samedi 11 décembre 2021

Chats et chiens d'Istanbul

 

Normalement, je dois me rendre à Istanbul en janvier prochain. Normalement ... mais qu'est-ce qui est normal aujourd'hui ? Je n'en rêve donc pas trop et me prépare plutôt à une déception.

Istanbul, ça représente, en fait, beaucoup pour moi. J'ai été, à une époque, adolescente, étudiante, une fan de la Turquie. C'était encore l'aventure, le frisson de l'Histoire et des trésors préservés rien que pour nous. Et puis, venant de Téhéran, Istanbul, c'était aussi un véritable intermédiaire entre l'Europe et l'Asie. Un complet mélange des deux. Entendre le cliquetis des trams, contempler leurs gerbes d'étincelles sur les rails, m'asseoir à la terrasse d'un café, c'étaient vraiment les signes que j'avais retrouvé l'Europe.

Mais comment parler d'Istanbul ? Plutôt qu'énoncer des généralités, mieux vaut s'en tenir à de petites choses, des impressions, des détails, des anecdotes, qui en disent souvent plus que de longs développements historiques. Des éléments secondaires qu'empêtrés par notre intelligence, on ne remarque souvent même pas, mais qui en disent beaucoup sur le fonctionnement d'une société, d'une culture.

Par exemple, l'omniprésence des chats à Istanbul. Ils se promènent partout, dans chaque quartier, et font irruption dans les échoppes, le Bazar, les terrasses, les abords des plages. On croise aussi quelques chiens qui, pareillement, divaguent dans les rues.


 On dit que la ville d'Istanbul compterait plusieurs centaines de milliers de chats. Certains parlent même d'un million mais c'est sans doute excessif. C'est à rapporter à une population humaine totale d'environ 15 millions d'habitants.


Ça m'a d'abord étonnée parce qu'on sait bien que les Musulmans ont souvent un rapport de rejet envers les animaux (à l'exception des oiseaux et des poissons décoratifs). Ça repose sur toute une classification du monde entre le Pur et l'Impur, ces deux notions ayant un caractère très concret (à la différence du Christianisme). Et je me souviens d'ailleurs bien du spectacle pitoyable des chats et chiens errants de Téhéran, misérables, efflanqués, pourchassés et même dangereux tant ils se méfient de l'homme.

Plus étonnant, les chats d'Istanbul semblent bénéficier d'une bienveillance générale. Ils semblent tous bien nourris et en bonne santé et il n'est pas rare de voir quelqu'un leur donner à manger. On laisse même pour eux, à l'extérieur, des assiettes de nourriture. Quant à la mairie d'Istanbul, elle consacre des fonds pour leur entretien et leur stérilisation.


 Les Turcs expliquent que ce bon traitement des chats, chez eux, est lié à l'Islam. Le chat serait moins impur que les autres animaux parce que le Prophète Mahomet avait lui-même  des chats et que l'un d'eux lui a un jour sauvé la vie en tuant un serpent qui allait le piquer. Mais c'est une histoire que je n'ai entendue qu'en Turquie. Disons plutôt que l'Islam turc, probablement influencé par l'animisme des steppes, diffère sensiblement de l'Islam arabe.

Surtout, il faut souligner une grande différence entre les chats d'Istanbul et les chats européens. Personne n'a de chat chez soi. Ceux d'Istanbul n'ont pas de maître, ils se promènent librement. Ils n'appartiennent à personne mais ils appartiennent, en fait, à tout le monde, ce qui fait que chacun se sent impliqué dans leur entretien.

 

 Les chats font ainsi partie du paysage touristique de la ville. Mais l'omniprésence des chats aujourd'hui ne doit pas conduire à oublier que jusqu'au début du 20ème siècle, c'étaient les chiens qui tenaient le haut du pavé à Istanbul.

 Au 19ème siècle, en effet, des hordes chiens peuplaient la ville. Des chiens pas très beaux, de vrais bâtards, mais impressionnants, plutôt baraqués et hargneux. Chateaubriand, Nerval, Lamartine s'en sont émus. D'un bref passage à Constantinople en 1806, Chateaubriand relève ainsi "l'absence presque totale de femmes, le manque de voitures à roues et les hordes de meutes de chiens sans maîtres dans les rues".


 Mais comme pour les chats aujourd'hui, ce qui surprenait le plus les visiteurs, c'était que personne n'était propriétaire de ces chiens et que ceux-ci bénéficiaient d'une tolérance générale de la part de la population stambouliote. Non seulement on les nourrissait mais on les laissait se coucher dans les rues au point que voitures et chevaux les contournaient pour ne pas les déranger.

