samedi 29 juin 2024

Du meurtre symbolique

 
Il est une chose que je déteste par dessus tout: que l'on me dise que je ressemble à quelqu'un, une personne de ma famille ou de mon entourage. Que je puisse être comme mon père ou ma mère ou une de mes copines, c'est une idée qui me hérisse profondément alors même que je ne déteste nullement ni mes parents ni mes amis.


L'ethnologue Bronislaw Malinowski a ainsi relaté l'effroi et le malaise qu'il avait suscités chez les Trobriandais quand il avait déclaré qu'une femme était "tout le portrait de sa grand-mère". Il avait non seulement enfreint la tradition mais rendue impure la personne désignée, l'avait même avilie en comparant son visage à celui d'une parente.


C'est étrange : dans le monde occidental, on se plaît à se chercher et se trouver de multiples ressemblances avec les membres de sa famille. Ca touche jusqu'à la personnalité, l'intelligence, les talents. C'est comme si on croyait  fermement que ces aptitudes et qualités étaient génétiquement transmises. On ne s'avise même pas que ces caractères dits héréditaires ne sont qu'une variation de la théorie des races.



En revanche, dans certaines cultures, toute allusion à une ressemblance familiale ou amicale est perçue comme une offense ou une incongruité. Je comprends entièrement cette réaction: il n'est, en effet, pas de meilleur moyen pour tuer psychiquement quelqu'un, pour le faire sombrer dans la folie, que de lui ressasser qu'il est l'exact portrait de ses parents. Dire que je ressemble à quelqu'un, c'est en quelque sorte nier mon existence. 


Et c'est malheureusement de cela qu'il s'agit le plus souvent dans les relations humaines: néantiser l'autre, le soumettre à son pouvoir. "La vie est le théâtre de l'entre déchirement des êtres", disait Schopenhauer. 


Plus simplement, la vie, c'est un conflit permanent y compris, et probablement surtout, avec les gens que l'on aime (l'amour est toujours "braque"). Et le conflit, il n'a même pas besoin de s'exprimer directement. Il peut se cacher rien que dans deux manières différentes de regarder la pluie. Ou dans un sourire qui n'apparaît pas sincère.


J'en sais quelque chose: j'ai sans doute contribué à tuer ma sœur parce que l'on ne cessait de nous comparer l'une et l'autre: une dingue qui a réussi et une, encore plus dingue, qui a échoué. Elle s'est mise, inconsciemment, à détester celle que j'étais devenue.


Mais j'irai plus loin. On est, en fait, rarement bienveillants envers les autres. L'autre, on le perçoit d'emblée comme un rival, un ennemi. Et si on n'ose plus l'éliminer physiquement aujourd'hui, on a du moins la solution de le détruire psychologiquement. Et à cette fin, tous les moyens sont bons. On ne cesse, ainsi, de travailler à sa déstabilisation-manipulation mentale de manière à le faire douter de lui-même, de son identité propre.


"L'effort pour rendre l'autre fou", c'en est la version paroxystique qu'a bien décrite, en 1965, le psychanalyste américain Harold Searles. Dans ce grand bouquin, il décrit bien les techniques les plus couramment employées (notamment celle des parents envers leurs enfants) :


- essentialiser l'autre, réduire son identité à quelques traits de personnalité ou à ce que l'on appelle un "caractère". On pratique à outrance la psychologie de bistrot et on catalogue les autres: l'un serait coléreux et pas franc, l'autre serait mégalo et narcissique, la troisième, enfin, serait douce et généreuse. Et s'agissant de ses enfants, on a vite fait de décréter que l'un a une sensibilité artistique ou littéraire tandis que l'autre est plutôt un matheux et le troisième davantage un manuel et un sportif. Rien de tel pour plonger chaque enfant dans l'angoisse et la désillusion parce que chacun d'eux va alors essayer de se se conformer à ce rôle qui lui est imparti. Si l'on est d'emblée désigné pas très doué, on s'engagera sur ces rails là. Psychologiser ses proches, ses collègues, ses supérieurs, les personnalités politiques, c'est une activité à laquelle on s'adonne avec délice. Mais on n'a pas, en fait, d'autre visée que rapetisser, humilier l'autre.


