A lire :
- Paulina DALMAYER : « Aime la guerre ». Voici l’un des livres les plus singuliers de cet automne. Ecrit directement en français par une jeune femme qui est, en fait, polonaise, ce qui explique certaines perspectives. Et puis un titre provocateur et l’évocation d’un thème scandaleux : ce plaisir trouble, qu’on n’ose jamais avouer, éprouvé en période de guerre.
Pour beaucoup, c’est la partie la plus belle de leur
existence. On aime la guerre et ceux qui la font, voilà une terrible vérité
aujourd’hui complètement refoulée. « Aime la guerre », c’est aussi un
très beau livre sur l’Afghanistan où Paulina Dalmayer a vécu pendant deux ans.
- Alain FINKIELKRAUT : « L’identité
malheureuse ». Bien sûr, ce n’est vraiment pas le meilleur livre d’Alain
Finkielkraut qui se laisse lui-même emporter par la polémique et l’esprit
radoteur du « c’était mieux avant ».
Mais je trouve effrayant qu’on le présente comme ultra-réactionnaire,
presque proche de l’extrême-droite. Il est pour moi mille fois moins populiste
que ses détracteurs. Ca en dit long sur la terreur et l’intolérance
intellectuelles ambiantes. Parler de l’identité, ça vous range tout de suite
dans la catégorie des fascistes. Pourtant, il existe bien une identité
française et j’estime être assez bien placée pour pouvoir l’affirmer puisque je
ne la comprends pas toujours et m’interroge sans cesse dessus.
C’est d’abord
mental, intellectuel, ce sont des pensées, des attitudes, des gestes, des
comportements (y compris sexuels). En fait, cette identité française, ça a
principalement été façonné par sa culture (la littérature, l’architecture, les
arts plastiques, la musique, le code des relations de séduction) qui n’a pas
encore été complètement balayée par la mondialisation. On ne peut contester ça
que si on n’a jamais voyagé et qu’on ne parle aucune langue étrangère. La
défense de la culture, c’est tout de même important, non ? Et puis, soyons
lucides : si on abandonne la question de l’identité, on peut être sûrs que
les mouvements totalitaires sauront, eux, la reprendre.
Pierre LAMALATTIE : « Précipitation en
milieu acide ». On présente Lamalattie comme un clone de Houellebecq. Et
c’est vrai qu’ils sont amis et ont la même formation universitaire. C’est aussi
la même dénonciation de la banalité du monde, de son aplatissement généralisé,
de son ennui et de son obscénité. Mais Lamalattie, c’est en plus très drôle,
hilarant même s’il s’agit d’un comique douloureux.
Boris RAZON : « Palladium ». Un livre
monstre qui a partagé les critiques : est-ce qu’un accident individuel
peut avoir portée universelle ? Pour moi, ce qui est sûr, c’est que si
vous avez déjà été vraiment malade et fréquenté les hôpitaux, vous vous
retrouverez complètement dans ce livre terrifiant. Surtout ces images atroces,
affreuses qui viennent vous harceler, vous tourmenter. La maladie, c’est une
complète remise en cause de son identité. On sort complètement secoués de ce
bouquin.
Jean ROLIN : « Ormuz ». J’aime bien
Jean Rolin que je considère comme l’un des très bons écrivains français. Et
puis je partage son amour des pays improbables et des endroits qui
n’intéressent personne. En plus, dans ce livre « Ormuz », il parle de
lieux que je connais un peu. Mais là vraiment, il s’auto-parodie complètement
avec des descriptions interminables de lieux d’une totale banalité et une
absence presque complète d’action. Il arrive quand même à rendre assez bien
l’ambiance toc des pays du Golfe mais pour l’Iran, en revanche, je trouve que
c’est à côté, je ne reconnais pas.
Svetlana ALEXIEVITCH : « La fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement ».
Je suis gênée avec ce livre parce qu’il est constitué d’interviews intéressants et que la critique, en France, l’a encensé (avec un prix littéraire à la clé). Le problème, c’est qu’il peut laisser germer, chez le lecteur occidental, une idée fausse : que dans l’ancien bloc communiste, on a maintenant, majoritairement, la nostalgie de la béatitude soviétique.
Ca ne concerne en fait qu’une fraction de la population,
essentiellement en Russie où on n’arrêtait pas de rabâcher aux gens que l’U.R.S.S. était forte,
puissante, redoutée. Et c’est ce qu’on retrouve majoritairement dans ce livre :
la nostalgie de la grandeur. Mais soyons clairs : partout ailleurs qu’en
Russie, on est complètement insensibles
à ce désenchantement de nature fascisante et on a envie de flanquer de grandes
paires de claques à ces abrutis qui regrettent « le bon vieux temps »,
ce bon vieux temps qui était aussi celui de l’occupation et de l’oppression d’autres
peuples.
Angie DAVID : « Sylvia BATAIILE ». Sylvia
Bataille, c’est la merveilleuse actrice d’«Un dimanche à la campagne » de
Jean Renoir mais aussi l’épouse de Georges Bataille puis de Jacques Lacan. Une
femme incroyablement moderne qui a participé à l’effervescence intellectuelle
de l’entre deux guerres. Un très bon livre, qui apprend plein de choses.
