samedi 25 décembre 2021

Le Temps vivant

 C'est Noël aujourd'hui ! Cette période où on sent qu'on tient une place accrue dans le Temps.

Dans le Temps infiniment étiré et non dans l'espace, ce simple ici et maintenant qui, comme on le croit trop souvent, nous identifierait. Mais je ne me trompe pas, ce n'est pas habiter à Paris près du parc Monceau qui me définit. Et Noël, ce n'est pas la fête, somme toute banale, que je célèbre aujourd'hui qui importe. Ce sont plutôt et surtout les multiples Noël que j'ai déjà vécus et tous ceux que l'on m'a évoqués. Parce qu'en fait, on est toujours un peu ailleurs et cet ailleurs c'est dans le Temps qu'il se situe, dans tout ce passé que nous avons déjà traversé.


 Et ce Passé, il n'est nullement révolu, on n'en est jamais radicalement séparés. Il demeure, au contraire, complétement vivant en nos corps, en contiguïté avec notre Présent,  et ne cesse de se manifester à nous par de petits signes. Peut-être pas des souvenirs élaborés mais des impressions fugitives, des lumières, une silhouette, une voix, un regard, une mélodie.


 Des petits riens imprécis que, généralement, notre intelligence refoule : ça n'aurait rien à voir avec la personnalité qu'on s'est construite, avec cette carapace de respectabilité-identité dans la quelle on s'est enfermés.

Et pourtant, ce sont probablement ces multiples petites sensations-souvenirs, bien distincts de la mémoire volontaire, qui ne cessent d'insister en nous, qui nous définissent le mieux. Même si ces impressions se révèlent changeantes et contradictoires, elles n'appartiennent qu'à nous, elles signent notre singularité.

On le sait, l'objectivité historique n'existe pas ou plutôt elle n'existe que comme appauvrissement dramatique du réel. On n'a jamais les mêmes souvenirs que ses proches, ses voisins, ses amis, c'est un désaccord continuel. Ça ne tient pas à une mémoire qui serait défaillante mais à des charges différentes d'affectivité. Et cette affectivité, cette émotion autrefois vécue, telle une bulle d'air dans un ruisseau, elle n'arrête pas d'éclater, de refaire surface en chacun de nous mais notre tort, c'est de la négliger, de n'y pas prêter attention. 

La vérité du monde, ce n'est pas celle de la pensée abstraite ni de la réalité objective, ce sont, plus simplement, des mots, des sons, des couleurs qui viennent frapper aux portes de notre conscience. Qui, parfois, réussissent à nous tirer de notre sommeil rationaliste. Ce sont aussi des hasards, des rencontres, d'étranges correspondances, ou, au contraire, des dissemblances, des contrastes, des écarts.

On est angoissés par la Mort. Mais on ne se rend pas compte qu'à maints égards, on est immortels. D'abord, au cours d'une vie, on meurt soi-même plusieurs fois, on change de moi, d'individualité, on est charmant puis féroce, un saint puis une crapule et il en va de même de nos amours, de nos goûts et dégoûts, qui, au fil du temps, ne sont plus les mêmes. Mais ces morts successives, souvent indifférentes, n'abolissent pas le rapport vivant que l'on continue d'entretenir avec son passé. Ce passé qui n'est jamais effacé, forclos, mais ne cesse, au contraire, de se manifester dans la la continuité de notre vie en ressurgissant inopinément. Ce passé qui, finalement, donne une valeur d'éternité à notre vie pourvu que nous sachions la comprendre, l'interpréter. 

Si on occupe, en effet, une place tellement restreinte dans l'espace, dans le Temps, en revanche, cette place est sans mesure, sans limites. On est comme des géants capables de toucher simultanément, de mettre en correspondance, des époques de notre vie totalement différentes. On atteint ainsi une forme d'immortalité qui va au-delà de notre individualité corporelle. Les Anciens Égyptiens pensaient, paraît-il, que l'on n'était pas mort aussi longtemps que quelqu'un continuait de penser à nous et d'évoquer notre nom. 

