samedi 19 décembre 2020

Nos boucs émissaires : le Pédophile

 

On croit avoir atteint la grande civilisation, on vivrait dans des sociétés évoluées, démocratiques, respectant chaque citoyen et lui accordant une place.

A rebours, on peut aussi avoir l'impression que ressurgissent les mécanismes sociaux les plus primitifs et les plus cruels, celui en particulier du bouc émissaire. On se plaît aujourd'hui à fabriquer des monstres qui nous servent de repoussoirs et que l'on désigne à la vindicte populaire. 

On vit dans une hantise continuelle, celle de monstres, de grands pervers, qui rôderaient autour de nous et dont on ne se méfierait jamais assez. Ce sont des "tueurs-nés", des tueurs d'enfants d'abord (les pédophiles) et une nouvelle catégorie que l'on vient de découvrir, des tueurs de femmes (les féminicides). Pour se délivrer d'eux, aucune peine n'est assez lourde et d'ailleurs appartiennent-ils bien à la catégorie de l'humanité ? Même la peine de mort serait trop douce pour eux. On ne se demande pas, bêtise ou idéologie, si la machine judiciaire est bien adaptée à leurs cas.

Les pédophiles, inutile de rappeler à quel point ils cristallisent, depuis 2 ou 3 décennies, les angoisses et la réprobation sociales. Personne ne s'avise de ce que l'on se repaît, se délecte même, de toutes les histoires les concernant. On s'intéresse davantage à   la biographie de Marc Dutroux, Michel Fourniret, Josef Fritzl, Wolfgang Prikopil (le geôlier de Natascha Kampusch) qu'aux rebondissements du Brexit et la tragédie du Haut-Karabakh. Cette fascination pour le fait divers, sa qualification sordide, est évidemment parlante.

Et puis, on se plaît à tout mélanger. Le peintre Balthus, le roman "Lolita" de Nabokov, sont-ils encore concevables aujourd'hui ? Je n'ose même plus parler de Polanski et Matzneff tellement on est maintenant convaincus que l'Art devrait énoncer la Morale. Il y a pourtant plus que des nuances entre eux et Dutroux ou Fourniret. 

Quand à 13 ans, je me suis sentie, pour la première fois, reluquée par des hommes, je n'ai pas été forcément traumatisée mais ça m'a plutôt intéressée, interrogée. Même si au regard de la Loi, c'est pareil, une fille de 8 ans et une fille de 13 ans sont néanmoins bien différentes. Il y a même, aujourd'hui, une aspiration croissante, encouragée par les médias publicitaires, à être considérée comme un femme adulte, à sortir de l'enfance, le plus tôt possible.

On a pu mettre en parallèle la montée de l'angoisse pédophile avec l'effacement en cours des frontières familiales traditionnelles : confusion, complicité, des générations, affaiblissement de la Loi et de la fonction paternelles.

 Ce n'est sans doute pas faux mais peut-être aussi se rend-t-on compte de la troublante proximité que l'on entretient, malgré la révulsion affichée, avec le pédophile. Que cette idée plaise ou non, le pédophile est tout de même bien notre frère en humanité. Saurions-nous d'ailleurs échapper à un destin pédophile ?

Une chose me frappe en effet : il n'y a rien de flamboyant, de scintillant dans la vie des pédophiles. Ce ne sont vraiment pas des "criminels de grand style".  Rien que des pauvres types, misérables, lamentables. Des plutôt vieux, moches, repoussants, des minables torturés, rongés, exerçant souvent un petit pouvoir (ecclésiastiques, éducateurs), qui vivent d'expédients économiques et de combines. Des types honteux, cachés, dissimulés. On se doute bien que des jolies filles, ils n'en ont jamais connu, ils ont d'emblée été placés en marge de la compétition sexuelle. 

 La misère affective et matérielle, c'est peut-être cela qui caractérise initialement le pédophile et c'est sans doute  cela qui nous le rend proche.

Et cette misère, on sait bien qu'elle est intolérable. On vit en effet dans des sociétés où il est impératif de "s'éclater", de "prendre son pied", de "jouir sans entraves". Ceux que l'on méprise profondément (sans l'avouer bien sûr), ce sont les vierges, les puceaux, les moches, les coincés, les "pas drôles", les mal habillés, les ridicules.

Mais on ne s'avise pas non plus de ce que la "jouissance sexuelle", ça n'est finalement réservé qu'à quelques uns et qu'une grande majorité des gens est laissée sur les bas-côtés, priée de se partager les "restes". L'injonction sexuelle continuelle génère en fait une immense frustration.


