samedi 12 février 2022

Des Nomades

 

Être nomade, se déplacer sans cesse, ne jamais avoir de domicile définitif, errer à l'aventure, de découverte en découverte, c'est un mode de vie qui nous séduit et nous fascine tous, nous pauvres sédentaires. On en a tellement marre, parfois, de retrouver sans cesse les mêmes lieux, les mêmes gens, d'avoir des habitudes, de tourner en rond. De l'air, du changement, de la nouveauté !

J'aime bien comme ça, même si je reconnais que c'est un peu stupide, faire de grands périples automobiles à travers l'Europe en changeant, le plus possible, de ville, de pays, de langue, en évitant surtout de me poser, de m'installer quelque part. Rien de plus déprimant pour moi que des vacances passées à se reposer le cul sur une plage, en un même lieu.

C'est peut-être lié à mon insatisfaction permanente mais je crois aussi que ça remonte à mon passé en Europe Centrale. Là-bas, on croise beaucoup de "gens du voyage". Ils sont infiniment plus nombreux qu'à l'Ouest, surtout dans certaines régions. Curieusement, ils ont même prospéré dans les temps communistes durant les quels ils avaient conservé une liberté de circulation, ce qui leur permettait de vivre avantageusement de multiples petits trafics. 

Les Roms, parce qu'il s'agit principalement d'eux, seraient encore plus de 600 000 en Roumanie et plus de 300 000 en Hongrie, Bulgarie, Slovaquie. Je connais bien ainsi la zone frontière Slovaquie/Ukraine, sûrement l'un des endroits les plus fascinants d'Europe. On dira que c'est archi-glauque. Sans doute mais on sent aussi frémir, là-bas, un étrange sentiment de rébellion face à l'ordre civil. Une révolte de survivants, celles d'hommes antiques qui se sentent en guerre contre une société qu'ils perçoivent comme une caserne.

Mais il est vrai aussi que notre fascination pour les nomades a des racines ancestrales. Ce sont celles de la lutte séculaire entre les nomades des steppes eurasiatiques et les sociétés sédentaires. J'ai remarqué toutefois qu'en Europe de l'Ouest, on ignore à peu près totalement l'histoire de ce conflit et on n'a pas conscience que les nomades ont longtemps dominé le monde. 

Il est vrai que l'Europe de l'Ouest a été peu touchée puisque les Huns d'Attila n'y ont fait qu'une brève incursion et se sont arrêtés dans les Champs Catalauniques (près de Troyes, tout de même) en 451; quant aux Mongols, après après avoir conquis, à toute allure, Russie, Ukraine, Bulgarie, Roumanie, Hongrie puis essayé de soumettre Pologne et Allemagne en s'aventurant jusqu'à Cracovie, Legnica et aux abords de Vienne, ils se sont brusquement retirés,  en 1241, pour ne plus jamais revenir. 


Mais ça n'a tenu qu'à un fil, on a oublié que le retrait tant des Huns que des  Mongols a relevé du miracle : les décès brusques d'Attila puis d'Ogodei, fils de Gengis Khan (ce qui imposait une réunion générale pour l'élection d'un nouveau chef). Mais ça n'a pas empêché les Mongols de poursuivre, par ailleurs, leur course folle, d'essayer de conquérir l'univers entier et d'édifier  le plus grand Empire de l'histoire du monde. Un Empire qui s'étendait depuis la Chine et la Péninsule coréenne, jusqu'au Nord de l'Inde, via le Tibet et le Pakistan, et une grande partie du Moyen-Orient. Des conquêtes prodigieuses, stupéfiantes, dont la violence et la brutalité glaçaient d'effroi les populations. Qui pouvait douter de l'Enfer à l'évocation des Mongols ? 


Et l'exploit (si on peut employer ce terme) a été, un peu plus tard, renouvelé par Tamerlan (ou Timur), un turcophone, qui, au 14ème siècle, reprit le flambeau mongol depuis l'Asie Mineure jusqu'à l'Himalaya. Il a commis d'invraisemblables destructions mais il a aussi laissé au monde des trésors culturels : Samarcande, Boukhara.

