samedi 18 juin 2022

Ma sorcière bien-aimée


J'ai déjà évoqué ma période "gothique", cette époque durant laquelle, adolescente-étudiante, je me trimballais, chaussée de Docs Martens, vêtue de longues jupes noires et de chemisiers-dentelle, arborant plein de bijoux argent (croix et pointes), le tout exalté par un visage effrayant, craie et khôl. Je trouvais ça classe alors que c'était une vraie horreur mais c'est sûr que ça faisait son effet et que je ne passais pas inaperçue. C'était mon petit trip mental, je me vivais absolument différente, en Maudite, côtoyant les forces diaboliques et du Mal. Ça désespérait bien sûr ma mère mais comme ma sœur était encore plus folle que moi, elle me fichait la paix..

 C'était puéril, bien sûr, je déraillais complétement mais je ne renie pas du tout cette période de mon existence. Délirer, dérailler un peu dans sa jeunesse, je crois que c'est très formateur. Qu'est-ce qu'on peut penser, en effet, d'un ado complétement docile, d'un conformisme absolu, un petit-bourgeois avant l'heure ? On peut douter de ses futures capacités créatrices.


Le monde m'apparaissait alors une vaste comédie sociale mais je me voyais mal endosser un rôle sur la scène de ce grand théâtre. Et puis, quand on est étudiante, c'est la période des initiations sexuelles et on ne veut surtout pas passer pour une cruche en la matière. On se proclame donc anti-conformiste et on joue à fond la carte de la séductrice, de celle qui est expérimentée, sans tabous, entreprenante.


C'est bien sûr à cette époque que j'avais commencé à m'intéresser aux vampires. Mais pas seulement. J'avais aussi découvert la figure apparentée de la sorcière. C'est le magnifique bouquin de Jules Michelet, peut-être moins un livre d'histoire qu'un manifeste féministe, qui m'avait interrogée. Si j'avais vécu à leur époque, n'aurais-je pas été moi-même une sorcière ? C'était quand même plus intéressant que d'être l'épouse d'un paysan qui vous faisait trimer sans cesse, vous battait comme plâtre et n'arrêtait pas de vous engrosser.

 
Être sorcière, c'était à peu près la seule possibilité pour une femme du peuple de jouir d'une vie autonome. Dans l'imaginaire collectif, on les voit généralement comme de vieilles femmes hideuses et méchantes, affublées d'un grand nez crochu (ce nez crochu qui, à cette époque, est également attribué aux Juifs et aux hérétiques). 

 
En réalité, les sorcières étaient des femmes de tous âges qui exerçaient, généralement, des métiers de guérisseuses et de sages-femmes. Elles avaient en outre recours à toute une pharmacopée de leur cru faite de plantes médicinales et onguents. Pour une population rurale, ces femmes-guérisseuses, ces sorcières, étaient généralement le seul recours pour se soigner. Mais c'est une situation périlleuse car vos malades ont tôt fait de percevoir le remède comme un poison et le soin comme un assassinat.
 

Ces sorcières, ces femmes indépendantes, relativement éduquées et détentrices d'un pouvoir de vie et de mort, ont donc d'emblée suscité une certaine méfiance, surtout chez les représentants de l’Église et de l’État. On leur prête rapidement des pouvoirs maléfiques, on les associe au Malin, à la figure du Diable. Elles sont Satan médecin. On leur prête des mœurs débauchées, se livrant à des orgies nocturnes criminelles ("le sabbat des sorcières"). 
 

C'est à partir de là que va débuter leur persécution. Contrairement à l'opinion commune, ce n'est pas au Moyen-Âge que les chasses aux sorcières seront les plus intenses mais à la Renaissance, au XVIème et XVIIème siècle. Ça n'est donc pas si vieux que ça. Ça n'a pris fin qu'au début du siècle des Lumières.
 
 
Elles mettraient en péril la religion, les mœurs et le pouvoir royal, elles seraient des servantes de l'Antéchrist. Les sorcières sont alors jugées devant les tribunaux de l'Inquisition puis de la Réforme. 
 

