Je me sens toujours perturbée à chaque fois que je reviens d'un voyage.
Ma vie parisienne m'apparaît alors grise et monotone. Tandis que le pays que j'ai visité est nimbé d'un halo vif et chatoyant. Tout apparaît, là-bas, plus intense, plus attrayant.
Je sais bien que c'est ridicule et que je ne suis pas à plaindre à Paris. Et puis, j'aurais vite fait de m'ennuyer à Erevan. L'Arménie, c'est quand même tout petit et je pense qu'on en épuise assez rapidement les charmes.
Et sur ce point, les Français ne se rendent pas compte de l'un de leurs privilèges: l'intérêt qu'il y a à faire du tourisme dans son propre pays. Et d'ailleurs, ils s'y adonnent volontiers comme si cela allait partout de soi.
Visiter la France et ses régions, c'est, en effet, attrayant tant le pays est divers et imprégné d'Histoire. Ca n'est pas le cas partout dans le monde. Dans les pays de l'ancien bloc communiste par exemple, même si ça change aujourd'hui, on ne faisait guère de tourisme dans son propre pays, on n'avait pas envie de se confronter à l'uniforme grisaille socialiste.
Le revers de la médaille en France, c'est qu'on y a du mal à sortir "mentalement" de son pays. Certes, on voyage quand même, on fréquente massivement les pays du Club Med, du soleil et du farniente, mais, même si on s'est géographiquement déplacés, ça ne remet surtout pas en cause ses "petites habitudes" de vie et de pensée.
Un voyage, ça devrait pourtant d'abord vous bouleverser, scarifier.
Mais force est, hélas, de constater qu'on a tous, plus ou moins, des vies bétonnées, cloisonnées. On se contente de sa petite coquille et on se satisfait de ne pas en sortir. Aux fracas du monde, on préfère les anecdotes de son chez soi.
J'avoue me sentir de plus en plus déconnectée de l'actualité française. Je m'en fiche même presque complétement. Et l'Arménie (sa tragédie, le sentiment d'abandon éprouvé par la population) vient d'aggraver le choses. J'ai été consternée de consulter, à mon retour, ce qui faisait l'actualité médiatique de la France. Ca m'est apparu carrément surréaliste. Quelqu'un se rend-il compte que se joue, en ce moment, l'avenir de la société européenne et de ses valeurs ?
Je n'en ai pas l'impression. Depuis mon retour, j'ai entendu principalement parler de "l'école de Bétharram". Je ne conteste pas que ce soit une affaire importante mais il me semble qu'à se concentrer sur un établissement en particulier, on en vient à occulter un système général : celui d'une éducation qui a longtemps reposé (notamment en France et en Grande-Bretagne) sur une discipline de fer et même la violence et l'humiliation.
Des Bétharram, il y en a, sans doute, eu plein en France et en Europe. Il y a une abondante littérature et filmographie à ce sujet. C'est aujourd'hui heureusement révolu, la violence institutionnelle a largement régressé. Ce sont plutôt les violences individuelles, entre élèves, qui s'exercent à l'école. C'est plus feutré, plus insidieux mais pas moins destructeur. C'est notamment pour cette raison que j'ai détesté l'école. Et c'est d'autant plus dangereux que les chers enfants sont tous considérés, a priori, comme de petits saints et que presque personne, en général, n'est disposé à faire son auto-critique, à interroger sa propre violence. Le Mal nous habite pourtant dès le départ mais cela, on ne le reconnaît pas.
Après Bétharram, j'ai entendu les médias ressasser, à l'infini, sur la mort du Pape. A quoi ça rime ces pleurnicheries ? On est censés être modernes mais on en fait un Saint. Je m'intéresse, personnellement au Christianisme mais je n'ai jamais eu aucune sympathie pour toutes ces vieille badernes et momies que l'on exhibe comme d'archaïques "totems". Et puis, le "François", il a eu des propos totalement ambigus sur la Russie et l'Ukraine. Quant aux chrétiens d'Orient et à l'Arménie, il les a soigneusement délaissés. Et je ne parle pas de ses "idées" économiques absurdes. Il aimait, en fait, tellement les pauvres qu'il en souhaitait sans doute la multiplication.