Les chiens errants d'Istanbul menaient ainsi une espèce de vie de Bohême, entièrement libre et sans contraintes. Ils avaient certes une petite utilité : ils éliminaient la plupart des détritus et, la nuit, ils sécurisaient chaque quartier en y effectuant une véritable garde. Mieux valait éviter de sortir. 

Pourtant, le chien est considéré dans l'Islam comme un des animaux les plus impurs. Dans la tradition musulmane, il est ainsi interdit de posséder un chien dans une habitation. Mais c'est différent pour les chiens des rues et, sans doute, chez les Turcs, l'amitié et le compagnonnage avec les animaux prévalaient sur les prescriptions religieuses. Et puis s'en prendre à un être innocent et sans défense, quel qu'il soit, est considéré comme un crime.

Les touristes et voyageurs étrangers s'étonnaient de cette surpopulation canine qu'ils dénonçaient comme archaïque.

C'est alors qu'avec la modernité naissante, les choses ont brutalement changé.

Ca a débuté en 1909 avec la déposition du Sultan Abdülhamid II et l'arrivée au pouvoir des "Jeunes Turcs" (conduits par un certain Mustapha Kemal), laïcs et républicains. L'une de leurs premières décisions fut d'exterminer la population des chiens d'Istanbul. Ils voulaient surtout donner une image plus présentable de la ville à l'Empereur Guillaume II qui devait les honorer de sa visite. 

Le massacre a rapidement commencé mais il y avait tout de même près de 80 000 chiens et une partie de la population turque, n'hésitant pas à affronter les policiers, s'opposait aux exécutions publiques. Alors, on a commencé par reléguer les chiens à l'extérieur de la ville mais ils se mettaient à hurler continuellement et offraient l'affreux spectacle de leur famine. La décision finale a alors été de les déporter sur un îlot désert de la Mer de Marmara.

 

Sur cet îlot, on les a privés d'eau et d'approvisionnement et donc laissés mourir de faim jusqu'à s'entredévorer. Des témoins dépêchés sur place rendent compte de scènes cauchemardesques, d'une horreur absolue. Ce massacre d'environ 60 000 chiens sur l'ilot d'Oxia a eu un retentissement international. On a dénoncé ce crime imbécile du gouvernement "Jeunes Turcs" qui, sous prétexte de civilisation, s'est montré encore plus cruel et sanguinaire que les anciens sultans. Les chiens étaient ainsi les premières victimes des réformes imposées à la société traditionnelle.

Tout cela est certes, aujourd'hui, bien oublié. Mais je demeure sensible à cette histoire.

D'abord à titre personnel, parce que l'Ukraine s'est trouvée envahie, submergée, de chiens errants au début des années 2010. Il y avait sans doute de la négligence politique (la Roumanie en a fait aussi les frais) mais on mesure souvent très mal ce qu'est, en mathématiques, une croissance exponentielle (le Covid en est une bonne illustration). Dans les villages, on ne savait trop quelle attitude adopter, entre l'effroi, l'hostilité, la compassion, envers ces misérables clébards. Le problème a été réglé peu avant l'Euro de football 2012 dont l'Ukraine était un pays organisateur. Des "brigades" de tireurs ont exterminé les chiens mais je crois que presque personne n'en a parlé dans la presse internationale. 

Et puis cette histoire des chiens d'Istanbul illustre bien les rapports que l'homme entend établir avec les animaux. On se targue en Europe de l'Ouest d'aimer les animaux et certains vont jusqu'à considérer qu'il n'y a pas de coupure, de frontière, entre eux et nous.

Mais l'animal domestique que nous avons créé n'est-il pas une simple caricature de nous-même ? On intègre de force les animaux dans le cercle familial, on leur fait subir ses contraintes, on les "hominise", on les infantilise. Surtout, on proscrit fermement l'errance des animaux. 

Pas question pour un animal aujourd'hui d'être sans maître, sans domicile, sans nom, de se déplacer librement sans être tenu en laisse, de ne pas être pucé, tatoué, vacciné etc... On prend même soin de les couvrir d'un manteau en hiver et de les pourvoir d'un collier lumineux la nuit. Personne ne s'est posé la question de savoir si c'était un mode vie qui pouvait leur convenir.


Quant aux poules, canards, oies, veaux, cochons, il y a longtemps qu'on n'en voit plus dans les campagnes. Ils sont tous enfermés dans des hangars "modernes" d'élevage intensif où ils endurent une vie courte et misérable dans une promiscuité épouvantable.

On est tellement convaincus d'aimer les animaux qu'on ne s'interroge guère sur les rapports qu'on entretient avec eux. Ces rapports sont en fait , même sous des dehors d'affection, de simple assujettissement.  