On les tond d'abord, la chevelure étant supposée concentrer le pouvoir des femmes. Puis on les soumet à la torture. Les méthodes étaient pour le moins étonnantes. On les piquait d'abord pour repérer sur leur corps les marques du Diable (grain de beauté, tâche de naissance) et surtout pour voir si elles saignaient bien (si ce n'était pas le cas, la femme était reconnue coupable).


Puis, on jetait la sorcière toute nue à l'eau, pieds et mains attachés. Si elle se noyait, c'était regrettable mais elle était innocente. Elle rejoindrait du moins le Royaume des Cieux. Si, au contraire, elle flottait, c'était la preuve qu'elle était bien une sorcière, celle-ci étant être supposée être très légère, plus légère que l'eau. On la repêchait alors et on la conduisait tout de suite au bûcher.


Ça me fait un peu frémir parce que, pour ce qui me concerne, la perte de mes beaux cheveux serait déjà un choc. Ensuite, si je saigne normalement, la seconde torture me serait fatale : compte tenu de mon poids et de mes qualités de nageuse, je flotterais sûrement. Et quant à terminer comme un rôti...


Le nombre des victimes de ces procès est bien sûr difficile à déterminer aujourd'hui, le militantisme le disputant souvent au sexisme. Les Historiens s'accordent cependant, à peu près, à penser qu'il y aurait eu environ 100 000 condamnations pour crimes de sorcellerie aux 16ème et 17ème siècles. C'est effectivement un chiffre élevé en regard de la population de l'Europe à cette époque : environ 80 millions d'habitants, Russie comprise.


Ça n'est pas non plus une extermination de masse mais ce n'est peut-être pas la vraie question. L'histoire des sorcières et de leurs procès dit en fait quelque chose sur une société, sur sa constitution et son fonctionnement.
 

Je disais que la société était un grand théâtre sur la scène duquel chacun joue un rôle avec plus ou moins d'application. Mais ce théâtre a aussi ses coulisses qu'il occulte soigneusement et auquel les spectateurs n'ont surtout pas accès. Le théâtre, c'est en fait une expression, parmi d'autres, de l'ordre social qui se construit en mettant à l'écart ses "déviants".
 

Ces déviants, c'étaient, au Moyen-Âge et à la Renaissance, les Juifs (qui commettaient le crime d'usure), les hérétiques, les lépreux et  les sorcières. Et puis s'ajouteront les vagabonds, les bandits, les fous...


Une société est en lutte perpétuelle contre l'anarchie qui la mine, elle combat inlassablement sa propre décomposition.  Les sorcières étaient, jadis, porteuses de subversion : des criminelles, des suppôts de Satan, à la sexualité débridée. C'est ainsi qu'elles ont hanté l'imaginaire européen jusqu'à l'approche du Siècle des Lumières. 


Mais aujourd'hui, on assiste à un énorme bouleversement. Ce sont maintenant les Femmes dans leur ensemble qui portent et incarnent la Révolution en cours. Il ne faut  d'ailleurs pas craindre d'oser le dire : la révolution féministe prend la suite de la Révolution française (Philippe Sollers) et elle vaincra forcément. Le pouvoir politique n'a, en effet, plus la capacité de régler les problèmes en réprimant et exerçant la violence. L'état insurrectionnel durera peut-être encore longtemps et il y aura évidement beaucoup de dégâts collatéraux avec des éruptions plus ou moins violentes, mais, au final, la révolution féministe vaincra.  
 

D'ores et déjà, on peut considérer que les jeux de l'amour, le désir à l'ancienne, l'hétérosexualité, c'est fini/terminé. Les femmes n'ont plus besoin d'un mari, d'un homme, pour procréer. Et souhaitent-elles d'ailleurs enfanter ? On mesure encore mal la révolution anthropologique introduite par la contraception, l'avortement, la PMA, bref la maîtrise du corps féminin. La possibilité de vivre en autarcie, sans partenaire, de se reproduire sans sexualité, c'est un nouvel horizon vertigineux. Les femmes ont aujourd'hui la maîtrise de la vie et par conséquent de la mort.
 