Je suis donc exaspérée et cela, d'autant plus, que je suis par ailleurs, chaque jour, "matraquée" avec l'Ukraine. Cela vire carrément au cauchemar. C'est la concrétisation des scénarios les plus inimaginables. Trump et ses acolytes ne cessent de pulvériser tous les records de l'immonde et de l'abjection: le comble de la bêtise, de la brutalité, de la vulgarité, de la vénalité. Je crois n'avoir jamais détesté quelqu'un à ce point.
Et personne ne semble disposé à résister au chantage et à l'intimidation exercés. Un journaliste américain vient de tracer une juste analogie. "Imagine-t-on que l'on demande à Israël de reconnaître diplomatiquement, avant toute négociation, un Etat palestinien et de se retirer immédiatement des colonies de Cisjordanie ? En ajoutant que si ça ne convient pas à Netanyahou, les Etats-Unis se retireraient du processus ?" Voilà bien, en effet, comment travaille le "Grand Négociateur". Bâcler les choses pour ne plus en entendre, provisoirement, parler.
Triste constat. L'Arménie, que tout le monde s'est dépêché d'oublier, a, pour moi, été instructive. L'Ukraine, ça va (mal) se terminer, de la même manière. Et tout le monde s'en lavera les mains. L'Ukraine, on en a marre. On n'aspire plus qu'à une chose: tourner la page, ne plus en entendre parler.
Images de grands peintres français de la fin du 19ème, début du 20ème siècle: Matisse, Monet, Manet, Gauguin, Caillebotte, Degas, Cézanne, Renoir, Van Gogh. C'est à ces peintres et à ces images que l'on associe souvent la France à l'étranger.
Je recommande:
- THUÂN: "B-52 ou celle qui aimait Tolstoï". Un bouquin totalement singulier écrit, en français, par une Vietnamienne qui a vécu 5 ans à Moscou. Un livre plein d'humour et de dérision dans un contexte insupportable. Comment se reconstruire ailleurs ? Ca décoiffe vraiment.
22 commentaires:
J'ai lu "Le bruit de la neige", de Gilles Lapouge, que vous m'aviez recommandé. J'avoue que je me suis parfois ennuyé à cette lecture, mais que certains chapitres m'ont quand même beaucoup plu, à propos des sagas islandaises, du sel dans la cuisine, de ses guerres d'enfant avec ses petits soldats de plomb...
J'ai aussi lu "Opération spéciale" du journaliste Paul Gogo ; une chronique des guerres en Ukraine, celle de 2014-2015 dans le Donbass, et la guerre à grande échelle depuis 2022. Si vous ne l'avez pas lu, je vous le recommande.
Merci Nuages,
"Le bruit de la neige" est parfois, en effet, un peu méditatif et trop littéraire. Et c'est vrai que ce sont les "anecdotes" dans différents pays qui sont les plus marquantes.
Je vous remercie pour le conseil de ce livre de Paul Gogo. Je pense, en effet, qu'il est un bon journaliste. Ce qui me fait hésiter, c'est que, parfois, je n'en peux plus d'entendre parler de l'Ukraine. Ca devient tellement désespérant.
Bien à vous,
Carmilla
Bonsoir Carmilla
Quelqu'un se rend-il compte que se joue, en ce moment, l'avenir de la société européenne et de ses valeurs ?
Et, pas seulement pour la société européenne, pour nous tous, parce que ça touche des valeurs universelles, ce que nous avons édifié difficilement au cours des deux derniers siècles, la politique, la démocratie, l’économie, et surtout la liberté, que l’on croyait solidement arrimés. À ce stage, tourner la page serait désastreux, parce que non seulement par lassitude et par paresse, mais aussi par indifférence, en croyant que les choses vont s’arranger avec le temps. Abandonner une tâche, un travail ou un devoir, en plein milieu d’un combat, c’est remettre à demain des efforts qui exigeront, plus d’énergies, de sacrifices sans oublier les souffrances, qui ne nous serons pas épargnées.
Avoir confiance en cette époque tordue, ça exige un courage à toute épreuve, et cela réclame d’abord de croire en nous-mêmes. Nous connaissons nos ennemis depuis longtemps, nous savons leurs agissements pervers, leurs mensonges éhontés, leurs cruautés abjectes, effrontément, ils en remettent à chaque jour, parce qu’ils se font craindre. Ils parient sur notre peur en comptant sur notre désengagement, et se refermer sur soi-même comme le font présentement les USA, n’est pas une solution. Il y a sans doute beaucoup plus de personnes qui le savent, mais qui n’osent le dire, étouffées par la peur, le doute, et le découragement.
