samedi 11 juin 2022

"Il faut humilier la Russie"


On a tendance à croire que  les peuples sont éclairés, que leurs opinions sont rationnelles. Qu'ils perçoivent tout de suite où se situent le Bien et le Mal. Qu'ils sont  pleins de compassion et de générosité et prennent naturellement parti pour les opprimés et les victimes.


Concernant la guerre russo-ukrainienne par exemple, elle est tellement dégueulasse, les faits sont à ce point aveuglants, qu'on est convaincus qu'elle suscite une réprobation unanime, que tout le monde condamne l'agresseur incontestable, animé du seul esprit de vengeance, et souhaite sa punition exemplaire. 


Dans la réalité vraie, c'est beaucoup moins évident. A l'échelle du monde, les condamnations de la Russie ne proviennent que des pays occidentaux et sont, en fait, minoritaires. La Chine, l'Inde, les pays du Golfe, le Moyen-Orient, l'Afrique, l'Amérique latine (Brésil, Argentine, Mexique) ou bien expriment leur soutien ou bien se réfugient dans une abstention qui vaut appui. En Turquie même, j'ai appris que la population ne désapprouvait la Russie qu'à hauteur de 38 %.

En règle générale, y compris en Europe (et notamment en France), on pointe la responsabilité première de l'OTAN (c'est-à-dire des USA). Ce serait lui le premier agresseur; peu importe qu'aucun élément ne vienne étayer cette ânerie.


Comment comprendre ce soutien au bourreau ? Jean Rostand donne une première clé : "On tue un homme, on est un assassin. On tue des milliers d'hommes, on est un conquérant. On les tue tous, on est Dieu".

Götterdämmerung", le crépuscule des dieux, c'est à ce drame de Richard Wagner qu'Hitler ne cessait de s'identifier et Poutine est exactement sur la même longueur d'onde. 

Et effectivement, la fascination pour Poutine peut s'expliquer comme ça :  porteur d'un messianisme slave, il apparaît, aux yeux de beaucoup, à mi-chemin du conquérant et de Dieu. Il remplirait une véritable mission spirituelle.

Le risque, c'est que même les dieux sont mortels. Parce que  le meilleur moyen de s'affirmer homme, c'est de tuer Dieu (Nietzsche). Et c'est d'ailleurs comme ça, au détour de ces différentes étapes, que se boucle la relation entre l'homme, le criminel et Dieu. 

Mais aujourd'hui, la mort du nouveau Dieu n'est pas à l'ordre du jour et il faut bien constater que l'indignation mondiale est tiède en regard des crimes commis par la Russie. On s'offusque même que Biden, ce gâteux, ait traité Poutine de boucher et ait exprimé le souhait de sa chute.

Le sommet de l'inconscience ou de la tétanie mentale (?), c'est Emmanuel Macron qui ne cesse de déclarer qu'"il ne faut pas humilier la Russie". Il avalise non seulement la rhétorique et la propagande poutiniennes d'une supposée humiliation de la Russie par l'Occident dans les années 90 (j'aimerais qu'on m'explique) mais surtout de tels propos (approuvés d'ailleurs par ses opposants Mélenchon et Le Pen) apparaissent fort peu judicieux. Dans le même temps, le général en chef russe précise, lui, qu'il ne faut pas se contenter de "nettoyer" les villes, comme on dit si joliment chez les militaires, mais qu'il faut les raser, ne pas laisser pierre sur pierre, c'est-à-dire les "effacer du visage de la terre". Et pour ce qui est de la population ukrainienne, on pratique sa déportation. Selon Moscou, près de 1,3 million d'Ukrainiens ont été emmenés vers la Russie.


Et, dans la foulée, le secrétaire d’État aux Affaires Européennes, Clément Beaune, ne craint pas, lui, d'humilier l'Ukraine en précisant que son adhésion à l'Europe prendra plusieurs décennies. Il n'a sans doute pas osé dire qu'il voyait plutôt ça au 22ème siècle. Et pourquoi est-ce si long ? Parce qu'il ne suffit pas d'exprimer une aspiration, une motivation, mais il faut préalablement satisfaire à un invraisemblable foutoir bureaucratique.


Des propos non seulement cyniques mais carrément immoraux. Il y a tout de même bien un agresseur avec des visées génocidaires et la France s'honorerait de prendre clairement position sur ce sujet plutôt que de s'empêtrer et se ridiculiser/humilier dans de basses manœuvres. La France voudrait en fait que la guerre s'arrête le plus vite possible sans qu'il y ait une défaite claire de la Russie. Mais c'est une position intenable. Ce serait récompenser l'agression armée et épargner le  coupable (la Russie) pour qu'il n'ait pas à supporter le poids et le remords de ses crimes et se sente exonéré de la nécessité de réparer ses méfaits. Quant à la victime (l'Ukraine), on souhaiterait qu'elle se montre modérée et avenante et peut-être même compréhensive, voire à se reconnaître des torts.

Cette étrange mansuétude envers les bourreaux me rappelle les propos de la psychanalyste Gabrielle Rubin  : "La justice la plus élémentaire voudrait que ce soient les coupables qui portent le poids de leurs fautes et que ce soit sur eux que s'abatte la punition méritée. Il n'en est rien et l'on peut aisément constater que, le plus souvent, les bourreaux vont très bien, tandis que leurs victimes ont une vie pleine de souffrances".