- enfermer l'autre dans ce que l'on appelle la double contrainte (le "double bind"). La double contrainte, c'est exercer un rapport de domination en soumettant l'autre  à une injonction contradictoire. Celle-ci relève du type: "sois spontané", "fais preuve d'initiative", "sois libre". Ces injonctions, ce sont notamment les parents qui exigent chacun qu'un enfant ait un lien exclusif avec lui. C'est aussi le patron qui demande à ses employés de dire s'il ne sont pas d'accord. Mais si quelqu'un souligne son opposition, il risque fort d'être accusé de déloyauté. C'est enfin le défi paradoxal du management: "innovez, soyez créatifs mais ne faites pas d'erreurs". La double contrainte, ça vous place dans une situation dans la quelle on est, de toute manière, "non gagnant". On est blâmé ou puni si on le fait et blâmé ou puni si on ne le fait pas. Et bien sûr, on vous dit qu'il ne s'agit pas d'une punition. Rien de tel pour que la victime s'emmêle l'esprit dans des dilemmes inextricables.


- une autre technique est celle de se montrer absolument imprévisible dans ses changements d'humeur. Tantôt charmant et enjoué, tantôt colérique et insultant. Ou bien, d'afficher une fausse sollicitude: dire régulièrement à quelqu'un qu'il n'a pas l'air très bien, qu'il semble fatigué voire épuisé (vous pouvez être sûr que si vous répétez sans cesse à quelqu'un qu'il semble malade, il le deviendra, effectivement, bien vite). Ces deux techniques sapent bien vite la confiance de l'autre dans la fiabilité de sa propre perception du réel.


On vit trop dans l'angélisme. L'amabilité, la sympathie, les amis, les copains, les copines et même les parents aimants, ce n'est généralement qu'une façade. La réalité, c'est plutôt celle des rapports de pouvoir et de domination entre les hommes. Et ça passe forcément par l'élimination de l'autre, son anéantissement psychologique. 


De cela, il faut avoir bien conscience. Et si on veut soi-même survivre, conquérir une identité, il faut apprendre à détourner les mécanismes au travers des quels on cherche à nous enfermer, nous restreindre, nous diminuer.


Il faut savoir affirmer sa singularité, son unicité. Je fais mienne cette affirmation d'Ossip Mandelstam: le vivant est incomparable. On ne ressemble à personne, on ne reproduit rien, on existe pour la première fois et on ne représente que soi-même. 


Ca implique, pour soi-même, un nouveau comportement. Apprendre à respecter l'autre, à lui donner toute sa place. Eventuellement, le guider, le soutenir dans sa démarche, plutôt que de lui faire barrage.

Parce que

l'amour, le véritable amour, c'est faire exister l'autre.

Images de Sarah MOON, Rebecka TOLLENS, Franz Von STUCK. La dernière image est, bien sûr, une évocation d'Anna Karénine.

Je recommande :

- Emily Brontë : "Les Hauts de Hurlevent". On n'a jamais aussi bien décrit la perversité qui s'attache aux relations de pouvoir.

- Sheridan le Fanu: "Oncle Silas". On vient de rééditer (chez José Corti) ce chef d'œuvre. Du bien tordu comme j'aime.

- Harold Searles: "L'effort pour rendre l'autre fou". Un grand classique mais d'une lecture aride.

- Mon post retraduit, en outre, certaines thèses de "l'école de Palo Alto" fondée, dans les années 50, par l'anthropologue Gregory Bateson. Pour vous initier à Palo Alto, je vous conseille les bouquins de Paul Watzlawick, notamment : "L'invention de la réalité", "Comment réussir à échouer", "Faites vous-mêmes, votre malheur". C'est drôle, pédagogique et intelligent. Ca se trouve facilement, notamment en poche.

Enfin, même si ça n'a pas de rapport avec mon post, je vous signale que l'Institut Ukrainien en France vient de lancer sur Internet un portail "Lire l'Ukraine" (fr.ui.org.ua/lire-lukraine). Son ambition est de familiariser avec la littérature ukrainienne contemporaine bien mal connue.





9 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Le meurtre symbolique est un excellent carburant pour la haine; mais aussi, pour s’arracher à son milieu familiale, s’extraire des forces que les autres exercent sur vous.

Je désire vous remercier pour votre dixième images, car je ne pensais pas revoir ce groupe de femmes que j’avais souligné voilà deux semaines sous le titre de : La déstabilisation de l’ambiguë.