Il n’y a rien à négocier, parce qu’il n’y a rien à pardonner. C’est ce que Zelensky est en train de démontrer par l’absurde. À chaque jour je regarde ces ruines qui viennent d’être bombardés, avec leurs lots de blessés et de morts. Incapable du moindre cessez-le-feu, si éloigné de la paix, parce qu’on laisse faire, nous nous complaisons dans une complaisance immorale, où nos timides essaies ne font pas le poids. Si on n’a pas compris cela depuis trois ans, c’est que notre propre sort ne nous intéresse pas, c’est que le droit international n’a plus aucune valeur, c’est que notre confiance en nous-mêmes s’est effritée.
Cela requière une chose; reprendre l’initiative, s’imposer, ne pas reculer continuellement, ce qui je l’admet demande une certaine dose de courage. Je vois mal l’Ukraine capituler; mais je vois très bien cette histoire se terminer dans la cour du Kremlin…en ruine!
Bonne nuit Carmilla et surtout bon courage.
Richard St-Laurent
Merci Richard,
C'est effectivement le Problème.
Faire des concessions, des compromis, c'est remettre en cause l'ordre juridique sur la base du quel avait été construite et assurée, au lendemain de la 2nde Guerre, la Paix dans le Monde.
Si on déclare aujourd'hui, que le Droit, on s'en fiche, on ouvre la voie à la Loi du plus fort. Tout devient dès lors possible: les annexions du Canada et du Groenland par exemple.
Ce n'est donc pas de l'entêtement irréaliste de refuser absolument la reconnaissance de l'annexion de la Crimée.
C'est simplement vouloir le maintien des règles de Droit. Le Droit comme protection des plus faibles et garant de la Paix.
Et le Droit, en effet, que ça plaise ou non, ça ne se négocie pas, comme vous le dites bien. Mais j'ai l'impression que bien peu de gens ont compris ça.
Bien à vous,
Carmilla
Bonsoir Carmilla
L’humain cultive cette fâcheuse tendance de se replier dans son quotidien comme un huître qui flaire le danger et qui se referme sur elle-même croyant à une sécurité bétonnée. Ce qui m’horripile depuis longtemps. Je puis comprendre qu’une personne ne comprenne pas ce qui se déroule sous ses yeux ; mais quelqu’un qui ne veut rien comprendre pour s’installer dans un refus de la réalité ça dépasse largement l’indifférence et l’ignorance. Lorsque la tempête menace, il faut trouver des solutions, nous pouvons trouver un havre momentanément, si non, il faut traverser cette tempête. Présentement la tempête gronde, et elle gronde de plus en plus fort à chaque jour, et je ne distingue aucun havre digne de ce nom. Nos petits quotidiens ne parviendront plus à cacher notre nudité mentale. Ici au Canada, la question de l’urne s’est imposée bien avant le déclenchement de la campagne électorale. Elle s’est intensifiée au fil des jours. Me reste en mémoire, quelques politiciens qui refusaient d’en débattre, refusant de s’exprimer sur ce sujet brûlant comme si la bête n’existait pas au sud de notre frontière. Cette question, c’est une question de confiance. Comment faire confiance à un Traître ? Bien des gens refusent de s’exprimer sur ce sujet. Si on se complaît dans un silence coupable, c’est que le problème n’existe pas. Comment ne pas penser : Qui ne dit mot consent ? Il y a longtemps que nous les canadiens n’avons pas été confrontés à une véritable question existentielle. Ce qui est à la fois désolant, mais aussi très stimulant. Il faudra quitter notre désolation pour s’engager dans un duel mortel, faut en être conscient, nous risquons notre peau en tant qu’entité. On pourrait nous blesser à mort pour nous achever plus tard. C’est peu dire, que j’attends ce jour de vérité qui va se dérouler demain. Pour la suite du monde, j’espèce qu’on ne sera pas déçu, et ainsi, qu’on ne décevra pas nos alliés, ou du moins ce qui en reste, parce qu’au travers le monde, c’est très disparate présentement, surtout lorsqu’on évoque qu’il faut moins de gouvernement, au pire, supprimer tout gouvernement, afin de constituer des petites entités élaborer dans une concurrence féroce. Nous constatons les premiers résultats au sud de notre frontière. Est-ce cela que nous désirons ? Des petites entités comme au Moyen-Âge qui s’affrontaient de château en château. Comment ne pas penser à un genre de régression ?