Par contraste, je pense souvent aux villages ukrainiens. Là-bas, une foule d'animaux en arpente encore les rues, croisant nonchalamment les passants : poules, canards, chiens, chats et même quelquefois vaches et chèvres. Personne ne s'en étonne même si, probablement,  personne ne sait plus à qui appartiennent ces animaux. Ça m'énervait, il y a peu de temps encore, tellement je trouvais que ça faisait pays sous-développé. Mais je me dis maintenant qu'il s'agit peut-être, comme avec les chats d'Istanbul, d'une cohabitation plus respectueuse et plus équitable dans la quelle chacun, homme et animal, conduit librement sa vie. Se côtoyer avec amitié et compassion, sans exercer de sujétion, est-ce que ça n'est pas ça, la clé d'un comportement approprié avec les animaux ?

Photographies notamment d'Ohran Pamuk qui n'est pas seulement grand écrivain mais aussi grand photographe.

Je recommande par ailleurs :

- Ohran PAMUK : "Istanbul" (paru en 2003). Une éducation sentimentale combinée au portrait d'une métropole en déclin.

- Catherine PINGUET : "Les chiens d'Istanbul-Des rapports entre l'homme et l'animal de l'Antiquité à nos jours". Un remarquable petit  bouquin (mai 2008) dont on a trop peu parlé. Pas seulement un livre d'histoire mais surtout d'anthropologie.

- KEDI : "Des chats et des hommes" (2016). Un documentaire plein de poésie sur les chats d'Istanbul.


21 commentaires:

Michael a dit…

Chère Carmilla,

"Se côtoyer avec amitié et compassion, sans exercer de sujétion, est-ce que ça n'est pas ça, la clé d'un comportement approprié avec les animaux ?"

J'ose à peine poser la question, tant elle paraîtra sans doute niaise : ne serait-ce pas avant tout la clé d'un comportement approprié entre les humains ?


Carmilla Le Golem a dit…

Merci Michael,

Bien sûr ! C'est d'abord avec les humains que l'on doit adopter ce comportement. Votre question n'est nullement niaise.

Mais ça n'exclut pas non plus, me semble-t-il, les animaux. Entendons-nous bien, je ne suis pas du tout antispéciste, je pense qu'il y a bien une radicale différence entre l'homme et l'animal. Mais plutôt qu'entretenir, pour les animaux domestiques, une confusion entre eux et nous jusqu'à s'en faire les propriétaires et les intégrer de force dans un milieu familial, ou bien à l'inverse, pour les animaux d'élevage, les exclure et les parquer dans des centres d'élevage intensif, est-ce que la meilleure attitude n'est pas d'abord d'éviter de trop intervenir dans leur vie. Leur permettre d'avoir un peu de liberté individuelle, de se promener librement. On délimite très strictement aujourd'hui l'espace dans le quel ils sont autorisés à vivre, il n'y a donc pas de réelle cohabitation. Des animaux qui se promènent tranquillement dans les campagnes, voire même des chats et des chiens errants dans les villes, je trouve que ça a un certain charme pourvu que tout le monde s'en occupe un peu et leur donne à manger. Les chats d'Istanbul (mais il y a aussi les chats de Rome), je trouve ça bien. Il y a même à Bruxelles des renards de plus en plus nombreux ou des sangliers en Pologne et en Italie. Je ne crois pas que ça pose de problème majeur ou représente un danger pourvu qu'on en contrôle la population. J'ai ainsi rarement autant ri que lorsque j'avais vu une famille de sangliers s'inviter, sur une plage polonaise, pour un bain de mer au milieu d'une foule de touristes. Je me méfie en fait des gens qui veulent faire la chasse aux animaux errants et les exterminer. Ces animaux errants, c'est quand même un peu la figure du mendiant ou du vagabond. C'est notre générosité, notre accueil de l'autre, qui sont sollicités.

Bien à vous,

Carmilla

Michael a dit…

Merci, Camilla, de votre aimable réponse.
En réalité, je ne réagissais pas à votre propos (le comportement des humains envers les animaux, domestiques et autres), mais à votre formulation ("amitié, compassion, sans exercer de sujétion"), laquelle me semble correspondre véritablement à ce que l'on peut souhaiter de mieux dans les rapports d'humain à humain : force est de constater qu'un tel comportement, reflétant une aspiration somme toute modeste, est peu commun au niveau individuel et, à toutes fins pratiques, inexistant au niveau des collectivités.

