samedi 16 septembre 2023

Incommunicable


 Depuis un bon moment, dans mon entourage social et professionnel, j'ai cessé de parler de l'Ukraine.

J'ai peur de passer pour une casse-pied, une raseuse. Et c'est vrai qu'il n'y a rien de plus ennuyeux que les sermons vertueux.


Dans les conversations de bonne société, on préfère, en effet, les esprits forts, ceux qui se déclarent éclairés, "à qui on ne la fait pas". Avoir une opinion tranchée, ce serait être d'une grande naïveté. Il faudrait savoir partager les responsabilités. Et d'ailleurs, les Ukrainiens ne valent pas mieux que les Russes, me dit-on. Ils sont aussi corrompus et aussi fascistes dans leur mentalité. Et pour clore tout débat, on me ramène la seconde guerre mondiale, la collaboration avec les nazis et Bandera. 


Ce qui me sidère même quelquefois, c'est que certains interlocuteurs n'hésitent pas à me considérer de haut, me donner des leçons et m'asséner leurs âneries alors qu'ils n'ont jamais fichu les pieds ni en Russie, ni, à fortiori, en Ukraine. Je dois vraiment avoir l'air d'une pauvre fille, passer pour une idiote.


Mais tant pis ! Je fais semblant d'écouter et je préfère en rigoler intérieurement. J'ai envie de leur demander s'ils seraient disposés à organiser des référendums de rattachement de l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne, ou du Jura et de la Savoie-Dauphiné à la Suisse. L'issue en serait, probablement, incertaine parce que c'est tout de même le rêve d'une grande part de la population active de ces régions. Foin de tout sentiment, on préfère les salaires suisses ou allemands.


Et je n'ose rappeler que l'Allemagne d'Hitler s'est montrée éventuellement clémente envers la France. Il n'était pas envisagé de la rayer de la carte et elle n'a pas été soumise à des bombardements aveugles et incessants. Ce dont ne se prive pas Poutine.


Tous ces beaux esprits qui dénoncent le "maximalisme" ukrainien, qui appellent à des concessions, des négociations, se dépêchent, en fait, de jeter par dessus bord le pilier de toute démocratie : le Droit. C'est seulement sa stricte application que réclame l'Ukraine : le Droit et rien que le Droit. Il n'y a là aucun extrémisme.


J'ai bien sûr envie d'étrangler tous ces crétins (Arno Klarsfeld, Luc Ferry, Nicolas Sarkozy, Emmanuel Todd, Gérard Araud) qui voudraient justifier par l'histoire l'agression russe sur la Crimée ou le Donbass. Ce seraient des terres culturellement russes. Ce n'est pas la question et c'est éminemment contestable : avant 2014, il n'y avait aucun mouvement autonomiste dans ces régions. Aucune terre n'appartient à une nation, n'est l'expression de son "âme". C'est une vision d'extrême droite. Les Grecs ou les Polonais, qui ne vivent plus sur leur territoire d'origine, le savent bien.


Mais je suis lasse, j'ai renoncé à convaincre qui que ce soit. En matière politique, l'émotionnel l'emporte toujours sur le rationnel. Dans tout comportement public, dans tout choix politique, il y a une large part de "surdétermination", de motivations purement affectives, de petites haines ou d'amour inconsidérés. Et cela, on ne veut pas l'admettre et, d'ailleurs, on est bien incapables de le décomposer.


Donc, je préfère me taire. Je ne parle même pas, et surtout pas, du front. D'abord parce qu'il est fait silence, des deux côtés, sur les opérations en cours. Tout ce qu'on peut raconter relève donc de la grande spéculation d'autant qu'on est rarement expert militaire. En parler, ça n'est donc souvent qu'une tentative de se rassurer.


Et il est vrai que la donne évolue sans cesse. Peu à peu, s'installe aujourd'hui, du côté ukrainien, l'idée d'une guerre longue. L'espoir d'un triomphe rapide s'estompe progressivement. Et rien n'est plus déprimant que la perspective d'une guerre longue. Il n'y a plus d'exaltation du combat, il n'y a plus de héros, plus de romantisme.