 
 
Ça ne signifie d'ailleurs pas qu'on s'achemine obligatoirement vers une ère de félicité. On peut redouter une nouvelle normalité, celle de l'effacement du Désir, ce désir qui a alimenté l'imaginaire érotique et amoureux au cours de ces derniers siècles. Comment vivre sans ça ? Déjà, s'affiche le contre-désir et se met en place une police de l'intimidation. Mais à quoi bon s'en affliger ? C'est une évolution inéluctable mais qui ne nous empêchera pas de continuer à rêver des sorcières.


Tableaux de Aksel Waldemar JOHANNESSEN (1880-1922), John William WATERHOUSE (1849-1917), Francisco de GOYA (1746-1828), Jean DELVILLE (1867-1953)

 
Mes recommandations de lecture :
 
- Jules MICHELET : "La sorcière". A mes yeux, l'un des grands bouquins de la littérature française du 19ème siècle. Il faut absolument l'avoir lu.
 
- Colette ARNOUD : "Histoire de la sorcellerie". L'histoire de la sorcellerie de l'Antiquité au 20ème siècle. Et surtout quelques questions essentielles : la place des femmes dans la société, la tolérance ou la fascination pour le Mal ou la violence.

- Carlo GINZBURG : "Le sabbat des sorcières". Un livre éblouissant du grand historien italien qui renverse les perspectives en mettant au jour une culture chamanique. Ce livre, déjà ancien, vient d'être réédité en poche.

9 commentaires:

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla!

«Le pouvoir politique n'a, en effet, plus la capacité de régler les problèmes en réprimant et exerçant la violence. L'état insurrectionnel durera peut-être encore longtemps et il y aura évidement beaucoup de dégâts collatéraux avec des éruptions plus ou moins violentes, mais, au final, la révolution féministe vaincra.»

Le pouvoir politique est un poison. Il est tout d’abord grisant, puis addictif, pour se transformer en poison violent, si on n’y prend pas garde. Il ne faut pas rester trop longtemps au pouvoir. Ce que vous évoquez dans votre texte, sur le fond, c’est une question de pouvoir, le reste, se sont des prétextes pour assurer le pouvoir. Que se soit pour les monarchies où les religions, c’est la même chose, protéger son pouvoir même s’il faut torturer ou massacrer. Rien de tel que de se créer des ennemis, et puis toute cette violence potentielle c’est un magnifique épouvantail pour semer la peur dans la plèbe. Sujet que creuse Boris Cyrulnik dans son dernier ouvrage : Le laboureur et les mangeurs de vent, et pour ceux qui sont incapables de sentir Cyrulnik, je puis vous renvoyer à : Discours de la servitude volontaire de : La Boétie. Vous remarquerez qu’il y a un espace temps assez considérable entre ces deux auteurs, mais encore une fois il faut en convenir que la servitude, cela s’installe et s’entretient. Cette servitude n’est pas toujours consciente et volontaire. Nous n’avons peut-être pas autant évolué qu’on ne le pense. Pas sûr que face à la réalité actuelle, au final, la révolution féministe vaincra. Je me garderais une petite gêne à ce sujet. Certes, elles ont fait des progrès, en contrôlant leur fécondité, ce fut une avancée remarquable. Pourtant, tout n’est pas joué. Qu’est-ce que nous avons entendu et lu au cours de cette période trouble de la pandémie, de cette guerre, et maintenant de l’inflation et d’une possible crise économique? Les femmes se plaignent qu’elles n’ont pas assez de pouvoir. Pas assez de pouvoir dans la représentation politique, autant au municipale, qu’au provincial, et encore moins dans les lignes majeures fédérales ou nationales. Elles déplorent leurs absences des conseils d’administrations d’entreprises. Elles hurlent encore devant les plafonds de verre. Les féministes rêvent d’une chose, et n’en déplaise, tout comme les hommes, elles rêvent de pouvoir et pour certaines, pourquoi pas de vengeance. Vous avez raison lorsque vous évoquez que ces sorcières avaient un certain pouvoir à cause de leur position, mais surtout et souvent à cause de leur habileté, parce qu’il n’y avait personne dans les campagnes pour soigner les gens, aider aux accouchements, remettre les os en place. Certaines développaient des habilités peu communes. C’étaient des cliniciennes sur le terrain. Si elles parvenaient à une certaine notoriété ça pouvait indisposer les autorités ecclésiastiques. Alors on pouvait invoquer n’importe le quel prétexte pour les faire disparaître. Entre les croyances et les superstitions la ligne était et demeure très mince. Cette superstition existe encore aujourd’hui. Combien de personnes, et surtout des femmes, consultent des guérisseurs ou guérisseuses, des oracles ou encore des cartomanciennes. Souvenons-nous, il y a pas si longtemps, ces personnes qui criaient au complot pour refuser les vaccins. Ce qui nous a valu l’hiver des camionneurs qui ont occupé avec leurs femmes, la colline parlementaire à Ottawa. Que de propos nous avons entendus! Nous sommes peut-être encore loin d’une véritable révolution féministe. Comment une femme comme : Hiledegarde de Bingen, que je considère comme un esprit universel, a pu sauver sa tête? Et, que dire du parcours de Delphine Horvilleur pour devenir la première femme rabbine en France? Pourquoi Hildegarde est devenue une sainte? Mais qu’elle aurait pu être aussi une sorcière? Delphine Horvilleur aurait pu être aussi une sorcière.

