Voilà ! Je pars à Tokyo mardi.
Ca a été une décision très soudaine, prise dans un contexte personnel singulier, d’angoisse et de tourment.
Pourquoi voyage-t-on d’ailleurs ?
Il y a bien sûr une foule de motivations : des rêves d’enfance, des préoccupations culturelles.
Mais je crois aussi qu’on part quelquefois pour rencontrer, de manière obscure, son destin.
Ca a été mon cas lorsque j’ai débarqué, sans trop savoir pourquoi, dans des pays improbables. Que diable venais-je faire là-bas ?
J’ai eu des révélations dont je me nourris encore aujourd’hui. Ca a d’abord été l’Iran et puis, maintenant, c’est le Japon.
Je ne sais d’ailleurs pas trop pourquoi. Je suis a priori plutôt attirée par les endroits déglingués, sinistrés. Le Japon, c’est évidemment le contraire mais je dirais que ce qui m’y séduit d’abord, outre la multitude d’instants de beauté qu’il offre, c’est son étrangeté absolue. C’est vraiment « L’autre face de la lune » pour reprendre le titre de l’un des derniers petits bouquins de Claude Lévi-Strauss.
C’est bizarre parce que je ne suis même pas une grande japonisante. La culture, la littérature, l’histoire, la langue, j’ai des idées bien sûr, quelques bribes, mais pas plus que ça. Là-bas, en fait, je suis un peu comme une idiote, je me contente de regarder ce qui se passe autour de moi, de me livrer à ce qu’on appelle la contemplation du monde. D’analyse, d’avis, je suis bien incapable d’en avoir. En plus, c’est particulier parce qu’à Tokyo je suis toute seule et que presque personne ne parle anglais. Au cours de certains séjours, je me demande si j’ai réussi à échanger plus de trois phrases. Donc, je n’ai pas d’autre choix que de me laisser aller à divaguer dans mes rêveries.
Je contemple ainsi le vol des corbeaux, innombrables, qui survolent Tokyo en poussant des cris affreux. Ca me fascine : qu’est-ce qu’ils viennent fiche ici ? Qu’est-ce qui peut les attirer dans cet environnement qui leur est a priori hostile ?
Et puis le monde des jeunes : leurs rues, leurs quartiers, leurs parcs, leurs magasins à Shibuya, Harajuku, Akihabara. Je suis fascinée : le déguisement, le cosplay, le délire vestimentaire, grotesque, sublime, irréel, la volonté d’échapper à une identité formatée. Est-ce que ça n’est pas notre rêve à tous, être une chimère ? Echapper à la souffrance de l’individuation, s’affranchir des lois de la vie, n’être ni homme, ni femme, ni enfant, ni adulte ? En Europe, et spécialement en France, on demeure très hostile à la culture de l’apparence et du travestissement mais est-ce que ça ne va pas bientôt changer et est-ce qu’on ne va pas s’inventer de multiples autres vies pour échapper à un quotidien trop morne.
Le soir, je traîne dans les bars, les restaurants. Je me soûle à la bière. Je me fais servir ce que j’adore le plus : de l’anguille, du thon (avec sa tête et ses yeux), des ormeaux, de la pieuvre, des œufs de poisson. Je m’arrange pour être placée entre deux groupes : d’un côté, des salary men qui viennent se défoncer ensemble après une longue journée de labeur; de l’autre, des jeunes filles qui sortent ensemble. Je vous assure que l’ambiance est folle : des hurlements de rire toute la soirée.
A bientôt ! Je signale à mes admirateurs, souvent curieux et qui aiment bien savoir où je suis, que j’ai pris cette fois-ci un hôtel à Shinjuku, sans doute l’un des environnements urbains les plus oppressants et les plus fascinants du monde.
Un choix hétéroclite de peintres japonais contemporains : Kaii Higashiyama, Takato Yamomoto, Tomoto Kashiki, Noriko Ambe, Hiraki Sawa.
J’avoue que les figures actuelles les plus célèbres, Yayoi Kusama (à la quelle Louis Vuitton rend aujourd’hui hommage dans ses boutiques) et Takashi Murakami, me passent un peu au-dessus de la tête.
2 commentaires:
Superbes illu ,de quoi voyager tout en restant sur place ! je vous souhaite les rencontres les plus joyeuses , les plus fantastiques ;enjoy; Lola
Grand merci, Lola !
Mais on ne sait jamais ce que vous réserve un voyage.
Ca n'est pas toujours aussi facile qu'on peut l'espérer. On peut aussi éprouver la solitude. Pour combattre ça, il faut vraiment "s'arracher".
Carmilla
Enregistrer un commentaire