Cette attitude conciliante encourage surtout Poutine à poursuivre sereinement sa politique d'extermination puisqu'il comprend qu'il ne rencontrera pas une opposition trop forte de la part de l'Europe et qu'il pourra même être déclaré victorieux. Déjà, on donne presque raison à la Russie et on fait appel à des "experts" (Kissinger) pour conseiller à l'Ukraine d'abandonner des territoires, de céder le Donbass et la Crimée.  


Le problème, c'est que l'Ukraine refuse maintenant de rentrer dans cette logique folle qui exonère le bourreau. Les choses ont bien changé non seulement depuis 2014 mais, tout simplement, depuis le 24 février dernier. Initialement, l'Ukraine adoptait une position modérée pour aboutir rapidement à une paix négociée. Mais c'est maintenant terminé, cette soumission apeurée à l'envahisseur.

 

La population ukrainienne a en fait compris que l'immense souffrance des crimes et préjudices qu'elle a subis ne s'effacera pas en se montrant docile et gentil. Il faut un "retour à l'envoyeur", humilier la Russie à son tour. La vengeance a besoin de s'exercer pour que le vrai coupable subisse le légitime châtiment de sa faute. 



C'est la victoire qui devient l'objectif absolu de l'Ukraine et il s'agit, en la matière, d'une libération non seulement militaire mais surtout psychologique. Remettre la Russie à sa place et la punir, c'est indispensable non seulement à la paix des âmes en Ukraine mais aussi à la paix du monde. Une défaite de la Russie serait pour elle-même une chance, une occasion de se repenser en dehors de la grande mégalomanie qui a jusqu'alors marqué son Histoire.


La priorité tactique, ce ne sont donc pas les cuisines diplomatiques, pas très ragoûtantes, mais c'est la livraison des armes offensives lourdes dont ils ont besoin. Et sur ce point, la France se montre, là encore, très chichiteuse. Elle ne serait que le 11ème pays pour le montant de ses livraisons, très loin des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la Pologne et même l'Estonie. 

Mais ce qui risque le plus de faire obstacle à cette victoire, c'est qu'en fait beaucoup de pays, même s'ils ne l'avouent pas, ne souhaitent absolument pas une victoire de l'Ukraine: ça dérangerait trop l'ordre mondial établi et surtout les relations économiques avec un partenaire, la Russie, tout de même abondamment pourvu en matières premières. On veut pouvoir continuer à faire du "business as usual". Devoir traiter avec l'Ukraine, c'est tout de même moins intéressant.

Mais sur cette question, l'Europe vient de se fracturer. Dans toute l'Europe Centrale, Macron, Scholz et Draghi commencent à exaspérer. Ils font figure de sombres égoïstes insensibles. On les moque (y compris sur la télévision russe), on présente Macron accourant, fou de joie, quand on lui annonce un appel téléphonique de Poutine. On a même créé, en slave, un nouveau mot, le verbe "makronowac" (à partir du nom Macron) que je pourrais traduire par "parler de manière stérile et servile".


 Deux camps viennent de se constituer : 

- d'un côté, les Munichois, les représentants de la vieille Europe, l'Allemagne, l'Italie, la France. Les pétochards qui préfèrent et espèrent que rien ne change et qui souhaitent un arrêt des combats le plus rapide possible, quelles qu'en soient les conditions.

- de l'autre, la nouvelle Europe constituée par les Etats Baltes, la Pologne, la Slovaquie, la République Tchèque (appuyés par l'Angleterre); ces pays veulent œuvrer dans la perspective d'une défaite russe et envisagent donc une poursuite de la guerre avec des livraisons d'armes accrues à l'Ukraine.


Je me range, bien sûr, dans le second camp. Je ne pense pas que ça puisse aller jusqu'à une scission mais j'ai  appris avec intérêt que s'ébauchait en ce moment (compte tenu des innombrables obstacles opposés à l'Ukraine pour son adhésion à l'Europe) le projet d'une nouvelle association de pays européens rassemblant la Pologne, l'Ukraine, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la République tchèque, la Slovaquie. Cette association pourrait même être ultérieurement étendue à la Biélorussie.

Voilà un projet qui me plaît beaucoup et auquel j'aimerais même participer. Il irait, en fait, jusqu'à reconstituer, à peu de choses près et plus de deux siècles après sa disparition, l'ancien République des Deux Nations. Quelle formidable ironie/revanche de l'Histoire ce serait ! Parce qu'en fait la disparition de cette République, démocratiquement en avance, a été profondément injuste. Ça pourrait même être un nouveau point de chute pour moi.

Quant à la France, il serait temps qu'elle se rappelle qu'elle se prétend la patrie des Droits de l'Homme. "On ne peut pas réfléchir en des termes froidement géopolitiques. Il faut se souvenir que des dizaines de millions de personnes vivent dans la peur et que nos mots, nos silences résonneront encore longtemps là-bas, bien au-delà de la dernière séquence d'actualité". (Timothy Snyder).


Images, à Kyïv, de "Street Art" qui a explosé, ces derniers temps, dans la capitale ukrainienne. Est-ce beau, est-ce de l'Art ? A chacun d'en juger. Mais c'est indiscutablement émouvant et parlant.