Rien qu'une immonde saloperie, une infâme boucherie. Des dizaines de milliers de corps suppliciés, déchirés, définitivement brisés. On bute sur cette sinistre réalité: la guerre, c'est sale, c'est dégueulasse. On perd même tout compassion, toute pitié. Moi-même, je me fiche bien et je me réjouis plutôt d'apprendre la mort de soldats russes.


Et au-delà, quand on sortira enfin de ce long tunnel, quand on verra enfin la lumière, comment pourra-t-on s'en relever, échapper à tous ces cauchemars qui ne cessent de nous hanter ? Comment pourra-t-on retrouver une vie normale ? Se délivrer de la haine et de l'angoisse ?


La grande hantise, ça devient, parfois aussi, l'échec. Mais cela, c'est une perspective absolument inadmissible, inconcevable. On ne pourrait jamais sortir de cette épreuve, on vivrait dans un traumatisme infini, on deviendrait complétement dingues.


Et c'est ce que ne comprennent pas  tous ces cyniques, tous ces idiots, qui voudraient contraindre les Ukrainiens à négocier, à engager un dialogue avec leurs bourreaux. Pourtant, on ne cesse aujourd'hui, dans les sociétés occidentales, d'évoquer le "traumatisme" des victimes. On va jusqu'à prendre en considération les incidents et "accrochages" de la vie quotidienne: le moindre attouchement, le moindre baiser volé, marqueraient une vie entière. 


Mais une guerre, on croit probablement qu'on s'en remet facilement. On semble raisonner comme si les Ukrainiens avaient "consenti" à la guerre. La dévastation mentale subie par tout un pays, on n'en tient pas compte. Pourtant, le plus redoutable, c'est peut-être ce qui se passera "après". Comment pourra-t-on encore vivre là-bas, surmonter les rancœurs et les angoisses, recommencer à parler à un Russe sans amertume ? Reconstruire un pays complétement détruit, vidé de sa population ? 


Une simple chose me déprime. On ne pourra même plus, pendant des décennies, se promener dans la campagne ukrainienne, ses champs et ses forêts, tellement les Russes y ont balancé de bombes et de mines. La guerre ne s'effacera donc jamais de nos esprits.


Tout est donc plutôt sombre. Ma seule certitude, c'est que la guerre ne pourra s'arrêter que lorsque l'Ukraine aura obtenu complète réparation des crimes subis. Et qu'on ne me parle pas de jusqu'au boutisme. On veut simplement la justice et que soient établies les responsabilités. La vertu réparatrice de la Justice, on en fait grand cas dans les démocraties occidentales, mais on est peu soucieux d'en faire usage dans les relations internationales. 


En attendant, plutôt que ruminer continuellement, on préfère donc le silence. Dans toute expérience humaine, il y a une très grande part d'incommunicable. Je trouve ça désolant mais je n'en veux nullement à ceux qui ne s'intéressent pas à l'Ukraine. Moi-même, ma compassion est sélective. Mais comprendre cela et l'accepter peut aussi permettre d'accéder à plus de tolérance et d'attention.


J'ai été ainsi impressionnée par le récit très émouvant de Marianna Perebenesiuk, de retour d'un récent séjour à Kyïv. Elle souligne en particulier que, contrairement à ce qu'on attend, les Ukrainiens parlent, entre eux, très peu de la guerre. On répond à la question "comment ça va ?" avec une émotion proportionnée aux missiles qu'on s'est pris ou non sur la tête durant la nuit. Mais sinon, on est très peu diserts. 


On parle simplement de sa fatigue éprouvée à force de mal dormir dans l'angoisse des bombardements. On ne raconte pas sa vie, on ne s'y attarde pas, c'est à peine si on mentionne qu'un proche, un ami, un membre de la famille, vient de mourir. Comme si c'était devenu le cours normal des choses. On fait comme si de rien n'était, même les choses les plus atroces.


Dans la rue, les gens sont presque transformés. Ils se montrent extrêmement bienveillants les uns envers les autres. Plus personne ne crie, ne se dispute, ne se bouscule. Même la circulation automobile est devenue fluide et courtoise. Les petites querelles sont devenues totalement dérisoires.


