Voilà, ça fait déjà quelques jours que votre vampire préférée est rentrée de Russie mais j’étais bien incapable d’écrire ou poster quoi que ce soit.
Le retour est rude. Tout apparaît, ici, trivial et prosaïque.
La tombe de Dostoïevsky
Parce que c’est un peu ça : la vie n’a pas la même signification, la même intensité dans le monde slave.
Là-bas, la vie c’est encore une expérience esthétique, un dépassement de sa simple condition.
Pendant cette semaine, je me suis promenée inlassablement dans Saint-Pétersbourg, non pas pour la contempler, l’admirer mais pour la vivre. J’ai retrouvé tous mes petits lieux favoris :
- le « Grand Hôtel Europe » pour parcourir ses salons, aux sons d’un piano, en pensant à Ida Rubinstein, Tamara Lempicka, Sergueï Essenine,
- la Dom Knigi, dans un bâtiment Art Nouveau, pour y prendre un café au milieu d’une immense librairie dominant la Nevski Prospekt,
- le magasin Jugendstil Eliseïev, pour me gaver d’esturgeon et d’anguille fumée,
- le restaurant « Beluga », le soir, sur l’île Vassilievski pour manger du steak de thon au gingembre ou bien au « caviar Bar », pour du crabe Kamtchatka,
- le café littéraire où Pouchkine s’est rendu quelques instants avant sa mort et aussi son appartement-musée sur la Moïka,
- l’église de Tchesma pour assister à une cérémonie orthodoxe,
- le musée russe pour retrouver les peintres que j’aime (Leon Bakst, Mikhail Vroubel, Valentin Serov),
- le cimetière de Tikhvine pour me recueillir sur les tombes de Tchaïkovsky, Marius Petipa, Ivan Kramskoï, Glinka, Moussorgsky et bien sûr …Dostoïevsky.
- les ponts de la Banque (avec ses griffons ailés), le pont aux Lions ou le pont égyptien pour fixer mes rendez-vous amoureux ou non,
C’est là que vous pouvez me retrouver quand je suis à Saint-Pétersbourg, dans mon long manteau blanc, ma grande chapka, dans la lumière du Nord, tranchante, ciselante, sur les nappes de glace.
Ce qui me fait plaisir, c’est que, chaque année, Saint-Pétersbourg est plus beau. Heureusement, la mondialisation n’a pas encore submergé de son kitsch les pays slaves : les publicités, les centres commerciaux, Coca-cola, Mc Donald, Ikea, H&M, toutes ces horreurs, ça ne se voit pas beaucoup et c’est rejeté à la périphérie.
La chambre de Dostoïevsky avec la pendule arrêtée à l’heure de sa mort
Au risque de surprendre, je dirais, moi, qu’on a beaucoup de choses à apprendre des pays slaves. Ce sont encore les pays de la culture, de la spiritualité et c’est comme ça d’ailleurs que se définissent, sans hésitation (à la différence des Français), un Russe, un Polonais, un Ukrainien : par leurs écrivains, leurs musiciens, leurs artistes.
La lutte contre la barbarie de la mondialisation, le combat pour la beauté, c’est dans les pays slaves qu’il existe encore.
Photos de Carmilla Le Golem principalement prises avec un mon tout nouvel appareil, encore un Sigma, le DP3, un outil complexe mais aux performances ahurissantes.
Attention ! mes photos de Saint-Petersbourg s'écartent des grands monuments touristiques
6 commentaires:
très beau soleil d'hiver ; on en rêve ; dire que tout ici (en france) est trivial et prosaïque , why not ? dire que , en russie , à saint-petersbourg ,on trouve "le combat pour la beauté" " le dépassement de sa simple condition" n'est-il pas exagéré ? pourquoi ne pas choisir d'aller vivre en russie , tout simplement ?j'aime la poésie russe , la musique russe , ce que l'on peut appeler "l'âme slave" ;j'aime moins ce qui s'y passe ...mais j'aime toujours vos photos ,en dehors des sentiers battus , et l'évocation culinaire qui n'empêche pas la poésie ! Lola
Je force toujours un peu le trait dans mes posts, Lola !