Il appert que le milieu familiale peut être très déstabilisant par sa cruauté. Dans cet espace temps, il y a de quoi éduquer un enfant, mais aussi de le détruire, avec cette remarque comparative : Regarde ton frère, il réussit à l’école parce qu’il travail bien et que c’est un bon garçon. Ce n’est visiblement plus de l’éducation, car c’est une couche de honte qu’on déverse sur sur cet être humain, qui souvent ne désire qu’une chose être reconnu et surtout apprécié. Reste deux routes, s’enfoncer dans ce genre de patron et se soumettre pour souffrir longtemps après que les parents soient décédés; ou bien, pour les plus fantasques, les plus volontaires, émerger plus forts si on ne craint pas les affrontements douloureux et les blessures psychologiques. Toujours plus dans l’extrême, ce qui est l’état des dominants. Devenir toujours plus, afin de s’extraire de ce bourbier pour marquer sa liberté. Le vieux Harrison avait raison, lorsqu’il écrivait : (On n’appartient jamais qu’à soi-même). Il faut souligner que cet écrivain américain provenait d’une famille, où les forts en caractère ne manquaient pas. Il faut reconnaître que ces genres de personnages qui s’en sortent à l’arracher ne sont pas nombreux comparé à ceux qui se soumettent.

Ce qui est le plus difficile chez les humains, c’est de les amener à avoir confiance en eux-mêmes. Je suis heureux que vous l’avez souligné. C’est ainsi que l’on forme des êtres, le tout sans rien attendre en retour. J’ai bien aimé cette phrase : «  On ne ressemble à personne, on ne reproduit rien, on existe pour la première fois et on ne représente que soi-même. » Et vous avez raison, le véritable amour c’est faire exister les autres, sans attendre rien en retour. Un véritable geste de don de soi. Si un humain te tend la main, prends-là, et serre-là fort. C’est un être qui a besoin de toi. Je dirais même que c’est un honneur d’être choisi ainsi. Si l’on rend tous ceux qui nous entoure, plus confiant en eux-mêmes, alors il ne faut pas refuser cette main, parce qu’elle regarde notre avenir à nous tous. C’est une manière, non seulement de se dépasser dans la vie, mais d’aider les autres à émerger dans la confiance.

Je suis très sensible à ce genres de situations, et lorsque je suis dans un groupe d’humains, peu importe leurs relations, je remarque autant les humiliations, mais surtout les gestes de réconforts et d’encouragements. Et, je n’ai jamais oublié ce genre d’éducation dans ce milieu de ce catholicisme outrancier, où l’on nous éduquait à la honte et à l’humiliation, qui pendant des années ont nourri ma colère. On ne traite pas des humains ainsi! C’est une conviction très puissante chez moi.

Voilà un beau texte Carmilla, à lire, à relire, et surtout à réfléchir.
Merci et bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Effectivement, beaucoup de parents s'acharnent à "détruire" leurs enfants (même s'ils ne reconnaîtront, bien sûr, jamais cela). Soit en leur prêtant des qualités ou défauts psychologiques et en allant jusqu'à les humilier. Soit en décrétant qu'ils ne sont pas doués pour ceci ou cela ou, au contraire, des petits génies. Les parents surestiment ou sous-estiment leurs enfants et marquent souvent une préférence pour l'un d'entre eux. Mais c'est particulièrement déstabilisant pour tous. Certains n'ont, à partir de là, aucune confiance en eux-mêmes tandis que d'autres sont infects d'arrogance.

Et ça se reproduit à l'âge adulte. On ne cesse de "caractériser" les autres, de leur prêter des qualités et des défauts. Je crois surtout qu'il faut s'interdire de faire de la psychologie simpliste. Aucun de nous n'est constitué d'une essence simple, on a tous une personnalité complexe et contradictoire. Personne n'est entièrement bon ni entièrement mauvais.

En France, il y a aujourd'hui une expression à la mode que je déteste: "une belle personne". Il faudrait être une belle personne à la moralité irréprochable. Mais ça n'existe pas, c'est de la moraline. Les belles personnes sont des crapules comme les autres. Et être une crapule, ça ne doit pas vous ranger sur le banc de l'infâmie.

Je crois donc, en effet, qu'il faut d'abord permettre aux autres d'exister, sans censurer ce que l'on estime être leurs défauts. C'est cela la véritable écoute et le véritable respect de l'autre. C'est aussi, en effet, le véritable amour.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

« La stupidité n’est pas la condition de l’humanité : c’est cependant un trait qui peut être encouragé collectivement quand les institutions épistémiques ne sont pas zététiques, c’est-à-dire quand elles ne sont pas orientées pour maximiser la connaissance collective, mais seulement leurs propres intérêts économiques ou politiques. »

Gloria Origgi
La vérité est une question politique
Page 79

Hier après-midi, j’étais en train de lire cette phrase tout en écoutant la radio en attente des résultats électoraux en France, qui sont tombés vers 15 heures, au Québec.