Et on a une conscience diffuse de cela. La période de Noël en donne justement un exemple. Parce qu'on le sait bien, et les ethnologues l'ont démontré, le grand repas familial de Noël ne célèbre guère la naissance du Christ (qui s'en soucie vraiment aujourd'hui ?). Il est plutôt une résurgence païenne qui perpétue l'antique tradition du Grand Banquet des Morts, ces Morts que l'on cherche à amadouer par l'intermédiaire des enfants à qui on fait des cadeaux et dont on espère qu'ils sauront rendre moins amère notre existence terrestre.


 Ce sont donc les Morts qui sont invités au repas de Noël et d'ailleurs, chez les Slaves, on réserve toujours une place et une assiette pour le "visiteur inconnu".  Et le principal sujet de conversation à table, c'est la famille, ses maladies, ses décès, ses frasques, ses aventures, ses défauts. L'opprobre est, à peu près, général sauf pour les ancêtres généralement supposés riches et puissants. Les autres, c'est une grande collection de bandits : le tonton pervers, la mémé gaga, le fiston chômeur, le pépé fasciste, le père alcolo, la mère avare, la sœur volage, le beau-frère flambeur, le cousin tête brûlée, la tante indolente, la belle-mère mythomane, le petit fils toxico, le demi-frère voleur. 
  

Une effroyable galerie ! Noël, c'est souvent un grand moment de lucidité vis-à-vis de soi-même et des autres. On proclame que tout est paix et amour ce jour là mais c'est souvent l'exact contraire qui se produit. Mais au final, on espère bien qu'à l'issue de cette réunion de la famille toute entière et de l'exhibition de ses conflits, nos fautes seront rachetées ou du moins considérées avec indulgence par tous ceux qui nous entourent, morts ou vivants.


Il est vrai que je suis exemptée de tout ce grand déballage. Mais comme tout le monde, je crois, je suis mentalement  hantée, ce jour là, et je n'en mène pas trop large. Je revois d'abord  tous les Noëls de mon enfance-adolescence, plutôt gris et sinistres (Lviv étant, à cette époque, à peine plus gai que Téhéran). Mais le plus effrayant, c'est le lent défilé qui suit de tous ceux qui sont morts dans ma famille.  

Une hantise parce que je me sens coupable vis-à-vis d'eux : mes parents d'abord parce qu'ils étaient persuadés que moi et ma sœur, on allait devenir des quasi-délinquantes; et il est vrai qu'on faisait tellement de bêtises qu'on les a sans doute tués en partie;  ma sœur, ensuite, parce que je l'ai toujours écrasée de ma supériorité; je l'ai sans doute convaincue qu'elle était nulle. 

 

Être immortel, on est généralement persuadés que c'est la félicité, mais j'ai plutôt tendance à penser que ça peut aussi être l'affliction perpétuelle. L'affliction parce que l'Immortalité ne nous délivre pas et ne nous délivrera jamais du Mal.

Images de Claude Monet, Voysey wallpaper, Zdzislaw Beksinski, Vincent Van Gogh (copiant Hiroshige), Arthur Mathews, Edward Steichen, Tiffany, Alfons Mucha, Sonia Delaunay.

Un texte que d'aucuns jugeront peut-être bizarre. Je retraduis à vrai dire, à ma manière, les analyses de Marcel Proust sur le Temps, le Temps perdu et surtout le Temps retrouvé. Ce Temps retrouvé qui confère, à chacun de nous, une espèce d'immortalité. Proust qui me fascine et que je viens de relire un peu, en cette période comprise entre deux anniversaires : le 150ème de sa naissance (10/07/1871) et le 100ème de sa mort (18/11/1922). 

Plein de bons livres ont été publiés sur Proust. Dans la masse, j'en retiens deux (difficiles mais synthétiques et éclairants) :  Gilles Deleuze : "Proust et les signes". Pierre Klossowski :"Sur Proust". 