On a toujours tendance à voir midi à sa porte et à ignorer ce qui se passe ailleurs. Mais en réalité, à l'échelle de l'Histoire du monde, toute la période qu'on qualifie de Moyen-Age a largement été celle du triomphe des nomades. L'Europe chrétienne, ça n'était pas grand chose et le moine franciscain Guillaume de Rubrouck a pu l'éprouver lorsqu'il a rendu visite à la Cour des Mongols en 1255. Et puis si la domination mongole a sans doute été épouvantable, ils ont quand même laissé au monde les recettes de leur succès : tolérance religieuse, habileté politique, domination militaire au profit de la paix et de la sécurité. Ça n'est pas rien.

Mais pour les Russes, ça n'a pas été pareil et les souvenirs demeurent cuisants. On dit, souvent, que les Russes  ne se seraient jamais remis, en fait, du joug mongol de la Horde d'Or auquel ils ont été soumis jusqu'au tout début du 16ème siècle. Ça continuerait de façonner leur mentalité plutôt soumise. Je n'y crois pas trop mais ça les a peut-être rendus quand même un peu paranos et victimaires. Mais c'est vrai que c'est l'expansion continue de la Russie, sa contre-offensive au début du 16ème siècle, qui a sonné l'heure de la revanche des sédentaires sur les nomades.

Et c'est ainsi que, depuis le début du 16ème siècle, depuis la Renaissance en fait, la domination des nomades semble entièrement révolue. Définitivement peut-être même ! Parce que, des populations nomades, il n'y en a plus guère (la Mongolie, l'Europe Centrale ?). Et puis, les nomades, ça n'est plus, aujourd'hui, qu'un thème littéraire ou philosophique (Gilles Deleuze). J'aurais aimé, si ça avait été mon époque, être hippie pour arpenter le monde mais, aujourd'hui, l'idéal des jeunes, ça semble plutôt d'aller s'enterrer dans une ferme de la Lozère pour y produire des fromages "bio".

Mais il est vrai que les voyages, l'errance, ça comporte aussi beaucoup de désillusions. "Je hais les voyages" écrivait, avec provocation, Claude Lévi-Strauss. Consternante se révèle, paraît-il, la visite du site de Karakorum, la première capitale de l'Empire mongol : juste quelques sculptures en pierre représentant des tortues (?) ! Comment imaginer que ce peuple a autrefois dominé le monde alors qu'il n'en subsiste aujourd'hui à peu près aucune trace matérielle ?

Et puis, est-ce que la vie des nomades est vraiment plus intéressante que celle des sédentaires ? A la fin de son remarquable bouquin, "L'Empire du vent", le travel-writer irlandais, Stanley Stewart aboutit à cette étonnante conclusion : "Rien ne bouge ici". "L'ironie des nomades, ces gens dont la vie est indissociable du mouvement, c'est qu'ils vivent dans un univers incroyablement statique. Ils forment une société dépourvue de diversité et de ferment, à croire que cette vie de transhumance épuise entièrement leur quota de bougeotte. Les nomades se cramponnent à un mode de vie que le reste du monde a abandonné quelques milliers d'années auparavant".

Les nomades sont tout sauf des révolutionnaires... Plus conservateurs,  il n'y a pas... Ces propos sont corroborés par ceux du célèbre écrivain polonais Andrzej Stasiuk à propos des Roms de l'Est de la Slovaquie. Ces Roms qui viennent tout de même d'aussi loin que l'Inde. Mais que leur apporte leur voyage sans fin ? Alors que l'Europe n'a d'yeux que pour le développement, l'expansion et le progrès, comment comprendre leur prétention à vivre en dehors du temps, en dehors de l'Histoire ? Comment comprendre leur absence d'ambition, leur indifférence insouciante aux réalisations des sociétés sédentaires et leur absence de besoin de marquer leur territoire, leur passage, de laisser une trace ?

