La saison des prix commence. Alors, voilà les livres aux quels je
donnerais ma voix.
Romans français
Hélène Frappat : « Lady Hunt ». Un roman gothique,
c’est devenu si rare et c’est un peu étranger à l’esprit français. Un bouquin qui
m’a fascinée et qui, en plus, se passe, en partie, tout près de chez moi :
le Parc Monceau, les Ternes.
Chantal Thomas : « L’échange des princesses ». Les
romans, les films en costume, en général, je déteste. Chantal Thomas, philosophe,
spécialiste du 18 ème siècle et du marquis de Sade, c’est autre chose.
L’histoire de France, j’ai honte mais je ne connais pas trop. Le 18 ème siècle,
ça a été, en France, une période d’extraordinaire liberté intellectuelle et
sexuelle. Sans doute plus qu’aujourd’hui.
Mais aussi un siècle d’effroyable cruauté et d’angoisse continuelle de
la mort.
Isabelle Sorente : « 180 jours ». I.B. Singer, prix
Nobel de littérature en 1978, a déclaré que le moment le plus important de sa
vie a été celui où il a renoncé à manger de la viande. Etonnant, non ?
Personnellement, je mange, au plus, du
poisson. Les animaux qui ont «conscience d’eux-mêmes », ça me révulse. Après
avoir lu Isabelle Sorente, on n’ose plus manger une tranche de jambon. Un livre
sombre, effrayant. J’avais déjà adoré « L » et « Addiction
générale ». Curiosité : Isabelle Sorente est aussi une grande
mathématicienne. «180 jours, c’est le temps qui sépare la naissance d’un porc
de sa mort à l’abattoir. Ce sont aussi les six mois qui font basculer la vie d’un
homme ».
Karine Tuil : « L’invention de nos vies ». C’est
cynique, impitoyable…, mettez au panier toute la littérature romantique :
le désir repose sur des relations de pouvoir et le pouvoir se conquiert par l’imposture,
le mensonge. De Karine Tuil, j’avais beaucoup aimé : « 6 mois, 6
jours » consacré aux relations troubles de la famille Quandt (actionnaire
de BMW) avec le nazisme. « L’invention de nos vies » embrasse toutes les
angoisses de notre époque : la gloire, l’humiliation, le judaïsme, l’islamisme.
Littérature étrangère
Patrick Mcguinness : « Les cent derniers jours ». La Roumanie, durant les trois mois qui
précèdent la chute de Ceausescu, vue par un jeune professeur d’anglais. Le pays
du père Ubu en pleine déliquescence. Un livre essentiel pour qui s’intéresse à
la Roumanie.
Rosa Liksom : « Compartiment n°6 ». Une jeune
Finlandaise s’installe dans le Transsibérien jusqu’à Oulan-Bator. C’est encore
l’Union soviétique. C’est sordide et magique à la fois mais on en sort
transfigurés.
Essais
Tomas Sedlacek : « L’économie du Bien et du Mal ».
L’économie, ça n’est pas une science, c’est plutôt étroitement lié à la
philosophie, aux mythes, à la religion, aux arts, à l’anthropologie. Ca relève
en définitive d’un choix constant entre le Bien et le Mal. Une pensée
très originale par un ancien conseiller économique de Vaclav Havel (qui préface
le livre).
Georges Valance : « Petite histoire de la
germanophobie ». L’outrance et les rodomontades de son gouvernement ont,
par contrecoup, réveillé, en France, un intérêt pour l’Allemagne, ce pays si
peu connu et si mal aimé. Une histoire d’amour et de haine magnifiquement
relatée, sans que ce soit jamais ennuyeux.
Philippe Hellebois : « Histoires salées en psychanalyse ».
Les livres de psychanalyse, ce sont, le plus souvent, des bouquins très
ennuyeux, purement théoriques, dans les quels on se garde bien de
parler d’un seul malade. On a ici toute une série de cas concrets, les récits d’hommes
et de femmes qui relatent leur « invraisemblable expérience de la vie ».
C’est écrit, très bien écrit, par un psychanalyste « belge » (mais il
tient lui-même à cette singularisation). C’est troublant et énigmatique.
Gohar Homayounpour : « Une psychanalyste à
Téhéran ». C’est préfacé par le grand cinéaste Abbas Kiarostami. Après des
années d’exil aux USA, le retour d’une jeune femme en Iran pour y exercer la
psychanalyse. « J’ai rencontré à Téhéran des patients très proches de ceux
que Freud a connus à son époque, des patients qui m’ont renvoyée aux origines
de la psychanalyse ».
A lire également :
Sophie Schulze : « Moscou-PSG ». Un titre pareil,
ça fait peur : Est-ce que ça parle de Zlatan ? Après, je découvre que
l’auteur est spécialiste de Nathalie Sarraute et a vécu à Moscou. Finalement,
il s’agit d’un petit bouquin très fort et très maîtrisé : qu’est-ce qui
fait obstacle à la rencontre, à un échange véritable ? En plus, il y a le
portrait de deux jeunes femmes russes qui sont parfaitement justes et
renseignent bien sur les différences culturelles franco-russes.
Laure Adler : « Immortelles ». Trois amitiés
féminines nouées dans les années 70. Comment ces amitiés vous constituent, vous
irriguent toute votre vie, par delà la mort. C’est d’une construction originale
et c’est beau.
Amélie Nothomb : « La nostalgie heureuse ». Normalement,
je ne lis pas Amélie Nothomb. Sauf quand elle parle du Japon. Ce qui m’agace
terriblement en elle, c’est son incroyable immaturité, l’impression qu’elle
donne d’être restée bloquée à l’âge de16 ans. Ce qu’il y a de pratique, c’est
qu’un bouquin d’Amélie Nothomb, ça s’expédie en une heure. Mais il y a, tout de
même, quelques éclairs : la langue et le pays fantôme qui vous hantent
sans cesse et puis aussi cette interrogation de Kierkegaard : est-ce qu’on
peut répéter son passé ? Je suis très sensible à tout ça.
Tableaux d’Ivan BILIBIN (1876-1942). Très célèbre en Russie. J’aime
bien. Il a été influencé par l’esthétique japonaise. Curieusement, il est rentré
en Union Soviétique quelques années avant sa mort.
Au cinéma, je conseille vivement : "La danza de la realidad" d'Alejandro Jodorowsky, "Grand Central" de Julie Zlotowski, "Blue Jasmine" de Woody Allen et "La vie d'Adèle" d'Abdelatif Kechiche.
2 commentaires:
Diable Diable vous êtes très ,trop sévère avec Amélie Nothomb qui gagne à être lue . Le livre de Chantal Thomas est remarquable ;il "raconte" un épisode finalement assez peu connu de l'Histoire , glaçant, effroyable tant humainement que politiquement . Passionnant .Comme d'hab ,vous lisez à la vitesse de l'éclair ! lola
Bonjour Lola,
Je n'aime pas le personnage de gamine dans lequel s'est enfermée Amélie Nothomb. Cela dit, elle est quelquefois intéressante mais c'est très inégal.
Chantal Thomas, ses romans historiques sont effectivement remarquable. Il faut aujouter ses essais philosophiques limpides et originaux : "Souffrir", "Comment supporter sa liberté" et "Cafés de la mémoire".
Je lis vite, c'est sûr mais, malgré tout, j'ai une vie plus libre que la moyenne et j'y consacre une part de mes nuits et des weeks-ends.
Carmilla
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