Et puis, les "détails" de la vie quotidienne ne sont pas négligés: les gens continuent de s'habiller avec soin, les rues, les toilettes publiques, demeurent remarquablement propres alors que ça aurait pu devenir le cadet des soucis.


D'une manière générale, la vie, à Kyïv, semble continuer presque comme avant. Même les cafés et lieux branchés. Un récent article du "Monde" (13 août 2023) d'Alain Grynszpan, généralement mieux inspiré, m'a pourtant, à ce sujet, sidérée, ulcérée. 


Il évoque un lieu bien connu: le Fifty Beach Club pourvu d'un bassin sur les bords du Dniepr. Le ton est d'emblée donné en évoquant une jeunesse dorée: "des filles, toutes en bikini et très maquillées, qui dansent sur une musique house, papotent, sirotent des cocktails en s'observant mutuellement. En bermudas, les hommes, pour la plupart culturistes et tatoués, font de même. Ils roulent des mécaniques." 


Tout est de ce tonneau: difficile de se montrer plus cureton, plus moralisateur. On sent l'auteur presque indigné. Mais ce type de filles et de mecs, j'en rencontre quasiment tous les jours dans les piscines parisiennes mais personne n'en parle et n'en fait un article dans la presse.  Ce qui me gêne surtout, c'est que beaucoup de lecteurs vont comprendre que la guerre en Ukraine, ça n'est finalement pas si terrible que ça parce qu'à côté, on y prend du bon temps.


Je ne préciserai même pas que tous les garçons et filles qui se prélassent au bord de cette petite piscine sont susceptibles de partir, dès le lendemain, sur le front. Donc, parler de jeunesse dorée...


Surtout, je comprends parfaitement  que, dans cette ambiance tellement incertaine, d'angoisse permanente, sans avenir garanti, on ait d'autant plus envie de draguer, de séduire, de bien s'habiller, de s'éclater.


Parce qu'on a surtout besoin de sentir que tout ne s'écroule pas autour de vous. Que tout ne sombre pas dans la misère, la crasse et le désespoir. Alors oui ! On s'accroche à une multitudes de petites choses qui, dans le contexte, peuvent paraître futiles voire même déplacées. Continuer de s'entretenir, de s'habiller, de demeurer propre, de faire le ménage et de petites réparations, de s'occuper de ses animaux, de s'accorder de petits plaisirs, d'avoir des aventures sentimentales. Ne surtout pas laisser paraître que plus rien n'est comme avant.


A mon petit niveau, je nourris avec affection un couple de mésanges bleues. Pourquoi Diable ? Parce que c'est un oiseau aux couleurs de l'Ukraine. 


Parce que c'est ça, tous ces petits gestes, qui vous maintiennent en vie, qui vous permettent de ne pas complétement sombrer dans la folie. La guerre, ce n'est pas seulement un combat physique contre un adversaire extérieur, c'est aussi un affrontement avec un ennemi intérieur prêt à vous détruire psychologiquement.


Images de Wyczolkowski, Kotarbinski, Repin, Kuindji. Photographies également de Kyïv aujourd'hui.

Je recommande:

- Diana FILIPPOVA: "De l'inconvénient d'être Russe". Voilà un bouquin qui émerge dans le torrent de publications actuelles. Intelligent et subtil. Le récit d'émancipation d'une jeune femme qui a décidé de ne plus être Russe, de s'affranchir de ses mythes destructeurs, de son illusion de la grandeur. Je m'y reconnais même presque entièrement.

Je recommande également vivement la chaîne LCI (canal 26) qui a l'immense mérite de consacrer la majorité de ses magazines à la guerre en Ukraine en faisant appel à des experts compétents.

10 commentaires:

Nuages a dit…

Très beau billet, très juste, émouvant aussi.

Le risque existe d'une guerre longue, d'une guerre d'attrition comme on dit, sauf si l'Occident accroissait encore son aide en matériel, pour assurer un avantage décisif à l'armée ukrainienne. Le risque existe aussi d'un désengagement des Etats-Unis si, par malheur, les républicains devaient revenir au pouvoir.