Peut-être que "la conscience nomade, libre de toute attache, que n'emprisonnent ni les murs, ni les exigences inéluctables du sol à cultiver, est aussi peu substantielle que le vent".

Peut-être que les voyages, en effet, sont stériles et ne créent rien par eux-mêmes.


Le premier tableau est du Douanier Rousseau (1844-1910) : "La bohémienne endormie".

Le troisième est de Vincent Van Gogh.

Je recommande :

- Guillaume de RUBROUCK : "Voyage dans l'Empire Mongol 1253-1255". Un livre majeur, incompréhensiblement trop peu connu. C'est beaucoup mieux que Marco Polo. C'est un véritable livre d'ethnologie, géographie, histoire. Il est aujourd'hui en poche. Je signale également, à l'attention des gens du Nord, qu'il existe un charmant petit village, Rubrouck, où est né ce grand homme. C'est à proximité de Dunkerque et un petit musée lui est consacré.

- Peter FRANKOPAN : "Les routes de la soie - L'Histoire au cœur du monde". Le cœur du monde, il s'est situé, et il recommence à se situer, en Asie Centrale. Un bouquin qui renverse nos perspectives occidentales.

Stanley STEWART : "L'Empire du vent". Très beau ! Un grand écrivain malheureusement peu connu en France.

- Andrzej STASIUK : "Sur la route de Babadag", "Taksim". Tous les bouquins de Stasiuk sont consacrés à l'errance, au nomadisme, mais avec un regard très critique, en des lieux indécis, qu'aucun touriste ne fréquente.

- Rory Mac LEAN : "Magic Bus". Sur la route des Indes avant la fermeture de l'Afghanistan.

- Michel JAN :"Le réveil des Tartares".

11 commentaires:

Richard a dit…

Insaisissable nomade!

Bonjour Carmilla!

Votre texte d’aujourd’hui Carmilla, m’apporte un certain réconfort dans le sens qu’il ruisselle d’air, de changements et des nouveautés. Le besoin de bouger, de circuler sur les routes de campagnes désertes, par ce samedi matin tout en douceur par +5 degrés. Ce qui n’est qu’un interlude, parce que la nuit prochaine la température va plonger brutalement à -20. La joie d’entendre les enfants se lancer des boules de neige, rire à gorge déployée, de pousser des cris, du chien qui participe à la fête en cherchant sa balle dans un banc de neige mouillée, de ce soleil qui brille. Le temps d’oublier cette période difficile pour notre démocratie rudement secouée par des extrémistes qui disent vouloir la liberté, mais qui bloquent tout.

J’aime ce tableau de Douanier Rousseau. Cette bohémienne endormie qui semble sourire dans son sommeil tenant dans sa main son bâton de marche, mais qui sait, c’est peut-être un bâton magique à la surface usée par ses vieilles mains qui savent la musique. J’y puise une plénitude, une ouverture d’esprit, un laisser-aller, une véritable liberté. Il faut bien que la nomade bohémienne se repose. Et ce sourire qui disperse toutes les angoisses, où ni le temps, ni la distance, ne compte plus. C’est du véritable nomadisme… Je l’envie jusqu’à me demander si je souris dans mon sommeil? Qui sait…?

La deuxième photo est ravissante, toute cette bande de chevaux qui se promènent dans de vastes espaces, sans clôtures ni entraves, ça fait rêvé. Et puis j’aimerais bien avoir une grande cabane comme cela au fond d’une vallée avec un vue imprenable. Cette photo c’est un magnifique rêve les yeux grands ouverts. Comme de quoi qu’il n’y a rien de stupide que de partir sur les routes et de monter sa tente à chaque soir dans un endroit différent. Je plains ceux qui n’ont jamais connu l’excitation de tels déplacements. Et puis sur la route, il y a toujours des rencontres intéressantes, parfois déroutantes, mais toujours riches en expériences de toutes sortes.