 On peut peut-être à partir de là essayer de comprendre le pédophile. Vers qui se tourner quand on sait que les femmes désirables se feront un plaisir de vous humilier ? L'enfant offre une alternative : il est étranger à la sexualité, ne la comprend pas; il ne rejettera donc pas l'adulte, n'opposera pas de résistance, ne l'accablera pas de sarcasmes.

Mais quoi qu'en pensent certains, l'enfant n'est pas non plus séducteur. Il vit en effet une étrange et courte période (la période de latence) de la vie humaine : un bref intervalle, rarement étudié, d'environ 8 ans (entre 5 et 13 ans approximativement), durant lequel le petit homme est affranchi de la tyrannie de la sexualité.  Mais cette absence de libido n'est-elle pas l'expression d'une forme de bonheur ? Un monde calme et paisible, sans passions ni conflits, un monde épargné par la guerre des sexes, expurgé de ces femmes hystériques et dominatrices qui effraient tant les hommes. Les enfants sont bouddhistes sans le savoir.

C'est probablement de cela dont rêve le pédophile : retrouver le vert Paradis de l'enfance, un monde fusionnel et sans conflit où il sera traité avec considération, comme un égal, et non plus rejeté comme un malpropre. 

Une véritable Utopie passionnelle, un grand partage démocratique des corps. Presque une harmonie socialisante à la Charles Fourier. Mais est-ce qu'on ne rêve pas tous un peu de ça ? Est-ce qu'on n'en a pas souvent marre de la rivalité et des conflits amoureux ? Est-ce qu'on n'est pas régulièrement submergés par la colère, l'humiliation, la jalousie ? Est-ce qu'on n'a pas parfois envie qu'il soit mis fin à cette logique mortifère de la compétition sexuelle ?

Le pédophile a trouvé une solution : avec les enfants, il  a un accès simple, immédiat, non sélectif, à l'autre. Finis les affres de la passion et surtout finies ces viragos qui l'humilient. C'est sa forme de vengeance : dans ce nouveau monde, il est enfin quelqu'un.

Mais au total, le pédophile est un bien un pur produit du "système", celui de la compétition sexuelle et de l'injonction universelle à jouir. 

Un système qui produit une masse énorme d'"Humiliés et Offensés", de "frustrés" en bref. On vit plus dans une société de frustration et d"envie que dans une société de libération sexuelle.

C'est cette immense frustration, cette rage impuissante, que nous partageons, à des degrés divers, avec le pédophile. C'est en cela qu'il est notre frère. Simplement, il a, lui, l'audace de chercher à la résoudre, d'assouvir, quoi qu'il en coûte, ses pulsions. La répression des instincts imposée par la civilisation, quand elle ne débouche pas sur la sublimation, se traduit, un jour, par une explosion de la pulsion de mort (Sigmund Freud).

Tableaux principalement d'Odilon Redon (1840-1916), mais aussi de Jérôme Bosch, Balthus, Muriel Platero, Gustave Doré, Max Ernst.

Quelle légitimité ai-je à parler de la pédophilie ? A peu près aucune bien sûr si ce n'est ma fréquentation régulière des textes de Freud. Mais Freud lui-même n'a pas écrit un mot sur la question. C'est comme les pervers narcissiques et les bipolaires : ce sont des catégorisations mentales que l'on a créées récemment sans s'interroger sur leur adéquation à une réalité psychique infiniment complexe. 

Seul un pédophile peut donc parler de son vécu mais on sait bien que c'est impossible. C'est presque pire que le crime de sodomie, puni du bûcher, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. On ne dispose donc d'aucun texte, d'aucun écrit. Je recommande toutefois une excellente enquête (parue dans l'Obs du 26 novembre 2020) réalisée par Lucas Burel : "Joël Le Scouarnec - Itinéraire d'un prédateur". Le livre de Régis Jauffret, "Claustria", consacré à Josef Fritzl, est complétement à côté, sans intérêt : il invente et ne respecte pas les faits.

Du côté de la victime, le livre de Natascha Kampusch : "3096 jours" est terrifiant, impressionnant.

