L'amour entre filles, c'est courant, c'est banal. On a presque toutes, jeune ou adulte, une copine, une amie de cœur. C'est encore plus fort dans les cultures où la séparation des sexes est marquée (le Japon, la Russie, l'Ukraine). En France, je ne sais pas, j'ai l'impression que les femmes se vivent surtout en rivales et sont dévorées par la jalousie.
Un amour féminin, ça permet, d'abord, de faire l'apprentissage de la vie parce que, généralement, entre filles, on se parle beaucoup, on se dit tout, notamment en matière sexuelle et amoureuse. La question principale, c'est, évidemment, celle des hommes. Faire l'amour avec un type, séduire, il faut l'avouer, ce n'est pas seulement la félicité que l'on décrit, c'est également une angoisse terrible parce qu'on ne se sent jamais à la hauteur.
C'est affreux ! De prime abord, on est nulles, il faut bien le reconnaître. D'épouvantables oies blanches! Et on se sent, d'ailleurs, tellement nulles qu'on est prêtes à tout, même à la soumission absolue. Je sais que je serais capable de me prostituer pour certains hommes; ça me fiche en l'air, ça me torture, m'humilie, mais j'ai aussi appris, au fil de mes aventures, que ça peut se maîtriser, qu'on peut dominer ça et que ça s'apprend éventuellement. L'amour, la sexualité, c'est une éducation.!
Les confidences entre filles, ça apporte justement des réponses à ça. On trouve une guide, une conseillère, un modèle, ça nous donne de l'audace, de la confiance, de l'assurance. C'est forte de ces certitudes qu'on n'hésite pas à briser les tabous. C'est votre copine qui donne son approbation à vos fréquentations scandaleuses; c'est votre copine qui vous convainc que les pratiques déviantes, il faut les essayer.
Et puis, il y a une sensualité particulière entre femmes. Si on se fait belles, se maquille, se parfume, porte des dessous affriolants, c'est, bien sûr, pour séduire des mecs mais c'est, aussi, pour se défier entre femmes parce qu'on sait bien, de toute manière, que seule une femme est capable d'apprécier notre élégance et notre provocation vestimentaires.
Il y a, comme ça, quelque chose d'enivrant et de vénéneux dans les relations entre femmes. C'est magnifique et cruel à la fois parce que tout n'est évidemment pas rose. C'est un parfum lourd exhalant l'odeur du péché. Mais c'est aussi une pierre magique avec mille merveilleuses facettes. La fascination, la séduction, l'apparence, on joue ça à plein entre nous mais c'est exaltant.
Mais cette magie de l'amour entre femmes, c'est, aujourd'hui, de plus en plus refoulé, occulté. On est convaincus de vivre dans des sociétés libérées en matière de mœurs. Mais en fait, on catégorise, normalise, à outrance. Finalement, on canalise bien la déviance. Si on aime bien une fille, dit-on, c'est qu'on est, forcément, une lesbienne. On doit, aujourd'hui, être, obligatoirement, ou hétéro, ou lesbo, ou trans. Je trouve ça incroyablement réducteur, on néglige totalement la plasticité psychique.
C'est comme ça qu'en France, maintenant, le modèle de l'amour entre filles, c'est devenu le film "la vie d'Adèle" d'Abdelatif Kechiche. Le film est, incontestablement, très bon mais il ne fait vraiment pas rêver : deux affreuses nanas qui passent leur temps à se faire la tête, à s'engueuler, à baiser. Ça peut épater le bourgeois, ravir l'intello, mais c'est quand même sinistre, ça ne vous donne vraiment pas envie de devenir lesbienne. Kechiche, c'est le porno-kitsch normalisateur.
Moi, mon expérience avec les femmes, elle est à mille lieux de ça. La vérité de l'amour entre femmes n'est pas simplement le lesbianisme. On peut éventuellement baiser mais ça n'est pas non plus indispensable. Surtout, on rêve, on délire, on vit dans une espèce de société secrète, on découvre d'autres mondes, c'est une illumination poétique de chaque instant.
C'est comme ça, par exemple, que je vis ma relation avec ma copine Daria. On ne fait que des bêtises ensemble, les 400 coups chaque jour. Surtout, on aime allumer, toutes les deux, les hommes. Ça marche, d'ailleurs, de manière extraordinaire; c'est vrai qu'on correspond sûrement à tous les fantasmes actuels mais ça nous fait rigoler et ravit pendant des semaines.
Et puis, on vit à plein dans le sensuel. On fait particulièrement attention à la manière dont on s'habille quand on est ensemble, on cherche à s'épater l'une l'autre; pour l'achat de la moindre culotte, on prend conseil sur l'autre; et en matière purement sexuelle, on aime s'embrasser, se caresser. On aime aussi voyager ensemble et, à cette occasion, on prend bien sûr une même chambre à l'hôtel et on adore dormir dans un même lit. Pourtant, on ne se considère absolument pas comme lesbiennes et on est passées complètement à côté d'"Adèle"; ce n'est pas notre univers !
Images du magnifique film de Bertrand BONELLO: "L'Apollonide", sorti en 2012. Il faut absolument avoir vu ce film splendide. Il illustre bien, à mes yeux, la sensualité, la complicité et l'amour entre femmes.
Ce post m'a été inspiré, il y a quelques semaines, par le film lituanien "Summer" d'Alanté KAVAITE. L'anti "Adèle" absolu. Sur le même thème, je recommande le film d'Anne Fontaine: "Perfect Mothers" sorti en 2013.
Enfin, puisqu'on parle de cinéma, je vous conseille: "Youth" de Paolo SORRENTINO, le réalisateur de "La Grande Belleza", "Much Loved" de Nabil AYOUCH et "Fou d'amour" de Philippe RAMOS, un délicieux film d'inspiration Bataillienne mal compris par la critique.
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