J'ai vu hier un reportage très fort sur le guerre vue à hauteur d'homme, sur le front, en suivant plusieurs soldats d'une même unité.
"Ukraine : de glace et de feu".

https://www.youtube.com/watch?v=eHLz9X7mXjU

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je vous remercie pour le soutien constant que vous apportez à l'Ukraine.

Perdre la guerre est non seulement inconcevable pour les Ukrainiens mais aussi pour les Occidentaux. C'est quand même bien, me semble-t-il, un combat de l'esprit démocratique contre le totalitarisme. Si on laisse gagner la Russie, tout deviendra permis, la force prévaudra sur le Droit. On pourra attaquer ses voisins en toute impunité.

On peut regretter évidemment que l'Occident ait tant hésité à fournir des armes. Fournies plus tôt, elles auraient probablement permis à l'Ukraine d'effectuer une percée décisive dès l'automne dernier.

Aujourd'hui, la perspective d'une guerre longue est profondément démoralisante. Parce que c'est une guerre sans romantisme, infecte, sale. Les rares reportages sur le front sont effectivement effroyables. Mais nous, spectateurs, n'assistons qu'à 1/4 d'heure de combat. Comment concevoir que, pour les soldats, c'est leur vécu pour des semaines, des mois ?

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

De la soumission volontaire...jusqu’à l’écœurement!

Dans tous les conflits, dans toutes les luttes, dans toutes les guerres, nous retrouvons ce dualisme, continuer ou bien se soumettre, tout en sachant au plus profond de nous-mêmes, que la soumission n’est pas une solution, mais une acceptation de l’agression, face au droit dont le prix de la perte s’étire sur la longueur de temps. Tu te soumets, tu vas payer longtemps! Et, il se peut même que tes descendants subissent le même sort. On se souviendra des années 1930, beaucoup d’européens à l’époque, admiraient Hitler et son régime, ils étaient prêts à lui ouvrir leurs portes, en d’autres mots : à se soumettent. On a tout essayé pour éviter cette guerre, on s’est même rendu à Munich, pour (négocier), mais ce n’était qu’une messe maudite, au pire une mauvaise pièce de théâtre, un accord qui ressemblait à un torchon. Il fallait voir Neville Chamberlain descendre d’avion au retour de Munich, brandissant son petit bout de papier tremblant dans le vent : (Voici un accord pour la paix pour plusieurs générations!) Une année plus tard, c’était la guerre. Le propre de l’humain, et heureusement pas tous les humains, c’est d’oublier. On ne négocie pas avec un chien dangereux, on l’abat.

Je suis toujours triste devant des humains qui se soumettent, qui choisissent de présenter l’autre joue, de plier le genou, qui pénètrent en (servitude volontaire), ici, aucun pardon aucune rémission possible, parce qu’elle est dictée par la peur de perdre son petit confort, de toute façon c’est un geste abjecte d’abdication devant ses responsabilités face à nos congénères. Égoïsme insupportable qui ne donne pas la meilleure représentation de l’humain. Tu as fait le choix de la servitude, il est clair que tu viens de sacrifier ta liberté! Plus jamais tu ne pourras exercer ton choix. Mais de cela, on ne veux rien savoir, on préfère tourner le dos pour oublier, et comme le veux l’expression populaire : (passer à autre chose). Tu ne peux pas passer à autre chose si tu n’as réglé le problème qui t’assaille présentement. D’une manière ou d’une autre, ce problème va ressurgir et tu ne seras pas plus avancé. Dans ce genre de situation, la procrastination ne peut servir de stratégie.

Le silence n’est pas de mise, ne pas en parler ne mène nulle part, essayer l’indifférence devant un chien méchant devient une démarche dangereuse. Nous évoquons l’éloignement de ce conflit. Mais, qu’est-ce que l’éloignement à notre époque? Ici au Canada, nous entendons souvent que la Russie c’est éloignée. Nous oublions que nous avons une frontière commune au nord avec la Russie, et l’océan arctique ne constitue plus aujourd’hui un obstacle majeur, sans oublier qu’à l’ouest, l’Alaska est collé sur la Sibérie. Lorsque j’évoque cette situation, les gens me regardent avec leurs yeux ronds d’étonnements. Au contraire, nous devons en parler, même si les nouvelles provenant d’Ukraine se font rarissimes, parce que cela nous regarde, et qu’un jour nous pourrions être impliqué dans ce conflit qui débordera. Voilà ce que nous devons envisager même si c’est déplaisant. N’oublions pas que se sont les russes qui ont attaqué et nous les avons encouragé par manque de réaction, lorsqu’ils ont envahi la Crimée. Nous avons tablé que l’ours serait rassasié!