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Vous avez raison Carmilla : Qu’est-ce qui est normal aujourd’hui? Les chiffres provenant de l’Europe ne sont pas encourageant. Les infections augmentent, ce qui ne présage vraiment rien de bon. Il en va de même en Amérique, ce n’est pas très brillant au Québec. Question de solidarité internationale, nous ne sommes pas très forts, ça niaise dans le boxon. Au lieu de serrer les rangs, nous sommes dispersés, et en plus nous procrastinons. Je m’attendais à des actions beaucoup plus fermes de la communauté internationale.

J’ai lu cette nouvelle, mais on est passé vite sur le sujet. Est-ce vrai que les autrichiens et les allemands vont passer toutes leurs populations à la seringue?

Est-ce qu’on va vous autoriser à faire ce voyage en Turquie en janvier? J’ai été surpris qu’on vous autorise à vous rendre à Chypre lors de votre dernière sortie. Si la situation continue de se détériorer, la fermeture des frontières sera envisagée.

C’est vrai qu’il n’y a plus rien de normal, sauf pour l’inflation qui commence à galoper sérieusement, 4.4% en septembre et 5.1% en octobre, au Québec, et ce n’est pas terminé. 6.8? aux USA! C’est quoi le taux d’inflation en France présentement?

Pendant ce temps, cousin Vladimir fait valser son armée près des frontières de l’Ukraine. Profiteur de désarroi. C’est étrange cette semaine lorsque j’ai lu cette nouvelle, j’étais en train de lire : Ukraine en fragmentation par le journaliste indépendant Frédérik Lavoie. Un récit poignant où comme d’habitude les pauvres gens en prennent plein la gueule.

Mes deux bernaches estropiées sont maintenant trois. Elles traversent la rivière sur la glace cassée parce qu’elles sont incapables de voler. J’ai observé cette semaine celle qui a l’aile cassée, marcher au travers les blocs de glaces, exercice difficile pour un palmipède. À ma grande surprise, elles tiennent le coup.

J’aime bien cette tradition que vous décrivez en Ukraine de ces animaux qui se promènent librement, cela donne une autre image de nos rapports avec la nature.

Pour l’heure, nous connaissons un redoux, causé par une tempête dans le central américain qui devrait nous tomber dessus au cours de la nuit prochaine. Prévision vent en 60 à 100km/h. La neige au sol tient toujours depuis deux semaines, la rivière est figée dans son manteau de glace; mais tout cela pourrait changer rapidement. Juste a observer les nuages qui défilent dans le ciel, je sais que ça brasse là-haut!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Pour aller de temps en temps à Avioth (moins qu'avant) ou dans d'autres villages, je peux dire que les poules, les canards, les oies, y sont encore bien présents. Evidemment, ce n'est pas là de l'élevage à proprement parler, mais simplement des poulaillers domestiques, pour la consommation familiale. Et à Avioth ou ailleurs, les chants des coqs, qui se répondent sans cesse dans le même village, ça peut être vite agaçant (parfois toutes les 30 secondes). Mais ça fait partie des charmes du monde rural.

J'ai bien aimé les livres d'Orhan Pamuk sur Istanbul. Mais la ville, aujourd'hui tentaculaire, doit avoir perdu une bonne partie de son charme. C'est le cas de beaucoup de métropoles actuelles : le centre ancien ne couvre plus que 5 ou 10 % de la superficie totale, le reste, ce sont d'immenses banlieues sans aucun charme.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Michaël,

Vous avez raison. On voit plutôt se développer aujourd'hui les petites haines individuelles, l'intolérance entre "communautés" et la rivalité/affrontement entre nations. Jusqu'où cela va-t-il aller ?

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

J'ai effectivement eu des difficultés à Chypre au contrôle des frontières. J'ai non seulement été refoulée par les Turcs (alors que j'avais certificat européen de vaccination et test PCR) mais, à l'arrivée même à Larnaca, on a imposé un test PCR à tout l'avion. J'étais un peu inquiète parce que, même vaccinée, je pouvais être positive et il aurait alors fallu que je sois confinée pendant mon séjour.

La vaccination va effectivement être rendue obligatoire en Autriche (à compter de février) et, probablement, en Allemagne. Mais il faut reconnaître que ces deux pays sont en retard en la matière et que contaminations et décès explosent aujourd'hui. Cette mesure ne me choque pas mais il n'est pas sûr qu'elle soit totalement efficace. Idéalement, il vaut mieux convaincre que contraindre. Malheureusement, beaucoup de gens sont absolument hermétiques à toute rationalité.