Mes conseils de lecture :

- André MARKOWICZ : "Et si l'Ukraine libérait la Russie ?" Un petit texte très percutant du grand traducteur de la littérature russe. La défaite serait salvatrice pour la Russie, c'est également ma conviction.

- Un long interview, dans le journal "Le Monde" du vendredi 10 juin 2022, du grand historien américain Timothy SNYDER. Il est notamment l'auteur de l'ouvrage fondamental "Terres de sang" qui vient de bénéficier d'une réédition actualisée. On pourra également lire, du même Timothy Snyder, "Le prince rouge" (Gallimard 2013).

- Sylvie GERMAIN : "La puissance des ombres". Je n'avais jusqu'alors quasiment rien lu de Sylvie Germain, pourtant considérée comme un écrivain majeur. Son dernier livre m'a intéressée: au cœur des ténèbres humaines, "le désespoir n'exclut ni l'espérance ni la consolation".


19 commentaires:

Nuages a dit…

A voir comment évolue la guerre, avec un très lent grignotage du Donbass par la Russie, qui rase tout sur son passage, et la résistance opiniâtre de l'armée ukrainienne (on attend de voir l'impact des nouvelles livraisons d'armes par l'Occident), ça risque de durer longtemps : une effroyable guerre de positions, avec bombardements, destructions, guerre de tranchées, avec de lourdes pertes militaires et civiles.

A supposer même que l'Ukraine réussisse à reprendre les territoires conquis par la Russie depuis le 24 février, quid des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, quid de la Crimée ?

La haine est maintenant devenue durable entre l'Ukraine et la Russie. Ça mettra peut-être des décennies pour disparaître.

Pour ma part, je suis évidemment favorable à une entrée rapide de l'Ukraine dans l'UE, et à un statut de neutralité garantie par de grandes puissances (Etats-Unis, Allemagne, France, Royaume-Uni...).

D'autre part, je pense souvent à la place de la langue russe en Ukraine. Avant le conflit, une bonne partie de la population russophone du centre et de l'est avait une opinion plutôt favorable de la Russie. Aujourd'hui, c'est fini, tout l'Est russophone s'est dressé, lui aussi, contre l'invasion russe. Cette guerre a conduit à une sorte d'unification du peuple ukrainien, quelles que soient ses différences culturelles et linguistiques.

Il me semble important de dire que la langue russe ne devrait pas être considérée uniquement comme la langue de l'envahisseur, mais comme la langue maternelle d'une bonne partie des Ukrainiens. Et que, donc, dans une Ukraine restaurée dans son intégrité territoriale, elle ait sa place, toute sa place mais rien que sa place, aux côtés de la langue ukrainienne. Et qu'elle soit la deuxième langue officielle du pays, en tout cas dans la moitié orientale (ou méridionale) du pays. Parallèlement à cela, l'ukrainien devrait évidemment être enseigné dans toutes les écoles du pays.

Quant à la Biélorussie, je la vois mal échapper prochainement à la tutelle russe. Poutine a besoin de Loukachenko et Loukachenko a besoin de Poutine. C'est un peu ça qui serait arrivé si Poutine était arrivé à ses fins en Ukraine, dans la version 1 de son plan, quand il a tenté de prendre Kiev pour imposer un régime à sa botte : une Ukraine vassalisée, réduite au rang d'une deuxième Biélorussie.

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!
Nous y voilà. Nous ne pouvons plus fermer les yeux, ni détourner le regard, ça passe ou ça casse. Comment peut-on s’abreuver à la honte de cette imbuvable et confortable servitude? En tournant le dos pour vaquer à nos petites affaires, parce que l’on craint de souffrir, de manquer de pétrole, pour nous vautrer dans un luxe pernicieux? À ce niveau, cela ne mérite même plus le vocable d’égoïsme. Il va falloir descendre dans la fausse pour sortir le fumier. Autrement dit, il va falloir se salir les mains. Si nous voulons régler le problème, il faudra aller loin, descendre profondément, prendre des risques, si nous voulons un jour émerger à la surface pour ne pas perdre ce fond d’humanisme qui nous caractérise. Nous connaissons très bien l’agresseur, et j’ai froid dans le dos, lorsque j’entends ces propos diplomatiques qui nous inciteraient de quitter la table, ou le champ de bataille par la porte de côté. À jouer Ponce Pilate, en nous en lavant les mains, question de propreté nous repasserons, il serait difficile de nous regarder dans le miroir par la suite. Nous les occidentaux, nous avons pris des engagements envers l’Ukraine, mais pas seulement envers ce pays, mais aussi envers l’humanité, donc un engagement envers nous-mêmes. Et, on renierait notre engagement…? Lundi dernier c’était le 6 juin, comment oublier? Oui, le 6 juin 1944, c’était le débarquement sur les plages de Normandie. Nous avons intérêt à nous souvenir de ce moment historique. C’était le début de la libération de la France. Présentement les Ukrainiens sont en train de lutter pour les mêmes principes. En gros, la liberté, la démocratie, l’État de Droit, les voilà les principes qui requièrent toutes nos attentions, parce qu’ils ne sont jamais totalement acquis. Nos principes sont aussi fragiles que nos existences. Nous pouvons les remettre en question dans un processus où la démocratie permet un débat; mais il est inadmissible qu’un voisin vienne réduire en cendre ce que nous avons construit sous prétexte qu’il a déjà été humilié. Cet agresseur, s’est humilié lui-même parce qu’il avait un régime politique déficient et qu’il était incapable d’évoluer. Lorsqu’il regardait vers l’occident, il en bavait de rage et d’envie. La ressemblance est frappante avec les délires qui tenaient lieu d’idéologie dans IIIe Reich.