Richard a dit…

Refusez de s’exprimer, garder le silence, oublier, ce n’est pas autre chose que des phases de dénies. Nous avons le devoir comme citoyens de regarder tout le tour de nous, lever notre regard plus haut que la clôture de notre jardin. Si nous n’avons pas de nouvelle d’Ukraine, ce n’est pas une raison pour nous enfermer dans notre silence et encore moins de nous désintéresser à ce qui se passe partout au travers le monde. Il faut suivre un certain Lavrov qui assure la politique extérieure de la Russie, qui vient de mettre plusieurs pays africains dans sa poche, vous en savez quelque chose en France, vous qui venez d’être congédier de ce continent avec un coup pied au cul. Les Russes cherchent désespérément des alliés, que dire des partenaires, peu importe de l’Afrique à la Corée du Nord, n’importe qui fait l’affaire. Lavrov se promène un peu partout de l’Afrique du Sud au Brésil en passant par l’Iran, en espérant créer un nouveau front quelque part pour faire diversion. Pour Lavrov et les Russes, c’est la déstabilisation qu’il faut provoquer, semer le chaos, c’est ce qu’ils sont entrain de faire en Europe, sans oublier que comme l’évoquait Nuages, l’élection américaine, c’est l’année prochaine. Je ne pourrais passer sous silence, cet esprit isolationnisme qui plane aux USA, où certains républicains désirent mettent la hache dans l’OTAN. Tous ces événements, nous ne pouvons les passer sous silence, même au travers des tempêtes, des feux de forêts, des inondations, de l’inflation, du manque de logement, et de bien d’autres problèmes qui nous assaillent. L’année 2023 est une rude année à tous les points de vues. Peu importe les pays, peu importe les gouvernements, nous passons d’une crise à l’autre en éteignant les feux, en essayant de contrer les difficultés de toutes sortes. Ce n’est pas une surprise si je refuse le silence et je ne manque pas d’apostropher les indifférents comme les provocateurs. Je suis non seulement conscient de la situation, mais je n’oublie jamais qu’elle pourrait être pire. Et, le pire pourrait encore être pire! Je sais qu’on n’ose pas envisager cette possibilité, mais la réalité c’est que nous sommes assis sur le bord du volcan et que nous sommes trop paresseux pour se magner le train. Nous ne sommes pas dans les faits divers, mais en pleine politique internationale. Je n’ai pas oublié ce que je disais au début de ce conflit : on n’aura peut-être pas le choix de se relever les manches et de salir les mains! Ce que je constate autour de moi, c’est que les gens ne sont pas prêts à cela, surtout pas prêts mentalement. Les événements futurs pourraient nous secouer rudement. Personne, peu importe sa position sur terre, n’est en sécurité présentement. Pour le dire cruellement, je n’ai pas envie de me faire massacrer et encore moins de me soumettre à des régimes qui n’ont rien à voir en cette époque sur terre, tout simplement parce que la liberté a un prix tellement élevé qu’on ne peut pas y mettre un chiffre quelconque. Alors si on pense que l’on peut éviter le pire par l’indifférence, alors nous pourrons penser que nous sommes prêts pour le grand suicide collectif. Mais, je pense que nous méritons mieux que cela, la paix, la liberté, et l’état de droit, cependant tout cela n’est pas gratuit et des fois il faut les défendre. Tout ce qui compte présentement, c’est de tenir le cap, même s’il faut parcourir ce chemin d’horreurs. Et croyez-moi, ce n’est pas de gaieté de coeur que j’y pense et que je le dis.