11 commentaires:

KOGAN a dit…

Bonsoir Carmilla
Voilà une analyse bien concise du sujet.
C'est un fait nous voulons jouir et c'est bien naturel, mais tout le monde n'y arrive pas et il y a toujours une cause à l'effet que vous citez, qui bien souvent résulte d'une enfance mal vécue et par le non traitement des symptômes...
Avant que de poursuivre votre récit j'ai eu la même impression que vous, qualifiant de vengeance l'esprit dans lequel se trouvent ces individus "frères".
On comprend facilement que d'être frustré peut conduire au crime (sans être psychopathe) comme vous le dites, et avant vous, Freud qui n’a proposé aucune théorie dudit crime, ni même d’ailleurs aucune théorie de l’acte...mais en donnant par contre une leçon de culture.
Je suis persuadé que l'art de jouir est toujours une mise en scène de l'instinct.
Bien à vous. Bonnes fêtes. Jeff.

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla
« Mais au total, le pédophile est bien un pur produit du "système", celui de la compétition sexuelle et de l'injonction universelle à jouir. »
Carmilla Le Golem

Si c'est un pur produit du système, c'est donc la faute du système ? Donc on doit changer ou bien réformer le système ?

Il appert, que l'amour, le sexe et les sentiments sont des travaux spécialisés dont les départements sont en enfer.

Je ne crois pas au ciel, mais je crois à l'enfer, parce que se sont les humains qui le construisent. Parmi ceux-ci, nous retrouvons d'excellents mineurs, ils creusent profondément. Ce n'est jamais assez morbide. S'ils mettaient autant d'efforts pour se construire un paradis, quel paradis nous aurions !

Tant qu'à la compétition sexuelle, nous ne sommes pas aux olympiques ici. Je n'ai jamais vu une médaille d'or pour celui ou celle qui baise. La fille laide lorsqu'elle couche, vous pouvez être sûr qu'elle va se donner à fond, comme on dit ici les fenêtres vont éclater et les clous sortir des planches ; tandis que la carte de mode lorsqu'elles se glissera entre les draps surveillera avec obsession si son fond de teint coulera, si son beau rimmel sera un désastre. Certes, il n'y aura pas de médaille, mais je me demande qui vient de gagner ?

Je ne défendrai pas Simone De Beauvoir, même six pieds sous terre ses écrits la défendent très bien, on n'est pas très loin de Etty Hillesum et de Virginia Woolf. Dans la notoriété elle est en train de surclasser Sartre. Je la choisirais comme partenaire Madame de Beauvoir, bien avant Madonna et Lady Gaga. Tant qu'à savoir si Madame De Beauvoir voudrait de moi, ça c'est une autre histoire.

Ce monde d'enfer a toujours un faible pour les faits divers, les scandales, les meurtres, il faut bien occupé son vide intérieur, etc. Si je me souviens bien des chiffres du rapport Hite sur la pédophilie, ça compte pour très peu par rapports aux autres sexualités. Ça existe depuis des lustres, ça toujours existé et ça existera encore. Rappelez-vous, ça existait dans la Grèce antique, ces jeunes garçons qui étaient initiés par un protecteur aux plaisirs sexuels, ou encore par un militaire aîné. C'était le système des Grecs.

Mais dites-moi, est-ce que tout cela vaut la peine d'en faire un plat ?

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Je n'ai aucune prétention concernant la pertinence de mon analyse et je ne veux pas non plus exonérer les pédophiles.

Je ne sais pas non plus si une enfance mal vécue détermine un destin pédophile. On a tous eu, même si c'est à des degrés divers, une enfance difficile avec différents traumatismes. Et même une enfance choyée n'est pas une garantie.

J'observe simplement qu'on vit dans des sociétés où l'injonction à la jouissance a pour contrepartie la misère sexuelle du plus grands nombre. Et les exclus de la compétition sexuelle, on n'y prête guère attention. La frustration devient alors le support de l'esprit de vengeance.

Joyeuses fêtes à vous ! Avec dinde, bûche, foie gras et grand sapin !

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

"Est-ce que tout cela vaut la peine d'en faire un plat ?"

C'est vrai que les pédophiles sont peu nombreux. Mais, en Europe, il y a une véritable obsession anti-pédophile, disproportionnée en regard de leur nombre (je ne sais pas ce qu'il en est en Amérique). Le pédophile est devenu, en Europe, la figure absolue du Mal. Le fait divers énonce en fait quelque chose de profond concernant nos sociétés.

Je ne veux bien sûr pas prendre la défense des pédophiles mais j'observe qu'on vit dans un système de compétition et d'exclusion sexuelle propice à l'éclosion de l'esprit de vengeance. Paradoxalement, on vit ainsi dans des sociétés de misère sexuelle. En s'attaquant à des enfants, le pédophile conquiert la puissance dont il a été dépossédé.