L’autre photo, c’est l’avant dernière, cet homme juché sur son cheval au sommet d’une colline, ce qui me rappelle que j’ai pratiqué longtemps ce genre de contemplations, je l’ai fais dans l’ouest canadien. Tu te trouves une colline, tu t’assoie dans l’herbe et tu laisses ton regard errer au loin. C’est l’esprit errant. Il n’y a rien comme de voir loin! Personnellement, cet exercice me procure un grand réconfort.

Votre texte Carmilla, ne va pas sans me rappeler une large portion de ma vie, où moi aussi j’errais, autant en vol que sur terre. Je me sentais nomade. Privilégier de mener cette vie où je ne couchais pas souvent dans le même lit, et parfois sans lit. Cette époque a laissé des traces indélébiles en moi. Ce qui explique peut-être, que les sans partie, les sans pays, les errants n’appartiennent à personne, trop libres pour s’attacher. Mais, pour être nomade, pour errer à sa guise, cela requière beaucoup d’espaces. Espaces réduits par les sédentaires qui sont de plus en plus nombreux. 60% des canadiens habitent dans des villes, et moi comme d’habitude je ne rêve que d’espaces, de cabanes en forêt, de marches interminables. Certes, cette neige va fondre et je vais reprendre mon bâton de marche. Voici une pensée réconfortante.

Je vous suis très reconnaissant de ce texte Carmilla!

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Ce tableau du Douanier Rousseau est effectivement très inspirant.
Etonnant ce peintre naïf, amateur, souvent moqué en son temps mais dont l'oeuvre est tellement évocatrice. Il a réglé de nombreuses factures en donnant ses tableaux mais les nouveaux propriétaires les ont rarement gardés.

Quant au nomadisme dans de vastes espaces déserts, ça n'est guère envisageable en Europe de l'Ouest où la densité de population n'est pas la même qu'au Canada. Je ne crois pas que ça pourrait d'ailleurs vraiment me plaire parce que j'ai quand même rapidement besoin de villes et de gens. J'ai déjà fait une grande part de la route des Indes mais ça n'a rien à voir avec la steppe. Je pourrais certes aller en Sibérie mais je pense que, dans les endroits isolés, c'est carrément dangereux. L'appel de la liberté ne doit pas abolir la vigilance. Les nomades se déplacent, malgré tout, toujours en groupes.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Un peintre naïf?

Peut-être pas si naïf que cela.

Le mot naïf me semble ambiguë. Ici au Québec on l’emploi dans l’usage courant comme niais, dont celui qui est naïf est un niaiseux, dans le genre pas très futé. Qu’on l’emploi dans dans le domaine artistique, je trouve l’expression péjorative. Si on fouille dans les synonymes on y retrouve candide, ingénu, simple, crédule et niais. Par exemple on ne dit jamais une chanson naïve, ou un photo naïve, pas plus que nous une sculpture. Pourquoi l’applique-t-on à la peinture? Par quoi pourrait-on remplacer? Interrogation bien personnelle dans toutes mes élucubrations. Il y a des mots comme cela, qui, comme une petite pierre dans une chaussure gâche la marche.

Dans vos suggestions de lecture j’ai bien apprécié : Voyage dans l’Empire Mongol, que j’ai lu l’an dernier, une autre de mes grandes lectures. Sans vous Carmilla je ne serais pas passé par-là! Merci.

En ce qui concerne Stanley Steward, L’Empire du Vent me semble très intéressant. Je n’y manquerai pas. Steward a aussi écrit sur les accidents d’avions. C’est dommage qui ne soit pas traduit autant en français.

Le monde est petit, voilà un nom que je ne pensais jamais retrouver sur ma route, celui de Stasiuk. Il y a très longtemps, il y avait un joueur de la ligne national de hockey qui portait ce nom. Je savais que ce n’était pas anglais. Je me souviens qu’il jouait pour les Bruins de Boston. Donc Stasiuk serait un nom d’origine polonaise d’après mes recherches. Andrzej Stasiuk m’intrigue, il a une belle tête de baroudeur, on ne doit pas s’ennuyer avec lui. Regard franc, gueule carré, je pense qu’on pourrait s’entendre. Le joueur de hockey s’appelait Victor Stasiuk. C’est étonnant toutes ces découvertes qu’on peut faire. Il jouait avec Johnny Bucyk (Ukrainien), et Bronco Horwath d’origine Hongroise. Mais tous ces joueurs étaient nés au Canada.