Bonne fin de nuit
Richard St-Laurent
Merci Richard,
En effet, la tendance générale est au repli dans sa coquille en attendant que la tempête se calme. Ne pas voir, ne rien faire. Ca va passer, se dit-on.
Mais le grand bouleversement en cours, c'est tout de même bien la constitution d'une grande "Internationale Réactionnaire" regroupant les USA, la Russie, la Chine, l'Inde et la Turquie. Ce qui unit ces pays très différents, c'est leur haine commune de la Démocratie et leur volonté d'assurer la primauté de la Force sur le Droit. C'est l'Internationale des Brutes.
Face à cet énorme bloc, les pays démocratiques se révèlent tout petits et faibles. Et cela d'autant plus qu'on ne cesse de les vilipender et les rendre responsables de tous les malheurs du monde: le colonialisme, le Capitalisme, la dissolution des mœurs, etc... On en vient même à dire qu'on n'y trouve plus de liberté d'expression, qu'on vit sous la domination de la pensée "woke".
C'est sidérant ! On ne voit même plus que jamais l'humanité n'a autant progressé qu'au cours de ces deux derniers siècles. Et le moteur de ce mouvement, ça a été l'esprit démocratique.
Je vois qu'au Canada les sondages demeurent favorables. Espérons toutefois que ces pronostics favorables n'auront pas un effet démobilisateur.
Bien à vous,
Carmilla
Bonjour Carmilla
Pour nous, cette journée du lundi 28 avril 2025, sera le jour le plus long.
Ce ne sera pas seulement une journée d’attente, se sera une journée de penser l’attente.
Le vrai sondage, c’est maintenant, c’est le seul qui compte. Le mieux c’est d’être occupé à laver les murs et les planchers, faire la lessive, regarder les bernaches qui continuent de se disputer, transplanter des plans, marcher dans les bois jusqu’à l’épuisement, faire des réparations qu’on avait remis à plus tard, sans oublier d’aller voter.
Par chance, le soleil brille ce matin, après une fin de semaine de pluie abondante, souvent mêlé de neige.
Et puis, il y a toujours l’écriture, la lecture, l’imaginaire, le temps de fouiller le fond de la chaudière afin de voir s’il reste des désirs.
Le temps de se poser quelques questions : « Qu’est-ce qu’on fait de cette vie ? »
« Qu’est-ce que nous faisons de nos vies ? »
« Sommes-nous prêts à assumer nos responsabilités ? »
Les réponses à ces questions peuvent s’étaler dans un soupir, peut-être même un murmure.
Bonne fin de journée Carmilla
Richard St-Laurent
Merci Richard,
Il semble, à cette heure (5h en France), qu'au Canada, le Parti libéral soit en tête. Voilà quand même une bonne nouvelle.
Il est vrai que Trump est tellement bête qu'il a eu la "bonne" idée d'évoquer une nouvelle fois, hier, le Canada comme 51 ème Etat des USA.
Mais peut-être que son chantage économique, avec une pression sans cesse accrue, peut aussi se révéler efficace à la longue. L'annexion ou le chômage et la baisse du niveau de vie, ça peut effectivement faire réfléchir certaines personnes.
Mais je pense aussi que le Canada a les moyens de s'en sortir. Les relations économiques, ça n'est pas quelque chose de figé et stable une fois pour toutes. Le Canada saura trouver rapidement d'autres débouchés que les USA et ce sont finalement eux qui en pâtiront.
Bien à vous,
Carmilla
Bonjour Carmilla
A 9H40 du matin, il y a encore, 24 sièges, qu’on n’a pas encore déclaré de gagnant.
Le prochain gouvernement sera Libéral.
Sera-t-il minoritaire ou majoritaire ?
Voilà la grande question.
Je suis déçu des résultats.
Mais, je vais revenir pour d’autres commentaires.
Dès que la situation sera clarifiée.
Bonne fin de journée
Richard St-Laurent
Merci Richard,
Certes Mark Carney devra "composer" mais il faut aussi se replacer deux mois auparavant, à une époque où la victoire semblait promise aux conservateurs.
