Evidemment, on n'arrête pas de me casser les pieds avec ça: "C'est incroyable que tu vives seule, que tu ne cherches pas à fonder une famille !"
Ça m'énerve, bien sûr, mais je réponds cyniquement: "Mais voyons! De l'argent, j'en ai plus qu'il ne m'en faut; alors je ne vois vraiment pas pourquoi j'irais me vendre et m'encombrer de quelqu'un que je devrais peut-être entretenir". Parce que c'est quand même bien ça le sombre soubassement de la vie des couples: une association économique plus ou moins sordide, plus ou moins consentie.
Moi, je tiens à ça: c'est moi qui décide: j'ai envie d'aller à Tokyo ou à Berlin, je vais à Tokyo ou à Berlin: point... ! Mes rêves, je n'ai pas envie de les mettre sous l'étouffoir de quelqu'un qui m'imposera d'aller en Bretagne ou sur la Côte d'Azur.
Et puis, pour vivre avec quelqu'un, il faut faire un effort d'adaptation/renonciation culturelle énorme; pas seulement ses langues d'usage. Ma copine Daria, par exemple, une Russe entretenue par un français, elle me fait frémir avec le récit de ses dimanches après-midi passés dans sa belle-famille. D'abord, sa belle-mère la déteste parce qu'elle est habillée trop sexy. Et puis, les conversations tournent, pendant des heures, autour de la cuisine et du vin, domaines aux quels, comme moi, elle ne comprend évidemment rien. Enfin, dès qu'on parle de la Russie, c'est l'horreur. Les gens les plus sympathiques se montrent pleins de compassion et déclarent que les Russes ont beaucoup souffert. Alors Daria, elle répond en disant qu'elle éprouve le même sentiment pour les Français qui souffrent aussi beaucoup mais, en disant ça, elle vexe énormément.
Mais évidemment, tout ça, ce ne sont que les horreurs de la vie de couple. Parce qu'en effet, qu'est-ce qu'on recherche dans la vie ? La sécurité allant de pair avec la tiédeur et l'ennui ? Ou bien le trouble, le bouleversement ?
La vie sentimentale, parlons-en ! Ça nous torture toutes mais je ne suis pas sûre que les femmes désirent vraiment les hommes. Certainement pas, du moins, les archétypes imposés. D'ailleurs, à peu près tous les hommes sont indifféremment séduisants ou repoussants. Beaux ou laids qu'importe! C'est l'instant, l'opportunité qui décide.
Ce n'est pas la chair qui fait l'envie. C'est la situation et le trouble généré. Ce moment où je sens, entre refus et consentement, que je vais basculer. Ce moment où, pleine de honte, je me sentirais toute humide.
Leïla Slimani ("Dans le jardin de l'ogre") cite ainsi un passage de "L'insoutenable légèreté de l'être" de Milan Kundera qui éclaire très bien, me semble-t-il, le désir féminin : "Elle sentait son excitation qui était d'autant plus grande qu'elle était excitée contre son gré. Déjà, son âme consentait secrètement à tout ce qui était en train de se passer, mais elle savait aussi que pour prolonger cette grande excitation, son acquiescement devait rester tacite. Si elle avait dit à voix haute, si elle avait accepté de participer de plein gré à la scène d'amour, l'excitation serait retombée. Car ce qui excitait l'âme, c'était justement d'être trahie par le corps qui agissait contre sa volonté, et d'assister à cette trahison".
Je me reconnais complètement là-dedans: trahir, c'est ça qui est excitant. Pas seulement trahir l'autre mais se trahir soi-même. Mais trahir, c'est aussi sortir de sa coquille. Conquérir un homme, une femme, ça n'est pas très important. Je n'en tire ni gloire ni honte. Ce qui est important, c'est l'intensité du vécu: "Etre prise. Observer le masque des hommes qui jouissent. Se remplir. Goûter une salive.Mimer l'orgasme épileptique, la jouissance lascive, le plaisir animal. Regarder partir un homme, ses ongles maculés de sang et de sperme".
Sombrer, c'est ça qui est fascinant mais solidifier ses désirs dans une vie de couple, quelle horreur! J'avais, autrefois, envisagé d'intituler mon blog: "Trouble every day". J'y ai renoncé mais ça continue de signer mon éthique personnelle.
Pour ce post un peu érotique, j'ai choisi quelques variations sur la représentation de "femmes en rouge" au début du 20 ème siècle. On reconnaîtra notamment Jozsef Rippl Ronai, Josef Fenneker.
Ce post se veut un prolongement du livre de Leïla Slimani, "Dans le jardin de l'ogre", dont je recommande, encore une fois, la lecture.
3 commentaires:
J'ai acheté le livre de L.Sl,pas encore commencé .Je vous recommande ,chère Vampire,la lecture de"carnet rouge" de Tatiana de Rosnay ;bien meilleur que ce qu'elle a publié auparavant;des chutes assez inattendues et divertissantes . Hommes et femmes sont au centre de cette Comédie Légère et finement croquée .Lola
Merci Lola,
Je suis sûre que vous lirez Leïla Slimani d'une traite. C'est un livre vraiment étonnamment. N'oubliez pas non plus de lire Catherine Cusset : "une éducation catholique"; ça complète très bien.
Tatiana de Rosnay, je n'ai jamais lu, j'ai simplement feuilleté en librairie. Ça m'est toujours apparu très américain, très artificiel. Mais je vais essayer.
Bien à vous
Carmilla
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