L’écriture en est originale avec de curieuses insertions autobiographiques. Un
seul défaut mais majeur : le livre s’arrête aux années 50, c'est-à-dire
qu’il évacue près de 40 ans de la vie de Sylvia Bataille, pratiquement toute la
période de sa vie en compagnie de Jacques Lacan.
Alexandre NAJJAR : « Les anges de
Millesgarden – Récit d’un voyage en Suède». La Suède, ça n’est vraiment
pas un pays qui attire les touristes. Moi, je connais assez bien. C’est un peu
une autre planète. Voilà un livre très intéressant, écrit par un écrivain et
intellectuel libanais. Culturellement, le Liban, c’est presque les antipodes de
la Suède. Mais c’est justement ça qui est intéressant parce que ça donne lieu à
de multiples confrontations mais aussi à un véritable dialogue.
Je rappelle enfin l’extraordinaire « Stéréoscopie » de Marina de Van déjà évoqué dans un post précédent.
Tableaux de Michael SOWA, peintre allemand
contemporain que j’aime pour son humour et sa tendresse. Il s’agit d’un nom
slave qui signifie la chouette. Ca explique le titre de mon post
6 commentaires:
Lors de mon récent et long séjour à Avioth, j'ai lu "La fin de l'homme rouge", de Svetlana Alexievitch, et j'ai adoré. J'ai bien compris que la nostalgie de l'URSS, pour certaines personnes interrogées, concernait essentiellement des Russes. Encore que certains Arméniens et Azéris interrogés regrettent la bonne entente qui existait dans certaines villes avant que la purification ethnique et les pogroms ne prennent le dessus.
Il faut remarquer aussi que de nombreuses personnes interrogées, au contraire, détestaient l'URSS et les communistes en général.
Je trouve en tout cas que c'est un livre très riche, très humain.
lola à "nuages" , en l'absence de Carmilla : "l'homme rouge " se lit-il facilement ? 540 p. cela m'a fait hésiter ...est-il besoin d'avoir des notions historiques précises ? merci d'avoir la gentillesse de me répondre sur le blog de Carmilla ( si vs le souhaitez) Lola
Bonjour Lola,
Je trouve que ce livre se lit très facilement, ce sont des témoignages proches du langage parlé, c'est très vivant. Il faut peut-être avoir des notions de base sur l'histoire de l'URSS et de la Russie, mais ce n'est pas indispensable...
Nuages, Lola,
Merci pour vos messages.
Je suis certes a Berlin mais je demeure connectée avec ma tablette.
Oui, Lola, ça vaut quand même le coup d'acheter la nostalgie de l'homme rouge. C'est très facile a lire, c'est une suite d'interviews. C'est un bon livre en dépit de toutes les reserves qu'on peut émettre. Ça devrait plutot s'appeler la nostalgie russe de l'homme rouge. Pour ma part, j'ai quand même du mal a éprouver de la compassion pour des gens qui ont quand même été complices, même a un petit niveau, d'une dictature féroce et abrutissante. Ils n'étaient d'ailleurs pas désintéressés. Heureusement, ces gens la, même en Russie, sont très minoritaires. Ça m'amuserait qu'on essaie de faire le même bouquin sur la nostalgie rouge en Pologne, dans les pays baltes, en Ukraine de l'ouest. Ça serait violent !
Mais pour moi, s'il y a un livre a acheter absolument, c'est celui de Paulina Dalmayer. C'est le meilleur livre que j'aie pu lire sur l'Afghanistan et ça bouscule toutes les idées recues sur la guerre et ceux qui la font, en particulier les mercenaires. Je n'hésite pas a affirmer que c'est l'un des meilleurs livres de ces derniers mois.c'est a lui que j'aurais donne le Goncourt.
Carmilla
A propos de la nostalgie à l'égard de Staline, même en dehors de la Russie, un article assez frappant ici :
http://www.liberation.fr/monde/2013/11/26/georgie-staline-pope-star_962219
Merci Nuages pour cet intéressant article de Libération.
Deux remarques :
- du temps de l'URSS, les Géorgiens se croyaient très riches parce qu'ils écoulaient quelques produits agricoles. Ils étaient même presque arrogants avec les autres Républiques. La chute du communisme a révélé le caractère complètement artificiel de leur économie et ils se sont considérablement appauvris.
- la propagande soviétique rabâchait sans cesse que l'URSS était puissante et redoutée dans le monde. Ca ne marchait évidemment pas dans les autres pays, les anciennes "démocraties populaires" où on savait que la seule puissance était militaire mais que tout le reste était du flan. Mais c'est sûr que ce fantasme de la puissance perdure dans toute l'ancienne URSS et Poutine joue, par exemple, à fond là-dessus. Je crois cependant que, malgré tout, la Géorgie a clairement choisi le camp occidental et que les nostalgiques de Staline ne représentent qu'une poignée d'illuminés.
Carmilla
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