L’amour, ça ne m’a jamais trop intéressée. En tous cas, pas avec un jeune homme bien sage, bien éduqué.
La sentimentalité, j’ai toujours perçu ça d’abord comme un terrain d’expérimentation : qu’est-ce que ça peut donner de vivre ça ou ça ? C’est pour ça que je ne m’arrête sur rien, ne me fixe sur personne. Peut-être d’ailleurs que je ne suis pas vraiment capable d’entrer en empathie avec quelqu’un, de m’intéresser réellement à lui. Mais c’est ce qui explique aussi que je suis une vampire, que j’aime séduire dans une chaotique succession, dans la brûlure de quelques instants, le temps d’une déchirure, d’une morsure, sans conséquences, sans traces.
J’ai en fait toujours affectionné les situations tordues : des moches, des tarés, des vieux, des vicieux. Je dirai même que je suis surtout attirée par les pauvres types, ceux dont aucune fille ne veut, ceux que tout le monde considère avec pitié ou compassion. Le seul problème, c’est qu’il faut évidemment ne pas trop traîner avec eux et s’en débarrasser rapidement. Quant aux types bien, ça ne m’a jamais excitée, sauf pour les faire plonger : le père, le frère, le mari de la copine. Mais, en général, je préfère les désaxés, ceux et celles qui portent une fêlure en eux parce que ça me permet de plonger, de vaciller, moi aussi. Je me sens d’autant plus bouleversée que j’ai le sentiment d’être en eaux troubles, presque avilie, humiliée.
Avec ma copine Daria, on cultive beaucoup ça en ce moment depuis qu’on a décidé de s’associer dans notre vie érotique. On ne se force pas : on joue les Russes chics, sexy, hautaines, on est donc 100 % crédibles. Mais c’est incroyable ce que ça peut développer chez les mecs comme fantasmes de haine-vengeance. Quelquefois, on a vraiment la trouille, heureusement qu’on est toutes les deux.
Mais ça me plaît parce que je n’ai jamais considéré que la sexualité, c’était l’expérience du plaisir et de l’apaisement. L’orgasme, ça n’est d’ailleurs pas si important que ça. Plus essentiels pour moi, c’est la pétoche, l’angoisse, l’inquiétude, la honte, le triomphe que je peux éprouver au cours de mes rencontres.
J’ai ainsi été étonnée de lire, dans la revue « Philosophie Magazine » (mars 2013), les propos d’Ovidie, ancienne star du porno et philosophe : « la sexualité, c’est une activité saine, je veux dire par là qu’elle participe au bien-être, qu’elle est nécessaire au plein épanouissement physique et psychologique ».
Ca, c’est l’idéologie dominante, hygiéniste et lénifiante.
A rebours de cette vision moderne, j’ai l’impression, moi, que la sexualité, c’est une activité foncièrement malsaine. Plus qu’un plaisir, une jouissance, un orgasme, c’est un trouble, un ébranlement, un vacillement.
La honte, la culpabilité, on voudrait nous faire croire qu’aujourd’hui ça n’a plus lieu d’être, qu’on devrait forcément baigner dans l’allégresse et la félicité parce qu’il n’y a rien de mal dans la vie érotique et qu’on est débarrassés de tous nos tabous.
Et bien non ! Il y a bien dans la sexualité un délice, qu’il est urgent de réhabiliter, de l’angoisse, de la honte, de la culpabilité et c’est finalement aussi attrayant que l’orgasme. J’aime dans la sexualité la terreur qu’elle me dispense.
Quelques tableaux Art Nouveau, Expressionisme parmi lesquels on reconnaîtra principalement Ferenc HELBING, Gustav KLIMT, Edvard MUNCH, Alfons MUCHA.
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