samedi 7 janvier 2023

Projet pour une nouvelle République des six Nations

 

Quelques jours passés en Pologne durant les fêtes de Noël. Je suis toujours contente de quitter la France, de ne plus entendre et parler le Français. Non pas que j'en ai marre de la France ou que je ne la supporte plus, mais j'ai régulièrement besoin de changer de langage d'expression. Etre monolingue, je trouve que c'est triste parce que changer de langue, c'est s'offrir la possibilité de changer de peau, de devenir un(e) autre. C'est, à chaque fois, une expérience libératrice, apaisante, comme si on redéfinissait les règles du jeu de sa vie personnelle. Toutes les relations individuelles et sociales se trouvent bouleversées y compris, et peut-être surtout, les liens affectifs et sentimentaux

Je me suis donc retrouvée dans une grande ville du Sud-Ouest de la Pologne où je n'avais encore jamais mis les pieds: à Wroclaw (qui se prononce Vrotssouaf en accentuant le o). Une ville à l'histoire mouvementée: polonaise durant tout le Moyen-Age, puis autrichienne (jusqu'à Marie-Thérèse), puis prussienne, puis allemande puis à nouveau polonaise (depuis 1945) .


Avec une caractéristique: la majorité de ses habitants sont issus d'un "Grand Transfert" d'Est en Ouest effectué à partir de 1945. Il fallait (déjà !) accorder des gains territoriaux à l'URSS victorieuse et repousser vers l'Ouest toute l'Europe Centrale. Pour ça, l'Allemagne a du comprimer son territoire et on a "importé", sur les espaces qu'elle a vidés, les anciens territoires de l'Est de la Pologne (en Lituanie, Biélorussie, Ukraine). C'est comme ça qu'à l'Ouest de la Pologne, on trouve beaucoup de gens de l'Est (parmi lesquels la récente Prix Nobel de littérature, Olga Tokarczuk). Et c'est ainsi que beaucoup d'habitants de Wroclaw ont pour origines l'Est de la Galicie, la région de l'actuelle Lviv ukrainienne. C'est notamment pour ça que je me suis retrouvée à Wroclaw.


La Pologne, même si on n'en connaît à peu près rien, n'a pas une image très positive en France: un pays de cathos, bigots, réactionnaire et arriéré. Évidemment, ce sont des caricatures idiotes. On ignore que le pays a toujours été à l'avant-garde artistique (cinéma, musique, littérature, arts plastiques). 

On ignore aussi que jusqu'à la fin du 18 ème siècle (ce qui n'est quand même pas si vieux), le pays important, celui qui comptait à l'Est, ce n'était pas la Russie mais la Pologne, plus étendue, plus peuplée. On ignore surtout que son territoire allait "de la mer à la mer", c'est à dire de la Baltique à la mer Noire et comprenait, notamment, la majeure partie de l'Ukraine. Contrairement donc à ce qu'affirme Poutine,  l'Ukraine ne se confond pas avec la Russie. L'héritage polonais est aussi important que l'héritage russe dans l'histoire ukrainienne mais, évidemment, l'Ukraine, ça n'est pas non plus la Pologne. 

Et puis, la Pologne est un pays qui peut nous donner aujourd'hui beaucoup de leçons. Justement à propos des ces "territoires historiques" avec lesquels on ne cesse aujourd'hui de nous bassiner (la Crimée ou la Palestine). S'il est un pays qui a été cyniquement et injustement privé de ses territoires dits historiques, c'est bien la Pologne. Elle serait entièrement fondée à les revendiquer aujourd'hui. Mais je dois reconnaître que je n'ai jamais entendu un Polonais parler de récupérer un bout d'Ukraine, ou de Biélorussie, ou de Lituanie et même de Lettonie. 


Les Polonais n'en ont, en fait, à peu près rien à fiche (hormis Varsovie, Gdansk et Cracovie) des territoires qui leur ont été concédés. Ils savent qu'associer une nation à un territoire, c'est une ânerie dangereuse. On peut très bien continuer à exister sans ça. C'est d'ailleurs pour ça que les Polonais choisissent l'exil, l'émigration, sans avoir le sentiment de se renier. Un pays, c'est d'abord une langue, une culture. 