Plus récents, j'ai bien aimé les livres de : 

- Enthoven (père et fils) : "Dictionnaire amoureux de Marcel Proust", un bouquin agréable, sans prétention ni jargon, qui s'attache, avant tout au "plaisir" de l’œuvre. On n'a ensuite qu'une envie : lire, relire, "La Recherche".

- Jean-Yves Tadié : "Proust et la société". Ça vient de sortir. Un bouquin qui corrige l'image du grand bourgeois, du "salonnard" uniquement préoccupé des duchesses, vivant complétement en dehors des réalités sociales de son temps. Proust sociologue, Proust et les domestiques, Proust et l'actualité internationale, Proust et la Bourse, Proust et l'électricité, le téléphone, l'aviation, l'automobile etc...

- Jean-Marc Quaranta : "Un amour de Proust. Alfred Agostinelli (1888-1914)". En toute honnêteté, je viens seulement de le commencer mais ça se révèle passionnant alors qu'on pouvait en craindre le pire. Ca vient juste de sortir et ça en apprend beaucoup sur le Paris 1900. Les critiques sont excellentes.

En dehors de Proust, il convient également de lire, relire, le remarquable "Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs" de Mathias Enard, l'un des grands écrivains français contemporains;


22 commentaires:

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla
Le jeune homme incandescent
« Il n’était personne, il devint quelqu’un. Adoré par beaucoup, méprisé par beaucoup. On l’oublia de nouveau. On se souvint de lui à nouveau et aujourd’hui, au moment où j’écris les dernières phrases de ce livre, aux premiers jours de l’année 2020, ses œuvres sont à nouveau oubliées. C’est une période sombre pour l’Amérique, une période sombre pour le monde, et avec tout ce qui arrive, érodant nos certitudes quant à qui nous sommes et où nous allons, le moment est peut-être venu de sortir Burning Boy de sa tombe et de recommencer à se souvenir du jeune homme incandescent. Sa prose reste crépitante, son regard tranchant, son œuvre poignante. Est-ce que tout cela nous importe encore? Si c’est le cas, et on ne peut l’espérer, il faut y prêter attention. »
Paul Auster
Burning Boy
Page 942
« C’est comme si la main du blessé se tenait sur le rideau pendu devant les révélations de toute l’existence, le sens des fourmis, des potentats, des guerres, des villes, de l’éclat du soleil, de la neige, d’une plume tombé de l’aile d’un oiseau, et sa puissance répand une lueur radieuse sur une forme ensanglantée, faisant parfois comprendre aux autres hommes qu’ils sont tout petits. »
H.G. Wells
Tiré de Burning Boy
Page 942
Comment ne pas s’interroger sur certains humains qui sont passés comme des météorites, zébrant le ciel nocturne d’une trace éphémère de lumière éclatante et troublante? Crane, le jeune homme incandescent fut l’un de ces météorites. Plus détesté qu’aimé, il attirait l’envie qui finissait en haine. Il aura fendu l’humanité, avec un sens de l’observation inouïe, dénonçant les inégalités et les injustices, non parce qu’il s’est nourrit de la misères de ses contemporains, mais parce qu’il était au coeur de cette misère. Plusieurs éditeurs ont refusé de le publier parce que son écriture était trop réaliste. Les autres l’ont dévalisé. Lorsque la misère s’étale au coeur d’une ville comme New York, elle devient insupportable aux bien-pensants. Qui était ce jeune homme pour oser l’impensable? Il aura refusé d’écrire comme on écrivait au XIXe siècle. Il n’a pas fermé les yeux sur les travers des États-Unis., qui était à l’époque en pleine expansion. Ce pays qui allait devenir le plus riche, le plus puissant au monde, mais comme toutes les sociétés humaines remorquait ses fautes en les ignorant, où en regardant ailleurs. Auster, en évoquant Crane, passes des américains à l’universel : l’homme. Il heurte notre humanisme de façade. Ce livre, c’est plus qu’un livre, c’est une œuvre, parce qu’il dérange nos petits conforts et nos plaintes de pacotilles. Auster ratisse large en traçant des parallèles avec plusieurs auteurs contemporains de Crane, dont en autre un certain Arthur Rimbaud. Le court poème que j’ai révélé dans mon dernier commentaire en témoigne. Ce n’est pas un livre qui se lit rapidement. C’est un ouvrage du temps long, de la lenteur, parce qu’il faut laisser le temps au temps. Ce qui n’est pas seulement lire, mais habiter un univers. L’isolation est de mise et c’est ce que j’ai fait, où le silence et la solitude s’impose. C’est comme arpenter un vieux champ de bataille, ou un vieux cimetière, où il faut marcher légèrement, parce qu’on marche sur des humains.