Il est vrai cependant qu'aux yeux d'un slave, les mentalités, en Europe de l'Ouest, apparaissent bien prosaïques et conventionnelles.
La diférence m'apparaît essentielle.
En France en particulier, la laïcisation est presque achevée et le "désenchantement du monde" est presque complet. Plus de sacré, plus de merveilleux, c'est le triomphe de la pensée utilitaire et du conformisme.
Je ne vais pas parler de l'âme slave à la quelle je ne crois guère mais, tout de même, il subsiste bien une spiritualité de la vie qui lui donne plus d'intensité et autorise une certaine liberté intérieure. La mercantilisation des esprits n'est pas achevée.
Ce que j'écris apparaît peut-être abstrait mais c'est pour moi évident. Une preuve : les slaves trouvent, en général, la vie ennuyeuse et petite bourgeoise à l'Ouest. C'est pour ça d'ailleurs que les mariages entre femmes slaves et occidentaux sont le plus souvent des échecs.
Sinon, je n'aime pas tout en Russie et j'ai aussi beaucoup de critiques à formuler mais je suis excédée par la présentation médiatique unilatérale faite en Occident.
Carmilla
En fait, je suis d'accord avec vous, chère Vampire ! je ne pense pas que la faute soit due à la "laïcisation" , mais à un déssèchement ,"la mercantilisation des esprits" comme vs dites ; combien , en france , d'émissions intéressantes, passionnantes , sur la littérature, les arts ????bla bla ...de sages histoires qui se vendent bien ...vite , allons au salon du livre !! Lola
Je crois que les Français répugnent à se réclamer de leur histoire et de leur culture, presque comme s'ils en avaient honte. Le malheureux débat, initié il y a 3 ans, sur l'identité française l'a bien montré. On a jugé que toute définition de l'identité française était discriminante. Pourtant, il est évident qu'il existe bien une culture française forgée principalement par ses écrivains, ses artistes, ses musiciens, son histoire etc...
A nier cette réalité, on aboutit à cette situation consternante où les personnalités préférées des Français sont Yannick Noah et Zinedine Zidane. Je n'ai rien contre eux mais j'aurais préféré qu'on choisisse Flaubert, Ravel, Napoléon.
Ce n'est pas du tout ça en Russie et, en général, dans les pays d'Europe Centrale où les gens carburent à la fierté nationale. Certes, c'est du nationalisme mais, au moins, un Russe connaît bien ses écrivains, ses musiciens, ses grands hommes.
Carmilla
J'ai une amie « slave » (l'ex-Yougoslavie), qui tient plus ou moins le même discours sur une certaine décadence de l'Est…
C'est amusant…
Elle regrette Tito, la spiritualité communiste comme catéchisme de son enfance à l'école...
Heureusement : il dresse des orthodoxes !
Merci Alain pour ce commentaire.
En fait, je crois que la chute du communisme a été vécue différemment selon les pays.
En Russie et, probablement, en Serbie, il y a malgré tout eu le sentiment d'une déchéance tellement on avait fait croire aux gens qu'ils vivaient dans des pays puissants et redoutés.
Dans les autres pays (Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie etc...), ça été vécu comme la libération d'un joug.
Sinon, c'est sûr qu'on rencontre des nostalgiques (on idéalise toujours le passé)et c'est vrai que le communisme offrait une certaine sécurité et comportait certains éléments positifs (le système éducatif notamment). Mais ça demeure ultra-minoritaire et ça ne permet pas d'envisger un possible retour en arrière.
Alors, la décadence de l'Est ? Pour moi non ! Malgré tout, les gens vivent beaucoup mieux aujourd'hui.
Carmilla
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