L'actualité politique française m'étonne toujours un peu. Alors qu'en général, on ne s'intéresse pas trop aux affaires internationales, on se déclare, aujourd'hui, pleins de compassion pour le peuple palestinien. C'est estimable mais il ne faudrait pas que cet amour ne soit qu'un voile inavouable : celui de la haine portée à Israël et aux Juifs. Pour faire scandale dans un dîner parisien, il suffit, mais c'est très dangereux, de déclarer qu'on est également sensible aux souffrances de la population d'Israël. Et puis, j'aimerais bien que tous ces grands démocrates pro-Hamas, style Besancenot, Soral, Mélenchon, soient également prêts à manifester pour la paix en Syrie ou contre l'extermination des Chrétiens en Irak.
Quant à l'Ukraine, c'est maintenant le silence radio. Je me doute bien, évidemment, qu'il n'y aura jamais une seule manifestation en France en faveur de la démocratie ukrainienne. C'est peut-être normal tellement l'Est, c'est, culturellement, éloigné de la France mais je trouve que c'est quand même dommage : ce qui se joue là-bas, ce n'est pas la destinée d'un pays en particulier mais c'est la considération apportée à certaines valeurs et grands principes démocratiques. Je sais bien que ça fait complétement ringard, aujourd'hui, de parler de valeurs mais c'est quand même bien ça qui a fondé l'Europe. Pour conforter mon propos, je me permets de reproduire ci-dessous l'article d'un grand journaliste polonais, Adam Michnik, avec le quel je me sens totalement en accord.
Comme le souligne fort justement Masha Gessen, ce n'est pas contre l'Ukraine que Poutine est en guerre, c'est contre l'Occident ! Le choc des civilisations, Poutine, il y croit dur comme fer. Et il est aussi convaincu que cette bêtise de la spiritualité russe va nous sauver de la décadence.
L'hypocrisie, la bêtise et le silence de l'élite intellectuelle, des
artistes, des scientifiques et des médias face à
l'avancée des régimes totalitaires nazi et stalinien resteront à jamais dans
nos mémoires, resteront à jamais l'un des tristes souvenirs du XXe siècle.Avoir fermé les yeux sur l'annexion de l'Autriche, sur celle de la Tchécoslovaquie,
et sur celle des pays baltes sera toujours un motif de honte pour l'Europe. Personne ne parla avec autant
d'éloquence qu'Hitler et Staline de la paix et du droit international, et personne
ne commit autant de crimes que ces dictateurs.
Aujourd'hui, l'Europe garde le silence devant la politique impérialiste agressive de Vladimir Poutine, le président de la Fédération de Russie. L'Occident tolère en silence sa politique agressive, qui viole explicitement la souveraineté d'autres Etats : celle de la Moldavie, celle de la Lettonie, celle de la Géorgie, et – surtout – celle de l'Ukraine.
L'Union européenne se
comporte comme une version grand format de la très neutre Suisse. Cela est tout
particulièrement vrai de ses élites politiques et de ses milieux d'affaires. Mais l'Europe n'est
pas la Suisse. Elle a été le
théâtre de deux guerres mondiales sanglantes.
En conséquence, nous
– intellectuels, journalistes, scientifiques – avons le devoir d'être vigilants, et d'alerter l'opinion publique. Nous devons être les oies du Capitole de notre temps. Nous ne devons
pas succomber aux vieilles illusions, nous devons refuser notre conformisme confortable. Notre devoir est désormais de parler clairement, et aujourd'hui avec énergie.
Nous ne devons
pas identifier M.Poutine à la nation russe, exactement comme
nous avions refusé d'identifier Brejnev à la nation russe lorsqu'il a entrepris
sa guerre en Afghanistan. La véritable et authentique voix de la Russie était
alors Andreï Sakharov, ce grand dissident, honnête et courageux. Sakharov,
quelques années plus tard, au Parlement russe, désigna cette guerre en Afghanistan comme la ''guerre
de la honte''.
Le conflit
actuellement en cours avec l'Ukraine, qui a débuté avec l'annexion de la
Crimée, et les provocations permanentes menées dans l'est de ce pays sont
honteux, tragiques, et dangereuses. Elles s'accompagnent en Russie de
violations permanentes des libertés démocratiques, décidées par le gouvernement
de M. Poutine.
FRANCHIR LES LIGNES
ROUGES
Une politique de
conciliation ne mènera à rien ici. Vladimir Poutine n'est pas un homme
politique à l'européenne. M. Poutine ne pratique que l'aventurisme
permanent. Comme en témoignent des signes inquiétants, il a déjà ouvert la
boîte de Pandore. Des aventuriers chauvins et nationalistes, amateurs de
conquêtes sanglantes font le voyage de
la Russie vers l'Ukraine. Armer ces bandits, les approvisionner en équipements militaires de pointe est un
crime.
Nous appelons les
dirigeants et responsables des pays de l'Union européenne à mettre un terme à la politique agressive du président
Poutine. L'expérience nous a enseigné que dialoguer avec le président Poutine, c'est perdre son temps. M. Poutine ne recule que lorsqu'il
a en face de lui unité et fermeté. M. Poutine se moque des adversaires
faibles et mous. Sa perception des pays de l'Union européenne est manifestement
la suivante : ils parlent, ne font que parler. Et pendant ce temps-là, le Kremlin ne cesse de franchir toujours plus de lignes rouges.
Vladimir Poutine
continue de fournir l'est de l'Ukraine en armes et en mercenaires. Il
continue de masser ses troupes le long de la frontière ukrainienne.
Mais l'Ukraine a le droit de choisir de rejoindre les démocraties européennes. Et les Ukrainiens
ont le droit de vivre dans un Etat se comportant avec honnêteté. Il est
bien possible que l'avenir de l'Union
européenne se joue aujourd'hui dans l'est de l'Ukraine.
Les Vingt-Huit feraient bien d'utiliser tous les moyens de pression dont ils disposent. Ils feraient bien de cesser de fournir la Russie en matériels militaires, et d'adopter à son endroit des sanctions économiques et politiques. La véritable réponse à la crise ukrainienne, c'est la solidarité contre Vladimir Poutine".
Adam MICHNIK
Tableaux de Marianne Von Werefkin (1860-1938). Une de mes peintres préférées. Née en Russie à Ekaterinburg. Décédée en exil en Suisse. A accompagné Alexi Von Jawlensky, autre grand peintre. A contribué à la création du groupe "Der Blaue Reiter" (Le cheval bleu).
2 commentaires:
excellent;j'avais oublié Marianne...je vais me replonger dans "le cavalier bleu";les oeuvres que vous avez choisies sont très fortes.Quant à l'Ukraine,c'est bien de citer Michnick;j'ai trouvé ces 2 phrases de lui :"Putin whose appetite is comparable to a shark's" //"a man who after shaking hands with,you have to count your fingers".Quelle tactique ???lola
Merci Lola !
C'est sûr qu'au-delà même de l'Ukraine, tout cela est bien inquiétant car la Russie est en train d'embarquer pour une aventure imprévisible.
C'est ce qu'il faut bien comprendre à l'Ouest: Poutine est maintenant en guerre contre un Occident qu'il juge décadent et il veut ressusciter l'URSS qui faisait peur. Pour parvenir à cette fin, il ne connaît que la ruse, le mensonge et les rapports de force.
Par rapport à cela, je pense qu'il faut réagir très fort, dès maintenant, avant qu'il ne soit trop tard. Il faut donc des sanctions beaucoup plus fortes que celles qui ont été arrêtées.
Carmilla
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