dimanche 4 janvier 2015

Michka mon amour


Les fêtes sont terminées, c'est triste! On a tous vécu, pendant 15 jours, dans une ambiance un peu magique, sans amertume ni angoisse, débarrassée de l'idée de la mort. 


Chez l'adulte, ce moment des fêtes ravive la nostalgie de l'enfance, de cette période où on pouvait se croire tout puissants, de petits dieux, parce qu'on nous couvrait de cadeaux.



En matière de cadeaux,  plutôt que des poupées, je préférais des animaux et, surtout, des ours. Des "michous", j'en ai, comme ça, reçu des quantités et j'en ai même conservé quelques-uns chez moi. 



Il paraît d'ailleurs, à une époque où on sombre dans le ridicule avec la théorie du genre et où on s'interroge sur les cadeaux "non discriminants", que les ours en peluche sont également appréciés par les petites filles et les petits garçons. Donc, si vous êtes adeptes de Judith Butler, n'hésitez pas: offrez des ours à vos enfants. Ça ne  leur imposera pas un modèle trop prégnant et ils demeureront libres, ensuite, de choisir.

L'ours, ça ouvre, d'abord, un accès à la totalité du monde. 



Il y a en effet une différence essentielle: 

- le monde des adultes est un monde cloisonné, fermé; c'est un monde vertical, au sein duquel l'homme ne connaît que lui-même: il domine la nature sans communiquer avec elle. 

- le monde enfantin est, au contraire, un univers enchanté, sans aucune hiérarchie entre les êtres et les choses. Un monde complètement horizontal où les animaux, les arbres, les fleurs, les objets parlent aux hommes.


Le monde de l'enfance, c'est le monde de la bande dessinée. Tintin, Astérix, Spirou, Gaston Lagaffe, Chlorophylle, P'tit Luc etc..., c'est d'abord un univers où rien n'est inerte, où tout est vivant, parle, s'exprime: Milou, Idéfix, Marsupilami, Spip ... des chiens, des chats, des souris, des sangliers, mais aussi des voitures, des arbres, des machines folles, improbables, qui se révoltent, critiquent, fichent la pagaille. 

Tout entre en résonance, personne n'est maître du monde, tout le monde échange sur un pied d'égalité. La séparation des êtres, des choses, des animaux, ça viendra plus tard avec l'âge adulte et c'est évidemment une perte irrémédiable.


Ce monde enchanté de l'enfance, c'est le monde merveilleux de Spinoza. J'ai essayé de le lire et je n'y ai à peu près rien compris sauf ça: il y a une profonde unité du monde. L'homme, la pierre, l'animal obéissent à des déterminismes communs. 


Et puis avoir un ours, c'est déjà appréhender l'essentielle duplicité du vivant. Les enfants le savent bien: le nounours débonnaire peut se métamorphoser, subitement, en un tueur indifférent. C'est la même chose avec le chat ou le chien de la maison.On s'interroge alors sur leur froide cruauté: sont-ils coupables, innocents ? Et qu'en est-il de nos proches et de nous mêmes ? 
Ne sommes-nous pas capables des mêmes atrocités en toute indifférence ?


Sur la fascination exercée par l'ours, je renvoie au film étonnant (2005) de Werner Herzog: "Grizzly man".

Tableau introductif d'Ivan Shishkin (1832-1898). Probablement le tableau le plus célèbre dans toute la Russie. Un véritable symbole. Il n'y a sûrement pas un Russe qui ne le connaisse pas.

Images extraites du livre (1941) de Marie Colmont illustré par Rojankovsky: "Michka". J'ai toujours trouvé cette histoire terrible, affreuse mais j'adorais les images.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Un point commun entre nous ,Carmilla:le monde de Baruch Spinoza reste un peu fermé pour moi.Je préfère Michka en tablier de cuisine,en patins à roulettes ou soufflant surson bol de chocolat.Lorsque j'étais enfant ,l'une de mes tantes m'avait fait ce cadeau surprenant d'un ours tout rouge;inutile de dire que c'était mon préféré !Je suis une grande passionnée de livres d'enfants alors que les miens ont bien grandi et alors même que je ne suis pas grand'mère.Les ours et les livres, c'est un vice ;impunissable heureusement .Merci pour les illus ,très chouettes ,et pour ce voyage au pays de l'enfance.Lola

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Lola!

L'enfance, ça nous hante bien sûr continuellement même s'il ne faut pas non plus idéaliser cette période de la vie.

Il ne faut pas l'oublier: c'est aussi un monde très cruel et violent; mais tout y apparaît possible et il y a une communication universelle entre les êtres.

Sinon, un ours rouge, c'est évidemment très singulier!

Et il est vrai, enfin, que les livres pour enfants sont, en général, magnifiquement illustrés.

Carmilla