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Ce n'est pas vraiment en rapport avec votre billet, mais je suis en train de visionner la série "Serviteur du peuple" (qui passe sur Arte) avec grand plaisir. C'est vertigineux de penser que Zelenski est, depuis lors, devenu président de l'Ukraine.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard pour ces appréciations sur le dernier livre de Paul Auster.

Vous êtes largement convaincant même si vous m'effrayez un peu en soulignant la lenteur nécessaire à sa lecture.

C'est sûr qu'on a bien du mal à imaginer ce que pouvait être la société des Etats-Unis au 19ème siècle. En Europe, on en a les visions caricaturales des westerns et de la ruée vers l'or. C'était sans doute une société très dure, probablement effrayante, où les faibles se trouvaient broyés. Il fallait, probablement, apprendre à survivre. Mais ce ne sont peut-être que des clichés, j'avoue mon ignorance.

Je prends bonne note de votre recommandation même si, en ce moment, je suis plutôt concentrée sur des ouvrages traitant de l'Asie Centrale.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Vous avez "Serviteur du Peuple" sur Arte. Je suis étonnée parce que c'est à peu près la seule chaîne que je regarde, surtout en "replay", mais, à Paris, je ne l'ai pas.

Quant à Zelenski (il y a plusieurs manières de transcrire son nom qui est, en fait, polonais), j'étais moi-même très peu enthousiaste quand il a été élu (je craignais un démagogue complet). Aujourd'hui, je reconnais qu'il est surprenant et se révèle, en fait, un homme intelligent et moderne qui parvient, malgré tout, à faire bouger les choses.

Le problème, c'est qu'il est bien peu soutenu par les Etats-Unis et l'Union Européenne dans le conflit avec la Russie. Je suis à peu près sûre que les Etats-Unis et l'Otan vont accepter le chantage de la Russie (conduite par Poutine qui a une relation de haine avec l'Ukraine) et s'engager à ne pas aider l'Ukraine (qui n'est même pas conviée aux prochaines rencontres). Le Droit des Peuples à disposer d'eux-mêmes, on s'en fiche complétement. Mais j'aime mieux ne pas parler de ça, ça m'énerve trop.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Je ne regarde pas la série "Serviteur du peuple" "sur" Arte (je n'ai pas de téléviseur), mais via leur site internet :

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-021804/serviteur-du-peuple/?xtor=SEC-702--Chaine-Generique--[]&gclid=CjwKCAiAiKuOBhBQEiwAId_sK6DyyDu7RneHiQxDCkUedYo93KxnCzwhZ2Fdc2-xJzPSU86fZfKPJxoCScAQAvD_BwE&gclsrc=aw.ds

Et grâce au site "Clipconverter", j'ai pu télécharger les 23 épisodes de la première saison, en HD.

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla
« Seul Maggie n’est pas touchée par le virus. Elle seule est exemple de la maladie qui ronge les autres, mais la raison n’en est jamais donnée, ni même considérée. Crane l’offre en sacrifice. Le livre ne serait pas sans elle, et pourtant la victime au centre de l’action ne dit rien pour sa défense, et la plus part du temps reste silencieuse. Le lecteur se voit livrer à ses pensées, mais Maggie reste impuissante face à ceux qui finiront par la détruire, et parce qu’elle ne peut pas se défendre, elle ne peut pas parler, ou parce qu’elle ne peut pas parler qu’elle ne peut pas se défendre. Dans un cas comme dans l’autre, on sent dès le début qu’elle est condamnée. »

Paul Auster
Burning Boy
Sur Maggie, fille des rues
Page 131


Être immortel, on est généralement persuadés que c'est la félicité, mais j'ai plutôt tendance à penser que ça peut aussi être l'affliction perpétuelle. L'affliction parce que l'Immortalité ne nous délivre pas et ne nous délivrera jamais du Mal.
Carmilla le Golem

Votre texte de cette semaine se lit lui aussi lentement que le texte d’Auster, même s’il est amère, il se savoure.