La vérité est une question politique : un ouvrage incontournable, très intéressant, où il est question de vérité, mais aussi de savoir, et de manipulations des savoirs et des vérités. Je vous le recommande. C’est vraiment une question de connaissance collective.

J’espère que les résultats électoraux n’ont pas troublé votre sommeil.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

La vérité est-elle une question politique ?

J'ai du mal à vous répondre aujourd'hui dans un contexte où les mouvements et partis autoritaires et populistes ont le vent en poupe.

Mais ce Peuple qu'on exhibe, même s'il est effrayant à bien des égards, on ne saurait, non plus, le mépriser même si on le juge inculte et raciste. On doit surtout se poser la question: "Qui sommes-nous nous-mêmes ?" Est-ce qu'on n'est pas nous-mêmes caricaturaux et d'une insupportable arrogance ? On est aussi les rentiers du système.

Le Peuple n'a pas toujours raison mais pourquoi la Haine et que faire ?

Les résultats électoraux, conformes aux prévisions, troublent donc bien mon sommeil. Existe-t-il vraiment de grandes causes ou bien n'y a-t-il que des appétits individuels ?

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Question pertinente que celle de la vérité qui demeure une question incontournable surtout en politique. Ce livre lucide tombe à point, Origgi tente d’expliquer comment des gens peuvent se soumettre à des désinformations massives, y croire, et ne jamais douter. Comment on en arrive à perdre notre sens critique lorsque les fausses nouvelles deviennent justement la vérité? Il faut arriver à comprendre ce processus. Nous en avons abordé le sujet à plusieurs reprises Carmilla, et surtout nous ne pouvons pas détourner le regard suite aux événements qui sont en cours. Comment les foules s’influencent entre elle? Comment un tribun habile peut mettre une foule dans sa poche. Comment les experts peuvent trafiquer les esprits? Est-ce parce qu’un expert s’exprime sur un sujet qu’il dit nécessairement la vérité.

« La vérité est donc un ingrédient fondamental de la politique, mais elle n’en est pas le fondement. »
Gloria Origgi
La vérité est une question politique
Page 29

Tout cela, parce qu’il faut se sortir de cette situation embarrassante si nous voulons à nouveau évoluer, tout en équilibrant la vérité et la politique. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être de simple spectateur en étant les rentiers du système.

Bonne fin de journée Carmilla.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

L’objectif de madame Origgi, n’est pas strictement économique, elle effleure à peine le sujet, mais elle touche la philosophie avec cette vérité, celle qui déferle présentement sur notre monde, qui amène ce genre de conservatisme, pour nourrir nos inquiétudes. J’en ai déjà parlé, et j’aime bien en parler, parce que le phénomène m’intéresse, et surtout que je désire en faire le tour pour le comprendre. Comme l’humanité se comporte-t-elle pour en arrivé à cette situation? Origgi, nous invite à en faire de tour, et je n’ai pas manquer d’embarquer dans le train. Comment sommes-nous capables de nous mentir à nous-mêmes, au point de perdre tous nos repères et nous en remettre aux spécialistes, aux gourous, aux prêtres, et même aux voyantes, incapable que nous sommes de penser par nous-mêmes.le le dit ainsi :


« Il suffit de jeter un regard à l’histoire de la science pour comprendre combien il est difficile de distiller, entre les myriades de pensées, valeurs inclinaisons, normes sociales qui font pression sur nos croyances, le matériel adéquat pour produire une vision objective de la réalité. »

Gloria Origgi
La vérité est une question politique
Page 112

Nous pouvons y penser autrement : Comment se fait-il que La France soit arrivé aux événements que vous vivez présentement, ce pays de la formation, de l’instruction, de la éducation, le pays de la philosophie, de la pensée, qui cherche son chemin entre des formules oiseuses et des vérité qui n’ont que le nom de vérité. Origgi tente de répondre à tous ces phénomènes, et pour se faire, elle se sert de la vérité, qui n’a toujours servi la politique. On peut même se servir de la vérité pour transformer la réalité, et même la politique, sans oublier la science.

Présentement, les mensonges sont tellement gros, tellement déconcertants, que pour certains, ces mensonges, sont des vérités. Nous en sommes venus à changer le mensonge en vérité. Cela devrait vous intéressez, parce qu’elle aborde aussi des question psychologiques sur le comportement des foules.