Évidemment, on ne peut pas parler de la Pologne, sans évoquer deux terribles traumatismes qui continuent de façonner les mentalités: la 2nde Guerre Mondiale puis la dictature communiste. 


Il faut rappeler qu'avant la 2nde guerre, la Pologne était le pays le plus multiculturel d'Europe. Une mosaïque extraordinaire de langues (polonais, yiddish, allemand, lituanien, ruthène, biélorusse) et de religions (catholiques, orthodoxes, uniates, juifs).  

Après la guerre, à la suite de la quasi disparition des Juifs et du redécoupage par Staline de l'Europe suivant les identités ethniques, il n'y a plus eu que des Polonais sur le territoire. Ça a sans doute été un appauvrissement culturel..

Quant à la période communiste, elle a été vécue comme une oppression féroce de Moscou et un désastre économique. Une immense amertume, une injustice  pour un pays qui était moralement vainqueur de la guerre. D'"homme rouge", il n'y en a quasiment pas eu en Pologne.

Après la chute du Mur qui a été vécue avec une joie folle, comme une immense libération, le pays a du se réinventer. 

Pour cela, il a d'abord reconstruit son économie, en la bouleversant complétement. La Pologne est même un véritable cas d'école que l'on n'a pas assez étudié. Presque misérable et sans ressources en 1990, elle est devenue un "tigre" européen et le pays a maintenant rejoint le niveau de vie européen moyen avec des perspectives de croissance qui demeurent favorables. Son PNB/habitant, autrefois identique, est maintenant 2 fois supérieur à celui de la Russie et 3 fois celui de l'Ukraine (d'avant 2022). 

Une réussite impressionnante qui explique l'attraction nouvelle de la Pologne. Ca irrite même le Kremlin qui ne cesse de marteler, par la voix de Lavrov, que la Pologne a des intentions hégémoniques et veut récupérer ses anciens territoires, dont l'Ukraine.

Mais ce ne sont pas les hommes politiques qui décident du choix des citoyens. Ce sont ces derniers qui choisissent et ils le font avec leurs pieds. Aucun Ukrainien ne va se réfugier en Russie. En revanche, l'afflux est massif en Pologne. 

On ne dispose pas de chiffres entièrement fiables. On va jusqu'à évoquer 3 millions d'Ukrainiens en Pologne, ce qui est un choc démographique considérable dans un pays de moins de 40 millions d'habitants, d'autant plus que les Ukrainiens sont concentrés dans les grandes villes. 

J'ai pu constater cette nouvelle réalité à Wroclaw. Je me suis promenée dans la ville durant la Nuit de Noël, il n'y avait, ce soir là, que des Ukrainiens. Dans les épiceries, les restaurants, les hôtels, presque tout le personnel est Ukrainien. Dans les grandes villes polonaises, 10 à 15 % de la population est, en fait, Ukrainienne.


C'est une nouvelle ambiance qui s'installe. C'est évidemment extrêmement curieux même s'il faut être initié pour percevoir cela. Mais le plus curieux, c'est que cela semble bien se passer, sans problèmes de cohabitation. Je n'ai entendu aucune plainte ni d'un côté, ni de l'autre. 



Il est vrai que ce sont surtout des femmes et des enfants, a priori peu portés à la délinquance, qui se sont installés en Pologne. Et puis presque tout rapproche Ukrainiens et Polonais : les langues, l'apparence physique, la cuisine, les rythmes de la journée. Ils diffèrent même tous les deux profondément des Russes par un trait de caractère commun: l'indiscipline, l'esprit de révolte. 


 
Dernière particularité: les Ukrainiens sont généralement hébergés dans des familles polonaises. Ça dure souvent depuis le début de la guerre et je trouve ça vraiment admirable parce que supporter, pendant des mois, des gens avec lesquels on n'a pas de liens familiaux, ça n'est vraiment pas évident.
 

Mais il y a vraiment une extraordinaire solidarité des Polonais avec les Ukrainiens. Elle est bien sûr façonnée par une longue histoire commune mais ça va au-delà, c'est aussi une générosité pure. C'est également l'un des aspects les plus positifs de la foi catholique en Pologne. Même si la pratique religieuse s'y effondre aujourd'hui, elle continue d'imprégner les mentalités. 


