmation d’aucun dogme. Vous nous révélez une contré de l’(entre-deux), à laquelle nul ne veut penser parce que chacun a assez de ses problèmes blanc-noir. Vous nous montrez que cet (entre-deux) est plus vaste que nous ne le pensions et qu’il nous concerne également. Vous êtes un explosif, s’exclame-t-il en accentuant les mots. Se sentir validé une fois pour toutes, évalué, pour ainsi dire estimé à sa stricte valeur, c’est le pire qui puisse arriver. La conséquence en est l’immobilité, alors que le sentiment d’être sous-estimé pousse toujours au mouvement. Quand une personne juge qu’elle est devenue parfaite, qu’elle est accomplie, elle devrait se tuer.
(…) le fonctionnement de toute société repose sur deux piliers : l’hypocrisie et le conformisme. (…) Donc l’hypocrisie renvoie toujours aux idées de haut vol qui structure une communauté. On doit y croire et montrer que l’on y croit, mais au fond personne ne traite ces idées tout à fait sérieusement. Elles sont pour les autres et doivent s’appliquer qu’aux autres. En revanche, le conformisme est le mode de circulation dans ce monde imaginaire et il impose d’ignorer tout ce qui ne cadre pas, n’entre pas dans le monde, l’oubli sert à cela… »
Olga Tokarczuk
Le banquet des Empouses.
Page : 265-et-266
Nous vivons présentement dans une époque d’hypocrisie et de conformisme en détournant notre attention de notre évolution, pour nous prosterner devant des maîtres qui nous mentent à cœur de journée, même qui se mentent entre eux, qui plus est, en refusant que la réalité pourrait être autre chose qu’un affrontement, ou une idolâtrie du conformisme conservateur. Je suis sûr que nous méritons mieux que ce que nous vivons présentement. Est-ce que je suis sur-confiance ? Je pense que je l’ai toujours beaucoup été parce que j’ai toujours senti ma différence.
C’est réconfortant de lire et relire Tokarczuk en ces jours de peines et de souffrances en pensant que tout n’est pas perdu.
C’était une semaine comme cela avec Olga Tokarczuk
Merci Carmilla
Richard St-Laurent
Merci Richard,
Sur l'Ukraine, je ne me fais aucune illusion. Il y a longtemps que le pays a été lâché et qu'on attend maintenant un dénouement rapide qui nous permettra d'éprouver un lâche soulagement.
L'Etat de Droit, on ne le défend guère. En 2014, les USA et la Grande-Bretagne auraient normalement du intervenir après l'annexion de la Crimée. Ils étaient signataires du mémorandum de Budapest (1994) aux termes du quel ils garantissaient la protection de l'Ukraine (de même que la Russie) en échange de sa renonciation à l'arme nucléaire. Mais ce que l'on signe n'engage plus personne aujourd'hui.
Quant à Trump, sa fâcherie actuelle n'est que passagère. Fondamentalement, il est pro-Poutine et pro-Russie. Le Droit, les valeurs démocratiques, l'Ukraine, il s'en fiche complétement et je ne pense pas un instant qu'on assiste à un revirement de sa position. Au contraire: il exigera une forte contrepartie, de la part de l'Ukraine, au petit effort en sa faveur qu'il consentira.
La seule chose qui me console, c'est que je suis sûre que l'Ukraine n'abandonnera pas et qu'il n'y aura jamais de traité de paix avec la Russie.
Comme vous le précisez bien, on est, en effet, dans une période d'hypocrisie totale. On a oublié que la démocratie, c'est aussi un combat car elle est sans cesse menacée.
Bien à vous,
Carmilla
Enregistrer un commentaire