« Lorsqu’un groupe humain a besoin de héros, c’est qu’il est en difficulté et qu’il espère qu’un sauveur viendra le protéger. »
Boris Cyrulnik
Le laboureur et les mangeurs de vent
Liberté intérieure et confortable servitude
Page 165

Le paranoïaque et mythomane de Moscou semble très confortable dans son rôle de sauveur.

Carmilla vous avez bien choisi vos images, qui sont émouvantes, et que je qualifierais de grand art. C’est la beauté au milieu des ruines et des souffrances, beauté que nous avons présentement grandement besoin, afin de ne pas perdre notre humanisme. Peindre un visage de femme sur une vieille carcasse de tramway rouillé me touche. Tous ces visages et ses corps, nous indique, que la vie est toujours présente, que nous pouvons être déçu mais pas désespérer. Il va y avoir une vie après cette guerre, du moins je l’espère. Nous avons tellement besoin de beauté présentement.

Bonne fin de journée Carmilla.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Il faudra sans doute en effet plusieurs générations avant que les Ukrainiens puissent envisager des relations apaisées avec les Russes. Et cela, c'est terrible. Moi-même, je ne sais pas si, de ma vie, je remettrai, un jour, les pieds en Russie.

Comment va évoluer maintenant la guerre ? C'est tout à fait imprévisible. Un effondrement brutal de l'un des belligérants n'est pas non plus impossible. Quant à un conflit long, voire très long, il n'est soutenable, économiquement, par aucun des deux.

Ce qui est sûr, c'est que si les Ukrainiens étaient peut-être initialement disposés à quelques concessions en faveur de la paix, il n'en est aujourd'hui absolument plus question. La population a trop souffert, les atrocités ont été trop grandes. Le minimum maintenant exigé, c'est la restitution de tous les territoires, Crimée comprise.

Quant à la question linguistique, c'est une pure propagande de Moscou de prétendre que les russophones étaient persécutés. Plein d'Ukrainiens, (dont moi-même et, encore récemment, le Président Zelensky) parlent à peine l'ukrainien mais je puis vous assurer que ça n'a jamais posé aucun problème.

Et puis, il faut être sérieux. L'Ukrainien, ce n'est pas du chinois. C'est une langue intermédiaire entre le russe et le polonais. Quand vous connaissez l'une ou l'autre, c'est extrêmement facile de passer à l'ukrainien. On comprend d'emblée beaucoup de choses. L'effort réclamé est minime. Ça n'a rien à voir avec le flamand pour un wallon. J'en ai un peu marre de ces Russes qui ne veulent pas apprendre: dans les pays baltes, par exemple, très peu se sont mis, depuis plus de 30 ans, à la langue du pays.

C'est pour ça que je ne suis pas très favorable à ce que le russe soit reconnu comme langue officielle. Ça encouragerait la paresse naturelle.

Mais il semble que la guerre va de toute manière conduire à ce que l'ukrainien supplante rapidement le russe.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je souscris, bien sûr, à vos propos.

Il y a tout de même des valeurs, politiques et morales, avec les quelles on ne saurait transiger.

Dans le contexte actuel, les cuisines diplomatiques,cherchant à acheter une paix rapide ou à trouver une porte de sortie, apparaissent un peu écœurantes. Un peu de panache et d'enthousiasme, un peu de compassion, ne sont sans doute pas superflus. La perte d'influence de l'Occident est peut-liée à ce qu'il apparaît, trop souvent, un froid calculateur.

Et puis, il faut appeler un chat, un chat. Comparer par exemple Poutine à Hitler est jugé grossier et caricatural. Mais on retrouve bien chez Poutine les mêmes mécanismes : une humiliation initiale, la promotion de la spiritualité slave, jugée supérieure, la conquête des territoires naturels, l'éradication de ceux qui n'ont pas le droit d'exister etc...

Quant au "street Art", il connaît effectivement, en ce moment, un grand développement en Ukraine. C'est aussi un moyen de faire un peu rêver les gens dans un contexte effroyable où tous les musées sont fermés et les activités artistiques largement suspendues. C'est, en plus, un Art populaire, sans intellectualisme, qui touche et émeut tout le monde. On dit que l'Art moderne est mort, qu'il est coupé des foules. Et bien, peut-être pas, du moins en Ukraine...

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Je m'étonne un peu de ce que vous connaissiez peu l'ukrainien, alors que vous êtes originaire de Lviv. C'est sans doute un peu personnel comme question, mais je me souviens que vous parlez couramment le polonais. Cette langue était-elle encore pratiquée à Lviv ?

Toujours pour ce qui est de la langue, je ne parlais pas ici des prétendues persécutions des russophones, mais je voulais simplement dire que la langue russe fait aussi partie du patrimoine et de la culture ukrainiens. Un des principaux écrivains ukrainiens, Andreï Kourkov, n'est-il pas russophone ? La langue russe n'est pas seulement la langue de Poutine et de l'envahisseur, mais aussi la langue d'une grande culture. Comme l'allemand, qui n'est pas uniquement la langue de Hitler et des nazis.