Ça ouvre matière à réflexion en particulier pour tous nos diplomates de l'Ouest de l'Europe. Nul ne sait comment va évoluer la guerre Russie/Ukraine. Mais ce qui est sûr, c'est que, qu'elle que soit l'issue du conflit, un nouveau bloc politique est en train de se constituer à l'Est de l'Europe. Rien ne va pouvoir arrêter ce mouvement. Quelle forme cela peut prendre ? Une association, une fédération, un nouvel Etat ? Cela est à débattre bien sûr mais le noyau en serait toujours une République.


Cette nouvelle entité regroupera six nations: la Pologne, l'Ukraine, la Biélorussie, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie. Il y a là une profonde logique historique et culturelle: c'est pratiquement l'ancienne République des Deux Nations qui existait jusqu'à la fin du 18 ème siècle. On peut ajouter que la Grande-Bretagne serait disposée à donner son appui et son parrainage à ce nouveau groupe. 

 
Il faut savoir, en effet, que tous ces pays sont exaspérés par l'attitude des dirigeants de l'Ouest de l'Europe (Macron et Scholz en particulier): ils veulent tout régenter, tout décider, alors qu'ils n'y connaissent rien et méprisent un peu l'Europe Orientale. Leur crédibilité est devenue voisine de zéro. Macron a ainsi donné un mot nouveau aux langues slaves: makronowac (parler pour ne rien dire).


 
J'avoue que ce projet d'une nouvelle Grande République m'intéresse beaucoup. Ca prendra sans doute du temps mais j'espère pouvoir y participer un jour. Ca représenterait à peu près 110 millions d'habitants et 1,1 million de km². Ce serait à peu près le quart de l'Union Européenne actuelle (447 millions d'habitants et 4 millions de km²). De quoi faire peur à Poutine mais il en aura été, indirectement, à l'origine.

 
En attendant, j'ai passé quelques jours agréables dans un joli hôtel (photo n°20) même s'il a fait un temps de cochon, gris et pluvieux, sans un poil de neige. Le climat en Europe Centrale, ça devient dramatique. Il n'y a plus que quelques courtes semaines de froid, les rivières et les lacs n'ont plus le temps de geler. Finie la magie cristalline des hivers et les courses de patins à glace.

 
Le soir de Noël, j'ai eu droit à un dîner slave complet. Je crois que ça n'a pas grand chose à voir avec ce que l'on imagine en France (des blinis, du caviar, du poisson fumé, du crabe du Kamtchatka et je ne sais trop quoi).


Ce sont douze plats sans viande qui représentent les 12 mois de l'année. On dispose tout ça sur une grande table où chacun se sert : du borchtch (sans viande), de multiples soupes, des pierogis ou varenniky, des choux farcis au riz et au sarrasin, de la kacha, de la carpe, des harengs à la crème, des écrevisses, du poisson-chat (à mon attention), de l'anguille fumé, des betteraves, des cornichons malossol, des champignons marinés, une salade à la russe, des gâteaux au fromage, au miel et au pavot. Le tout arrosé de ce que l'on appelle des "kompots" qui ne sont pas des compotes mais des fruits secs, baignés de miel, qu'on fait bouillir à l'eau (un drôle de goût).


On est vite rassasiés avec tout ça. Mais peut-être bizarrement, c'est à ce moment que je me suis sentie Française. Bien sûr que ce repas de réveillon m'a fait plaisir. Mais c'est tout de même vraiment austère et pas très sophistiqué. Où sont les huîtres, les langoustines, le foie gras, les galantines, le boudin blanc, le chapon farci et enfin la bûche. Le tout arrosé de Sauternes ou de Bourgogne ?







Mes petites photos de Wroclaw. La dernière partie est consacrée à l'architecture contemporaine de la ville (que je trouve réussie) et au cimetière juif très important mais évidemment sans tombes postérieures à 1942.
 
