samedi 23 février 2019

Incroyables Merveilleuses



































Le week-end, j'essaie de rompre, le plus possible, avec les contraintes subies pendant ma semaine de labeur.

D'abord, je m'habille différemment. Je ne cherche pas le cool et le décontracté mais au contraire le sexy et le sophistiqué. Finis les tailleurs du boulot, les tenues grises et déprimantes. Vivent les high-heels à straps, les collants à motifs, les jupes à plis qui s'ouvrent et se ferment comme un éventail quand on marche, les tops dentelle qui dessinent une fente ouverte entre les seins, les manteaux cintrés à grands boutons, les bijoux gothiques, les rubans autour du cou, le maquillage smoky, les kiss nails, les faux cils magnétiques, les cheveux flottants avec des mèches balayées. C'est bien sûr d'un goût discutable mais c'est mon ascendance slave qui ressurgit.



Après, je vais parader sur les boulevards. Inutile d'être hypocrite, je n'ai qu'une attente: susciter l'attention des passants, être vue, regardée, matée, sentir que l'on se retourne sur mon passage. Tant pis si c'est trivial, si on me siffle, si on rêve de me déshabiller. J'en retire une jouissance qui me remue aux tréfonds. Contrairement à ce qu'affirment les féministes, capter le regard, être admirée, scrutée, fouillée, sondée, c'est un plaisir premier pour une femme, un plaisir dont un homme ne peut avoir aucune idée. C'est éprouver son pouvoir, le privilège, injuste et cruel, de sa séduction.


J'adore donc me balader dans Paris dans une espèce d'ivresse émotionnelle et c'est ainsi que, le samedi matin,  je descends, souvent, l'Avenue de l'Opéra en sortant des Grands Magasins à Havre-Caumartin où je viens d'assouvir mes compulsions d'achat d'"accessoires", produits de beauté ou fringues. Je fais généralement halte dans un café, "le Nemours" ou le "Café de la Paix", des lieux en accord avec mon accoutrement. J'y attends mes rendez-vous en feuilletant mes journaux, rien que de la presse de gauche, "Le Monde", "Libération", "Les Inrocks", "l'OBS".

J'enchaîne souvent avec un restaurant (mon préféré "La brasserie de Lorraine", Place des Ternes) et puis je poursuis en allant soit au cinéma (UGC Forum des Halles), soit à la FNAC des Ternes, soit voir une exposition, soit (plus rarement) une pièce de théâtre. Le samedi soir, je suis souvent invitée pour aller faire la fête dans des clubs (le "Silencio", le "Montana", le "Salo" et, évidemment, "le Raspoutine"). Inutile de dire que je suis continuellement sollicitée mais j'aime bien jouer de mon côté hautaine et inaccessible.


Je vous entends déjà: c'est presque scandaleux et ça n'a aucun intérêt ce que tu nous racontes là ! Tes loisirs, d'abord ils sont insupportablement snobs et puis ils n'ont vraiment rien d'original, c'est l'emploi du temps banal d'une nana friquée ou maquée. T'as un côté un peu pétasse, tu ne vois pas plus loin que le bout de tes pompes, de tes faux ongles ou de tes mèches. Tu penses à ton maquillage quand des "gilets jaunes" défilent pour remplir leur frigo.

Je suis entièrement d'accord mais j'assume et il ne faut pas m'en vouloir si je vous ai ennuyés, irrités, mais, mais...si je vous parle de ça, qui ne concerne finalement que moi, c'est parce que je viens de découvrir que toutes ces distractions qui nous semblent aller de soi, être évidentes, sont en fait d'apparition récente. Leur date de naissance, c'est il y a un peu plus de deux siècles, au lendemain de la Révolution Française et de la Terreur. C'est la période du Directoire (octobre 1795-novembre 1799).

Historiquement, l'apparition du luxe, de la superficialité, de la Mode, de nouvelles apparences et d'une nouvelle convivialité, c'est une réaction à la Violence et à l'épouvante. On a également connu ça au lendemain des deux guerres mondiales: les "Années folles".

A l'époque du Directoire, après la Terreur, s'est, en effet, inventée une nouvelle socialité qui a bouleversé et durablement façonné la culture européenne.