La situation n'est évidemment pas tout à fait comparable, mais les Irlandais, dans leur grande majorité, parlent l'anglais sans être pour autant anglais ou britanniques.

Nuages a dit…

Par ailleurs, savez-vous que la saison 2 de la série "Serviteur du peuple" est visible sur le site d'Arte ?

https://www.arte.tv/fr/videos/108829-001-A/serviteur-du-peuple-saison-2-1-23/

En Belgique, pour des raisons de droit d'auteur probablement, elle n'est pas visible (on lit un message "cette vidéo n'est pas disponible dans votre pays".

J'ai pu quand même la voir, en souscrivant un abonnement à Netflix. C'est pas mal, mais quand même embrouillé et confus, et moins réussi à mon avis que la première saison.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

La raison est que j'ai peu vécu dans mon enfance à Lviv, le russe et le polonais m'ayant été transmis par mes parents. J'ai, en outre, été scolarisée en français.

Le polonais était et demeure très pratiqué à Lviv et dans tout l'Ouest de l'Ukraine. A Lviv, quasiment tout le monde le comprend au moins et, souvent, le parle. C'est en fait une 3ème langue que l'on évoque rarement. Sa diffusion a été accélérée par la réception de la télévision polonaise généralement appréciée. Et puis, l'ukrainien de l'Ouest est très proche du polonais.

Quant à l'ukrainien, je ne suis quand même pas nulle; disons que je suis limitée à un niveau pratique.

Andreï Kourkov est un Russe (de Saint-Pétersbourg)qui se sent ukrainien par adhésion politique. Il s'interroge toutefois aujourd'hui. Il ne sait pas s'il continuera d'écrire en russe parce qu'il s'est rendu compte que la langue russe était aussi un instrument de pouvoir.

Oui, je suis d'accord, la langue russe fait bien partie d'un patrimoine culturel. La reconnaître comme langue officielle, c'est une autre chose. Je suis vraiment dubitative.

Oui, j'ai bien la saison 2 de serviteur du peuple dans mon abonnement Orange. Je n'ai pas encore regardé. C'est quand même parfois un peu populiste. Il ne suffit pas de considérer que les politiques sont tous pourris pour moderniser le pays. Mais depuis son élection, Zelensky a beaucoup changé et évolué.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!


L’ancienne République des deux nations? Je n’y avais pas pensé? Est-ce possible? Et puis, tout projet commence souvent par un rêve? Pourquoi pas! Vous seriez capable de vous impliquer dans un tel projet? Y apporter votre collaboration? Vous avez une certaine vision de l’Europe, une bonne formation, qui plus est vous aimez la culture, vous êtes curieuse et réaliste. Si jamais vous vous engagez dans un tel projet, je serai très fier de vous. Comme le disait René Lévesque : ça pourrait être un beau risque. Je vous verrais très bien jouer un rôle dans ce projet. Peut-être que le destin est en train de vous tendre la main...qui sait? Comment vous voyez la chose? Comment on pourrait développé ce projet? L’Europe ne peut pas s’offrir une guerre à tous les trente ans! C’est probablement ce que j’ai lu de plus réaliste. N’oublions pas, nous sommes en guerre et en guerre tout est possible, le pire comme le meilleure, pour une fois qu’il y aurait du meilleure. Cela serait innovant et pourrait secouer les puces de la vieille Europe. Allez racontez-moi ce que vous ressentez à propos de ce sujet. Hier à la première lecture ce sujet n’a pas retenu mon attention, mais après une deuxième lecture, l’idée a commencé à faire son chemin. J’ignorais comment aborder l’affaire. Puis au fil d’une magnifique journée lumineuse, l’idée a fait son nid. Et, ce matin, ça me revient.

Ça pourrait peut-être changer la donne et éviter ce genre de cafouillage volontaire, que d’affirmer que c’est l’Ukraine qui est fautive. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut retourner une vérité pour en faire un mensonge. Est-ce de la diplomatie à la Lavrov? Il aurait embarqué Macron dans son wagon? Si c’est le cas, je serais très déçu de votre Président. D’autre part, peut-être que dans le milieu diplomatique européen, certaines entités craindraient une victoire de l’Ukraine. Ces propos-là n’ont pas été lancés en l’air pour rien. Est-ce que certain vont à la pêche?

Oui, je sais, nous en Amérique nous sommes les grands coupables de ce carnage. Combien de fois, nous vous avons sauvé l’Europe? Il faudra peut-être se souvenir… Nous ne sommes peut-être pas si méchants que cela!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Effectivement, il est assez ahurissant de constater qu'on reconnaît rarement le rôle des Etats-Unis et de toute l'Amérique du Nord dans le sauvetage de la paix et de la démocratie. On les perçoit plutôt comme des impérialistes.

Et puis, il y a ce mécanisme intellectuel fréquent par lequel on opère une bizarre transmutation : l'agresseur devient agressé et inversement. En France même, beaucoup de gens demeurent pro-Russes et imputent la responsabilité de la guerre à l'Otan.

Quant à Emmanuel Macron, le tollé déclenché par ses propos semble le conduire à évoluer. Nous verrons.