C'est malgré tout une victoire presque inespérée.
Maintenant, il va falloir affronter Trump et ça, ce ne sera pas facile. Parce que "la Bête" est sûrement très contrariée (vis à vis de ces Canadiens primitifs qui ne perçoivent pas son génie) et va chercher à se venger. Les bâtons dans les roues ne vont donc pas manquer.
Bien à vous,
Carmilla
Bonsoir Carmilla
Mark Carney ne se dit pas politicien ; il se considère comme un homme d’État. Alors se sera l’homme d’État qui rencontrera le politicien voyou bas de gamme. J’ai hâte de savoir ce que Carney va lui servir, et comme tous les voyous dans son genre, le Traître redoute l’homme d’État, en fait Trump a toujours peur comme tous les fanfarons, lorsqu’il ne connaît pas son adversaire.
Dans la vie comme dans la politique, il se produit que les situations changent rapidement, en moins de trois mois, la donne a complètement changé. Je souligne que Justin Trudeau en démissionnant a agit pour le bien de tous, certes à regret, car il aurait aimé livrer ce combat, mais à la manière d’un homme d’État, et c’est tout à son honneur.
Plus que le Traître sera éparpillé, plus facile il sera à combattre.
Dans son discours de lundi soir dernier après sa victoire, Carney n’a pas manqué de rappeler que les jours qui viennent seront difficiles, que l’époque de l’allié indéfectible, c’est chose du passé, que nous entrons dans une nouvelle époque.
Cependant, il y a une chose qui ne change pas ; c’est votre anniversaire, alors joyeux anniversaire, car demain, c’est le premier mai, profitez-en bien pour vous faire plaisir.
Bonne fin de journée
Richard St-Laurent
Merci Richard,
Merci tout d'abord pour vos bons vœux. Vous avez bonne mémoire même s'il est vrai que le 1er Mai est une date presque universellement reconnue (mais pas forcément célébrée ou donnant lieu à jour férié). Dans le monde communiste, c'était vraiment "La" grande Fête.
Quant à Mark Carney, ça risque, en effet, d'être difficile avec Trump. Parce que son éducation et sa personnalité (sa politesse et sa compétence) sont absolument à l'opposé de celles de Trump. On peut penser qu'il incarne tout ce que Trump déteste.
Parvenir à s'entendre ne va donc pas être facile. Est-ce d'ailleurs possible ?
Il semble que Trump adopte d'abord des positions maximalistes aux quelles il ne faut surtout pas céder (mais sans non plus se brouiller complétement). Après, il se dégonfle et fait machine arrière.
L'Ukraine vient ainsi d'obtenir un accord sur les minerais qui est à peu près satisfaisant. Mais il aura fallu énormément d'éclats pour y parvenir.
Le Canada risque, lui aussi, de traverser de nombreuses tempêtes avant de parvenir à établir des relations sensées avec les USA. Mais je pense, en effet, qu'il ne faut plus les considérer comme un allié privilégié et qu'il faut rechercher de nouvelles alliances.
Je pense aussi, comme vous, que Justin Trudeau a su agir en homme d'Etat. Sa démission a, probablement, sauvegardé l'avenir du Canada.
Bien à vous,
Carmilla
Jeudi, 1er mai 2025.
La poussière est retombée. Le calme est revenu. Les gens retournent à leurs occupations quotidiennes. C’est paisible par ce matin ensoleillé, mais nous ne pouvons pas affirmer que c’est la paix. Nous sortons d’une élection, non pas unis, mais divisé.
Les chiffrent parlent :
Libéral : élus, 169
8,551,355 votes
43%
Conservateur : élus, 144
8,073,569 votes
42%
Bloc Québécois : élus 22
1,232,408 votes
6%
NPD : élus, 7
1,235,041 votes
6%
Vert : élus, 1
244,120 votes
1%
Participation : 19,578,284 électeurs qui ont voté.
68%
28,525,639, qui avaient le droit de vote.