On a assisté, durant cette courte période, à la naissance de ce qui fait une bonne part de l'agrément de la vie sociale en Europe: la Mode, les restaurants, les musées, les boulevards sur les quels hommes et femmes peuvent s'exhiber. Et puis, sont aussi apparus des centaines de bals publics où l'on pratiquait une danse scandaleuse: la valse. Il faut ajouter que les cafés et les théâtres ont vu leur fréquentation fortement augmenter; il en est allé de même pour les tirages de la presse et des livres.

La Mode, les restaurants, les musées, les bals, les lieux de déambulation, les mails arborés, tout ça n'existait pas dans les États monarchiques, avant la Révolution. Les populations vivaient confinées, cloîtrées, dans leurs domiciles dont elles ne sortaient que pour s'approvisionner et certainement pas pour se distraire ou faire la fête.

Cette austérité a culminé bien sûr au moment de la Révolution Française et surtout de la Terreur.

Et puis brusquement, au lendemain d'un déchaînement inouï de violence, de massacres et d'exécutions innombrables, au lendemain de la mise à mort de Robespierre, la société française s'est soudainement, presque miraculeusement, pacifiée et civilisée.

Fin 1795, on a ainsi vu tout à coup apparaître, dans les rues de Paris, d'étranges jeunes femmes arborant une mode scandaleuse, en protestation contre la Terreur, son moralisme, sa pruderie, sa volonté d'uniformisation.


C'étaient les "Merveilleuses", compagnes des "Incroyables".  Il est de bon ton aujourd'hui de les déprécier. Ce ne seraient que de vulgaires crétines, terriblement superficielles, indifférentes à la misère du peuple. Elles ont pourtant initié une véritable "Révolution culturelle".

Voici comment on peut les décrire (in "La Terreur" de Jean-Clément martin): "Savamment dénudées par des voiles transparents et des vêtements luxueux, elles marchent sur de légères sandales en portant de minuscules sacs inutiles. Leurs cous marqués par un maquillage et leurs cheveux coupés ras derrière évoquent le trajet de la guillotine, et certains corsages sont fermés par des croisillons "à la victime".


On parle de leurs excès et de leurs débauches, de leurs bals scandaleux où les valses étaient l'occasion d'attouchements sexuels. Les principales actrices et égéries sont Juliette Récamier, Madame Tallien et surtout une certaine Rose Tascher de la Pagerie, veuve du général Beauharnais (conventionnel guillotiné), puis maîtresse de Barras (qui a arrêté Robespierre) et enfin épouse d'un jeune général ex-jacobin, Napoléon Bonaparte.

Avec les "Merveilleuses", la Grâce et la légèreté ont tout à coup chassé la peur et l'angoisse ainsi que les sinistres bourreaux de la Révolution.


Le Directoire, ça a donc été un grand moment pour l'apparence. Il faut souligner, au moment où on déplore la disparition de Karl Lagerfeld, que ça a consacré la naissance de la Mode, un bouleversement complet au cours du quel les femmes ont pour la première fois imposé une nouvelle esthétique et fait reculer la pudeur en exhibant leur corps.

Il faut s'interroger là-dessus: pourquoi, au lendemain d'une époque effroyable, celle de la Révolution et de la Terreur, libérer le corps est-il devenu une nécessité ? Il s'agissait sans doute de briser les conventions sociales et sexuelles d'une époque sinistre, grise, corsetée, entravée. Il s'agissait, finalement, d'achever la Révolution en inaugurant celle des mœurs.


Depuis le Directoire, les femmes sont maîtresses de leur apparence et de leur beauté. Ce qui peut être, aussi, un nouvel asservissement.


Quelques images de "Merveilleuses", notamment de Juliette Récamier et de deux exemples de la nouvelle coupe de cheveux: à la Titus ou "à la victime". 

J'ai complété avec quelques réinterprétations saisissantes de John GALLIANO.

Dans le prolongement de ce post, je recommande aussi les célèbres pâtisseries "Au merveilleux" de Fred. Elles s'inspirent justement du Directoire et proposent de multiples meringues à la crème fouettée, gâteau traditionnel du Nord de la France.

Enfin, je vous signale la sortie d'un CD merveilleux et hypnotique: "Dune" du groupe CANINE.