Quant à une future alliance de l'Ukraine avec d'autres pays d'Europe Centrale (Pologne et Etats Baltes en particulier), il y a effectivement une réflexion en cours. Mais personne n'ose parler de République des deux Nations, bien sûr. S'ils entendaient ça, Poutine et Lavrov feraient une attaque cardiaque et appuieraient, tout de suite, sur le bouton nucléaire.

La difficulté, c'est de déterminer comment on peut associer des pays appartenant à l'Europe à un pays qui n'en fait pas partie. Il y a quand même des solutions, je pense, économiques en particulier. Mais tant que la sécurité de l'Ukraine n'est pas garantie, ce projet n'est qu'un plan sur la comète.

Ca m'intéresserait d'y travailler bien sûr mais il y a quand même beaucoup de gens plus qualifiés que moi en la matière.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Il était une fois...


Pas de fausse modestie avec moi, d’après ce que je lis de vous, vous valez bien ces grands spécialistes de la géopolitique internationale, qui plus est, vous connaissez non seulement ces peuples, mais aussi, vous les sentez, ce n’est pas juste une question de formation, de grandes écoles, c’est un espèce de doigté que vous possédez, vous avez cela en vous, c’est dans votre personnalité. Vous avez une vision et vous être capable de faire la différence entre négocier et sur des grands principes vous êtes capables de faire la part des choses, ce qui vous amène à débattre. Je me rappelle lorsque nous débattions sur Piketty, j’en conserve un bon souvenir, vous ne m’avez pas fait de cadeau et moi non plus, mais c’était un bon débat intéressant. Si un comédien est devenu un Président d’une nation en guerre, vous êtes capables de moucher quelques Lavrov. Reste l’engagement, ce qui serait peut-être le point le plus difficile. Vous avez une vie agréable au coeur d’une grande ville du monde, qu’il faudrait peut-être quitter, ce qui serait un sacrifice. Mais, c’est une décision qui vous regarde. L’engagement politique ou diplomatique, c’est à mes yeux quelque chose d’extrêmement sérieux. Certains sont choisis, d’autres sont appelés, peut-être qu’il vaut mieux être choisie, mais comment dire non lorsqu’on est appelé? Voilà tout le dilemme. Vous êtes capables de tracer et comprendre le portrait économique d’une entreprise, un pays c’est juste un peu plus grosse, l’équation est plus longue, mais sur le fond cela se ressemble. Qui plus est, vous avez la capacité d’évoluer sur une idée. Des fois, juste pour le plaisir, je relis un de vos vieux textes au début de ce blog, on sent que vous avez rudement évoluée, et vous aller évoluer encore. Il y a bien des élus présentement en France comme ailleurs en Europe qui sont loin d’avoir vos compétences et pourtant ils sont élus, ils font de la politique. Il ne faut pas attendre tout des spécialistes. Ils ont une part du jeu à jouer, mais pas tout le jeu. Nous sommes tous des humains avec nos défauts et nos qualités, et s’engager c’est prendre des risques de réussir, ou de tout rater. Mais, que serait ce monde sans engagement? Et, sans doute, vous pourriez me rétorquer avec raison : « Il se mêle de quoi le St-Laurent! » Que voulez-vous, moi aussi j’ai une certaine idée du monde, et des fois c’est trop fort, il faut que ça sorte.

Sans fausse modestie

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il faut avoir une juste évaluation de ses capacités. La plupart des gens ont tendance à se surestimer emportés par leur haute opinion d'eux-mêmes. Je veille à limiter, le plus possible, ce défaut chez moi.

Je reconnais donc qu'en effet je connais sans doute mieux que la plupart des Français l'histoire et la culture de toute l'Europe Centrale (disons depuis Tachkent jusqu'à Cologne via Kyïv et Varsovie). J'y ajouterai l'Iran. Mais est-ce que ça n'est pas normal ? Je me sens quand même moins Française que Slave ou Galicienne.

A l'inverse, je suis beaucoup plus limitée et on peut m'en remontrer concernant des pays comme la France (même si je m'intéresse à sa littérature), la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l'Espagne etc...Je ne me sens pas de légitimité pour en parler.

Et puis, il ne faut pas oublier que ma vraie spécialité, ce sont les chiffres, la finance, la gestion, l'histoire économique. J'aimerais bien quelquefois parler de ça mais je pense que je ferais fuir tout le monde, vous compris. Quant au Droit, aux organisations administratives, ça me barbe un peu.

Je sais de toute manière qu'on ne parvient pas à planifier une caractère professionnelle. Ce sont des opportunités que vous n'aviez pas envisagées qui la tracent pour vous. Je laisse donc le hasard décider pour moi.

Quant à ma vie actuelle, je ne vais bien sûr pas dire qu'elle est désagréable mais elle réclame de ne pas avoir besoin de trop longues heures de sommeil.

Je ne m'offusque enfin nullement de vos conseils pleins de bonnes intentions.

Bien cordialement,

Carmilla


Nuages a dit…

Sur un autre sujet (encore que...), bonne nouvelle hier soir aux législatives : la députée ex-LREM Martine Wonner, devenue une passionaria anti-vax, covidosceptique, aux propos souvent hystériques en plus d'être faux, a été balayée dans sa circonscription du Bas-Rhin, avec seulement 5 % des voix.

