Pour les longues soirées d’été, je recommande :
René de Ceccaty : « Un renoncement ». La vie de Greta Garbo en elle-même ne m’intéresse pas plus que ça. Je ne sais même pas si j’ai vu un film avec elle. Mais ce n’est pas le véritable objet de ce livre fascinant qui ouvre de multiples réflexions sur l’extrême difficulté à exister : qu’est-ce que ça signifie, avoir une identité sociale, un sexe, une profession ? C’est beaucoup moins évident qu’on ne l’imagine. Greta Garbo n’arrivait pas à « coller » au monde. Elle se sentait détachée, à l’extérieur. Elle n’arrivait pas à se reconnaître dans son métier d’actrice, elle ne savait pas si elle était homme ou femme, elle considérait le mariage avec dégoût et les relations amicales avec méfiance. Elle a finalement choisi de se retirer, de s’effacer, très tôt…C’est très troublant parce que je crois qu’on est tous constitués par ce chiasme entre notre vie « reconnue » et notre vie intime.
Pierre Péan : « Kosovo Une guerre juste pour un Etat mafieux ». On ne parle plus beaucoup du Kosovo et c’est sûr qu’il n’y a pas de quoi se vanter. C’est presque aussi effroyable et lamentable que l’Irak mais on n’a même pas l’honnêteté de reconnaître qu’on s’est peut-être trompés. Le livre de Pierre Péan est celui que j’attendais depuis trop longtemps. Américains, Britanniques, Français et Allemands ont, en toute bonne conscience, installé un Etat mafieux, plaque tournante de trafics en tous genres (notamment les trafics d’organes). Le Kosovo, c’est l’une des plus révoltantes opérations de la propagande occidentale qui a conduit, depuis 20 ans, à soutenir aveuglément les crimes organisés de l’UCK au nom d’une hostilité irrationnelle envers la Serbie et la Russie.
« Totem et tabou Cent ans après » sous la direction de Carina Basualdo, Nestor A. Braunstein, Betty Fuks. Il y a exactement un siècle paraissait « Totem et tabou » de Sigmund Freud, sûrement l’un de ses plus grands livres, l’un des plus scandaleux et énigmatiques. Il n’a rien perdu de son actualité et c’est ce que met en évidence ce livre célébrant cet anniversaire. On y trouve plein d’excellents articles (notamment Anne Dufourmantelle, Jacques Nassif. A lire absolument par tous les admirateurs de Freud.
Charles Pépin : « Quand la Beauté nous sauve ». Charles Pépin, c’est l’un des nouveaux jeunes philosophes. C’est sûr que c’est gentil, que ça n’a rien de subversif et que ça a un peu un côté vieillot, philosophie pour classes terminales. C’est quand même bien mieux que du Enthoven, du Onfray ou du Comte-Sponville qui m’insupportent profondément. Autres temps… Ca se lit aussi avec plaisir parce que c’est agréable et pédagogue. Des aperçus intelligents sur Kant, Hegel, Freud.
Gaëlle Josse : « Noces de neige ». Le croisement de deux destins de femmes, à un siècle d’intervalle, sur la ligne de chemin de fer entre Saint-Pétersbourg et Nice. Deux questions essentielles : la malédiction de la laideur et sait-on vraiment ce qui nous attend ? C’est beau, poétique, violent. Je recommande d’autant plus que ça parle avec intelligence et justesse de la Russie.
Claire Castillon : « Les couplets ». Claire Castillon, je n’avais jamais lu. Le côté people me rebutait. Mais j’avoue que j’ai pris ce bouquin comme un délicieux coup de poing. C’est vraiment salubre à l’heure où tout le monde chante les joies de la famille et du couple. La formule de Claire Castillon, c’est : « Couples, je vous hais ». En matière d’horreurs, on est servis et c’est d’une écriture percutante.
François-Henri Désérable : « Tu montreras ma tête au peuple ». Un premier roman sur Paris pendant la Révolution. Une galerie de portraits de condamnés durant les jours, les heures qui précèdent leur supplice : Charlotte Corday, Marie-Antoinette, Robespierre, Adam Lux, André Chénier…Comment mourir avec élégance.
Cécile David-Weill : « Chroniques de New-York ». Cécile David-Weill, elle évoque beaucoup pour moi parce qu’elle est la fille de Michel David-Weill, le plus célèbre banquier de France, ancien PDG de Lazard. Elle a choisi la voie de l’écriture et ses livres sont étonnants : « Béguin » et « Les prétendants » sont vraiment très originaux et déroutants. Ces chroniques raviront tous les amoureux de New-York. C’est drôle, plein d’ironie, craquant, de l’ethnologie allègre. Un regard nouveau sur « la Grande Pomme ».
Boris Johnson : « Une autre histoire de Londres ». Londres par son maire iconoclaste et érudit. Tous les grands personnages qui ont fait Londres de Shakespeare à Keith Richards. Passionnant et déjanté.
J.P. Nishi : « A nous deux, Paris » et « Paris, le retour ». Comment un jeune Japonais voit-il la France ? Un regard et des dessins pleins d’humour, de tendresse et d’ironie.
Elena Janvier : « Ce que tout le monde sait et que je ne sais pas ». Après le petit livre magnifique « Au Japon, ceux qui s’aiment ne disent pas je t’aime », Elena Janvier aborde le récit poétique de l’apprentissage de nos vies. On est un mélange extraordinaire, fabuleux et farfelu, de savoir et d’ignorance et ça ne s’arrête jamais.
Hervé Lehning : « L’univers des nombres – De l’Antiquité à Internet». Les chiffres, c’est mon métier et ma spécialité. Tout se comprend avec des nombres et tout peut être régi par des nombres. Ca me fascine même si je sais bien qu’il est difficile de faire partager cette passion. J’ai l’impression que la plupart des gens sont en fait terrorisés par les chiffres. Ce livre très vivant, plein d’anecdotes, d’histoires et de jeux aidera peut-être à les décomplexer.
Tableaux du célèbre peintre américain Ed Ruscha. J’ai fait ce choix en hommage au dernier film de Sophia Coppola, grande admiratrice et collectionneuse d’Ed Ruscha. J’ai trouvé que «The Bling Ring », injustement déprécié, était un bijou musical et visuel.
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