7 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour madame Carmilla
Le moindre qu'on puisse dire c'est que Robespierre n'était pas un grand séducteur, pas plus d'ailleurs, que Napoléon.
Toutes les épreuves humaines sont habituellement suivies par des périodes de récréations. Impossible d'être toujours en crise, en révolution et en guerre continuellement.
J'espère que les gens du Directoire en ont bien profité, parce que nous savons ce qui va suivre, les têtes coupées de la révolution ne seront rien comparé aux champs de bataille de Napoléon. Je me suis permis une petite récréation cette semaine, j'ai relu : La Bataille de Patrick Rambaud, qui relate la bataille de Essling.
Tout comme les gens qui avaient échappés aux massacres de la guerre de 14. Après, ils ont fait la tête, de s'en être sortis vivant.
Il faut bien retrouver son humanisme quelque part alors faire la fête devient une obligation pour ne pas perdre son humanisme. Vous faites bien se souligner ces faits historiques. Les années folles auront été un autre interlude dans l'histoire de l'humanité, entre les massacres des tranchés et la crise de 1929.
Vous êtes très consciente de votre pouvoir de séduction, entre vos provocations et votre inaccessibilité. Au fond c'est ce qui fait votre charme.
Ce qui m'intéresse chez les grandes séductrices, ce n'est pas le nombre de leurs conquêtes ; mais les fois qu'elles été mise en déroutes, parce qu'un homme leur a dit : non ! Derrière les maquillages, les vêtements extravagants, le théâtre, il y a toujours une âme, souvent craintive, angoissée, qui baigne dans le doute et le manque de confiance personnelle. À ce chapitre, les grandes horizontales, nous ont laissées des fins d'histoires malheureuses riches en enseignements. Certaines ont eu des fins minables. Alors aussi bien profiter des récréation qui s'offrent.
Je ne puis m'empêcher de penser que nous sommes en récréation depuis longtemps, à la lecture de Crashed d'Adam Tooze sur la crise de 2008 que je suis en train de parcourir, je pense que nous sommes mieux de profiter de ce qui passe. Le reste, je le laisse à votre imagination.
Mais dites-moi Carmilla : est-ce qu'un homme vous a déjà dit non ?
Je suis en train de devenir un passionné de ce vieux Tooze, après avoir lu : Le salaire de la destruction et le Déluge, je suis étonné par son analyse historique d'une folie de la cupidité à la puissance milliards.
En attendant un autre redoux et craignant le verglas.
Bonne nuit et bonne récréation.
Richard St-Laurent


Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je ne crois pas qu'il faille confondre Napoléon avec les guerres et les batailles. C'est à mes yeux une déformation de l'histoire. Les guerres, il y a, de toute manière, été contraint. Il faut rappeler qu'il poursuivait les idéaux de la Révolution française et qu'il ambitionnait de créer une Europe Républicaine. C'était intolérable pour les États monarchiques réactionnaires qui l'ont alors attaqué. Les agresseurs, c'était eux.

Ne nous trompons pas: le progrès social était du côté de Napoléon et certainement pas au sein des monarchies arriérées. J'ai toujours pensé que l'échec de Napoléon en Russie a été un malheur. Une victoire aurait sans doute épargné les tragédies du 20 ème siècle.

Napoléon, c'est surtout ça: l’État de Droit, l'égalité devant la Loi, l'émancipation de toutes les communautés opprimées, les établissements d'enseignement, la promotion au mérite, la Banque de France. D'une certaine manière, il a quand même gagné puisque la quasi totalité des démocraties a aujourd'hui plus ou moins adopté le modèle de l’État napoléonien.

Par ailleurs, la séduction, c'est effectivement important pour moi. Mon blog est largement centré là-dessus.

Je sais que ça va à contre-courant de l'opinion actuelle qui rejette carrément la séduction et prône, dans les relations entre les sexes, la simplicité, la transparence, l'égalité. Je ne crois pas du tout à ça. Je pense que ce sont plutôt la dissimulation, l'opacité et le pouvoir qui gouvernent les relations humaines.

La séduction, c'est, pour moi, à la fois un jeu et un moteur. Ça me stimule et me dynamise beaucoup parce que, pour séduire, il faut tout de même avoir quelque chose de plus que les autres; il faut sortir du lot et, pour ça, il faut se dépasser sans cesse. Il y a une exigence très forte de perfection dans la séduction.

Je suis séductrice mais ça ne veut pas dire que je collectionne les amants. Il me suffit, le plus souvent, de parvenir à faire rêver.