Richard a dit…

Bonjour Carmilla
C’est quand même pas banal, entre Tachkent et Cologne ça représente 6,000km de distance, c’est le quart de la circonférence de la terre. C’est beaucoup de peuples, de pays, de terres, de manières de vivre, d’histoires. N’est-ce pas fabuleux! Il y aurait de quoi voyager pendant toute sa vie, qu’on n’en n’aurait pas fait le tour. La prochaine fois qu’une personne vous demandera où vous habitez, répondez-lui : Entre Tachkent et Cologne. Ça pourrait être une bonne plaisanterie. Mais, farce à part, dans votre esprit vous êtes souvent entre Tachkent et Cologne. C’est une somme de connaissances à considérer. Vous n’avez pas à rougir de ne pas connaître l’Amérique du Nord, les Britanniques, les Espagnols, et les Québecois. Vous vous sentez Slave et c’est tes bien ainsi, et j’ai la chance de communiquer avec vous pour en apprendre un peu plus sur ces terres que je connais si peu. Ça vous fait un bon bagage de connaissances. Ça vous amène à vous interroger sur ce qui se passe sur ces vastes espaces.
Hier soir j’ai commencé la lecture de : Je ne connais rien de la Corée par Arthur Dreyfus. Il aura fallu que je m’arrache à ce livre vraiment intéressant sur la Corée pour aller me coucher. Dépaysement total entre la Chine, Le Japon, La Russie. Il y a quelque chose de furieusement mystérieux sur la vie que mène les gens qui frise des fois la démence. Il m’impressionne de plus en plus ce Dreyfus.
Il faut souligner que je venais de terminer la lecture : Le sexe et l’effroi par Pascal Quignard, qui vadrouille dans l’univers sexuel des Grecs et des Romains, pour pratiquement parvenir au puritanisme d’aujourd’hui. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est comment ces deux civilisations ont évolué de manière sexuelle. Nous pourrions dire que les Romain ont perdu leur Empire lorsqu’ils ont cessé de baiser. On peut compter sur Quignard pour ses regards très singuliers. Finalement ça dépasse le sexe et ça va dans plusieurs directions. Personnellement lire Quignard c’est toujours intéressant, j’aime bien.
En même temps je suis dans L’Évolution créatrice d’Henri Bergson, que j’ai toujours redouté de lire, ce printemps j’ai lu un extrait de cet ouvrage, c’est étrange, je m’y suis retrouvé. Quelle style d’écriture! C’est limpide, ça vous enveloppe, et c’est d’une lucidité à toute épreuve. Loin d’être dépassé Bergson.
Et puis, comme un provocation, une réédition de Mordecai Richler qui porte un titre très étrange : Fils d’un tout petit héros. Richler, c’est une grande gueule, très critique de la société québécoise mais aussi canadienne. D’origine Juive, il est parvenu à se faire détester, autant par les anglophones et les francophones, et encore plus par son propre milieu Juif. Pas reposant Richler, mais tellement pertinent.
Une belle découverte pour terminer cette petite tournée littéraire, Nancy Huston avec Reine du réel, lettre à Grisélidis Réal. J’ai été incapable de le refermer avant d’avoir atteint la dernière page. Cette lettre qui trace en parallèle de la vie de Huston et celle de Réal. Ce que les femmes doivent endurer pour être femme. Huston donne toujours à réfléchir. Si mes souvenirs sont bons vous avez déjà toucher ce personnage de Grisélidis dans votre blog.
Disons que tout cela nous ramène entre Tachkent et Cologne, ou entre Montréal et Schefferville comme dans un grand tour d’humanité!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je n'avais pas noté. Voilà en effet une défaite qui fait plaisir.

Mais les anti-vax demeurent nombreux en France et ils alimentent l'électorat extrémiste (Mélenchon, Le Pen).

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je me rends compte que ça peut, en effet, sembler un peu prétentieux d'évoquer Tachkent et Cologne.

Mais ce qui est sûr, c'est que le rapport à l'espace n'est pas du tout le même pour un Européen de l'Ouest ou pour un ancien citoyen de l'ex URSS. Tachkent fait partie de mon cadre géographique et ne m'apparaît pas une destination lointaine. Mais mon "bagage de connaissances", il est limité, circonscrit, à ces régions du monde. (Je vous conseille, d'ailleurs, d'aller un jour, en Ouzbekistan, en évitant toutefois, peut-être les séjours trop organisés).

Et puis, dans le Grand Est, l'immensité, ça a une véritable signification. Mais c'est à nuancer parce que l'on peut y parcourir des centaines de kilomètres sans qu'il y ait grand chose à visiter. Les paysages sont souvent d'une désolante monotonie. En revanche, en Europe de l'Ouest, il y a une multitude de choses intéressantes à découvrir sur de petites distances.

Le livre d'Arthur Dreyfus sur la Corée est effectivement très bon, très drôle. En outre, j'ai eu la chance d'aller en Corée et je peux confirmer qu'il est également très pertinent.

Le livre de Pascal Quignard, "le sexe et l'effroi", développe, en effet, une thèse très intéressante et novatrice que l'on retrouve chez Jean-Claude Guillebaud ("La tyrannie du plaisir").

J'ai bien sûr lu le livre de Nancy Huston, stimulant comme toujours, mais je ne crois pas en avoir parlé.

