Jared DIAMOND : « Le monde jusqu’à hier – Ce que nous
apprennent les sociétés traditionnelles ». Par l’auteur
d’ « Effondrement » et « De l’inégalité parmi les
sociétés ». Un livre qui est le fruit des nombreux séjours de l’auteur
(depuis le début des années 60) en Nouvelle-Guinée (ou
Papouasie-Nouvelle-Guinée) qui, jusqu’à une époque très récente, abritait de
nombreuses sociétés ayant vécu à l’écart de la « civilisation ».
C’est
un bouquin qui nous conduit à réévaluer et relativiser beaucoup de nos comportements
et certitudes : les amis, les ennemis, la guerre, la justice, l’éducation des
enfants, le traitement des personnes âgées, le multilinguisme … Rien n’est
évident, rien ne va de soi. C’est un très bon bouquin d’anthropologie; en plus,
c’est américain, donc ça ne vole pas trop
haut et c’est facile à lire. Un seul regret : près de 600 pages quand
même, ça aurait pu être plus synthétique.
Timothy SNYDER : « Le prince rouge ». Par l’auteur de
« Terres de sang ». Un livre
extraordinaire mais que je ne conseillerais peut-être pas à tout le
monde : il faut être fana d’histoire de l’Europe Centrale. Au-delà du
destin hors du commun de Guillaume de Habsbourg qui s’était pris de passion
pour l’Ukraine, ce livre pose plein de
questions : on a complétement détruit, après la 1ère guerre
mondiale, l’Autriche-Hongrie et l’Empire
des Habsbourg et il est de bon ton, aujourd’hui de railler cet Etat
conservateur, voire réactionnaire.
Pourtant, l’Autriche-Hongrie, c’était aussi
une grande réussite : le pays-phare de la culture européenne (non, non !
ce n’était pas du tout la France) avec
des génies comme s’il en pleuvait, le triomphe des arts et des sciences ;
un Etat multi-culturel dans lequel on parlait une bonne dizaine de langues et
où toutes les communautés arrivaient à vivre ensemble ; des villes
magnifiques (Vienne, Prague, Cracovie, Lemberg, Budapest) avec une
architecture homogène; une grande qualité de vie (des cafés, de la musique, une
certaine frivolité). A l’heure du triomphe des Etats-nations,
l’Autriche-Hongrie, ça peut donner à réfléchir.
Michel FOUCAULT : « La société punitive ». Il s’agit de
cours professés en 1973. Ca se lit plus facilement que ses écrits théoriques et
c’est plein d’idées lumineuses (en particulier, cette vision d’une guerre
civile originelle). Moi, ça m’intéresse beaucoup, parce que je crois vraiment que
la société punitive, la société disciplinaire, c’est bien notre réalité, on est
en plein dedans et ça se renforce sans
cesse.
Le pire, c’est que ça s’appuie sur les institutions
« bienfaisantes » : l’école, les hôpitaux, la justice.
Aujourd’hui, les choses ont évolué et c’est évidemment l’écologie et internet qui
constituent les pivots de la nouvelle domination.
Jack El-HAI : « Le nazi et le psychiatre ». Un récit
étonnant : celui de la rencontre entre un jeune psychiatre américain,
Douglas Kelley, et les criminels nazis jugés à Nuremberg. Il s’agissait de
déterminer si les principaux dignitaires nazis n’étaient pas atteints de
troubles mentaux (et s’ils pouvaient donc être jugés) et s’il existait une
personnalité nazie. Les analyses de Kelley ont été sans équivoque : les
nazis étaient des gens d’une absolue « normalité », sûrement pas des
fous. Ca rejoint les thèses d’Hannah Arendt sur la banalité du mal, c’est
d’autant plus effrayant. Une incroyable galerie de portraits très vivante, en
particulier de Göring mais aussi de Hess, de Ribbentrop, de Frank, de
Kaltenbrunner. Un livre essentiel et très troublant. Une conclusion
tragique : 10 ans après le procès de Nuremberg, Douglas Kelley s’est
suicidé en ingérant …une capsule de cyanure (i. e. en choisissant la même mort
que Göring).
Roman SENTCHINE : « Les Eltychev ». Voici un vrai roman
de la province russe, bien glauque et bien sinistre. Une famille minable dans
un village minable, en plein hiver, avec l’alcool et la pauvreté pour seuls
horizons. Roman Sentchine, né en 1971 dans la République de Touva, est une
figure montante de la littérature russe.
Owen MATTHEWS : « Moscou Babylone ». L’exact contrepoint
du livre précédent. Moscou dans les années 90. Une vie à la Dostoïevsky,
d’orgies et de résilience. Par l’auteur des « Enfants de Staline ».
« En Russie, j’ai aimé et j’ai tué. Et j’ai découvert que, des deux, c’est
l’amour qui est le plus terrible ».
Images de Zbigniew CHROSTEK, peintre polonais (né en 1958 à Katowice).
Au cinéma, je recommande absolument : « La vénus à la fourrure
de Roman Polanski, « Nymph()maniac » de Lars Von Trier et le tout
récent « Pour ton anniversaire » de Denis Dercourt. J’insiste même sur
ce dernier film qui est un extraordinaire condensé de la culture allemande. L’un
des meilleurs films de ces derniers mois.
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