Analyse :
Tenir une élection dans le deuxième pays le plus vaste au mode, c’est un énorme défi de logistique, autant pour l’organisation du scrutin, que pour les partis politiques qui se lancent en campagne. 36 jours de campagne, c’est le minimum permis par la loi électorale. De toute façon, pour cette élection qui vient de se terminer, ça n’a pas changé grand-chose. Nous aurions pu voter dès la première journée, et les résultats n’auraient pas changés. Les électeurs avaient déjà fait leur choix. Les résultats des élections ont confirmé les sondages, où le parti Libéral avait une maigre avance.
La question de l’urne, c’était notre relation avec nos voisins du sud. C’est ce qui a retenu l’attention des électeurs.
Pour le parti Libéral, c’était clair depuis longtemps, nous savions où il campait. Pas question de reculer, encore moins de se soumettre, c’était parfaitement clair, il n’y avait aucune ambiguïté. Ils ont même réussi l’exploit, de changer de chef avant la campagne, ce qui était un risque énorme dans les circonstances. Au final, ils ont raté la majorité de 172 sièges de peu. Donc, à 169, ils sont minoritaires en chambre. Pour Mark Carney, qui n’avait jamais fait une campagne électorale, il s’est bien débrouillé.
Pour les Conservateurs de Poils-De-Lièvre, c’était plus difficile, parce qu’il traînait un boulet, une partie de leur base électorale réclamait les mêmes politiques que celles des Républicains aux USA ; tout en affirmant que le Canada n’était pas à vendre ; mais de ce sujet sur la souveraineté canadienne, le chef n’en parlait que sur le bout des lèvres. Nous sentions qu’il ne voulait pas aborder ce sujet. Sur le fond, il a essayé de faire plaisir à tout le monde, ce qui en politique est rarement gagnant. Qui plus est, c’est un type qui a du mal à changer de stratégie lorsque la situation l’exige.
Question de clivage, je vous fais remarquer, que ces deux principaux partis, ont ramassé 85% du votes, ce qui n’est pas rien !
Pour le dire clairement ; nous sommes divisés, ce qui n’allègera pas la tâche de Carney, qui devra surveiller le Traître au sud, les revendications de l’Alberta qui veut moins de gouvernement, les affaires courantes, et toutes sortes de crises qui peuvent surgir inopinément.
Il sera très intéressant de comment il va s’en sortir parce que ça tâche va être lourde, et que l’atmosphère n’est ni à la complaisance et encore moins au pardon. Autrement dit, il n’a pas le droit de nous décevoir.
Celui qui a le plus perdu au cours de cette campagne électorale, c’est Jagmeet Singh chef du NPD, qui est passé de 24 députés à 7, et qui a même perdu son siège dans sa circonscription, tout comme Poils-De-Lièvre. Le NPD au Canada, (Nouveau Parti Démocratique) c’est le parti de la gauche, qui après 60 ans d’existence n’est jamais arrivé à prendre le pouvoir.
L’anachronisme dans la pièce, c’est le Bloc Québécois, partie fédérale, de la cuisse gauche du Parti Québécois au Québec, mais qui œuvre au fédéral, et qui brouille souvent les cartes. C’est une manière de défendre les intérêts du Québec au fédéral. Ils ont perdu des plumes, mais ils ont sauvé les meubles. Son chef Yves-François Blanchet, est un brillant stratège, mais je ne lui pardonne pas les fois qu’il a voté avec les Conservateurs à la Chambre des Commune.
Vous remarquerez, que Le Bloc et le NPD ont pratiquement le même nombre de votes, mais que le Bloc a fait élire 22 députés, pendant que le NPD a été réduit à 7. C’est un exemple d’une particularité canadienne, vous pouvez avoir sensiblement le même nombre de votes, mais pas le même nombre d’élus. Deux causes, le système électoral uninominal à un tour héritage des Britanniques ; et la concentration du vote sur un vaste territoire. Ce qui fait qu’un parti politique au Canada a intérêt à concentrer ses votes afin de pas trop s’éparpiller. Autrement dit, le nombre de votes est moins important, que le nombre de siège. Ce qui signifie que vous récoltiez moins de votes et avoir plus de députés. Justin Trudeau au cours de son premier mandat avait essayé de réformer ce système électoral, ce qui a résulté en une opposition ferme, alors, il a laissé tomber ce dossier épineux.