Nous les humains nous parlons beaucoup plus du mal que du bien, plus de l’ombre que de la lumière. Est-ce que nous sommes plus attirés par le mal que par le bien? Plus attiré par l’ombre que la lumière? Est-ce que nous jouissons plus du mal que du bien?

Lorsque vous affichez votre grande lucidité à force de statistiques, que nous vivons dans un univers soyeux, confortable, propre et sécuritaire comme jamais dans l’histoire humaine; vous évoquez le bien.

Mais en fin de semaine vous enfourcher votre cheval de bataille comme si ce mal se transformait en jouissance, comme si plus rien ne fonctionnait dans nos sociétés.

Il appert, que si un jour les humains suppriment le mal, le bien n’aura plus aucune raison, ni sens, d’exister. La fin du mal condamnerait le bien à disparaître. Et cette disparition pourrait signifier notre propre disparition. Comment progresser sans le mal. Le bien, c’est très bien; mais le mal c’est essentiel.

Ceci dit, je rêve, d’être le visiteur inconnu, le treizième à table, celui qu’on attendait plus. Il faudrait que je me trouve une famille slave, ce qui n’est pas donné au Québec! Trouverais-je un Dostoïevski dans un coin de la cuisine? Nous pourrions avoir un grande discussion sur le mal et le bien.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

« Mme Bovary, qui se nourrissait d’illusions trouvées dans des romans à l’eau de rose, fut empoissonnée par ces livres de la même manière que Don Quichotte perdit la raison à force de lire. On ignore si Maggie est allée à l’école (pas un mot à ce sujet) ni si elle serait capable de lire un livre, mais ses élans ne sont pas différents de ceux d’une Emma, pourtant née plus haut dans l’échelle sociale, et même s’il n’y a point de livres dans sa vie, son imagination se nourrit d’histoires, - les contes de fées les plus fragiles, des rêves qui n’ont pas plus de solidité que les nuages. »

Paul Auster
Burning boy
Sur Maggie fille des rues
Page 133

Nous choisissons nos lectures librement, mais à la suite de cette grande lecture du dernier d’ouvrage de Paul Auster, je me demande si ce n’est pas les livres qui finissent par nous choisir? Concours de circonstances, étranges hasards, merveilleux moments d’incertitudes, bouteilles à la mer, attentes fébriles, découvertes déconcertantes, le tout enveloppé dans un paquets de feuilles disparates, qui a notre grand étonnement, finissent par former un tout. Un esprit en télescope un autre. L’imaginaire prend le plateau de nos imaginaires, les rêves jamais très éloignés s’approchent sur le bout des pieds, un mur se transforme en rideau qui s’ouvre sur un contient inconnu. Modestie oblige, nous ne l’avions pas pensé ainsi. Impossibles de laisser tomber ce paquet de feuilles qui tremblent entre nos mains. La faim s’estompe. La séduction fait le pied de grue sur le seuil de notre porte. Le désir n’a plus la cote. Vous avez atteint la vitesse de décollage, il ne reste plus qu’à tirer doucement sur le manche, ça vol, vous êtes dans les airs, vous voilà dans une autre dimension. Confort total, vous êtes particulièrement bien, que demander de plus, si non, que le moteur tienne le coup.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Grand merci Nuages,

Il est vrai que vous êtes "moderne" en l'occurrence puisqu'un téléviseur appartient, désormais, à la catégorie des objets du passé. Seul avantage à mes yeux : la qualité de son et d'image qui est devenue proche de celle des meilleures salles.