Une particularité de la ville: son éclairage urbain. On a voulu reconstituer l'ambiance de la fin du 19ème, début du 20ème siècle. Une idée magnifique ! Pour cela, on a disposé des lampadaires fonctionnant, comme autrefois, au gaz. D'où cette lumière étrange, fortement orangée. Ca permet des promenades nocturnes mystérieuses et dépaysantes. Fascinant !

Enfin, je ne peux pas terminer sans évoquer la littérature. La Pologne a produit, au 20ème et 21ème siècles, plusieurs écrivains de niveau mondial. J'en ai déjà un peu parlé dans différents posts mais je me permets de récapituler mes auteurs préférés :

- Stanislas Ignacy Witkiewicz (1885-1939) : "L'inassouvissement"
- Bruno Schulz (1892-1942) : "Le sanatorium au croque-mort", "Les boutiques de cannelle". Un auteur-culte !

Il est à noter que Witkiewicz et Schulz étaient également de grands peintres

- Witold Gombrowicz (1904-1969) : "Ferdydurke", "Cosmos", "La Pornographie".  Trois livres majeurs du 20ème siècle.
- Isaac Bashevis Singer (1904-1991) : "Le manoir", "Le domaine","La famille Moskat". Prix Nobel 1978; il écrivait en yiddish.
- Wislawa Szymborska (1923-2012): poétesse, prix Nobel 1998
- Ryszard Kapuscinski 1932-2007) : un journalisme littéraire; "Ebène", "Imperium"
- Olga Tokarczuk (1962) : prix Nobel 2018. "Les pérégrins", "Les livres de Jakob". 
- Agata Tuszynska 1957) : "Une histoire familiale de la peur", "La fiancée de Bruno Schulz"
- Andrzej Stasiuk (1960) : "Sur la route de Babadag", "Taksim"

Je signale enfin un grand maître du roman policier : Zygmunt Miloszewski (1976) :"Un grain de vérité", "La colère".

14 commentaires:

Julie a dit…

Bonjour Carmilla,
Comme je me régale de votre bref mais tellement immersif récit de voyage... J'aimerais pouvoir vous lire un jour sur la Roumanie. M'en allant randonner, je passerai à nouveau au plus tard demain.
Douce journée.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Julie,

Je suis contente que ce post vous ait intéressée.
La Roumanie, c'est un pays que je connais bien sûr mais cela commence à faire un moment que je n'y ai pas mis les pieds.
C'est un pays magnifique. La campagne, en particulier, est très belle et les villages ont une véritable architecture.
Ce qui est décevant, en revanche, c'est la côte de la Mer Noire. Ca a été bétonné par Ceaucescu.
Mais la Roumanie, c'est très différent des autres pays d'Europe Centrale. Ils sont des Latins.
Et puis, il y a, à l'Ouest, une forte minorité hongroise.
Mais je n'exclus pas d'y retourner prochainement.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Carmilla, vous avez un rêve très légitime, et si vous voulez que ce rêve se réalise, il faudra impérativement que les Ukrainiens gagnent cette guerre. Casser la menace russe afin de pouvoir installer cette nouvelle entité politique. Les Ukrainiens jouent gros jeu. Pas seulement pour eux-mêmes, mais pour toute l’Europe Centrale. Il faudra installer un nouveau pouvoir et des nouveaux rapports de forces. Je l’ai déjà signalé et j’y reviens, les russes craignent l’émergence d’une nouvelle entité politique et surtout économique à l’ouest. Ils voudraient la première position, dominer tout le monde et n’en faire qu’à leur tête et ils n’ont pas trouvé autre chose comme solution que de faire la guerre! On s’imaginait qu’après l’effondrement de l’URSS, ils rattraperaient tout le monde, surtout économiquement et politiquement, mais force est de constater aujourd’hui que ce n’est pas le cas.