Aujourd’hui, la politique a besoin de la science comme la science a besoin de la politique. Il n’y a plus de domaines ou de spécialités séparées.

« Cependant, si science et politique ont un air de famille, leurs rapports sont complexes et même dangereux. La politique, comme le dit Arendt, est le royaume des opinions. La science est le royaume des faits. Si la science est influencée par la politique, cela signifie que les faits sont influencés par les opinions. Si la politique est influencée par la science, cela signifie que les opinions ne s’équivalent pas : il y en aura quelques-unes qui s’accorderont avec les faits et d’autres qui ne correspondront à rien. Cette hypothèse est-elle compatible avec une conception démocratique de la politique? »
Gloria Origgi
La vérité est une question politiques
Page 40

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je crois comprendre un peu mieux.

Ce qui est frappant, en effet, c'est que l'adhésion "des masses" à un programme politique ne repose guère sur une analyse rationnelle mais plutôt sur des critères émotionnels ou affectifs.

Les politiciens sont un peu perçus comme des stars du cinéma. On raconte leurs petites histoires de famille, on fait leur analyse psychologique. Et on se dépêche, au bout d'un certain temps, de brûler ce que l'on avait adoré.

Peu importe le programme politique et économique d'un candidat, on le choisit en fonction de sa psychologie supposée et des affinités qu'on pense entretenir avec lui.

C'est pour cela que les grands bateleurs et communicants ont toutes leurs chances. Ce n'est pas la vérité mais les effets de manche qui sont décisifs.

Je ne sais pas comment on peut en sortir parce que les passions et l'affectivité seront toujours plus fortes que la Raison.

Il faudrait absolument éviter de "psychologiser" la politique. Mais je crois qu'on n'y arrivera jamais. On est trop friands de "petites histoires".

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

« La solution du problème ne viendra pas seulement de la régulation du web dans sa forme actuelle, mais dans la capacité de concevoir de nouvelles institutions du savoir qui seront compatible avec le tsunami informationnel propre à notre époque et qui caractérisera les époques futures. »
Gloria Origgi
La vérité est une question politique
Page – 149 -

Enfin, une personne qui évoque l’éducation, l’instruction, les reformes de nos institutions, autant politiques que scolaires. Combien de fois je l’ai évoqué au cours des dernières années? Elle le dit clairement :

« Des solutions, en somme, je n’en n’ai pas. Mais nous avons beaucoup à faire. Nous vivons avec des institutions du savoir qui sont obsolètes, inutiles et souvent néfastes. Mais elles peuvent changer. Et rien n’est plus enthousiasmant que de travailler ensemble à un monde nouveau dans lequel penser ne serait pas un luxe réservé au petit nombre ou une masturbation solitaire et inutile, mais le fruit le plus précieux du vivre-ensemble. »
Gloria Origgi
La vérité est une question politique
Page - 167 -

Avant de parvenir aux réformes, elle pose une question, que plusieurs se posent : Pourquoi les gens croient-ils ce qu’ils croient? Elle s’attaque non seulement à nos croyances, mais à nos manières de croire. Comme elle le souligne, nous sommes entrés dans une : Révolution techno-cognitive. Je me pose les mêmes questions : pourquoi les gens croient ce qu’ils croient? Et sur le fond : je ne sais pas et ce n’est pas parce que nous ne savons pas que nous devons refuser la recherche de solutions, mais encore plus, une recherche d’un monde nouveau. Pas un monde renouvelé, replâtré, mais bien un monde nouveau.

Pour ce faire, il faudra regarder la vérité en face, et surtout de ne pas craindre nos erreurs, aussi déplaisantes puissent-elles être. C’est peut-être un beau risque; je dirais que c’est un magnifique défi. C’est un défi à notre mesure avec sa part d’ombre.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

De nouvelles institutions du savoir pour former de grandes sociétés de gens tous éclairés. Pourquoi pas, en effet ?

Mais je suis sceptique. Les plus grands esprits, les gens les plus rationnels, ont leurs petites bizarreries.

Il y a, chez tout homme, un attrait pour l'irrationnel. On est faits aussi de passions et de rêves. On est même attirés par le chaos.

Le monde, c'est aussi un grand tumulte, le bruit et la fureur. Il en sort le pire et le meilleur.

Espérer réguler cette instabilité permanente, ça m'apparaît une utopie.

Bien à vous,

Carmilla