Richard a dit…

Qu’on se le dise : aucun avenir n’est garanti, c’est cela que souligne la guerre ou les événements climatiques et les tremblements de terre. Nous sommes mortels et nous pourrions mourir après la prochaine paroles. Pourquoi qu’on se soumettrait. Il n’y a pas une journée où je pense aux ukrainiens et à toutes les difficultés qu’ils doivent surmonter. Et, s’il arrive qu’ils s’amusent, c’est qu’ils soignent leur dignité pour ne pas perdre une certaine confiance en l’avenir. Pas facile de conserver sa dignité surtout dans les événements et épreuves actuels. Il en a été ainsi dans tous les conflits, on se rappellera des Britanniques qui conservaient leur sens de l’humour, allaient danser lorsqu’ils en avaient l’occasion, allait au cinéma ou encore au concert, et même les jeunes anglaises ne manquaient pas de faire du charme aux jeunes canadiens et américains qui se préparaient à débarquer sur les côtes de France. J’en sais quelque chose, un de mes anciens chefs pilotes avaient marié une anglaise alors qu’il servait en Angleterre. Malgré la guerre, la vie continue, est-ce qu’on peut empêcher les gens d’avoir un peu de plaisir et de désir? Vous avez raison Carmilla, ce n’est pas parce qu’on est en guerre qu’il faut se priver des bonnes choses. Il n’y a rien d’immoral dans cela. C’est très humain! Certes, je ne peux pas trop penser à l’après, parce que tout ce qui compte c’est de vaincre, et nous devrions savoir que plus que ce conflit dure dans le temps, plus il favorise l’ennemi. Il appert que l’échec n’est pas envisageable. Après on aidera à la reconstruction, déminage compris, on ne peut pas laisser ces saloperies dans le sol. Je sais, ce travail va être colossal, mais au moins ils ne se feront plus tirer dessus. Espérons fort que se sera une autre époque. On ne lutte pas pour rien lorsqu’on défend sa manière de vivre. Nous pouvons bien rêver à un monde meilleure tout en se demandant : pourquoi les Ukrainiens ne s’en sortiraient pas. Je sais, il y a loin entre la réalité présente et nos rêves, mais les rêves cela aident à vivre, cela fait parti de nos espérances aussi minimes sont-elles. Il faut s’accrocher. Même s’il faut s’accrocher aux mésanges bleues. Elles sont tellement jolies. C’est très européen parce que c’est un oiseau inconnu ici. Se sont ces petits riens qui au fond nous tiennent debout. Est-ce que plus rien ne sera comme avant? Rien n’est jamais comme avant, alors pourquoi se ne serait pas meilleur? Comment ne pas espérer le meilleur? Il faut noyer ce côté sombre en nous… Pour ma part, entre toutes mes préoccupations je m’occupe de trois chats, les deux femelles de ma logeuse qui vient déguster ma cuisine et surtout mon lait évaporé, une chatte toute noire que j’ai baptisé : Panthère, puisqu’elle est entièrement noire, et l’autre une chatte d’Espagne aux grands poils que j’ai nommé : Grands-Poils, reste un chat errant, un siamois, qui parce qu’il se fait battre continuellement par ses congénères, je l’ai nommé : Grand Timide. C’est un vieux chat sur fin de carrière que je n’arrive pas à engraisser. Il m’aura fallu beaucoup de temps pour parvenir à la gratter derrière les oreilles, mais j’y suis parvenu. Ne pas oublier les petits gestes de la vie, surtout la générosité, ce qui nous fait sentir vivant, et c’est vraiment tout ce qui compte.

Bonne fin de journée Carmilla et merci pour votre texte.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

C'est ce que je souligne: il n'est pas concevable que la guerre s'arrête en l'état actuel. Que soit trouvé un compromis, que soient faites des concessions. Les choses sont allées beaucoup trop loin.

Les Ukrainiens ont trop le sentiment que les Russes veulent les anéantir, les rayer de la carte. De beaux esprits me disent qu'on ne peut pas comparer Hitler et Poutine. Mais ce dernier refuse tout de même bien, à tout un peuple, le droit à l'existence. Il l'a écrit à l'été 2021. Et il n'a aucun état d'âme à ce que ses armées s'en prennent aux populations civiles. Quant aux territoire occupés, les témoignages sur les sévices exercés sont effrayants.