Merci pour votre texte Carmilla et bonne nuit!

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

On assiste, en ce moment, à un bouleversement des mentalités que, faute de recul suffisant, on a souvent du mal à analyser.

S'agissant du féminisme, il y a une revendication égalitariste parfaitement légitime. C'est vrai qu'il y a une domination, en quelque sorte structurelle, de l'homme sur la femme et cela c'est à repenser complétement. Que, dans ce cadre, beaucoup de femmes souhaitent exercer, elles aussi, un pouvoir, qu'elles soient même éventuellement redoutables en la matière (une "affreuse" vaut, hélas, bien un affreux même si j'ai tendance à penser que les femmes sont quand même plus compatissantes, moins odieuses) je n'y vois pas non plus d'objection. C'est la logique impitoyable et cruelle des hiérarchies sociales et professionnelles. Il y a tout de même une barrière à cet appétit de certaines femmes pour le pouvoir : elles ne parviendront jamais à en détenir un monopole.

Ce qui m'interroge davantage, c'est que la revendication égalitaire s'accompagne aujourd'hui souvent d'une remise en cause de la sexualité traditionnelle, hétérosexuelle, et des relations de désir et d'amour entre les sexes. Il est frappant de constater que le féminisme s'associe de plus en plus à la question transgenre. Et l'idéologie transgenre, tellement moderne aujourd'hui, c'est tout de même bien la promotion d'un nouveau narcissisme reposant sur la négation de la différence des sexes et l'effacement du désir.

Et cet effacement du désir, c'est, incontestablement, un nouveau puritanisme dont on perçoit d'ores et déjà les effets. Ce qu'on présente comme une grande révolution des mœurs risque fort de se révéler sombre et sinistre à maints égards.

En ce sens, on est donc bien loin, en effet, des sorcières qui incarnaient un envers du christianisme en ressuscitant le monde chamanique. Mais tracer de nouveaux chemins est effectivement périlleux. Quant à Delphine Horvilleur, je pense en effet qu'elle n'aurait pas été prise très au sérieux, voire carrément rejetée, il y a seulement quelques années.

Bien à vous,

Carmilla


Richard a dit…

Bonsoir Carmilla!

Nous assistons présentement au plaisir du désir sans plaisir. Ce plaisir ne serait pas au niveau du désir. Selon nos valeurs modernes, ils ne seraient pas équivalents. D’où une déception permanente, ce qui pourrait expliquer en partie cette désolation qui perdure et qui pousserait les féministes à chercher des alliés en autre dans le transgenre. Remarquez bien que c’est une vision tout à fait personnelle d’un bouseux de fond de campagne. Nous avons du mal et avons mal à nos plaisirs, parce que nous attendons tellement de nos désirs. Je vous comprend de vous interroger sur cette remise en cause de cette sexualité traditionnelle, des relations de désir et d’amour entre les sexes. Mais, si nous supprimons nos désirs, alors pourquoi le plaisirs existerait-il? Alors s’il n’y a plus de désir, il n’y a plus de plaisir, et s’il n’y a plus de plaisir, il n’y a plus de faute donc plus de péché. Voilà que nos catholiques et bien d’autres croyants perdent leur fond de commencer, celui de la faute. Et, s’il n’y a plus de faute, le pardon fini par disparaître. L’imaginaire qu’on nous montre en des représentations d’images ou de peintures nous laisse voir des sorcières, laides, vieilles, rien de bien ragoutant. Il devait bien y avoir quelques unes de ces femmes qui étaient ravissantes peut-être même soumises au désir du plaisir?

