dimanche 24 mars 2013

Lu et aimé


Ouh là là ! Je me rends compte que j’ai pas mal carburé ces dernières semaines mais il faut dire que j’ai pris quelques jours de vacances.


- Pierre BAYARD : « Aurais-je été résistant ou bourreau ? ». Un livre clair, simple, lumineux, sur une question qui me taraude personnellement. Quelle est cette étrange propension de l’homme à obéir ?


- Camille LAURENS : « Encore et jamais ». Camille Laurens, j’avais seulement, jusqu’alors, survolé ses romans et je n’aimais vraiment pas. Il s’agit cette fois d’un essai consacré au thème de la répétition dans nos vies : qu’est-ce qui nous asservit et qu’est-ce qui nous délivre dans la répétition ? Certes, ça a déjà été traité, magistralement, par Kierkegaard, Freud, Gilles Deleuze parmi d’autres mais ce n’est pas très facile à lire. Camille Laurens réussit le tour de force d’être passionnante, très concrète et jamais ennuyeuse.


- Marcela IACUB : « Belle et bête ». Qu’est-ce qu’on peut encore dire ? Je suis évidemment, depuis longue date, une inconditionnelle de Marcela Iacub. J’achète « Libération », le samedi, rien que pour elle. Il y a peut-être méprise : plus qu’un récit, ce livre m’est apparu un essai philosophique. J’ai bien aimé ce concept du cochon, le prototype du personnage deleuzien vivant en complète immanence, indifférent à tous les codes. Mais c’est sûr que l’inculte DSK ne pouvait pas comprendre ça.


- Jean-Luc COATALEM : « Nouilles froides à Pyong-Yang ». Aller en Corée du Nord, ça faisait partie de mes projets. Ce livre m’en a heureusement dissuadée. Ca sera pour plus tard.


- Charles DANTZIG : « Qu’est-ce qu’un chef d’œuvre ? » Certes, c’est un peu décevant par rapport à ses précédents monuments mais il y a quand même quelques fulgurances, un manière très personnelle de revisiter l’histoire de la littérature.


- Philippe SOLLERS : « Portraits de femmes ». Un livre sûrement anecdotique mais je crois qu’il est nécessaire de lire Philippe Sollers aujourd’hui. Il est de plus en plus inactuel : l’un des derniers écrivains qui, en nos temps d’indifférenciation sexuelle généralisée, ose parler de ce qui fait le sel de la vie : la séduction et la guerre des sexes. Avec Philippe Sollers, l’esprit du 18 ème siècle n’est pas encore mort.


- Jean-Noël LIANT : « Eloge des garces ». Un autre livre iconoclaste. Etre une garce, c’est un plaisir et c’est subversif. Des portraits, hélas trop brefs, de Marlene Dietrich, Louise de Vilmorin, Bette Davis, Tamara Lempicka. J’ai offert ce bouquin à ma copine Daria. Elle a évidemment adoré.


- Cédric GRAS : « Le Nord, c’est l’Est ». J’avais beaucoup aimé son premier livre (Vladivostok). Voilà enfin quelqu’un qui connaît la Russie. Ce récit est très beau. Il parle avec intelligence de ces territoires perdus, improbables, de steppes, de taïgas, de montagnes qui font toute la complexité de la Fédération de Russie. Je recommande absolument.


- Alice ZENITER : « Sombre dimanche ». Un livre étonnant. Ecrit par une jeune Française sur la Hongrie et l’histoire de plusieurs générations depuis la fin de la 2nde guerre mondiale. Le livre est très juste et décrit bien, notamment, la curieuse ambiance du monde communiste.



- Christian OSTER : « En ville ». A ma grande honte, je n’avais encore jamais rien lu de Christian Oster, l’un des papes de la nouvelle littérature. J’ai trouvé ça très singulier, très déroutant, très fort.



- Abram KARDINER : « Mon analyse avec Freud ». Un texte historique, passionnant, qui livre un portrait de Freud très humain.


- Lorenza FOSCHINI : « Le manteau de Proust ». Un petit bijou, plein de poésie, qui enchantera tous les proustiens.



- Rachel POLONSKY : « La lanterne magique de Molotov ». Molotov, de même que Staline, était un personnage extrêmement cultivé et un bibliophile fervent. Rachel Polonsky a redécouvert la bibliothèque de Molotov. Elle fait de chaque livre une invitation au voyage à travers la Russie et son histoire. Un pays ravagé par les guerres et l’oppression mais finalement sauvé par ses écrivains.


- Houchang NAHAVANDI – Yves BOMATI : « Mohammad Reza Pahlavi – Le dernier Shah / 1919-1980 ». Curieusement, c’est seulement aujourd’hui, plus de trente ans après sa mort, que nous disposons de la première véritable biographie historique du dernier Shah d’Iran. Beaucoup objecteront que cette biographie est de parti pris puisque Nahavandi a été ministre du Shah. Et bien non ! Certes, on peut critiquer certains points de vue mais il y a tout de même dans ce livre une foule d’informations historiques précises et nouvelles. A lire absolument par tous ceux qui s’intéressent à l’Iran.



- HU-JOON : « 2 ou 3 choses que l’on ne vous dit jamais sur le capitalisme ». Quelques points de vue nouveaux et intéressants sur l’économie.