Votre rêve est intéressant, ça pourrait renforcer la Communauté Européenne, amener de nouvelles têtes, réveiller cette organisation souvent paralysante et paralysée, ce n’est pas rien, 110 millions d’habitants et 115 millions de km/2 de plus dans l’organisation. Je ne pense pas que la Russie soit intéressée à voir surgir un géant entre elle et l’Europe de l’ouest. Ce qui soulignerait son incurie, son incapacité économique, ses frasques politiques et guerrières. Les russes sont en train de réduire l’Ukraine en poussière, et on reprocherait aux Ukrainiens de se défendre. Pendant tout l’automne dernier, les Ukrainiens ont souffert, ils ont été bombardés copieusement, mais depuis quinze jours leurs répliques sont cinglantes et pas juste à Makiivka. Les Ukrainiens, quoi qu’on dise et quoi qu’on en pense, sont en train de devenir la principale puissante militaire européenne surtout au niveau opérationnel. S’ils sont capables militairement, je ne vois pas comment, il ne pourrait pas en être ainsi au niveau économique et politique. C’est le cas de le dire, tout est à faire dans ce pays. Qu’est-ce qui va émerger de toutes ces destructions, de ces souffrances, de ces pertes?

Espérons Carmilla, que votre rêve se réalisera et que vous y participerai. Dire que l’automne dernier, nous avons abordé ce domaine des rêves et je constate aujourd’hui, que vous avez un grand rêve, ce qui est très bien. C’est très stimulant d’avoir des rêves. Mais, c’est qui, qui porte aujourd’hui, l’idée d’une grande nation en Europe Centrale? Je parle ici de figures politiques européennes. Vous en revenez souvent à l’idée des Deux Nations! Peu importe le format politique que tout cela pourrait prendre. C’est peut-être un beau risque! Et pourquoi pas. Êtes-vous prête à réaliser votre rêve?

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Pour mon premier commentaire, je me suis intéressé en priorité à la politique, c’est un de mes traits de caractère. Mais, je veux revenir sur votre voyage…

Vos photos sont très belles et pour une simple raison, c’est qu’elles regorgent de caractères. Elles plaisent à celui qui les regardes. Les photos de nuit sont très évocatrices entre le mystère, et une certain confort, ce qui donne l’impression de désirer être présent dans cet endroit. L’éclairage au gaz y est sans doute pour quelque chose. On a l’impression de vous suivre dans vos découvertes. Qui plus est, l’architecture capte votre attention. J’ai trouvé les édifices historiques très inspirant. Vous le savez, je ne suis pas très ville, mais j’avoue qu’en regardant cette ville, j’ai eu un petit pincement au coeur. Il y a quelque chose d’envoûtant dans cette ville.

En plus vous avez fait quelque chose que j’aime bien, vous avez photographié le petit pont de jour, (photo 9) et vous l’avez photographié de nuit (photo 23). Les deux photos sont excellentes. Ce qui est intéressant ici, c’est pas seulement de simples photos, non, parce que ces photos dégagent une atmosphère. J’ai pensé que vous étiez particulièrement en forme. Les sujets vous intéressaient au plus haut point. Vous êtes vraiment une femme de l’est, vous êtes de cet univers, et vous l’affichez sans retenue dans vos propos. Quoi qu’on en dise, ce bout de terre vous tient à coeur.

Je ne serais pas surpris, si un jour vous quittiez la France pour vous retrouver dans l’ouest de l’Ukraine, ou du moins dans cette région après la guerre, pour donnez un coup de main. Je pense que vous êtes une personne généreuse et que vous êtes capables de grands gestes. Surtout lorsqu’on est consciente de la générosité pure!

J’aimerais bien déguster un jour le fameux choux farcis au riz et au sarrasin. Ce sarrasin on l’oublie, mais c’est quand même une grande céréale, très nourrissante.

Je trouve l’idée de douze plats représentant les douze mois de l’année géniale. Le hareng à la crème j’en n’ai jamais mangé, ça m’intéresserait. Je ne cracherais pas sur l’anguille fumé. Moi, tout ce qui est fumé, je suis preneur.

C’est peut-être austère toute cette nourriture, mais elle donne une idée de la vie de ce coin de terre. Comment, les gens se sont débrouillés pour survivre, puis améliorer leur qualité de vie. Il y a quelque chose du paysan, du bouseux de fond de campagne, d’une certaine humilité, et ça soulève en moi des émotions et des saveurs.

On l’oublie souvent, La France c’est un pays de cocagne, mais les gens ailleurs dans le monde se débrouillent autrement. Je pense que je ne serais pas perdu en Pologne. Et, j’aurais une tendance à savourer les plats locaux. Il y a de quoi rêver...
Bonne fin de nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Notamment pour vos appréciations louangeuses concernant mes photos. Mais je sais relativiser.

