Eric Reinhardt : "L'amour et les forêts". Eric Reinhardt, je suis une fan; "Cendrillon", c'est pour moi l'un des grands bouquins de ces 10 dernières années. "L'amour et les forêts", ce n'est pas aussi flamboyant mais c'est très troublant. C'est aussi d'une grande tristesse. Un livre consacré au harcèlement, a priori je n'ai pas du tout envie de lire ça. Mais il s'agit moins de harcèlement que de toutes ces forces qui contrarient votre vouloir vivre, vous empêchent de développer votre personnalité dans sa multiplicité.
Catherine Cusset: "Une éducation catholique". J'aime bien aussi Catherine Cusset et là, elle a écrit, pour moi, l'un de ses meilleurs livres: un petit chef d'oeuvre qui se lit à toute allure. Ça ne parle pas seulement du catholicisme mais ça établit surtout un parallèle entre la sujétion de la religion et celle de la vie amoureuse. Trop souvent, on vit dans la peur et on recherche quelqu'un qui vous dicte sans cesse quoi faire, qui vous blinde de certitudes. Mais en fait, on ne peut vivre et aimer qu'en s'étant débarrassé de la peur, de la peur de vivre et de la culpabilité. Il faut comprendre qu'un amant ne doit pas être Dieu.
Michela Marzano: "Tout ce que je sais de l'amour". Michela Marzano est peu connue en France. Elle est pourtant une personnalité hors du commun: élue du Parlement italien, elle est aussi philosophe et essayiste. Elle écrit directement en français, notamment sur son anorexie ("Légère comme un papillon") ou sur le management participatif ("Extension du domaine de la manipulation"). Son dernier livre est très autobiographique. Pourquoi les histoires d'amour finissent-elles mal, en général? D'abord parce qu'on a trop de préjugés, d'attentes, de peurs, d'exigences, qu'on veut, à tout prix, rencontrer le Prince Charmant. Les histoires deviennent forcément malheureuses et impossibles et c'est comme ça qu'on se détruit soi-même. Il faut savoir accepter les limites de l'amour et aussi les siennes propres et celles de l'autre. A lire absolument si on a des problèmes de couple: un bouquin qui fait du bien, plein de réflexions percutantes.
Leïla Slimani : "Dans le jardin de l'ogre". En tant que vampire, la nymphomanie, c'est évidemment pour moi un grand questionnement. Est-ce que ce n'est pas comme ça qu'on trouve apaisement et sérénité: délivrée des sujétions du couple, apte à la découverte des autres et de la vie? Que c'est triste de ne connaître qu'un homme. La nymphomanie, c'est le refus de la vie familiale imposée, de sa routine sinistre. Un livre que j'ai adoré, étonnant, audacieux, qui conduit à se remettre en cause, soi, sa vie, sa relation aux hommes.
Ruwen Ogien: "Philosopher ou faire l'amour". Le titre est une allusion au film: "Peindre ou faire l'amour". Est-ce qu'un philosophe peut parler de l'amour ? Est-ce que bardé de concepts à prétention universelle, on peut saisir la singularité et l'ineffable d'une passion ? Un bouquin très original qui, surtout, s'attaque à nos préjugés et idées reçues en matière amoureuse: l'être aimé est-il irremplaçable? L'amour est-il plus important que tout ? S'identifie-t-il au bien? Se situe-t-il par delà le bien et le mal? S'il ne dure pas, est-ce quand même de l'amour?
Olivier Rolin: "Le météorologue". Le destin banal et tragique d'un homme qui n'est pas un héros mais qui est simplement porté par l'espérance révolutionnaire. Une évocation de l'URSS des années 20/30 et surtout du camp des îles Solovki, situé dans un endroit magique, un ancien monastère au milieu de la Mer Blanche. On éprouve plein d'empathie pour le personnage, sans doute parce que l'on se sent proche de lui. Et puis ces histoires terribles sont encore toutes proches même si on les a complètement effacées.