Photos de Carmilla Le Golem à Saint-Pétersbourg. Les tableaux sont de Valentin SEROV (portrait d’Ida RUBINSTEIN) et de Leon BAKST (le décorateur/costumier des ballets russes).

Au cinéma, je recommande 3 films : « Paradise » d’Ulrich SEIDL (malheureusement déjà difficile à voir), « Queen of Montreuil » de Solveig ANSPACH, « A la merveille » de Terrence Malick.

2 commentaires:

Dariush a dit…

Biographie royale

Chère « Carmilla »,

je vous signale en passant trois erreurs certes minimes, mais aisément rectifiables, qui se sont glissées parmi vos quinze recensions, deux portant sur les noms des auteurs et l’une sur un titre :

a- « Eloge des garces » a été écrit par Jean-Noël LIAUT
( et non point LIANT, même si cela aurait fait, sans conteste, un meilleur nom de plume, bien plus mémorisable, mais infiniment moins savoureux que le vampyresque « Carmina Le Golem »)

b- « 2 ou 3 choses que l’on ne vous dit jamais sur le capitalisme » est l’œuvre de l’économiste Ha-Joon Chang (que vous nommez de manière tronquée et déformée « Hu-Joon »)

c- L’ouvrage de Charles DANTZIG a pour titre exact :
« A propos des chefs-d'œuvre »
(et non « Qu’est-ce qu’un chef d’œuvre ? », même si cela revient au même)

Plus généralement, je me range à l’idée que le plus grand et le plus rare des luxes de notre époque frénétique est celui qui jadis (notamment à l’ère préindustrielle) fut la plus abondante des denrées : le Temps.

Et j’avoue que je me suis amusé à totaliser le nombre de pages des quinze titres compilés que vous citez : cela fait tout de même 3675 PAGES de lectures chronophages.
Je me demandais combien de temps cela ferait en HEURES, mais s’agit-il de lectures en diagonale, de lectures attentives mais partielles et sélectives ou de lectures exhaustives?
A cet égard, je me souviens que même François Mitterrand, malgré un emploi du temps de président (au sens propre), se ménageait toujours des temps de lecture, question de priorités…

Je dois vous dire que je découvre aujourd’hui seulement et fortuitement votre blog et en tant qu’Iranien ai été sensible au fait que vous citiez, parmi les quinze livres de votre sélection de lectures, la biographie du Shah récemment parue aux Editions Perrin, le plus volumineux des quinze de votre sélection, avec 620 pages denses et limpides … c’est bien le moins qu’il fallait pour tenter de rectifier plus d’un demi-siècle (car initiée bien avant la chute de la monarchie perse) de désinformation– et le mot est faible- à l’encontre de la dynastie Pahlavi, calomnies développées en France plus qu’ailleurs, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes quand on connaît le degré de francophilie des souverains perses et des Iraniens liés à l’ancien régime monarchique.

Mais il faut croire que la réciproque n’était hélas que très peu vraie et, terrible désillusion, rarement sincère, d’où cette biographie « française » si étonnamment tardive, ceci expliquant cela, pour avancer un élément de réponse à l’interrogation liminaire implicite de votre recension de l’ouvrage dont personnellement je recommanderais la lecture y compris à ceux des Français oublieux de Neauphle-le-Château et qui ne s’intéresseraient pas forcément à l’Iran, puisqu’ils y trouveraient matière à réflexion sur la genèse de questions socio-politiques qui de nos jours, par un choc en retour plutôt ironique, touchent la France de plein fouet.

Carmilla Le Golem a dit…

Bonjour Dariush,

Je vous souhaite tout d'abord, même si c'est avec un peu de retard, un joyeux Now-Rouz.

Merci aussi pour vos corrections. Je déteste faire des fautes mais je fais parfois trop confiance à ma mémoire.

S'agissant du nombre de livres et de pages que je lis, oserais-je dire que je ne parle que des livres que j'ai aimés ? Il y en a aussi un certain nombre que j'évacue rapidement et que je n'évoque pas.

Sinon, vous remarquerez que dans ma sélection, il y a un grand nombre de petits livres (Iacub, Sollers, Liaut, Dantzig) qui se lisent très, très vite.

Mais c'est vrai que je lis au moins 3 livres par semaine. Je lis vite,c'est sûr (j'ai appris ça)mais néanmoins pas trop superficiellement. C'est aussi ma forme d'esprit : je préfère lire 10bouquins rapidement que 2 à fond.

En tous cas, j'ai lu avec grande attention le livre de Nahavandi et Bomatti. J'ai même étalé ça sur plusieurs semaines. Je connais bien moi-même l'Iran et l'histoire de l'Iran et je puis attester qu'il s'agit d'un livre d'historien honnête et précis. Je ne suis pas sûre, toutefois, que les Etats-Unis et la France aient joué un grand rôle dans la chute du Shah. Tout semble être devenu brutalement incontrôlable et perdu dès l'été 1978, c'est à dire avant même la venue de Khomeiny en France. Mais c'est sûr qu'on continue de subir les effets, en contre-coup, de cette révolution.

Je me permets par ailleurs de vous renvoyer à un petit post du 26/02/2011, que j'ai consacré à la littérature persane.

Carmilla