Je vous remercie vivement pour "Serviteur du peuple". Il fallait bien le chercher mais je l'ai trouvé. Je n'en avais vu que de petits extraits. Pour moi, c'est excellent et hilarant. Ça montre bien quand même que Zielinski est très intelligent (son épouse est d'ailleurs elle-même remarquable).

Une interrogation quand même pour moi. Ça me fait beaucoup rire mais je me dis aussi que, projetée au-delà de l'Ukraine, cette série ne dit peut-être pas grand chose à des Européens de l'Ouest et les laisse de marbre. Ça m'intéresserait de savoir si ça vous a plu même si vous n'êtes pas représentatif de l'Européen moyen.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Oui, la question du Mal est essentielle pour moi, même si l'idéal social est aujourd'hui de construire un Empire du Bien, une société du consensus et des bons sentiments.

Il y a sur cette question deux réflexions essentielles à mes yeux : d'une part, la question du péché originel dans le christianisme (même si je suis athée), cette idée donc (largement évacuée, il est vrai, par l’Église)que le Mal est d'emblée et continuellement en nous. Dostoïevsky a développé toute son œuvre là-dessus; d'autre part, les thèses avancées par Sigmund Freud, notamment dans "Malaise dans la civilisation", portant sur les pulsions primitives, criminelles et destructrices, de l'homme, pulsions aux quelles le développement de la civilisation tente de s'opposer en vain, davantage de répression générant davantage de frustration puis de violence.

Oui, vous pouvez encore essayer de vous insérer dans un Noël orthodoxe (le 7 janvier)mais je ne vous garantis pas que toutes les familles vous recevront à l'improviste même si tout le monde connaît la tradition.

Quant à la question de savoir si nous choisissons les livres ou s'ils nous choisissent, je suis personnellement très sélective dans mes choix. Je lis ce qui semble correspondre à mes préoccupations et non en fonction de l'actualité éditoriale. Cependant, il y a aussi de nombreuses découvertes et surprises.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Je suis ravi, Carmilla, que vous ayez pu accéder à la série "Serviteur du peuple".

J'aime beaucoup cette série, elle ne me paraît pas exotique ni étrange ; la mainmise des oligarques, le népotisme, le rôle envahissant des conseillers du président, je connaissais déjà toutes ces caractéristiques de la vie politique en Ukraine, et qui ne sont pas absentes, parfois, de la vie politique en Europe de l'ouest. La famille du président, aussi, est truculente et très amusante.

J'ai déjà vu huit épisodes sur les 23 de la saison 1, et je me réjouis de découvrir la suite.

Par ailleurs, connaissez-vous le site Clipconverter ? Il permet de télécharger de vidéos, pas seulement celles d'Arte, avec, en plus, le choix de la qualité d'image : https://www.clipconverter.cc/fr/2/