J’en reviens à ma passion du taux de participation. 68% dans des conditions normales, serait acceptable au Canada, ces taux dans l’histoire dépassent rarement 70%. Compte tenu de la situation internationale. Je m’attendais à une augmentation marquée de ce taux. Quelque chose comme 80%, ce qui aurait envoyé un message fort, non seulement à l’administration américaine, mais à tous les américains. Ce 68%, m’est resté de travers dans la gorge, et que si on est attentif, souligne notre division.
Reste à savoir comment ce taux va être perçu au sud de la frontière ? Même si pendant cette campagne électorale les américains n’ont pas manifesté leurs opinions. Qui plus est, même le Traître a fermé sa gueule. Il n’y a pas de quoi se chatouiller le poil des jambes, ce n’est pas de la générosité.
Ce taux de 68%, représente 19,578,284 votes, sur les 28,535,638 électeurs qui avaient droit de vote. On ne se le cachera pas dans ces 19 millions d’électeurs, il y a des personnes qui sont en faveur du rattachement du Canada aux USA.
Je pense qu’il y a encore des personnes qui savent lire aux États-Unis, et ils auront rapidement remarqué qu’il n’y a que 500,000 votes qui séparent les libéraux des conservateurs, et c’est là que le bât blesse. La différence aurait dû être beaucoup plus grande en faveur de notre souveraineté, parce que c’est exactement cela, dont il est question.
Péjorativement, si les canadiens sont attachés à leur terre, il en reste, que ce n’est pas la fusion passionnelle envers leurs institutions. Je me demande s’ils sont conscients de leur identité, et surtout, s’ils sont prêts à faire des sacrifices afin de protéger, ce qu’ils sont et ce qu’ils possèdent. Je dénote, devant cette réalité incontournable et dérangeante, que nous avons toujours vogué dans une espèce d’inconscience collective, de facilité paresseuse, comme si le reste du monde n’existait pas. Que rien ne peut nous atteindre. Il faudrait se réveiller, nous n’en sommes plus là ! Comment ne pas sentir ce conservatisme qui est en train de nous asphyxier ? Il ne faudrait pas comparer la stabilité à l’immobilisme. La stabilité c’est de maintenir un pays fonctionnel. L’immobilisme c’est refuser le changement. Peut-être que les événements internationaux vont nous bousculer, et nous forcer à réagir, mais cela risque d’être douloureux. Je sens ce monde basculer vers moins de gouvernement, moins de démocratie, moins de liberté, et les gens préfèreraient moins de liberté pour plus de sécurité.
Oui, pour l’heure la poussière est retombée, les caisses électorales des partis sont vides, nous pouvons raisonnablement penser qu’il n’y aura pas d’élection pour les prochains 24 mois ; sans oublier toute fois, que dans notre système politique, un gouvernement minoritaire peut être renversé sur une simple motion de confiance du parlement. Justin Trudeau a tenu pendant quatre années avec un gouvernement minoritaire ; veillons voir si Mark Carney en fera autant.
Bonne fin de journée Carmilla
Richard St-Laurent
Voilà pour l'analyse, qui somme toute est très sommaire et personnelle, c'est ma vision des choses, et je suis bien conscient, que ce n'est pas tous les canadiens qui pensent comme moi.
Mais ça donne une idée de la situation canadienne.
Richard St-Laurent
Merci Richard,
Vos données sont claires et elles tempèrent largement les analyses formulées en Europe. On y a bâclé, simplifié outrageusement, l'information.
Il ne s'agit pas d'un triomphe du Parti Libéral et il ne sera donc pas facile de gouverner.
D'autant plus que des difficultés économiques ne vont pas tarder à apparaître avec "les bâtons dan les roues" que va se dépêcher de placer l'administration Trump.
Finalement, les USA peuvent interpréter positivement ces résultats. Ils sont même une occasion de couler plus profondément le Parti Libéral parce que c'est à lui que l'on imputera les difficultés à venir tandis que les conservateurs seront innocentés. Dans une perspective à moyen terme, l'actuel rapport de forces ne peut que s'inverser: dans 2 ans, le fruit libéral sera mûr et prêt à tomber.
Mais ce ne sont que spéculations. En France aussi, le gouvernement est minoritaire. Et personne n'est en mesure de prédire ce qui peut se passer dans les mois à venir.
Bien à vous,
Carmilla
Oui, l'analyse de Richard est pertinente et passionnante. La géographie électorale est depuis longtemps un de mes centres d'intérêt principaux, elle est souvent fascinante.