Votre dernière toile c’est de qui? Je l’a trouve très évocatrice, cette perche de bois plantée dans un champ avec sa guenille rouge comme un avertissement.

Lorsqu’on lit tous ces noms, il y a de quoi se sentir nomade.

Merci Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Naïf, c'est effectivement une appellation dépréciative mais c'est celle qui est employée le concernant. Mais il faut rappeler qu'on se moquait de lui à ses débuts.

Stanley Stewart, c'est, en effet, un remarquable bouquin. J'espère que vous le trouverez (chez Hoëbeke), car le livre a déjà une dizaine d'années. Quant à Guillaume de Rubrouck, c'est tout simplement extraordinaire.

Stasiuk, c'est un nom plutôt ukrainien. Tous les noms se terminant par tchouk ou par Ko sont d'origine ukrainienne. Mais de nombreux Polonais portent des noms ukrainiens (exemple Olga Tokarczuk) et inversement tant les populations ont été mélangées au cours des siècles. Stasiuk (prononcer Stachouk en accentuant le a) est sûrement en effet un personnage hors du commun. Il aime surtout, un peu comme moi, les pays et les lieux auxquels personne ne s'intéresse. La déglingue, la sinistrose, post-soviétiques le fascinent. Un homme qui aime les villes minables de province, les lieux reculés, à l'écart, que le Progrès a épargnés. Tous ses bouquins sont intéressants.

La dernière image est un morceau, si je ne me trompe, de la photo de couverture du bouquin de Stewart.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

C’est vraiment passionnant tous ces croisements de destins, de personnes, de populations, le nez toujours collé sur l’histoire.

Avec les noms que je vous ai mentionnés, vous pouvez imaginer la mosaïque des peuples composant la population du Canada. Ce qui nous amène à nous poser la question : Qu’est-ce qu’un canadien? C’est quoi le Canada? S’il fallait que je me lance dans ces propos-là, j’en aurais pour des milliers de pages. Et pour reprendre le thème de votre texte, beaucoup de ces personnes qui sont venues s’établir ici étaient dans le genre des espèces de nomades. Il fallait vraiment être volontaire, pour tout quitter de ce qu’on connaissait pour entreprendre ce voyage souvent sans retour. Pensez-y, quelques bagages, un peu d’argent, et les vêtements que vous portez, et c’est tout ce qu’on possède pour se construire un avenir.

Tant qu’à la prononciation de Stasiuk, ici les commentateurs sportifs, je pense ici à René Lecavalier qui avait une excellente diction, prononçait Stasiuk, (Staziuc), c’est la raison pour laquelle j’ai une tendance à écrire un z à la place du s.

René Lecavalier a travaillé pendant une trentaine d’années à Radio Canada. Il décrivait les matchs de hockey autant à la radio qu’à la télévision. C’était un homme d’une grande culture. Il nous manque beaucoup! Des types dans ce genre tu n’en rencontre pas à chaque coin de rue.

Je ne pensais jamais que les nomades me rameraient à René Lecavalier. Vraiment, ça va dans toutes les directions. Je suis plein de souvenirs impérissables ce que je trouve réconfortant, car c’est une manière de se sentir partie prenante dans l’Histoire. C’est une façon de prendre conscience, de cette grande mouvance de l’humanité.

N’est-ce pas excitant!

J’ai bien confiance de trouver le livre de Stewart, nous avons une excellente bibliothèque centrale ici au Québec, et toutes les bibliothèques municipales sur le territoire peuvent y commander des livres qui dates. De toute façon avec mes listes de lectures que je suis en train de concocter il m’arrive souvent de commander pour des emprunts entre bibliothèque. Jamais, je n’aurais pensé posséder un outil commun aussi puissant.