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Quelques lumières et réflexions sur l’Amérique.
Quelle surprise lorsque vous évoquez votre ignorance au sujet de l’Amérique et surtout des américains. La vérité, c’est qu’ils sont déroutants, souvent volontaires jusqu’à la folie, et d’autre fois indifférents à des situations qui devraient les intéresser. Même en tant que voisin, leurs décisions et cheminements m’échappent souvent. Facile de se retrouver penaud face à leurs agissements. Encore une fois, il faut revenir à l’histoire, à ces êtres chassés d’Angleterre que l’on nommait les puritains qui sont débarqués sur les plages ce Cap Cod, plus morts que vifs après une traversée difficile de ce redoutable Atlantique Nord. Les fondements de l’Amérique se sont ces traces de pas sur le sable de ces plages balayées par des vents automnaux. Les premiers hivers furent terribles, marqués par les famines et les maladies, n’eut été des indiens ils seraient tous morts. Premier paradoxe, ceux qui leur avaient sauvé la vie, allaient disparaître par la main des descendants des premiers colons deux siècles plus tard. Ces puritains avaient deux solides fonds de commerce, le mal et la mort, qui furent les fondements de cette société qui ne cesse nous nous étonner encore aujourd’hui. D’une part cette religiosité bricolée de croyances de pacotilles et de superstitions, qu’ils entretiennent encore aujourd’hui, et d’autre part, cette volonté de survie alimentée par un esprit d’autarcie tenace. Ce n’est même pas un dogme, ni une idéologie, c’est une manière de vivre. Tu n’es rien, mais tu peux tout devenir. Tu peux faire faillite un nombre incalculable de fois, mais mourir riche. Ne pas oublier que les grandes crises économiques trouvent leurs origines sur le sol américain. Le tout édifié sur le gros livre : La Bible; aimes ton prochain comme toi-même et tous les beaux principes de la charité chrétienne; pour le lundi suivant, commercer des êtres humains sous forme d’un racisme insupportable. Commerce au quel a participé l’Europe, ne l’oublions jamais. Aussi cette méfiance aux pouvoirs politiques, raison pour laquelle la politique américaine demeure compliquée. Les américains se méfient du pouvoir, alors ils l’ont éparpillée de manière à ce que personne ne l’accapare totalement. L’exécutif est bien séparé de la Chambre des Représentants et du Sénat, ce qui a été voulue par les pères fondateurs en toute conscience. Le plus bel exemple fut les quatre années de pouvoir du Blondinet de Washington. Tous ces défauts ont débouché sur une grande qualité, l’initiative. Exemple les Européens arrivèrent difficilement à comprendre leurs manières de combattre lorsqu’ils ont débarqué sur les plages de France. Contrairement aux Japonais et surtout aux Allemands, ils n’avaient pas besoin des officiers supérieurs pour que le simple fantassins prennent des initiatives sur les terrains. Les militaires de carrières n’étaient pas nombreux aux USA, et les jeunes fantassins 18 mois plutôt étaient des civiles. C’est le seul pays lors de la Deuxième Guerre mondiale à avoir mené deux guerres dans une, celle d’Europe et celle du Pacifique, et de les avoir gagnées. Il faut savoir se méfier d’un américain, surtout lorsqu’il est perdant. Certes, le cinéma américain donne une fausse idée de la véritable nature de cette nation, comme vous le dites Carmilla, cela donne une vision caricaturale avec ses bagarres de saloons et de ses vieux chercheurs d’or, ce ne sont que quelques épisodes dans l’évolution américaine. L’Amérique c’est beaucoup plus que cela, c’est la somme de tous ces émigrés qui ont débarqués sur cette terre, et pour une large part, qui provenaient de l’Europe.

C’était quelques réflexions historiques sur cette Amérique étrange qui nous échappe souvent.

Merci Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Ravie que la série vous plaise. Je ne suis pas aussi avancée qu vous mais ce que l'on peut apprécier, en effet, c'est que les personnages sont sympathiques. Il n'y a rien de haineux. La famille, en particulier, est très représentative.

Ça montre bien aussi que, dans tous les pays de l'ex-URSS, rien n'est plus étranger à la population que l'idée d'un État de Droit. On est convaincus que tout se règle par relations, copinages, échange de petits services, corruption, petits avantages et privilèges. C'est comme ça que fonctionnait la société communiste et ça met du temps à évoluer.

Clipconverter ? Non, je ne connais pas mais je vais l'analyser ce week-end. J'avoue que je ne comprends pas encore bien à quoi il peut servir.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je me suis bien sûr rendue plusieurs fois aux Etats-Unis (j'adore, en particulier, New-York)et je parle convenablement anglais.

Mais quelques séjours touristiques ne sauraient m'autoriser, je crois, à prétendre que je connais le pays.

Je n'en ai donc retiré que quelques impressions. La vie m'y apparaît tout de même extrêmement prosaïque, sans profondeur. Rien n'est ainsi plus déprimant qu'une petite ville américaine : partout la même banalité des commerces, des restaurants, des habitations, des vêtements. Tout semble insipide, standardisé. Et puis, la littérature américaine ne me branche vraiment pas.