En ce qui concerne ces bouleversements de mentalités que nous avons du mal à analyser, les humains d’une époque ont toujours du mal à comprendre ce qu’ils vivent, et la nôtre n’échappe pas à cette contrainte. Qui plus est, nous sommes entrés dans une époque charnière et nous n’en avons pas terminé avec ces bouleversements. Comme on dit en aviation, nous sommes entrés dans une zone de turbulences et nous ignorons, comment et quand nous allons en sortir. Je comprends que les gens se sentent perdus, qu’ils n’arrivent plus à discerner des points de repères. J’ignore si ma perception est juste, mais il me semble que les féministes ont perdu de leur élan. Les débats à l’intérieur du mouvement me semblent coriaces. C’est loin de faire un tout comme au début du mouvement.

Tant qu’à cette barrière pour les appétits de pouvoir, là encore je ne suis pas sûr qu’elles n’en n’arriverons pas à un certain monopole. Souvenons-nous d’une certaine Margaret Thatcher et vous pouvez être sûr qu’il y en a d’autres dans les rangs qui en bavent d’envie. Si nous en revenons à nos sorcières, il faut en convenir, dans plusieurs sens, que c’étaient des femmes de pouvoir. La grande tzarine Catherine II, n’était pas en reste. Reconnaissons qu’il faut être un peu sorcière pour arriver à ces niveaux de pouvoir.

Le chamanisme a toujours existé, avec plus ou moins d’intensité au cours de l’histoire. Il est loin d’être exclusif aux occidentaux. J’en prends pour exemple qu’il existe encore chez les indiens en Amériques du Nord et du Sud. Eux aussi ont leur univers spirituel que nous n’avons fait qu’effleurer, et, ce cheminement du chamanisme nous amène à des personnages comme Delphine Horvilleur et Nancy Huston, qui à leur manière ne manquent pas de nous pousser à nous interroger sur ce qui se passe présentement. Tant qu’à vous Carmilla Le Golem, on le sait, vous êtes une vampire, mais j’ajouterais avec une tendance chamane genre sorcière sur les bords.
Bonne nuit Carmilla et attention à vos rêves, avec les sorcières on ne sait jamais…

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je le souligne : je déplore l'effacement du désir dans la nouvelle modernité sexuelle. Le Désir, ça repose sur un choix d'objet qui implique tout de même la confrontation à l'autre. Le Désir est aussi le support de l'amour.

L'autre, l'objet de désir, on n'en parle justement plus aujourd'hui, on est dans la quête d'identité. La sexualité devient une simple satisfaction narcissique. C'est ce que je trouve problématique dans la nouvelle idéologie qui prétend redéfinir radicalement les frontières entre le masculin et le féminin.

Je ne sais, bien sûr, ce qu'il en est au Canada mais en Europe, et singulièrement en France, le féminisme n'a rien perdu de son élan et est, même, en forte expansion. Avec bien sûr de nombreuses dérives et souvent avec une vive agressivité.

Bien sûr le chamanisme demeure très présent. Pas seulement en Asie Centrale et en Corée mais en Europe même. Nombre de pratiques du christianisme (prières sollicitant l'intervention de Dieu, processions, cierges, dons etc..) sont, en fait, elles-mêmes issues des anciennes religions.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

À l’automne 2018, le litre d’essence se vendait au environ de : 1.40 euro le litre, et on était prêt à vandaliser l’Arc De Triomphe et réduire Les Champs Élysée en cendre.