La France est aujourd'hui relativement épargnée par l'inflation : + 2,8 % en glissement annuel contre 4,9 % pour l'ensemble de la zone euro et même près de 6 % en Allemagne. L'inflation actuelle est fortement liée aujourd'hui aux prix de l'énergie. La France est moins impactée parce qu'elle est beaucoup alimentée par sa propre industrie nucléaire. Mais ça n'est peut-être que provisoire parce que la création monétaire débridée de ces dernières années fait courir une grave menace. Dans l'immédiat, on a surtout des bulles immobilières et boursière. Il faut rappeler qu'au début des années 80, Ronald Reagan avait réussi à vaincre l'inflation aux Etats-Unis en portant le taux directeur de la FED de 11 % à 20 %. L'inflation était alors retombée de 13,5 % en 1981 à 3,2 % en 1983. Une telle thérapie est évidemment inconcevable aujourd'hui (compte tenu de l'endettement général des Etats, des entreprises et des ménages et des faillites multiples qui s'ensuivraient)mais c'est à méditer.

Quant à Poutine, je crois qu'il a compris que la meilleure tactique vis-à-vis des Occidentaux était de faire peur en exerçant une pression continuelle. Malheureusement, ça marche parce qu'il y a une complaisance générale envers la Russie. Je suis par exemple sidérée que l'on invite la Russie comme pays médiateur dans la question du Donbass alors qu'elle est pays agresseur. C'est proprement surréaliste ! Je suis malheureusement convaincue que les Occidentaux vont bientôt s'engager à ce que l'Ukraine n'intègre jamais ni l'Otan ni l'Union Européenne. Tant pis pour les souhaits de sa population.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

En effet, les quelques animaux que l'on voit dans les villages relèvent d'un usage familial et domestique mais je ne sais pas si ça va durer encore longtemps (à l'heure où on peut acheter un poulet rôti pour 9 €).

En Ukraine, il y a encore des gens qui entretiennent, pour les besoins familiaux, une vache, une chèvre, un mouton dans leur jardin et qui les sortent régulièrement dans le village comme si c'était un petit chien.

Je pensais aussi à votre Pacha qui n'était pas un chat errant mais plutôt un chat nomade ou vagabond. Il n'appartenait certes à personne mais il n'en souffrait probablement pas.

Oui, Istanbul, comme toute la Turquie, a sans doute beaucoup changé. Il y a eu un décollage économique extraordinaire au cours de ces dernières décennies mais ça s'effectue rarement,en effet, au profit de la beauté architecturale d'une ville. Cela dit, le site géographique d'Istanbul est extraordinaire et c'est toute l'histoire du monde qui y est retranscrite dans plusieurs monuments d'exception. Si vous n'êtes jamais allé à Istanbul, je vous conseille absolument. Il faut avoir vu Istanbul/Constantinople dans sa vie !

Oui également, Ohran Pamuk est un grand écrivain. Personnellement, j'ai beaucoup aimé "Neige" qui se situe à Kars, une ville à l'extrême-est du pays qui a été occupée par les Russes. Si vous allez en Turquie, il faut absolument visiter l'intérieur du pays qui est splendide et très divers.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

A Avioth et ailleurs, si les gens ont des poules, c'est surtout pour avoir des oeufs...
Bien qu'il doit leur arriver de manger leurs poulets, si lesdites poules sont en compagnie de coqs.

D'Orhan Pamuk, j'ai assez bien aimé "Neige", mais encore plus ses essais sur sa ville, "Istanbul" (tout simplement) et "D'autres couleurs".

Enfin, j'ai vu que ma médiathèque a le film "Des chats et des hommes" dans ses collections. Je viens de demander son emprunt.

Pacha était à l'origine un chat errant ; on n'a jamais su d'où il venait, mais une fois adopté, il est vraiment devenu le chat de la maison, à Avioth. Je reste traumatisé par sa mort (attaqué par un chien non ou mal dressé).

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

On s’en est bien sorti, du moins pour ma région L’Estrie. Ce matin, à cause des vents forts de la nuit dernière, le Québec se réveille avec 360,000 de pannes électrique. C’est sans doute mieux que Mayfield au Kentucky ou cette bourgade de 10,000 habitants a été complètement détruite avec une centaine de décès dans la région. Il y avait longtemps que nous n’avions pas vécu une telle tempête. La neige a pratiquement toute fondue, mais le couvert de glace à tenu sur la rivière. Pour la première fois en quatre jours, le ciel est bleu et le soleil brille.

Pas mal 2.8% l’inflation pour la France, les politiciens n’auront pas de grain à moudre, vous faites mieux que l’Europe. Certes, on y revient à cette question fondamentale de l’énergie. Je suis content que vous le soulignez. Mais tous les experts de l’énergie atomique le savent, l’énergie nucléaire c’est une panacée temporaire. Imaginez que vous ajoutez des milliers de véhicules électriques, alors, allez-vous disposer de l’énergie suffisante? Sans oublier vos trains qui fonctionnent aussi à l’électricité! On n’en sort pas.