Bonne fin de journée et merci Carmilla

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Comment comprendre leur absence d'ambition, leur indifférence insouciante aux réalisations des sociétés sédentaires et leur absence de besoin de marquer leur territoire, leur passage, de laisser une trace ?
Peut-être que "la conscience nomade, libre de toute attache, que n'emprisonnent ni les murs, ni les exigences inéluctables du sol à cultiver, est aussi peu substantielle que le vent". Peut-être que les voyages, en effet, sont stériles et ne créent rien par eux-mêmes.
Bonjour Carmilla!
Vous vous posez des questions fondamentales sur l’être, ainsi que sur son avenir entre les sédentaires et les nomades.
Pour avoir une certaine expérience sur le terrain avec les indiens d’Amérique, dont certaines tribus sont d’authentiques nomades, nous les sédentaires nous n’arrivons pas à comprendre cette absence d’ambition. Ceci n’est ni une question de vaillance et encore moins de paresse, car c’est un état d’esprit différent de nos fameuses notions de progrès. Au lieu de concevoir la vie à la verticale, eux c’est concentrique. Prenons par exemple la notion de possession, pour les indiens comme pour plusieurs peuplades dans le monde, la terre n’appartient à personne, car c’est l’homme qui appartient à la terre. Alors pourquoi élever des murs, des clôtures, des frontières? Ce qui change complètement cette vision du monde auquel les sédentaires sont attachés. Les civilisations sédentaires se sont retrouvées avec un dieu unique, différent mais unique; les nomades eux ont entretenu une riche mythologie ce qui débouche sur des récits fantastiques, très différents d’un dieu unique. Il ne serait jamais venu à l’esprit des nomades d’Amérique, de faire mourir un dieu sur une croix pour racheter une faute pas plus que de consommer le fruit défendu pour les chasser d’un paradis terrestre. Autrement dit pour clouer un homme sur une crois, il fallait déjà avoir un esprit tordu, ce qui fut le début de la philosophie. Il faut relire pour cela : Les aveux de la chair par Michel Foucault. Il décrit et analyse cette longue portion de l’histoire ancienne où nous avons puisé certaines idées, traditions, coutumes, pour façonner nos croyances modernes. Il appert, que dans ce monde antique, on avait commencé à édifier des murs depuis longtemps, mais qu’à cela ne tienne, certaines idées provenaient des nomades. Les Européens lorsqu’ils sont débarqués en Amérique, ont été surpris par les mœurs des autochtones. Ils en ont même été scandalisé. Tellement qu’ils ont voulu les convertir à la religion catholique, les faire entrer dans le monde judéo-chrétien; mais aucun indien n’a essayé de convertir les blancs aux mythes des manitous. Ce qui n’est pas surprenant. Les Européens avaient besoin des indiens pour survivre lorsqu’ils sont arrivés en Amérique, et même là, plusieurs tentatives de colonisations ont tourné à l’échec. Ce qui signifie que le nomade peut vivre dans n’importe quelles situations, aussi difficiles soient-elles; le sédentaire lorsqu’il est laissé à lui-même dans ce telles conditions, il est déjà dans la précarité, et des fois même dangereux pour lui-même. Je m’amuse à penser souvent, que serait devenu ces nomades s’ils avaient eu plus de temps d’évoluer dans le temps sans l’apport des Européens qui leur a été fatal? Quelle sorte de civilisation cela aurait donnée?

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Le Canada peut en effet donner des leçons utiles à beaucoup d'Européens de plus en plus tentés par l'extrême-droite, le "grand remplacement, la peur de l'immigration, le repli économique.

C'est la campagne présidentielle en ce moment en France et les idées développées sont effrayantes. A gauche, on abomine la mondialisation, on prône le repli sur le local, le fabriqué en France. A droite, on veut refouler les étrangers. Quant aux idées économiques, tous les candidats rivalisent d'ânerie et de démagogie.