Dimanche dernier, le litre d’essence se détaillait au environ de 2.40 euro le litre, et 54% des électeurs se sont abstenus de voter. Ils se sont contentés de l’abstention…

Cela ne fait pas très sérieux.

Est-ce que les français préfèrent le vandalisme à la démocratie?

Ils étaient où les fameux gilets jaunes dimanche dernier?

Il nous faudrait peut-être une ou deux sorcières pour nous éclairer sur ce sujet.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Vous avez une surprenante connaissance de la vie quotidienne en France. J'ignore totalement, en ce qui me concerne, le niveau des prix au Canada.

Quant à votre message, je vous demanderai d'avoir la patience d'attendre mon prochain post du samedi matin dans le quel je m'exprimerai (mais sans être trop concrète) sur la crise démocratique actuelle (qui ne concerne d'ailleurs pas seulement la France).

S'agissant des gilets jaunes, je pense qu'ils ont quand même voté. Ils sont largement extrême-droite.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Je n’ai pas de mérite. Je suis comme cela. Je m’intéresse à tout, et surtout aux prix des énergies, et pas seulement le pétrole. Présentement je consulte les prix des céréales et des métaux. Lorsque j’écoute un reportage sur la consommation en France, je me demande combien ça coûte au Canada?

En début de semaine, le litre d’essence régulière se détaillait à la pompe à $2.24 le litre au Québec. Nous avons eu une baisse hier à $ 2.16 le litre. Ce qui est intéressant présentement et retient mon attention c’est le prix de carburant diesel, ce vous appelez en France le gaz oil, dont les prix sont plus élevés que l’essence régulière, habituellement c’est le contraire, ici ça joue dans le $2.45 le litre. Par contre si je regarde vos prix à la pompe à 2.40 euro le litre pour l’essence, avec le taux de change, cela représente au environ de $ 2.93 canadien.

Comme je suis passionné par les questions d’énergies et que j’ai passé une partie de ma vie à brûler du pétrole autant en aviation qu’en agriculture, j’ai toujours été sensible à ces marchés. Un simple coup d’œil sur les prix et je sais immédiatement que s’il en coûtera plus cher pour le carburant, il y a bien des probabilité que le prix de la tonne de blé augmente, dont vous allez payer votre baguette plus cher.

Alors, lorsque je visite un pays étranger, ou bien, que je lis des rapports sur les prix, vous pouvez être sûr que je suis très concentré. Lorsque j’affirme présentement que tout est une question d’énergie. Je pense que j’ai raison, d’autant plus, qu’en mai dernier au Canada le taux d’inflation était à 7.7% . Il faut remonter en 1983 pour un tel taux.

C’est sans doute une situation qui est très inconfortable présentement parce que ça pose des questions fondamentales, comme par quoi nous allons remplacer le pétrole? Comment allons-nous produire notre électricité? Avec quoi va-t-on se déplacer? Et c’est encore plus impératif en Europe que pour nous en Amérique. Oui, tout cela est inquiétant, mais d’autre part passionnant, parce que nous sommes au coeur de l’aventure humaine. Acheter n’est pas un geste innocent, c’est aussi un acte politique. J’ai bien hâte de lire votre texte en fin de semaine.

Comme de quoi, je ne suis pas seulement un être littéraire et exclusivement cérébrale, je suis aussi un hyperréaliste, mes centres d’intérêts sont multiples.

Pour poursuivre dans la même veine, et c’est vraiment étrange parce que je sais quel sujet vous allez aborder samedi prochain. Je suis en train de lire de Cornelius Castoriadis un ouvrage qui porte le titre : Une société à la dérive. Il est en autre question du désintérêt des sociétés par rapport à la politique et à l’organisation de nos sociétés. C’est très intéressant même si cet ouvrage date.

J’ai bien hâte à samedi, bonne fin de journée Carmilla
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Ca étonnera ou choquera, peut-être, mais je crois être assez indifférente à l'argent. Les prix, les budgets domestiques, ça m'ennuie.

Ca peut sembler bizarre pour quelqu'un qui s'occupe de finances, mais je crois que pour être un bon financier, il ne faut justement surtout pas être avare (je ne vous soupçonne absolument pas de ce défaut).