Pour ce qui me concerne, la photographie, c'est un peu comme la littérature: ça m'intéresse mais je n'ai pas de talent. Je ne crois pas avoir sorti, un jour, une seule photographie ayant une valeur artistique.

Mais disons que je m'applique et j'ai du bon matériel. Et on arrive à sortir aujourd'hui aujourd'hui d'assez bonnes photos de nuit, ce qui était autrefois quasi impossible.

Et puis cela tient surtout à la beauté des villes que l'on visite. Il est vrai que l'architecture des villes d'Europe Centrale n'a absolument rien à voir avec celle de la France. Personnellement, l'atmosphère des villes d'Europe du Nord me convent mieux, je m'y sens plus à l'aise. C'est bien sûr austère mais la sensation de mystère y est plus forte.

La ville de Wroclaw n'est d'ailleurs pas considérée comme d'une beauté exceptionnelle en Pologne. Il y a mieux: Cracovie et Gdansk (Dantzig) et aussi, en plus petit, Lublin, Zamosc, Sandomierz.

J'ai souvent pensé à aller vivre à l'Est mais j'en ai constamment différé le projet. Ce qui m'enchante en vacances (la convivialité, les relations humaines) risque de me fatiguer à la longue. Et puis, il y a tout de même le problème des rémunérations que je pourrais obtenir. En Ukraine, ça n'est vraiment pas brillant.

Je suis un peu surprise que vous ne connaissiez pas le hareng. C'est le poisson le plus commun de tous les pays relevant de l'ancienne Union Soviétique. On peut dire, en effet, que, là-bas, la nourriture et la cuisine étaient et demeurent humbles. L'avantage, c'est qu'à la différence de la France, il n'y a pas besoin d'avoir un grand talent pour être cuisinier. Même moi, je sais faire (alors que la cuisine française, je suis bien incapable).

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

J’ai la bonne, ou mauvaise habitude de dire ce que je pense. Lorsque j’ai une opinion, je ne la cache pas. Ce n’est pas à mon âge que je vais commencer à changer d’idée. Ce que j’ai dit sur vos photos, je le maintient.

Vous revenez sur la notion de talent; mais on sait bien que le talent n’est pas tout. C’est beaucoup de travail, un peu d’inspiration. J’aime les personnes sans talent qui finissent par réussir dans la vie. Ce qui me plaît particulièrement, se sont leurs peines, leurs besognes incessantes, leurs acharnements. Des personnages comme Mozart, Chopin ou Brahms, ça ne courent pas les rues. Je pense que l’humain se limite lorsqu’il évoque le manque de talent. Albert Camus à ce chapitre m’étonne. C’est quelqu’un qui a travaillé très dure pour atteindre son mode de penser. L’important, c’est de foncer et même là la réussite n’est pas assurée. On peu prendre le cas de Olga Tokarczuk, toute son œuvre n’est pas tombée du ciel pas miracle, on a à faire avec une persévérante. Il n’y a pas de recette pour écrire : Les livres de Jakob, parce que c’est une suite de travaux harassants, c’est la somme de beaucoup d’expériences, de recherches et de lectures. Pourtant, elle est arrivée au Nobel. Tokarczuk je la compare à un auteur comme Yves Thériault, du travail et encore du travail, et rien que du travail. Nous avons ce vilain défaut d’envier les (talentueux), parce que la talent c’est spectaculaire, somptueux, gracieux, et s’ajoute cette déroutante facilité, qui nous subjugue. Pourtant, il faudrait toujours se méfier de la facilité. Nous aurions, peut-être, à lire plus les neurologues, l’endroit le plus compliqué chez l’être humain, le cerveau. J’ai commandé le dernier ouvrage de Lionel Naccache, Apologie de la discrétion. Nous allons sûrement en reparler au cours de cette année.