Quant à la diversité des langues, elle est effectivement fascinante. S'agissant des langues slaves, leur simple translittération est problématique (surtout quand elles utilisent le cyrillique). Moi-même, je ne sais pas transcrire un nom russe par exemple. C'est toujours très approximatif. C'est au point que si un Français évoque à des Russes leurs grands écrivains, Dostoïevski, Tolstoï, Gogol par exemple, il ne sera pas compris immédiatement.

Quant à l'opposition nomades/civilisés, il me semble que le conservatisme des nomades, leur attachement absolu aux traditions, fait leur force, la garantie de leur stabilité, mais aussi leur extrême faiblesse dès qu'ils sont confrontés à des sociétés évolutives.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Avec ce qui se passe au Canada présentement, je pense que nous n’avons aucune leçon à donner à personne. Espérons que nous allons nous en sortir sans blessé et surtout sans décès. Si nous parvenons à ce résultat, nous aurons fait notre travail tout simplement. Il reste encore Ottawa à libérer. Qui plus est, on a trouvé des armes au barrage de Coutts en Alberta. Ce qui a provoqué la fin de ce barrage. Le pont Ambassador est ouvert, et le barrage d’Emerson au Manitoba a été démantelé.

Nous aussi nous avons notre extrême droite fatigante et aveugle. C’est gens-là, n’ont rien à proposer. Le convois de la liberté? C’est un oxymore. Tu ne peux pas t’affirmer pour la liberté en bloquant tout et en limitant la liberté dans le restant du pays! Pour l’heure il reste beaucoup choses à comprendre et à expliquer sur cette crise délibérément provoquée. J’espère, que la loi sur les mesures d’urgences éclairciront bien des sujets, comme le financement, la possession d’arme, l’organisation, les dirigeants de ce mouvement, et leurs buts ultimes.


Je reconnais que ce n’est pas très réjouissant ce qui se passe dans plusieurs pays. Il y a de ces gens qui vont tout faire pour provoquer des accidents afin que la situation politique, sociale et économique se détériore. Plus ça va mal, mieux c’est pour eux.

C’est particulièrement désolant en France avec cette campagne électorale. C’est tout ce que les électeurs ont a se mettre sous la dent? Mais où sont les hommes et les femmes d’État? Est-ce que la queue de la poêle est trop chaude? Il n’y a plus personne pour la retirer du feu. Est-ce que la politique serait devenue le royaume des médiocres?

Ici le Parti Conservateur a encouragé les manifestants et maintenant il n’appuiera pas le Gouvernement sur la loi des mesures d’urgences. Ce qui est désolant...

Il y a sans doute des personnes qui œuvrent présentement dans le privé, qui devraient se présenter comme candidats. Je ne parle pas seulement de la France, mais de tous ces pays qui voient ces mouvements où émerge une certaine racaille.

À suivre...

Merci Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Vos "hurluberlus" n'apparaissent pas très sympathiques : l'arrogance de la bêtise et de la haine. Avec des démocrates comme eux, on se prépare en effet des lendemains qui ne chanteront pas beaucoup.

C'est l'un des écueils des systèmes démocratiques qu'avait envisagés Tocqueville : l'exacerbation des jalousies à force de passion égalitaire. Chacun est sûr de son absolue légitimité. C'est le triomphe des petits "egos" boursoufflés.

Je manque de recul pour dire s'il y a, du moins en France, un affaiblissement du débat politique. Il semble en effet que la gauche ne fasse plus rêver. Probablement parce qu'en reprenant les interdits écolos, elle est perçue comme punitive et castratrice : plus de viande, plus d'avion, plus de voiture, plus de plastique, rien que des éoliennes, de la frugalité et de la décroissance. Et puis, ses leaders désignés sont très médiocres. Quant à la droite, elle est crispée sur les questions identitaires et de sécurité.

Et puis en France, le niveau d'inculture économique est sidérant et personne ne craint de développer les idées les plus démagogiques. On sait bien, par exemple, que la France est, parmi les pays développés, celui où, à l'échelle d'une semaine, d'une année, d'une vie, on travaille le moins. On connaît aujourd'hui les brillants résultats obtenus. Mais tous les candidats sont dans le déni et veulent aujourd'hui encore charger la barque.