Est-ce que ça a toujours été comme ça ? Est-ce qu'on peut se référer à la Grèce antique. Je n'en suis pas sûre. La sexualité humaine, ça n'a rien de naturel, c'est du culturel pur. Il y a une Histoire de la sexualité et les formes que nous vivons aujourd'hui sont absolument inédites.

Quant à changer le système, je n'y crois guère. S'il existe quelque chose de permanent dans les sociétés humaines, ce sont peut-être les rapports de domination.

Quant à Simone de Beauvoir (de même que Sartre et Camus), je ne l'ai quasiment pas lue (à la différence de Virginia Woolf). Je ne m'y retrouve tout simplement pas.

Joyeuses fêtes à vous ! Mais je ne sais pas ce que l'on mange au Québec pour Noël. De la bernache ?

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !
Il n'y aura pas de joyeuses fêtes au Québec, en fait il n'y aura tout simplement pas de fête. Retour au confinement, la lutte n'est pas terminée. On a manqué de discipline l'automne dernier, alors il n'y aura pas de fête, pas de rassemblement, restaurants et bars fermés, pas plus de six personnes si vous organiser une fête familiale. Les personnes âgées de plus de 70ans, auront droit à quelques heures avec un nombre restreint de proches dans la même bulle. Ce qui m'intéresse c'est le 11 janvier prochain, parce que là nous allons savoir ceux qui auront respecté les consignes. Je le sais, cela va se produire, certain vont aller fêter dans le bois dans les cabanes à sucre. Se ne sera pas la première fois que ces cabanes servirons à autre chose qu'à faire du sucre. Au niveau des morts ça tourne comme la Suède, 7,000 morts, les infections sont en hausses, le système de santé est mis à rude épreuve, presque le tiers des effectifs médicaux sont malades. Nous rasons la catastrophe et nous ne sommes pas les seuls. J'ai lu hier soir, que le sud l'Angleterre est en isolation, eux aussi sont dans la tempête. Il semblerait que se soit une nouvelle souche. Je viens d'apprendre que La France et l'Allemagne vont interdire tous les vols en provenance d'Angleterre. Il sera intéressant d'observer le début janvier 2021. Il y a 23 jours avant le 11 janvier, là nous verrons si les gens auront été prudents. Autrement, cela pourrait être beaucoup plus sombre. Cependant, le pire n'est pas certain, mais il demeure dans la fourchette des possibilités.
Personnellement, comment je vis cette situation ? Je n'ai pas été malade, j'ai récupéré ma jambe droite après mon accident, après 271 jours de crise sanitaire je suis encore debout, j'ai fait une grande partie du bûchage cet automne, lorsque que je quitte ma tanière, je me dirige en forêt, je suis content, ma liberté n'a pas été réduite, je peux même dire que ça vibre fort. Je suis toujours occupé, six livres à lire en même temps, de quoi écrire continuellement, des réparations sommaires, l'intendance quoi, et dans les rues vides, je circule lentement avec mon Jeep noir en saluant les rares passants. La fête, je vais la garder pour moi entre mes deux oreilles et peut importe ce que je mangerai à Noël. Tout ce qui importe se sera de traverser cet hiver aussi vivant physiquement que mentalement. Le reste j'en fais mon affaire. Nous allons sans doute encore traverser un paquet d'épreuves, mais il n'y a pas de doute dans mon esprit, on va s'en sortir. Les vaccins arrivent. J'ai hâte de voir les résultats lorsqu'une bonne partie de la population aura été vaccinée. Nous ignorons tous comment ça va tourner après l'administration du vaccin.

Je ne vous souhaiterai pas un heureux temps des fêtes.
Une seul souhait en ces temps qui courent : Bonne Chance Carmilla!

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il y a en France un dispositif de confinement/couvre-feu à peu près analogue à celui du Québec (limitation à 6 convives). Mais je doute fort que cela soit respecté.

Globalement, cependant, les gens en France m'apparaissent assez disciplinés (à Moscou, en comparaison, c'est le foutoir). Le port du masque (du moins dans mon quartier parisien qui n'est peut-être pas représentatif) est vraiment généralisé. Le problème, c'est qu'un petit nombre de "rebelles" suffit à assurer la propagation de l'épidémie.

Ce qui m'interroge le plus en France, c'est l'opinion anti-vaccin presque majoritaire. Comment comprendre ça dans le pays de Pasteur et de l'éclosion de la pensée des Lumières ? Preuve que l'esprit rationnel n'est pas si répandu que ça. D'ailleurs, l'esprit complotiste est très fort : le virus, l'Etat y aurait trouvé un prétexte pour asseoir sa domination.