Vous êtes sans aucun doute, du moins à mes yeux, une perfectionnisme, ce qui n’exclus pas le travail. Vous êtes sans doute une personne capable de donner un fort coup de collier. Peut-être impatiente lorsque les choses ne se produisent pas comme vous l’espérer. C’est l’une des facettes de votre personnalité, au travers de tous vos autres facettes multiples. Vous comprenez des situations compliquées et vous êtes capables non seulement de les comprendre, mais de les expliquer. Cela, c’est beaucoup. Et puis vous possédez des points de vue singuliers, des opinions tranchées. Au contraire de ce que vous avouez, vous n’êtes pas toujours d’une discrétion sans faille. Vous entretenez le mystère sous une fausse représentation de cette discrétion tout à fait étudiée. Ce qui fait le charme de votre blog, mais aussi de sa qualité. On s’entend bien là-dessus.

Trêve d’écriture, je viens de voir un pygargue en action. Un tour de 360 degrés dans le ciel, un plongeon, frôlement de la surface de l’eau, et voilà la pêche, un poisson de moins dans la rivière. Le tout en moins d’une minute. Qui dit mieux? Très habile le pygargue, mais on ne peut pas affirmer que c’est un talent.

Je suis peut-être à côté de mes bottes, mais c’est du moins de cette façon que je vous perçois. Bien sûr je connais le hareng, mais le hareng à la crème ici on ne connaît pas!
Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il faut avoir une juste appréciation de ses compétences et qualités. Il y a trop d'egos surdimensionnés dans nos sociétés.

J'ai déjà raconté que j'ai fait de la compétition en course à pied (du 1 000 mètres au marathon). Là, les choses étaient claires. Je n'étais pas mauvaise mais il y avait quelques filles qui étaient plus fortes que moi. Ca ne m'a jamais gênée, je ne les jalousais pas.

C'est pareil dans d'autres domaines. Je sais qu'il me manque quelque chose pour être une bonne photographe ou écrivaine. Et quoi que je fasse, je n'y arriverai jamais.

J'ose quand même poster mes photos et mes textes, ce qui prouve que je ne les considère quand même pas comme totalement nuls mais ça ne va pas au-delà. Ce n'est qu'une distraction. Il ne me viendrait jamais à l'idée, par exemple, de proposer ma prose à un éditeur.

Quant à ma personnalité, je ne suis même pas perfectionniste, je veux toujours me concentrer sur l'essentiel, je déteste que l'on se perde dans les détails. Je vous concède toutefois que je suis sans doute quelqu'un de compliqué (dans le sens de complexe). C'est d'abord lié au fait que je connais assez bien un certain nombre de pays et de langues. Mais je crois surtout que ce qui m'a le plus façonnée, c'est que j'ai toujours beaucoup lu. Les livres c'est une part importante de ma vie. Cette boulimie de lecture me donne peut-être un petit avantage en matière d'esprit de synthèse et de rapidité de réflexion.

Quant au hareng, il faut d'abord trouver un certain type de hareng dit "vierge". Le hareng hollandais Maatjes (difficile à trouver en France) peut convenir. On le découpe et le mélange ensuite simplement avec beaucoup d'oignon et de la crème.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Plaisante et intéressante évocation.
Mais la Pologne, plus la Biélorussie, l'Ukraine, les Pays Baltes, ça fait au total un tout petit peu moins de 1.300.000 km2, certainement pas 115 millions ! (Ça ferait sept fois la Russie, et seulement 1 habitant au km carré).

Carmilla Le Golem a dit…

Evidemment !

Merci Nuages de m'avoir signalé cette coquille.
Quant aux populations, j'ai constaté que l'on n'avait que des chiffres approximatifs pour tous ces pays qui ont connu une forte émigration. Pour l'Ukraine, j'étais habituée à 50 millions mais je vois quelquefois, maintenant, seulement un peu plus de 40 millions.

Ben à vous,

Carmilla

Julie a dit…

Bonjour Carmilla, je suis désolée du retard.
Si la Pologne s'en sort plutôt bien aujourd'hui, c'est en partie grâce aux aides financières de l'Europe.
Merci pour votre réponse plus haut.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Julie,

J'attache du prix à répondre à ceux qui m'écrivent.

Quant à la Pologne, les fonds européens contribuent sans doute à sa croissance mais leur impact est quand même très limité.