Mais le pire n'est peut-être pas toujours certain.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla!
Si ce n’était que de l’exacerbation de la jalousie! Mais ce n’est pas cela, c’est beaucoup plus. Ces manifestants ont pris comme prétexte la vaccination obligatoire des camionneurs. Il faut rappeler que 90% des camionneurs transfrontaliers sont vaccinés au Canada, donc il n’en reste que 10% qui refusent cette obligation. Puis, ces camionneurs ont été inféodés par d’autre groupes plus violents, qui demandaient l’arrêt de toutes les mesures sanitaires, pour finalement voir des personnes qui s’en prenaient aux institutions démocratiques avec des propos comme : « le parlement ont ferme cela et tout va se régler par la force des armes, avec une balle dans la tête de Trudeau. » Si cela ne sont pas des propos violents, alors je ne m’appelle pas Richard St-Laurent. C’est une menace de mort directe et sérieuse passible de poursuites. C’est dans le code pénal. (Tu n’agit pas ainsi!) Et ces gens-là viennent nous parler de liberté, mais il faut se méfier de quel genre de liberté ils veulent imposer. Lorsque je vois ces manifestants, disposer leurs enfants, entre eux et les policiers pour faire bouclier, cela donne une idée de leur bravoure, à mes yeux il faut être manifestement lâche pour agir ainsi. C’est mettre ces enfants en danger.
Je suis outré par de tels comportements. Qui plus est, certains politiciens fédéraux en profitent pour se faire du capital politique en appuyant ces manifestants. Ces Conservateurs devraient se réveiller, ces gens d’extrême droite sont en train d’essayer de démolir les institutions démocratiques que ces mêmes débutés représentent. Là on nage dans l’absurdité totale. Le tout appuyé par des extrémistes violents qui veulent ardemment en démordre. Il n’y a aucune raison valable que ces événements regrettables se produisent au Canada. Aucune raison de mettre la hache dans nos institutions.
Notre réputation vient d’en manger un coup au niveau international. J’imagine le type qui est en train de regarder la télévision à l’étranger et qui voit ces images et qui se dit : C’est cela le Canada.
Je ne suis pas abonné à la honte, mais là je l’avoue, que j’ai honte.
Comment comprendre ce comportement de personnes éduqués, du moins qui sont allés à l’école, agir de la sorte. Cette inculture me désole au plus haut point. Comment peut-on plonger dans cette démagogie stupide? Je pensais que nous avions atteint un certain niveau dans ce pays qui avait laissé derrière lui des démagogies dépassées, ces idéologies qui ne mènent à rien, si non au désastre. Il faut écouter ces personnes qui se font passer pour les leaders de ces manifestants, qui ne sont en fait de compte que des figures de paille, des fantoches professionnels. Au bout de trois phrases, ils n’ont plus rien à dire. Bravo pour le débat d’idée. Ils n’ont pas la moindre idée comment fonctionne un vaccin. N’ont aucune notion de biologie. N’arrivent pas à comprendre un système économique, encore moins comment fonctionne une démocratie, et ils voudraient nous emprisonner dans leur ignorance...

« Les cons dangereux sont ceux qui exploitent ta connerie pour t’imposer la leur. »
San Antonio

Merci Carmilla et bonne nuit

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

La tendance générale est, en effet, de glorifier "le Peuple" et de proclamer qu'il a toujours raison. Mais on ne sait pas bien ce que recouvre cette notion très vague et je ne suis pas sûre qu'il ait toujours raison. Le Peuple, c'est tout de même associé aux pires moments de l'Histoire (le nazisme, les Bolcheviks, la Terreur).

La démocratie et les intellectuels sont-ils moins estimables que le Peuple ?

Le pire, en effet, c'est que les démagogues politiques emboîtent le pas et se plaisent à caresser le Peuple dans le sens du poil.

Bien à vous,

Carmilla