Quand à cousin Vladimir est-ce que vous savez combien de mètres cubes de gaz naturel les russes vendent à l’Europe? Encore un problème d’énergie pour la Communauté Européenne, en tant que grande (vizir) des chiffres, vous devez bien en avoir une petite idée. Dans les faits, il vous tient en otage. La Communauté Européenne vient de rater le (train) encore une fois. Ils n’ont même pas protesté du bout des lèvres, surtout sur le seuil de l’hiver.

Vaut-il mieux convaincre que contraindre en ce qui concerne la vaccination? Les gens qui refusent cette vaccination ont eu un an pour prendre conscience de son efficacité. Est-ce que nous allons traîner ces (objecteurs vaccinales?), pendant une génération, et ainsi justifier notre procrastination? Sans oublier, que nous avons eu chaud avec le nouveau variant au début décembre. Tant que ce virus va courir, le danger de variant est toujours possible. Il ne faudrait peut-être pas jouer à la roulette russe. Et croyez-moi, j’écris cela en toute lucidité. (Vous qui aimez la lucidité)!

Ce qui me rappelle une expression, que tous les européens connaissent, et en autre les français : la drôle de guerre. J’ignore pourquoi on n’a pas utilisé l’expression : Manque de volonté? Le genre de tripotage auquel nous assistons présentement, ressemble à cette hésitation historique qui a coûté la vie à beaucoup d’humains.

Peut-être que Philippe, Labro avait raison, lorsqu’il écrivait :

« La douleur, la peine, le chagrin, la pudeur, la patience, le courage, les larmes sont-ils plus instructifs que l’acte d’amour?

Philippe Labro
Manuella
P 234
Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Oui, en effet, ça permet d'obtenir des œufs bien frais. Mais même pour ça, il vaut mieux prendre en compte le plaisir de la compagnie de poules pondeuses que la rentabilité économique.

Le film "des chats et des hommes" est très bien. Il avait rencontré un certain succès dans les salles parisiennes. Il donne surtout une autre image d'Istanbul et des Turcs.

Je crois que les chats aiment beaucoup leur liberté. Leurs propriétaires croient souvent qu'ils ne s'aventurent guère au-delà de leur domicile et de leur jardin. Mais ils sortent, en fait, longuement la nuit et patrouillent sur de longues distances pour surveiller leur territoire. J'ai vu, sur ce sujet, un reportage sur Arte. Un chat, c'est un chasseur qui défend son terrain de chasse. En avoir un pour l'enfermer dans un appartement, c'est vraiment dommage.

Pacha, c'est triste en effet. D'autant plus qu'il est rare qu'un chien parvienne à tuer un chat. Il est souvent lui-même griffé et mordu cruellement.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

L'Europe n'a pas subi de grande tempête (depuis décembre 1999, je crois, en France). Mais il y a d'autres menaces (sismiques en particulier de l'Italie à la Turquie). Quant à l'hiver, on ne connaît pas trop (il y a quand même, en ce moment, de la neige à Moscou et en Europe du Nord, ce qui n'est pas toujours le cas à cette époque depuis 20 ans).

Quant à l'inflation en France, je ne sais pas comment elle va évoluer. Ce qui est sûr, c'est que les revenus distribués excèdent la production effective d'environ 15 %, d'où un gigantesque déficit du commerce extérieur comme aux Etats-Unis. A court-moyen terme, il faut parvenir à contracter les dépenses publiques. Pas sûr que le pouvoir politique en ait le courage mais on ne peut pas indéfiniment refuser la réalité.

Quant au refus, par certains, de se faire vacciner, je lisais hier un interview de Paul Auster. "Il y a des millions de gens ici qui refusent de se faire vacciner. Vraiment, c'est l'endroit le plus stupide du monde, les Etats-Unis. Il y a tellement de gens en colère ici qu'on ne peut pas, on ne semble pas pouvoir faire quoi que ce soit. Et je crois qu'on est en train de se désintégrer à cause de la stupidité et de la colère".

Ces propos de Paul Auster peuvent bien sûr s'appliquer aussi à l'Europe. On n'ose pas affronter les gens stupides et en colère.

Mais une autre révolte commence à se faire jour : celle des personnels des hôpitaux qui commencent à en avoir assez d'accueillir des personnes stupides.