Et puis, je n'ai pas du tout envie de me faire embarquer dans les misères et la grisaille de la quotidienneté. Je ne veux pas qu'on me soumette, je veux pouvoir maîtriser mon destin.

C'est pourquoi, je suis bien peu sentimentale et plutôt dure avec les autres.

Y-a--il des hommes qui m'ont dit non ? Je crois plutôt que beaucoup se sont enfuis, pressentant bien que les choses ne seraient pas faciles avec moi et qu'ils risquaient d'y perdre des plumes (je suis évidemment dominatrice).

L'angoisse, le manque de confiance derrière les apparences ? Quand la séduction se limite à l'apparence physique et vestimentaire, c'est possible car c'est trop grossier et il y a forcément, un jour, un retour de bâton.

Mais l'apparence physique n'est pas mon seul registre. J'essaie aussi de jouer sur la séduction intellectuelle et ça, c'est beaucoup plus pérenne.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Madame Carmilla !
Je ne pensais pas un jour écrire sur la séduction, parce que je suis trop brouillon pour être perfectionniste, mais j'aime bien en tant que dominateur, rencontrer d'autres dominateurs et dominatrices, c'est toujours intéressant, stimulant, et souvent déstabilisant. Tout comme vous je fuis la grisaille du quotidien, la soumission n'a jamais été une option chez moi, j'ai toujours tenté de maîtriser mon destin. J'avoue que j'y suis arrivé, mais c'est une lutte de tous les instants. Alors, lorsqu'on s'écrit, un dominateur rencontre une dominatrice qui ne manque pas de lui répondre. Ce qui fait de nous des êtres durs, qui ne reculent devant rien pour être ce qu'ils sont. Les gens vous demandent comment vous faites pour vivre ainsi ; c'est le même étonnement dans mon entourage, les mêmes questions. Je leur répond que je ne changerais rien à ma vie. Je l'ai construite, je l'ai fait mienne, je n'en changerai rien, jusqu'à ce que mort s'en suive, toujours droit dans mes bottes.
Je reconnais que Napoléon n'a pas seulement été un homme de guerre, ce fut aussi un homme d'État, mais hier, je parlais de l'homme humain, et l’analogie entre le sec Robespierre et le passionné Napoléon m'est venue toute seule. Les hommes d'États comme les femmes d'États, car il ne faut pas les oublier, sans doute parce qu'ils sont très occupés, pris par leur passion de la politique, n'ont pas beaucoup de temps à consacrer à la séduction. C'est déjà tellement difficile de séduire 50 000 électeurs ! Nous ne pouvons pas tous être des Danton. D'autre part, il ne faut pas oublier que Napoléon va accéder au pouvoir sur un coup d'état, et il parviendra même à donner à son entourage un air de royauté. Le Consul s'est transformé en monarque. Il soigne sa cour. Ses problèmes ont commencé bien avant la campagne de Russie, mais le fait que vous évoquez cet échec, parce que c'est plus un échec qu'une défaite, aurait pu changer la suite des événements, est intéressant. Depuis la fin de l'Empire en 1815, j'ai toujours eu l'impression, que La France tourne en rond, qu'elle se cherche et qu'elle se cherche présentement comme elle ne s'est jamais cherchée. Y aura-t-il aboutissement ? Des fois je regarde Macron avec ses consultations en pensant que cela ressemble à des États Généraux, du déjà vu voilà deux siècles. Étrange époque...
Le moindre qu'on puisse dire : c'est que nous ne vivons pas une époque pas banale. Nous nous cherchons comme des perdus, nous avons mal à nos quotidiens, nous désirons plus, mais nous ignorons ce que nous cherchons.
Pour l'heure, je regarde au loin sur la ligne d'horizon où les nuages se bousculent fouettés par le vent d'est, qui annonce du mauvais temps, par intermittence, neige, grésil, et verglas.
Bonne fin de journée Madame Carmilla
Bon vent et soignez bien votre liberté

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je ne connais pas bien la vie amoureuse de Robespierre et de Napoléon mais on peut penser que l'exercice du pouvoir avait un rôle de substitution (ou de "sublimation"). Cela étant, en choisissant Joséphine, Napoléon a d'abord épousé une femme extrêmement séduisante, libre et audacieuse. Marie-Louise était beaucoup moins sexy et sans doute plus conventionnelle.