Joyeuses fêtes à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla !

Dans les situations d'urgences, de crises, de catastrophes, il y a toujours des imbéciles pour en rajouter sur le tas, rendre les choses plus difficiles.

Je suis sidéré tout comme vous lorsque je lis ou bien j'écoute des personnes qui refusent d'être vaccinés. C'est notre seule porte de sortie et il y en a qui sont prêts à la refermer. Qui plus est, cela se passe aussi dans la patrie de Pasteur. Franchement ça me dépasse et me déçoit. Rappelons-nous, que si nous avons eu la vie facile au cours du dernier siècle, c'est justement parce nous étions vaccinés. Un des grand exemple, c'est la rage.

S'ajoute cette folie du complotisme. Un prétexte pour asseoir la domination de l'État ? Les gouvernements en ont plein les bottes avec la situation présentement. Ils sont obligés de prendre des mesures impopulaires. Mais, ce n'est pas la mort de la démocratie. Viendra un jour où nous retournerons voter.

Je déplore autant en Europe qu'en Amérique, le peu de culture scientifique, en autre en médecine et en biologie. Pourtant tout le monde passe par l'école. Quoi, on ne fait plus de science ? Je me pose de sérieuses questions sur ce qui est enseigné. Ça fonctionne comment un vaccin ? C'est quoi une bactérie ? C'est quoi un virus ? Un système immunitaire ça fonctionne comment ?

Lorsqu'on ne sait pas, on garde le silence ou bien on s'informe, et on évite surtout de répande de fausses ou de mauvaises nouvelles.

Ce n'est pas une mince tâche que d'essayer de sauver des  humains qui ne veulent pas être sauvé.

Sauver quelqu'un contre sa volonté ?

Ça me laisse songeur.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Le développement des réseaux sociaux a engendré une fantastique "immodestie". Personne ne doute de ses hautes compétences et tout le monde est bien sûr convaincu de pouvoir faire beaucoup mieux que les dirigeants en place.

La Révolution française se réclamait de la Raison et de l'Esprit des Lumières. On croyait à la science et au Progrès. Les "révolutionnaires" actuels (écolos, déclinistes, communautaristes,anti-libéraux) rament exactement à contre-courant.