Quant au gaz russe, non ! je ne connais pas les chiffres. Le niveau de dépendance varie beaucoup selon les pays. Je crois que c'est surtout l'Allemagne qui en a besoin.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Le vieux Paul Auster s’est levé encore une fois avec sa volonté tranquille, sa lucidité implacable, et sa vision incontournable de la société américaine. Tous ses livres reflètent cette nation disparate si souvent déroutante qu’on en reste étonné. Pour tous ceux qui ne connaissent pas les États-Unis d’Amérique, je vous suggère de lire Paul Auster. C’est beaucoup plus que du simple roman, parce qu’il choisie bien ses mots, élabore ses expressions, construit ses phrases de manière soignée, réécrit souvent des chapitre entier, si non, des livres au complet, pour finalement assurer à son œuvre un rythme, ce qui est très important dans ce genre d’écriture. Ce qui fait que le lecteur glisse dans cette lecture sans s’en apercevoir. C’est la beauté de l’écriture d’Auster.

Il n’a pas employé le verbe désintégrer futilement, ce qui ne me surprend guère de sa part, vous pouvez être sûr, et pour ceux qui l’auront compris, c’est rudement dérangeant pour tous les humains qui le connaissent, en particulier pour les américains. Il ne craint pas d’aborder cette dématérialisation spirituelle américaine, qui répugne tellement à l’élite intellectuelle de son pays. Il ne s’en est jamais caché. Auster demeure un être à part, de celui qui peut vous scier les deux jambes dans un calme confondant mais imparable à cause de la justesse de ses arguments. Souvent lorsque je le lis, ou bien, que je l’écoute, je sens une tristesse et une grande déception poignante vis-à-vis de ses concitoyens. Nous sommes arrivés aux mêmes conclusions; certes par des chemins différents, lui le lettré de New York, moi le bouseux de fond de campagne, mais nous avons compris la même chose, c’est que tout ce cirque autour des vaccins sont inutiles. Ses propos ne sont pas de l’ordre du mépris, ce qui serait trop facile; mais de la blessure et surtout de la souffrance. La différence, c’est qu’il a conservé son calme, pendant que moi je bouillonnais et explosais.

Cette histoire de vaccination vient s’ajouter à tous les autres problèmes, et surtout à cette crise sanitaire qui n’en n’avait pas besoin. Nous devrions peut-être faire comme les habitants de Mayfield, planter des drapeaux dans les ruines et commencer à nettoyer et rebâtir. Tout ce que j’espère c’est que nos voisins du sud retrouveront cette ferveur et confiance en eux-mêmes que je leur connaissais. Je n’ai jamais connu un peuple sur terre capable des plus grands exploits et des œuvres les plus basses. Ils sont déroutants.

Ils sont capables. Je vais donner un exemple, certes c’était à une autre époque. Vers le début des années 1950, il y avait un grave problème causé par la poliomyélite. Ce qui causait des infirmités dans la population. Certains américains ont dit, c’est assez, on va vacciner tous les enfants, en quelques années, ils ont éradiqué cette maladie. Même le gouvernement américain de l’époque a embarqué. Il serait capable de faire de même avec le Covid-19 et sans doute avec bien d’autres maladies. Se serait un exemple international, un grand bien pour les américains, sans oublier l’aide pour les pays les plus pauvres, au lieu de se payer des disputes inutiles, ruineuses, et paralysantes.

Merci pour votre commentaire pertinent Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,


Paul Auster est bien sûr un écrivain éminemment sympathique et intelligent.

J'ai lu mais je trouve ça parfois inégal et surtout un peu abstrait et manquant de chair, de vécu.

Mais son récent chef-d'œuvre "4321" lève toutes les critiques.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla!

C’est incroyable ce chassé-croisé d’auteurs, de sujets, et de discussions avec vous Carmilla. Je vous fais découvrir Amelia Earhart après cette femme qu’on retrouve dans la Seine. Vous évoquez Paul Auster et dans la même journée, je découvre sur le site de ma bibliothèque municipale que Auster a publié un nouvel ouvrage en octobre dernier, ce que j’ignorais. Inutile de vous dire que je me suis précipité pour me procurer l’ouvrage qui s’intitule : Burning Boy, vie et œuvre de Stephen Crane, que je ne connaissais pas. Je suis en train de le lire. Stephan Crane était un jeune auteur fin XIXe début XXe, qui par sa manière d’écrire va ouvrir le modernisme dans la littérature américaine. Le livre d’Auster dépasse de beaucoup la simple biographie. Il s’accapare de l’être entier, qui a tout sacrifié à l’écriture, il décortique, analyse, et nous fait pénétrer dans un univers aujourd’hui oublié, de fin de siècle et du début d’un autre, celui d’un jeune homme pauvre avec une formation déficiente, mais une conscience sociale, et une écriture déroutante. Un roman phare, c’est : L’insigne rouge du courage, dont nous gratifie Auster par des nombreuses citations et analyses sur la Métaphysique de la peur. L’action se déroule au cours de la Guerre de Sécession, mais au lieu de décrire cette guerre de manière classique, Crane entre la l’esprit du jeune homme de 17 ans qui vit sa première bataille. Vous évoquez souvent que les êtres humains ne sont pas toujours aussi bien qu’ils essaient de nous le faire croire. Crane évoque cette nature de l’humain qui se voit un comme un héros et qui finalement, se comporte comme un lâche. Ce qui rejoint votre point de vue.