J'ai oublié de vous dire que je connaissais Adam Tooze (j'avais notamment lu son livre sur l'économie nazie). C'est toujours très bien documenté et précis mais l'orientation en est convenue. Toujours incriminer les marchés financiers et leur cupidité, ça ne nous fait pas beaucoup avancer. Il faut aussi rappeler que la crise de 2008 découle de l'irresponsabilité et de la démagogie des gouvernements Clinton puis Bush qui ont voulu favoriser au maximum l'accès à la propriété des classes défavorisées en faisant garantir leurs emprunts par deux entreprises du gouvernement fédéral. C'est l'exemple même des mesures sociales qui deviennent, in fine, anti-sociales.

De même aujourd'hui, sait-on que le montant du Bilan de banques comme la BNP, la Société Générale ou la Deutsche Bank est supérieur au PIB de leur pays ? C'est explosif. Est-ce que ça veut dire que ces banques sont avides de profits faciles ? En partie certes mais c'est surtout parce que les pays concernés inondent les marchés financiers de titres de leur dette publique et qu'ils contraignent les banques à les acheter. La responsabilité des États dans les crises financières est donc au moins aussi grande que celle des établissements bancaires.

S'agissant de la France et du "Grand Débat", je pense que se déroule, en effet, un moment important de son histoire politique. Il y a une participation élevée qui déroute les opposants de principe et les esprits systématiquement négatifs.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Madame Carmilla

L'aube est magnifique ici par -24 degrés.

J'ai lu quelques biographies sur Robespierre, qui m'ont laissées sur ma faim, et en ce qui concerne son côté séducteur, il se résume en un mot, (RIEN). Malgré sa notoriété, il demeure un personnage énigmatique. En ce qui concerne Napoléon, j'ai toujours pensée que c'était Joséphine qui l'avait choisie, peut-être pas par passion amoureuse, mais par intérêt. Voilà pour mon opinion très personnel sur le sujet.

Adam Tooze écrit bien pour un universitaire, je le considère comme un historien solide. Ce qui m'a intéressé autant dans Le Salaire de la destruction, que dans Le Déluge et encore poussez plus loin dans Crashed, se sont les parties de bras de fer derrière les transactions monétaires, les tordages de bras, les pressions. Comment les négociations se déroulent, quels sont les intérêts, de quelle façon qu'on contraint un groupe d'individus, et encore mieux, un gouvernement.

« Les fondements du système monétaire modernes sont politiques, on ne peut y échapper. »
Adam Tooze
Crashed
P -27-

Qui dit politique, dit responsabilités, ce qui vaut aussi pour les marchés financiers. La confiance et la responsabilité, cela se gagnent par ses agissements. Il ne faut pas oublier les sommes faramineuses dont il est question, rien en bas du milliard. Sidéré par les chiffres, j'ai poursuivi ma lecture et je vous avoue, que je n'en reviens pas de tous ces mouvements de masses d'argents. C'est du financement en rond et pendant qu'on joue au sommet, cela ne manque pas d'affecté de nombreuses personnes innocentes, vous avez vu tout comme moi le plongeon de la Grèce. Lorsque le taux de chômage rebondit jusqu'à 27 % à cause de l'austérité et qu'une personne sur six souffre de la faim, se sont des situations inacceptables. J'ai pris le cas le plus extrême celui de la Grèce, mais faudrait pas oublier à la même époque, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et l'Italie. Ne me faite pas croire que c'est la réussite de la Communauté Européenne. Il ne faudrait pas croire que tout est réglé parce que ça ne fait pas la une des journaux. Cette lecture a augmenté mon scepticisme, face à la faiblesse de l'Europe, autant politique qu'économique.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Cette faiblesse je l'ai particulièrement retrouvé dans les chapitres sur L'Ukraine. Tooze en dresse un portrait sombre. Vous connaissez la situation mieux que moi, surtout lorsque vous évoquez l'état des routes.

J'ai retenue ce bout de texte qui illustre de l'incapacité chronique de UE d'imposer ses politiques.