Joyeux Noël,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla
Sauvez quelqu'un contre sa volonté ?
Ça ne manque pas, c'est la même histoire à chaque fin d'automne. La glace se forme sur les lacs et les rivières. Dimanche dernier une couple et un adolescent ont eu la brillante idée d'aller patiner sur la rivière Magog. Résultat, la glace n'était pas assez épaisse et a cédé. Les adultes se sont sortis, mais l'adolescent aura eu besoin de l'intervention des pompiers pour se sortir de l'eau. Heureusement que la chance était de leur côté, personne n'est décédé. Ce manque de prudence est un manque de sens commun, de gros bon sens. Cela dénote un certain état d'esprit propice à l'inconscience.
La chasse au caribou arrivait à sa fin. Beaucoup de chasseurs avaient quitté le territoire, mais ils en restaient encore en cette troisième semaine de septembre. Ce matin-là à Schefferville lorsque nous nous sommes réveillé par un froid d'hiver, tous les pilotes et les répartiteurs nous avons eu la même pensée : Faut sortir tout le monde du bush ! Après le déjeuner, j'ai grimpé dans mon appareil pour aller chercher quatre grands gaillards sur un lac à 160 miles au nord-est de Schefferville. En vol, je constatais que plusieurs petits lacs étaient déjà pris par les glaces. Arrivé à destination le lac de mes chasseurs était libre de glace sauf pour les rives. Je suis demeuré au large et j'ai attendu qu'ils me rejoigne en canot. Je leur ai expliqué la situation, qu'ils devaient impérativement sortir afin de ne pas être pris par la glace. Alors s'est amorcé le genre de discussion que je déteste. Il refusait de sortir. J'avais beau leur expliquer que demain matin, peut-être ce grand lac serait pris par les glaces et faire venir un hélicoptère n'était pas donné. Après maintes discussions avec ces inconscients et des communications radio avec mon répartiteur, je suis parvenu à les convaincre. L'hiver, dans ces régions nordiques, s'installe sans avertir. Tu peux rester pris dans la misère et même en mourir.
Hier soir, j'étais plongé dans la lecture de cet excellent livre de Carsten Jensen : « Nous, les noyers ». Les conditions de travail des marins dans la marine à voile au XIXe siècle étaient dures et dangereuses. Les naufrages étaient nombreux. Beaucoup de marins mouraient en mer. Les autres, souvent, finissaient estropiés. Eux ils peinaient pour sauver leur peau. Et nous, nous sommes là, à déblatérer en gérant de salon de la science infuse à savoir si on va se faire vacciner ou non. Si tu doutes de l'épaisseur de la glace, prend ta hache, ne t'éloigne pas trop de la rive et creuse un trou. Si au cinquième coup de hache, tu vois l'eau monter, dégage vers la terre ferme.
Faut-il sauver tout le monde contre leur volonté ?
Bonne nuit Carmilla
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonjour Carmilla
J'aime bien le titre : Nous, les noyers. Cela aurait pu être : Nous les Morts, ou quelque chose du genre, ou encore, nous les fouettés. Le Danemark vers 1860 était aussi violent que le restant de l'Europe. Les coups commençaient dans les familles, puis se poursuivaient dans les écoles. Il fallait bien s'entraîner pour la vraie vie. Ces coups continuaient à pleuvoir sur les bateaux comme dans les fermes. C'était la manière de faire en éducation qui sera édifiée en traditions. On frappait même si on n'avait pas de raison de frapper. Isager, professeur d'une classe de 70 garçons à Marstal, ne s'en privait pas. Pas de dispute, toute la classe recevait quotidiennement sa ration de coups. La prière avait été pervertie, ce n'était plus : donnez-nous notre pain quotidien, c'était : donnez nous notre garcette quotidienne. Il y avait longtemps que je n'avais pas lu ce mot qui est en train de disparaître de nos dictionnaires, mais pour ceux qui en ont reçu des coups, la douleur est bien présente à leur esprit. C'est quoi une garcette ? C'est un bout de cordage tressé qui servait dans la marine à voile pour attacher les voiles. Puis, les forces de polices et militaires ont amélioré le modèle, tressée en cuir avec des billes d'acier. La garcette à Marstal était le fondement de ce qu'on appellera plus tard : l'éducation. Dans l'échelle de la douleur, je dirais que c'est en dessous d'un fouet de cocher selon certains récits que j'ai eu. Je n'ai jamais goûté de la garcette, par contre, j'ai déjà savourer du fouet de cocher.
Jensen dans son livre, commence son récit par cette bande de jeunes garçons en décrivant l'atmosphère lourde qui régnait dans cette classe, où on ne venait pas pour apprendre, mais pour s'endurcir. À cette époque vers 1860-70, la marine à voile danoise n'avait rien à envier au niveau violence à la marine anglaise, française, espagnol et même américaine. La vie à bord de ces rafiots était rude et les marins plus rudes encore.

Cette histoire de : Nous, les noyers, est fascinante, lorsqu'on constate aujourd'hui où en est le Danemark dans son évolution sociale. Freud venait de naître en 1856. Les Américains allaient se sauter à la gorges en 1860 dans une guerre civil qui ferait 630,000 morts, le tout en attendant la grande messe de 1914.

(Nous, les noyers), est encore plus rude, plus violent que : La Première Pierre du même auteur. C'est peut-être la raison pour laquelle Jensen, s'est servi de certains personnages de : Nous, les noyers, dans un autre récit intitulé : Le Dernier Voyage, où la violence physique se transforme en violence psychologique.

Pourrait-on affirmer quelque part, que nous aussi nous sommes tous des noyers ? Vous pouvez compter sur moi, je vais revenir sur : Nous, les noyers. J'aime bien ce titre qui est très évocateur.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Vous me donnez envie de lire ce bouquin de Jensen que je ne connais pas.

Ce qui est sûr, c'est que je ne partage absolument pas les opinions des nostalgiques, les adorateurs du "c'était mieux avant". On n'imagine pas, je crois, ce qu'était, autrefois, la violence des rapports humains, sociaux, économiques.

Même il y a peu de temps et dans un pays comme la France. Le Président Macron a, par exemple, déclaré : "C'est dur d'être un jeune en 2020". Je trouve ça démagogique parce que c'est, malgré tout, plus facile qu'"autrefois".

Le progrès, c'est une réalité bien concrète mais, plutôt que de s'en réjouir, beaucoup voudraient y mettre fin.

Ce sont un peu les mêmes que ceux qui refusent les contraintes du Réel. Qui préfèrent le Rêve et le déni.

Joyeux Noël !

Carmilla