Je ne connaissais pas cet auteur, aujourd’hui oublié. Qui plus est, je pensais qu’après 4321, Auster avait atteint un niveau sublime, il vient de remettre cela avec la vie de Stephen Crane. Auster ratisse large, il décrit ce qu’était la vie des américains à cette époque, de la politique, mais aussi de l’économie, tant et si bien que c’est d’un humanisme ensorcelant, tellement, que ce livre en devient déroutant. Ce qui nous ramène à notre perception que nous avons de cette société américaine actuelle. On comprend un peu mieux leur évolution.

Crane n’a pas seulement écrit de la prose, mais aussi de la poésie et je vous laisse sur ce poème :

Dans le désert,
Je vis une créature, nue, bestiale,
Qui, accroupie au sol,
Tenait son coeur dans ses mains
Et en mangeait.
Je lui dis (Est-ce bon l’ami?)
C’est amer, bien amer, répondit-il,
Mais je l’aime
Car, c’est amer,
Et c’est mon coeur.

Stephen Crane

Renversant pour un jeune homme de 21 ans!

Ne me demandez pas ce que je fais de mes soirées présentement, je plonge dans le livre d’Auster et me laisse emporter.

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

De Paul Auster, que j'ai pas mal lu autrefois, je recommande, en particulier, "Le voyage d'Anna Blume". Un récit de l'effondrement de la civilisation, dans une grande ville...

https://www.babelio.com/livres/Auster-Le-voyage-dAnna-Blume/6669

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je me référais justement à un interview de Paul Auster, publié de mémoire dans "L'Obs", à propos de la parution de son dernier livre consacré à Stephen Crane.

Il y explique que la rédaction de "4321" l'avait tellement vidé, épuisé, qu'il avait eu besoin d'un dérivatif, trouvé, presque par hasard, chez Stephen Crane.

Pour ma part, j'ai vaguement entendu parler de Stephen Crane en étudiant l'anglais mais ça n'est pas allé bien loin. J'attends vos appréciations.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Paul Auster a, en effet, longtemps joui d'une bonne renommée en Europe puis est apparu en retrait jusqu'à la parution de "4321", livre majeur, qui l'a relancé.

Pour ma part, j'avais lu "La trilogie new-yorkaise" et "L'invention de la solitude". Je trouvais ça bien, voire très bien, mais aussi un peu sec, un peu trop formel et ne me sentais pas vraiment touchée.

Cela dit, le personnage est vraiment sympathique et remarquable.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Certes, Carmilla vous aurez mes appréciations sur cet ouvrage d’Auster. Je vais essayer d’être impartial, mais je ne vous garanti rien. Je vais faire le tour, surtout que c’est un moment propice pour plonger dans une œuvre dense, riche, et intéressante en cette période, où les mesures viennent sanitaires viennent d’être resserrées au Québec. Ici les gens s’imaginaient passer de belles fêtes, voilà que la fêtes sont terminées avant de commencer. La déception est immense. Alors, c’est le temps de se retourner sur nous-mêmes et Auster nous en donne l’opportunité. Cela va peut-être prendre un peu de temps, parce que cette lecture se savoure comme un grand scotch et un gros cigare cubain, lentement pour faire durer le plaisir. Quoi que le café peut très bien faire l’affaire. Oui, j’ai une furieuse envie d’étirer le temps. Je vais peut-être toucher à d’autres dimensions?

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Merci d'avoir conseillé le documentaire "Des chats et des hommes". Il est particulièrement attachant, charmant même. Je l'ai visionné ce samedi avec grand plaisir.

Carmilla Le Golem a dit…

En effet Nuages,

C'est un documentaire à la fois plaisant et instructif. Il en dit peut-être plus sur la société turque (considérée avec méfiance en Europe) que nombre de grands commentaires politiques. Il faut savoir, un peu comme un ethnologue, porter attention à des choses en apparence secondaires. Si vous pouvez le trouver, je vous conseille également vivement le petit livre "Les chiens d'Istanbul", limpide et très éclairant.

Bien à vous,

Carmilla