Laurent Mauvignier: "Autour du monde". Une date pivot organise ce livre: le 11 mars 2011, celle du tsunami au Japon. Une symphonie de destins, ce jour là, dans le monde entier, au Japon, à Moscou, à Dubaï, à Rome, en Slovénie, en Floride...L'extraordinaire globalisation du monde qui nous renvoie tous, néanmoins, à notre anonymat.
Iegor Gran: "Mauvaises pensées". Iegor Gran est d'origine russe; il est le fils du dissident soviétique des années 70 : Andreï Siniavski. Ça explique sans doute sa férocité à l'égard du monde dans lequel nous vivons, ubuesque, ridicule, étouffé par la bien-pensance, emporté par la niaiserie hygiéniste et écolo-responsable. Un recueil de chroniques réjouissantes, hilarantes, aux quelles je souscris entièrement.
Cecile Ladjali: "Ma bibliothèque -Lire, écrire, transmettre". Décrire sa bibliothèque durant tout un livre, c'est un pari audacieux. Mais on parle en fait beaucoup de soi en recensant ses livres. Moi-même, quand je rends visite à quelqu'un, j'essaie d'abord de le décrypter en regardant sa bibliothèque (quand il y en a une). La bibliothèque de Cécile Ladjali est évidemment immense, fascinante, de quoi me fiche des complexes terribles. Elle la commente, en outre, avec beaucoup de talent et d'érudition. J'ai quand même une réserve: elle a une bibliothèque très classique, très prof agrégée de lettres.
Enfin, pour clore ce chapitre culturel, je recommande vivement les films d'Andreï Zviaguintsev: "Leviathan" et de Myroslav Slaboshpytskiy: "The Tribe". Deux grands chefs d'oeuvre. Contrairement à ce que j'ai pu entendre ou lire, ça ne parle qu'accessoirement de la Russie ou de l'Ukraine, ça parle plutôt de la violence du pouvoir et des relations d'agressivité entre les individus. Je recommande aussi le film dont Michel Houellebecq est l'acteur principal: "Near Death Experience" de Kervern et Delépine.
Couvertures des années 20-30 (époque Art Déco) du magazine Vogue.
Rien à voir évidemment avec les couvertures actuelles du même magazine. On a vraiment changé d'époque et de sensibilité. Pourtant, je me dis que ces images Art Déco sont bien plus troublantes et sensuelles que les photographies formatées qu'on nous sert aujourd'hui. Est-ce qu'on ne vit pas une époque d'appauvrissement de l'imaginaire ?
2 commentaires:
Toujours la même voracité Carmilla Vous réussissez à nous entraîner à aller feuilleter les livres qui vous ont plu ,et parfois enthousiasmée ..
Pour moi ,les livres de Cécile Ladjali me tombent des mains; je vais éviter d'en dire tout le mal que j'en pense !!et le contenu de sa bibliothèque ne m'importe pas.
Mais quel bonheur de voir les couvertures de Vogue,des chefs-d'oeuvre absolus ;vous augmentez ma collection et c'est une dégustation immodérée et exquise .
J'en redemande ,merci .Lola
Merci Lola pour votre message.
Je ne suis pas moi-même une fan de Cécile Ladjali. J'ai quand même beaucoup aimé "Shâb ou la nuit".
Simplement, je lui porte un intérêt un peu émotionnel tout simplement parce qu'elle est née d'une mère iranienne, ce qui est important pour moi parce que j'ai vécu en Iran. Cependant elle est complètement française par son éducation et je ne pense pas qu'elle parle persan.
Sinon, je suis d'accord avec vous: les anciennes couvertures de Vogue, c'est absolument merveilleux mais quelle décadence aujourd'hui. Il est à noter qu'on peut acheter sur Art.com (un site de la revue américaine ART) à peu près toutes les couvertures de Vogue. C'est même assez bon marché (entre 100 et 800 €) en regard de la beauté des images.
Carmilla
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