Toute solution qui ne ferait pas pleinement Droit aux Ukrainiens serait donc un traumatisme terrible pour eux et ouvrirait rapidement la voie à une relance du conflit.

Je ne savais pas qu'il n'y avait pas de mésanges bleues en Amérique. Elles sont plus petites et peuvent être familières: si l'on a des mouvements très lents, elles peuvent venir manger dans votre main.

Quant aux chats, je recommande à nouveau le le livre de John Gray: "Philosophie féline-Les chats et le sens de l'existence".

Bien à vous,

Carmilla



Julie a dit…

Bonjour Carmilla, vous m'avez bien fait sourire... nourrir un couple de mésanges aux couleurs ukrainiennes par solidarité. De les avoir nourris et observés pendant une quinzaine d'hivers, savez-vous que les mésanges sont terriblement belliqueuses ? C'est juste un détail, attachant.
A mon échelle j'arpente les chemins du coin marqués par deux barres jaune et bleue. Sourire.
Plus sérieusement, merci pour ce billet poignant de justesse, qui me réconforte dans mon impuissance...
Bien à vous, bonne journée.
Julie

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Julie,

Dans mon jardin, je nourris principalement :

- un couple de merles et leurs enfants (qui restent plusieurs mois auprès de leurs parents): pas du tout belliqueux sauf si un autre merle, venu de l'extérieur, pénètre dans ce qu'ils considèrent être leur territoire. Ca donne tout de suite lieu à une riposte violente de leur part. J'aime bien les merles parce qu'ils sont assez intelligents et que le mâle chante vraiment très bien. Leur défaut: ils sont compliqués à nourrir.

- un couple de mésanges charbonnières et un couple de mésanges bleues. Les charbonnières sont agressives avec les bleues et les chassent immédiatement. Les bleues se débrouillent donc pour venir manger quand les charbonnières ne sont pas là.

- il y avait aussi un rouge-gorge qui était très bagarreur mais que je ne vois plus depuis un certain temps. Il était très agressif et il paraît, en effet, que ce charmant oiseau n'est pas du tout sympathique.

- enfin, dernière originalité (du moins à Paris): une buse effectue quelquefois un piqué dans mon jardin. La raison: attraper une souris. Malgré tous mes efforts, tous les appâts empoisonnés que de dépose, je n'arrive pas en effet à me débarrasser complétement des souris. C'est un fléau parisien. Mais je n'apprécie pas du tout non plus les interventions de la buse. Les rapaces n'ont vraiment rien de sympathique.

Au total, je m'occupe de différents types d'oiseaux dont les comportements, les habitudes, l'alimentation, sont très différents. J'adore observer cela mais je n'avais pas jusqu'alors remarqué que les mésanges étaient belliqueuses. Ce sont les oiseaux qu'il m'est le plus facile d'approcher, qui ne s'enfuient pas immédiatement à ma vue et s'approchent même volontiers si elles voient que j'ai de la nourriture pour elles.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Sur les points communs entre Hitler et Poutine, un débat intéressant ici :
https://www.youtube.com/watch?v=8T_e2c3G9fk

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages pour cette référence.

Je ne crois pas en effet qu'il soit facile et grossier de comparer Hitler et Poutine.

Et ça va même au-delà de ce qui est développée ici.

Il faut aussi parler de l'idéologie. Hitler évoquait la race aryenne supérieure. En Russie, il y a un matraquage de la propagande visant à persuader la population que le peuple russe est un peuple supérieur. On ne parle pas de "race" mais d'"âme" russe. Un peuple russe supérieur par la spiritualité, l'éducation, la culture. Rien ne vaut la littérature, les arts, les sciences, les technologies russes. La Russie, tellement supérieure en tous domaines, est donc appelée à sauver le monde. Les autres pays, ça ne vaut pas grand chose en comparaison, ça ne mérite même pas d'exister. Surtout les Ukrainiens et tous ces Asiatiques des anciennes Républiques d'URSS. On n'imagine pas l'immodestie et la force du racisme chez les Russes.

Ce peuple russe supérieur a, bien entendu, vocation à dominer les autres, à créer un Empire.

Bien à vous,

Carmilla