La jalousie, je ne connais pas; peut-être pas du tout, mais je veux que ce soit le moins possible !
Je veux vivre détachée de l'affect, du sentiment: c'est ma recette, sinon du bonheur, du moins d'une vie maîtrisée.
Mais je comprends que la jalousie, ça détruise, dévore. Et je comprends aussi que pour ne pas succomber à la jalousie, il faut avoir suffisamment confiance en soi, il faut être suffisamment arrogant. La jalousie, ça signe notre fragilité personnelle.
La jalousie, c'est, bizarrement, lié à l'avènement de l'esprit démocratique et de l'égalitarisme. Comme l'avait souligné Tocqueville, le progrès démocratique va de pair avec l'exacerbation des jalousies: plus on est égaux, plus on est jaloux ! C'est bien sûr tout à fait paradoxal mais, en démocratie, il n'y a plus la clarté d'un système hiérarchique et on a, alors, tendance à penser que certains sont plus égaux que d'autres.
Ça ne se limite pas, bien sûr, aux relations sociales, économiques. Ça touche aussi la sphère érotique, affective.
La sphère économique, commençons par ça, je trouve ça terrible. Personnellement, je suis effrayée, surtout en France, par la rancœur, l'amertume sociale. Je supporte mal les gens, style Annie Ernaux, qui ressassent leur infortune, celle de leur naissance, de leur milieu social; ça me gêne: c'est l'homme de la servitude qui se définit par rapport à un maître. Ou alors, cette fausse lutte des classes qu'on joue sans cesse. Ça crée des barrières insurmontables, infranchissables. On se met à vivre dans des mondes archi-cloisonnés.
Dans ma boîte par exemple, beaucoup de gens me jugent, par essence, haïssable parce que je suis du côté des oppresseurs mais scrutent néanmoins avec attention chaque parcelle de ma vie et rêveraient de s'y introduire. Il faut apprendre à être adulée/détestée. Le pouvoir génère des fascinations ambiguës. Sans doute aussi, le fantasme ultime des opprimés est-il la déchéance complète des puissants mais qu'est-ce que ça veut dire? Il n'y a, en fait, aucune pureté, authenticité, supérieures. On est tous également crapuleux et personne n'a le monopole de la souffrance ou du mérite.Qui peut prétendre, d'ailleurs, être une victime absolue ?
En amour, c'est carrément effroyable. Il est vrai que l'amour, la jalousie, le mensonge c'est indissociable. L'amour aujourd'hui, c'est en effet devenu l'incertitude absolue. Là-dessus, Proust a écrit des pages définitives. La femme aimée cache un secret, tous les signes qu'elle émet sont ambigus, mensongers. L'amant jaloux est donc en quête de vérité mais il n'est pas moins menteur que la femme aimée.
La jalousie dans la vie sentimentale, ça me rend folle. Je ne tolère pas qu'on me sonde, m'épie. Je plie comme ça très vite la plupart de mes relations.
C'est vrai toutefois que ça ne doit pas être très drôle de tomber sur quelqu'un comme moi. Il y a tout de même des gens moins compliqués, d'autant que je ne fais rien pour dissiper les doutes, les inquiétudes. La certitude du lendemain, c'est ça qui m'effraie. Et puis la vérité, la fidélité à soi-même et aux autres, ça détruit irrémédiablement la séduction.
Après Vogue et Harper's Bazaar, des images issues, principalement, des couvertures du magazine américain "Theatre Magazine".
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