Le parti libéral est considéré comme un parti du centre, voire du centre-gauche, alors que les conservateurs sont plus clairement de droite. Le Nouveau Parti Démocrate est un parti de gauche modérée, de type social-démocrate, ce qui est remarquable en Amérique du Nord.
D'après ce que j'ai souvent lu, les Libéraux sont plus ou moins les équivalents des Démocrates américains, tandis que les Conservateurs sont assez proches des Républicains.
Il est à noter que les Conservateurs sont ultra-majoritaires dans les provinces de l'Ouest, en particulier l'Alberta, le Saskatchewan et le Manitoba, alors que les Libéraux ont creusé l'avantage dans les grandes zones urbaines de l'Est (comme Toronto).
En tout cas, c'est un ouf de soulagement ; l'électorat canadien a donné le pouvoir, même de justesse, à un homme et à un parti qui seront fermes face à Trump.
Bonjour Carmilla
Il appert, que cette victoire électorale n’est pas un triomphe. Ce qui ne manque pas d’intérêt dans la situation actuelle, c’est le revirement. Souvenons-nous qu’en décembre 2024, voilà tout juste cinq mois les conservateurs menaient par 25 points dans les sondages ; et les libéraux s’en allaient à l’abattoir. Puis les événements se sont succédé rapidement, démission de Trudeau comme chef des libéraux, course à sa succession que Mark Carney a remporté haut la main, déclenchement des élections fédérales, le tout en moins de deux mois, dans les circonstances, il fallait le faire, ce qui ressemble à une prouesse. Finalement, les libéraux ont renversé la tendance par une victoire électorale.
Je crois que nous avons tous à tirer une leçon de ce revirement. Nous nous plaignons souvent, que nous misérables humains, nous pestons contre notre impuissance à changer les choses. Le Parti Libérale vient de prouver tout le contraire, l’humain est fait pour transformer, changer, renouveler son destin. À ce chapitre, nous ne sommes pas aussi impuissants que nous l’osons le croire.
Ce n’est certes pas un triomphe, mais c’est quand même une victoire quoi qu’on en dise. Tant qu’à l’imputabilité sur des bases futures, que les libéraux pourraient porter l’odieux de mauvaises politiques, nous devrions quand même nous garder une petite gêne. En politique, non seulement il faut être un excellent stratège, mais il faut aussi sentir les choses, parce que le vent peut changer de direction assez rapidement. Cet exercice, c’est l’art de l’improbable, de l’éternelle remise en question, de l’impossible, où les virtuoses se font rares. Être capables non seulement de prendre une direction, mais aussi de convaincre une masse d’électeurs, qui plus est, changer de direction en cours de route. Ce qui exige une certaine virtuosité et c’est peut-être ce qui est le plus épuisant.
Mark Carney n’est pas un politicien, il n’a pas cette expérience, c’est une première pour lui ; et il devra apprendre sur le tas, ce qui est périlleux, mais aussi rudement passionnant. Compte tenu des circonstances ; est-ce qu’il ne fera que passer ?
Bonne fin de journée Carmilla
Richard St-Laurent
Merci Nuages,
En effet, la géographie électorale est souvent étonnante. Avec même des partitions géographiques difficiles à expliquer.
J'ai ainsi lu récemment que, presque partout dans le monde, les quartiers riches des grandes villes se situaient à l'Ouest tandis que les quartiers plus déshérités étaient à l'Est. Ca semble, en effet, à peu près se vérifier.
Quant aux élections canadiennes, je me dis que nos médias européens ont vraiment trop crié victoire. Richard nous a donné une vision plus juste.
Bien à vous,
Carmilla
Merci Richard,
Quel est l'avenir de Mark Carney ?
Il est peu probable que Trump l'apprécie. Mais celui-ci va peut-être devoir mettre beaucoup d'eau dans son vin dans les mois qui viennent.
Il a, en effet, réussi à susciter une défiance générale envers l'économie américaine. Au point que les investisseurs commencent à vendre massivement du dollar et des obligations US. De l'inflation et des taux d'intérêt élevés, voilà ce qui s'annonce.
S'il ne change pas de cap, ça risque de très mal se passer.
Il est donc possible qu'il fasse complète machine arrière. D'autant plus facilement que ça ne le gène pas de changer entièrement d'avis.
Bien à vous,
Carmilla
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