« Les institutions européennes ne sont pas habilitées à intervenir dans la politique bancaire nationale. Les fonds de recapitalisation créés en 2008-2009 sont incomplets et facultatifs plutôt qu'obligatoires dans leur application. »
Adam Tooze
Crashed
Page -403-

Manifestement, c'est dans le dossier de l'Ukraine, que cette faiblesse se manifesta. L'UE est une organisation inachevée, mal construite, difficile à gérer. Qu'est-ce qu'on fait les les politiques après 2008 ? Ils ont joué au pompier. Ils ont passé leur temps à éteindre des feux. Les pompiers n'ont jamais rien construit.

J'abonde dans votre sens lorsque vous dites que dénigrer les marchés financiers ne nous fait pas avancé. Il ne semble pas y avoir de solution à l'horizon à brève échéance. Nous ne pouvons pas être dans des opérations de sauvetages continuellement, c'est insoutenable. Cette remarque s'étend aussi à l'Amérique du Nord et plus particulièrement aux USA. C'est quoi, tous ces gens brillants, éduqués, qui prennent des décisions, qui manœuvrent des milliards de dollars ou d'Euros et qui peuvent nous plonger dans le plus profond marasme ? Ce n'est pas mon intention de vous attaquer ou de vous dénigrer, j'essaie juste de comprendre, de me faire une idée et comme vous êtes dans la finance, je pense que j'ai le privilège d'avoir une interlocutrice particulièrement consciente pour échanger sur le sujet.

Je vais terminer par une question terre à terre provenant d'un véritable bouseux de fond de campagne :

Avez-vous déjà été pauvre ?

En parallèle que je suis en train de lire :
(Quand la misère chasse la pauvreté). Écrit par un Iranien, Majid Rahnema.
Bonne fin de journée
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

S'agissant des crises financières, elles sont, en général, la conséquence de l'irresponsabilité et de la démagogie des gouvernants.

Le cas de la Grèce est à cet égard exemplaire. A son sujet, on n'arrête pas d'incriminer des marchés financiers impitoyables qui seraient responsables de sa situation. Mais on ne mentionne jamais qu'ils ont essuyé de lourdes pertes avec elle et que de nombreux épargnants européens "paient" pour la Grèce.

Il faut tout de même rappeler qu'au cours de la première décennie du siècle, le gouvernement grec a conduit une politique "clientéliste" en se croyant à l'abri, grâce à l'euro. Les salaires et pensions ont ainsi été revalorisés jusqu'à atteindre des niveaux comparables aux pays d'Europe de l'Ouest. Résultat: les Grecs jouissaient d'un niveau de vie totalement artificiel, 2 ou 3 fois supérieur à celui de pays comme la Pologne ou la Slovaquie, alors qu'ils ne disposaient d'aucune base industrielle compétitive. Cet afflux d'argent n'a pas servi à financer l'économie mais à développer la consommation: les Grecs étaient gros acheteurs de Mercedes et BMW. Aujourd'hui, on retrouve donc la dure réalité mais je ne vois pas en quoi les marchés financiers en sont responsables. Si ! Ils ont été bien bêtes de prêter à la Grèce mais celle-ci trafiquait ses comptes.

Je pourrais aussi parler de l'Espagne, de l'Irlande etc... mais ça me conduirait trop loin. Je mentionnerai simplement qu'en France aussi, on entretient un niveau de vie artificiel (surévalué de 10 à 15 %) même si ça n'est pas dans les proportions grecques. Mais il y aura, un jour, un retour de bâton.

Ai-je été pauvre ? C'est toujours relatif. Il faut d'abord préciser qu'on n'est pas riche ou pauvre tout au long de sa vie et que chacun de nous connaît des hauts et des bas. On dénonce les inégalités, certes réelles, mais on oublie que ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui sont en haut ou en bas du panier. La roue tourne !

J'ai donc été pauvre comme tout le monde quand j'étais jeune et étudiante. De plus, j'ai vécu, dans ma prime jeunesse, dans des pays pauvres.

Mais curieusement, dans ces pays pauvres, je n'ai jamais éprouvé cette ambiance d'aigreur et de jalousie qui prévaut dans les pays développés. Cela dit, je ne suis pas riche aujourd'hui, je fais simplement en sorte de ne pas avoir de préoccupation d'argent. J'ajuste donc mes besoins et désirs.

De toute manière, c'est un principe absolu chez moi: je déteste le ressentiment,la jalousie, la haine sociale. Si je détecte ça chez quelqu'un, je m'en détourne à toute vitesse.

Bien à vous,

Carmilla