Bergson, je confesse, en revanche, n'avoir rien lu. Il a connu une certaine traversée du désert en France mais je crois qu'on le redécouvre un peu. En tous cas, on trouve ses livres sans difficultés.

Je prends enfin bonne note de Mordecai Richler.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

« Si j’ai appris quelque chose c’est que la durée du voyage n’a guère d’importance. On peut partir avant de partir et rentrer sans rentrer. 
Le temps sur place est une excuse. »

Arthur Dreyfus
Je ne sais rien de la Corée
Page 248

Comment ne pas me reconnaître dans de tels propos?

C’est la meilleure réflexion de ce livre, qui n’en manque pas!


« Quand Hannah Arendt a employé l’expression, (banalité du mal), elle aurait probablement dû employer le mot ( alexithymie ). Mais, il n’existait pas en 1966. Ce néologiste a été créé en 1972 par Peter E. Sifneos et John C. Nemiah en référence grec : a (privatif), lexis (mot), et thymos (humeur, sentiment pour désigner une capacité à mettre en mots un sentiment »

Boris Cyrulnik
Le laboureur et les mangeurs de vent
Liberté intérieure et confortable servitude
Page 115

Tant qu’à faire dans les nouvelles expressions aussi bien y aller à fond de train. J’ignorais que Macron avait un nouveau nom : Makronowac. Les français réagissent comment face à ce nouveau vocable? Je ne sais pas, mais on dirait un espèce de mépris.

« Vienne était multiculturelle avec ses Polonais, ses Allemands, ses Hongrois, ses Italiens et ses Juifs heureux et fiers d’appartenir à toutes ces cultures. Klimt en 1901 enchantait la peinture avec ses couleurs vives et son graphisme étrange. La musique de Schönberg prenait place auprès de Haydn, Mozart, Beethoven, et Liszt. Et surtout, Freud et Stefan Zweig se trouvaient en situation d’innovateurs. Depuis 1880, les pogroms de Russie avaient chassé à Vienne des Juifs étrangers qui côtoyaient ceux qui, totalement assimilés, se sentaient autrichiens. »

Boris Cyrulnik
Le laboureur et les mangeurs de vent
Liberté intérieure et confortable servitude
Page 33 et 34

C’est une époque que vous évoquez souvent, cette Vienne des belles années, de la douceur, et de la connaissance, de la liberté et de toutes les possibilités. Ce qui me rappelle ce merveilleux livre de Stefan Zweig : Le monde d’hier : souvenir d’un Européen.

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je nuancerais les propos d'Arthur Dreyfus.

Certes, c'est l'acuité d'esprit, la curiosité, qui sont essentiels dans un voyage.

Attention cependant aux regards rapides. Je pense quand même que pour commencer à comprendre un pays, il faut l'étudier longuement et y séjourner durablement. J'ai surtout éprouvé cela en allant à plusieurs reprises au Japon. Les premières fois, je n'y ai rien compris ou simplement des choses insignifiantes. Je ne suis pas sûre d'avoir vraiment compris aujourd'hui mais je me sens moins idiote. Et puis, de toute façon, qu'est-ce qu'on peut comprendre d'un pays quand on n'en connaît pas la langue ?

S'agissant du nouveau mot "makronowac" (qui est un verbe), je me suis mal fait comprendre. Ce n'est pas en français qu'on l'utilise. C'est du polono-ukrainien. Là-bas en effet, Macron irrite de même que qu'Olaf Scholz. En France, on ignore cela et peu de gens s'offusquent que Macron entretienne un contact avec Poutine (la France demeure russophile).

Stefan Zweig était bien sûr un éminent représentant de la modernité austro-hongroise. Un écrivain certes parfois inégal mais dont les points de vue étaient toujours pertinents.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Bonjour Carmilla,

Et voilà, j'ai regardé les saisons 2 et 3 de la série "Serviteur du peuple". Pour la saison 2, je conseille de ne voir que la version condensée : ils en ont fait un long-métrage d'une heure et demie, qui est beaucoup plus clair que l'accumulation des 23 épisodes, souvent confus et embrouillés.

La saison 3, trois épisodes d'une heure environ, est nettement meilleure, et souvent très drôle, très imaginative.

C'est toujours vertigineux de savoir que cet acteur potache, héros d'une série de politique-fiction débridée, est maintenant président de la République, et que, après des débuts assez décevants, ils s'est révélé à la faveur de la guerre d'invasion russe.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Vos conseils sont bienvenus car je n'ai pas encore commencé à regarder les saisons 2 et 3. Il faut dire que, sur ce point, je n'épouse pas du tout l'esprit du temps et que j'ai du mal avec les séries en général. Leur succès m'étonne car je trouve ça, le plus souvent (mais pas toujours), paresseux, bavard et ennuyeux à la longue.

Mais il est vrai que c'est aussi une opportunité de mieux connaître le personnage de Zelensky dont le destin est tellement fascinant. Je suis chacun de ses discours; tous sont remarquables, très bien pesés.

Ce qui, personnellement, m'interroge, c'est qu'il a vécu, toute sa jeunesse, à Kryvyï Rih. Une ville plus laide, plus sinistre, plus déprimante, je ne sais pas si ça existe. On n'a qu'une envie, c'est la quitter. C'est peut-être ce qui a imprimé son destin.

Bien à vous,

Carmilla