Cela dit, je m'intéresse bien sûr aux mécanismes de l'inflation. On omet de le mentionner, elle n'est pas seulement importée (pétrole, matières premières etc...) mais elle est largement la conséquence des tonnes d'"argent magique" imprudemment déversées ces dernières années (par Joe Biden en particulier que j'apprécie pourtant). N'en déplaise à certaines analyses à la mode (Stéphanie Kelton : "Le mythe du déficit") la quantité de monnaie en circulation a quand même bien un impact sur le niveau des prix. Et le plus inquiétant, c'est que pour compenser cette inflation, on envisage des politiques de gribouille (blocage des prix, chèques, baisses de taxes) qui sont elles-mêmes inflationnistes.

Castoriadis, je connais un peu, c'était effectivement novateur. Mais c'est peut-être, en effet, un peu daté maintenant.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Nous oublions que l’argent n’est pas une fin, mais un moyen, un outil d’échange, qu’en lui-même, il n’a aucune valeur, se sont les humains qui lui donnent sa valeur. Ceux qui en ont fait une déité sont pris avec leur dieu.

Il y a une grande différence, entre gérer un budget domestique et une entreprise. C’est beaucoup plus excitant de gérer une entreprise. Vous faites des projections, des investissements, des profits, des pertes. Tant que j’ai eu ma ferme, l’argent que je gagnais ou dépensait, ça ne me stressait pas, à mes yeux cela restait un genre d’aventure. Ce qui est sans doute le plus intéressant, c’est lorsque tu montes ton affaire. Si, c’est juste pour faire des profits, cela perd tout intérêt, c’est comme faire l’épicerie en fin de semaine, à la longue cela peut devenir lassant. Quoi, que j’aime bien faire l’épicerie et arpenter les marchés publics. Ça fait parti des réalités de la vie.

J’ai remarqué que les meilleurs entrepreneurs sont ceux qui avaient plusieurs centres intérêts à l’extérieur de l’argent. Nous parlions de bien autre chose que d’argent lorsqu’on se rencontrait. On parlait d’économie, de politique, de sociologie, ce qui me permettait d’avoir une autre vision sur l’humanité.

Tant qu’à l’inflation, dès le début de la crise sanitaire avec les mesures que les gouvernements ont mis en place, j’étais sûr qu’on irait dans cette direction. Et, tous les ingrédients étaient là, deux ans de réclusion, d’attente, d’angoisse, de souffrance et soudain on lève les restrictions. Bravo la récréation! Prenons un exemple. Malgré que les prix des carburants qui ont explosé, les gens consomment plus en énergie qu’avant la pandémie. On dirait un genre de folie. Je me souviens très bien que nous avons payé ici au Québec, en plein coeur de cette pandémie, $0.79 le litres. Il n’y avait plus de demande, l’économie était sur pose, les compagnies pétrolières cherchaient des endroits pour entreposer leurs produits. On n’arrête pas une raffinerie comme cela, en fermant les valves, en éteignant les lumières, et en barrant les portes. Aujourd’hui, nous payons le litres $2.16 et nous hurlons au meurtre, par contre nous sommes incapables de changer nos manières de consommés. Sujet qu’aborde Castoriadis dans son ouvrage : Une société à la dérive. Nous avons transformé nos désirs en caprices. Ce n’est pas le seul sujet de cet ouvrage très intéressant. Ce qui explique aussi ce genre d’indifférence envers la chose publique, et entre autre la politique. C’est le fondement de cet ouvrage qui finit pas déborder sur bien d’autres sujets universels. Il évoque même vers la fin des années 80, que lorsqu’il n’y aurait plus de régime communisme en Russie, ce pays reprendrait son expansion en envahissant ses voisins. Ce qui est tout à fait le cas de l’Ukraine aujourd’hui. Castoriadis avait une bonne lecture, il était visionnaire.

« ...mais l’idée qu’il puisse y avoir une transformation radicale de la société, un dépassement de l’aliénation sociale, est une absurdité philosophique ». (Cornelius Castoriadis, Une société à la dérive, page 40).

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent