Mon blog, je l’ai déjà dit, c’est un dérivatif
à ma vie professionnelle.
De celle-ci, je ne parle pratiquement pas.
Pourtant, elle me constitue à 90 % et cette face « diurne » occulte
largement ma face nocturne.
De mon travail, je ne retire pas de fierté
particulière. Il faut reconnaître qu’il a fallu d’incroyables concours de
circonstances pour que je me retrouve là où je suis. Je ne peux même pas dire
que je suis méritante et que j’ai beaucoup travaillé pour ça. C’est sûr que ça
aurait pu être mille fois pire. J’ai juste un petit talent avec les chiffres,
j’en mémorise des pelletées.
Après, j’essaie de vivre mon boulot, comme tout
le monde, le moins mal possible, en
traversant ses moments de gloire et de déprime. Ce qui est sûr, c’est que le
travail, c’est une remise en cause continuelle de son identité.
Ca fait donc deux ans que je suis dans la même
boîte. On sort en ce moment nos résultats. Ca va, on est sortis du rouge…ce
n’est donc pas encore cette année que je vais être virée.
Bien sûr, je suis lucide. D’abord, c’est
fragile, le pire est probablement à venir. Et puis, dans l’amélioration des choses, je n’ai qu’une
petite part.
Néanmoins, je me plais à constater que j’ai la
baraka et que je l’ai toujours eue, jusqu’alors, dans mon boulot.
La baraka financière, ça repose sur une bonne
part de chance (c’est ça qui est effrayant) mais aussi sur de la témérité. On
ne fera jamais avancer les choses si on est pétochard ou si on a une mentalité
de comptable.
Pour ça, mon boulot m’a appris à acquérir des
nerfs d’acier et à devenir imperméable au stress. Je suis, chaque année, plus
calme et plus sereine. La perspective d’une catastrophe financière m’a rarement
empêchée de dormir.
Pourtant, j’aurais bien des raisons de
cauchemarder. Il faut bien le dire : si on vous recrute un jour, c’est
pour n’avoir jamais à entendre parler de problèmes financiers. Votre PDG, le
maire de la ville, le conseil de surveillance ne veulent qu’une chose :
que vous crachiez des résultats, que vous permettiez de recruter et d’investir
à tour de bras. Comment vous y arrivez ? Tout le monde s’en fiche tant qu’il
n’y a pas de problèmes.
Alors, les problèmes, vous les cachez sous le
tapis et vous essayez de vous dépatouiller toute seule; vous vous livrez à vos cuisines et vos
montages personnels dans votre coin en
espérant que ce ne sera jamais découvert.
C’est sûr, on travaille toujours aux limites de
la légalité mais si on ne le fait pas, on ne peut jamais être bon, on ne peut
jamais devenir une star. De ce point de vue, je comprends très bien Jérôme Kerviel, le
jeune trader qui a failli planter la Société Générale. On a essayé de le
décrire comme mégalomane, escroc, pervers. Mais non ! Il est d’une banalité
confondante. Il a, je crois, simplement essayé de répondre, au maximum, aux
exigences de son employeur.
Mes sujets d'étonnement, c’est, quelquefois, quand je consulte la littérature syndicale. On parle régulièrement de moi. Dans la
dernière livraison, on dit qu’il n’y a pas plus antisociale que moi :
- les femmes enceintes, je leur fais la chasse :
dès que la DRH apprend une grossesse, sur mes injonctions, on licencie.
- les mères, je n’en ai rien à fiche : j’ai
supprimé le tiers des places de la crèche du personnel.
- pareil pour la bouffe. On ne me voit jamais à
la cantine et c’est révélateur. Je sais bien, en effet, comme c’est moi qui
fixe les tarifs, que c’est de plus en plus infect et que la pitance est de plus
en plus maigre.
- ma politique, d’une manière générale, ça
consiste à faire payer, au maximum et de manière illégale, les pauvres gens et
les personnels. C’est de la grande escroquerie et ce scandale va bientôt être
porté sur la place publique.
Ouh la la ! Ca fait beaucoup, je suis bien
habillée pour l’hiver. Suis-je, à ce point, monstrueuse ? Répondre, ça n'a pas de sens et, d'ailleurs, je trouve ça plutôt rigolo. Mais ça me fascine quand même ces commentaires
auxquels personne ne croit en fait. On est vraiment en plein théâtre.
Il faut croire qu’on a besoin d’une stratégie de l’affrontement et d’un cloisonnement total pour parvenir à fonctionner.
Il faut croire qu’on a besoin d’une stratégie de l’affrontement et d’un cloisonnement total pour parvenir à fonctionner.
Tableaux du grand peintre allemand Peter
KLASEN, très célèbre dans les années 60-70.
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