D'une part, tous les pays d'Europe perçoivent des fonds mais il est vrai que certains (dont la France en ce moment mais ça n'a pas toujours été le cas) sont davantage contributeurs que bénéficiaires.

D'autre part, le montant de ces fonds, en regard de la richesse totale produite chaque année par un pays, est à peu près négligeable.

Ce ne sont pas les subventions qui font la richesse d'un pays. Ce qui a surtout bénéficié à la Pologne, c'est l'ouverture à un grand marché européen de plus de 400 millions d'habitants sur lequel elle exporte massivement ses produits. Et puis les Polonais sont de grands techniciens et leur système scolaire et universitaire est de bon niveau. En outre, ils ont de grandes capacités d'adaptation et ont appris à compter d'abord sur eux-mêmes pour s'en sortir. Un symbole: la récente (1978) Prix Nobel de littérature, Olga Tokarczuk, est d'abord partie travailler à Londres, comme femme de chambre dans un grand hôtel, après ses études.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

En rapport indirect avec ce qui précède, une vidéo intéressante, surtout la deuxième partie : un entretien avec le général Iakovleff, général français ayant eu d'importantes responsabilités à l'OTAN, sur les perspectives de la guerre en Ukraine :

https://www.youtube.com/watch?v=-lNRa0o5cyU

On verra si ses prévisions se réalisent (la plus probable selon lui, une victoire ukrainienne et une décomposition de la Russie).

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je vais regarder cette vidéo dès que possible et vous ferai part de mon sentiment.

J'avoue que je ne sais que penser aujourd'hui.

J'espérais que la mobilisation accrue en Russie conduirait la population russe à s'interroger et à initier une prise de conscience de l'absurdité du conflit. Mais, à ce jour, l'opinion ne semble pas bouger sur la nécessité de la guerre. Le soutien à Poutine demeure élevé. Ce qui inquiète, c'est le sort des soldats russes mais le massacre des Ukrainiens, on ne s'en émeut guère. Cette indifférence est profondément choquante car les Russes sont, en fait, bien au courant de ce qui se passe. Il faudra sans doute plusieurs générations avant qu'une réconciliation entre Russes et Ukrainiens soit envisageable.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Bonsoir Nuages,

J'ai trouvé le temps, ce midi, de voir votre vidéo.

C'est effectivement une analyse très sensée, réfléchie et documentée. Je dois d'ailleurs dire que je suis impressionnée par le niveau intellectuel et la culture des généraux français que l'on interroge à propos de la guerre. Je dois avouer que je n'avais pas jusqu'alors une très haute idée des militaires mais ceux-ci me font réviser mon jugement.

Une prochaine offensive de la Russie est en effet hautement probable. Elle est dans la logique de la mobilisation russe et de la crédibilité de Poutine. Attaquer Kyïv est en effet la première hypothèse. Il faut savoir que ça répond d'abord à une pression de la population russe elle-même. C'est affreux à entendre mais les Russes ne comprennent pas qu'on n'ait pas réussi à prendre Kyïv. Pour cela, disent-ils, on n'aurait pas du hésiter à bombarder la ville. On a été trop timorés, ajoutent-ils. Cela dit, j'ai du mal à croire que les Russes puissent réussir à conquérir la ville. Sauf à raser complétement la capitale...

Une seconde hypothèse serait d'attaquer Lviv en passant par la Biélorussie. Ca permettrait de priver l'armée ukrainienne de toutes les aides occidentales. Problème, les Russes détestent plus que tout les Galiciens qu'ils assimilent à Bandera et à la division SS Galicie. Ils les détestent mais ils en ont peur aussi car ils les considèrent comme des sauvages. J'avoue que cette hypothèse, très rationnelle, m'inquiète quand même un peu même si elle est sérieusement étudiée par l'état-major ukrainien.

La 3ème hypothèse serait de prendre à revers Odessa en débarquant, depuis la mer d'Azov, sur la portion de terre comprise entre Odessa et le Danube puis en remontant le Dniestr jusqu'à la Transnistrie (contrôlée par les Russes). Cette 3ème hypothèse m'apparaît rocambolesque.

Bien à vous,

Carmilla