Mais sans doute, je n'ai pas assez approfondi. Je suis cependant sensible à cette idée américaine du "when a dream comes true". Je me souviens ainsi d'un entretien avec la chanteuse Madonna dans le quel elle affirmait que l'Amérique était un pays qui vous faisait rêver très fort, où tout était possible, tout était ouvert pourvu que l'on ait un esprit d'initiative. C'est peut-être, en effet, la différence avec l'Europe dans la quelle les mentalités sont plus figées. Et puis, l'Amérique, c'est quand même une très grande démocratie avec une multitude de contre-pouvoirs. Les dérives autoritaires, même avec un Trump, semblent quasi-impossibles. Seul risque : une extrême judiciarisation de la société.

Je suis donc peut-être emplie de préjugés dont il faut que je me défasse.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla.
Deux moments me plaisent particulièrement au cours d’une année, parce qu’ils sont des grands tournants. Le solstice d’hiver, ce crescendo de la fin de l’automne, le retour de la lumière et la promesse de semailles futures. Le solstice d’été qui annonce les récoltes futures, la décrépitude de végétation, l’apothéose de la maturité. Ces époques me procurent de grandes satisfactions, par leurs inspirations énergisantes.
Depuis quelques jours, je vis des moments très intenses. Un grand pygargue ne manque pas de venir survoler mes trois outardes estropiées. Hier matin, il est arrivé pendant que mes trois bernaches prenaient leur bain quotidien dans cet espace libre de glace sur la rivière. Il s’est perché dans un arbre mort, sans doute salivant, dans l’espérance d’un repas succulent dans un avenir rapproché. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi cet espace ne se couvre pas de glace, pourtant nous avons connu plusieurs nuits à -20 degrés?
S’il y a un instrument dont je ne me sépare jamais, c’est bien ma paire de jumelles. C’était le nec plus ultra, assis à mon bureau, devant mes grandes fenêtres, une tasse de café fumant, bien au chaud, je pouvais contempler le spectacle.
Ce pygargue, je devrais dire cette pygargue, parce la femelle est plus grosse que le mâle. Ses ailes déployées doivent totalisées environ 2 mètres d’envergure. C’est une artiste du vol plané. La semaine dernière, elle est venue patrouiller, et en passant au-dessus de l’espace libre de glace, elle m’a fait un virage de 360 degrés, sans dérapage, sans un coup d’aile, et ne perdant pas de vue les trois bernaches. C’est toute la beauté, la splendeur de la force tranquille et silencieuse. La grâce ultime!
La vie des prédateurs, surtout du pygargue est difficile en cette période de l’année. Son met favori, c’est le poisson, mais le poisson en Estrie en décembre se fait rare, alors elle doit se rabattre sur les charognes de chevreuils ou de coyotes, ou encore sur les lièvres et les perdrix. Ce qui explique qu’on en voit souvent survoler les forêts dans les environs. Si non, nous pouvons entendre son cri caractéristique.
Le pygargue c’est un monstre de patience, surtout lorsqu’il se perche et attends immobile. À ce jeu, il battrait n’importe quel bouddhiste, ou adepte du yoga. Je l’avais en ligne face à moi, à moins de 100 mètres. Aux jumelles, je distinguais ses yeux jaunes, sa splendide tête blanche, ainsi que sa queue. Chez les oiseaux l’état du plumage révèle l’état de santé de l’animal. Un oiseau qui a un mauvais plumage, est un individu condamné. Celui-ci est en santé, c’est un adulte au sommet de sa forme.
Mes trois bernaches l’avaient repérées depuis longtemps, alors elles sont aller nager en plein milieu de l’espace libre de glace. Un pygargue ne se risquerait jamais de s’aventurer à ramasser une proie sur un plan d’eau, surtout en hiver. Il y a risque de noyade, ce qui se produit rarement, mais cela arrive. Il faut les voir en été raser l’eau, sortir une patte et attraper un poisson, le tout à 50km/h, ou bien voler avec un couleuvre retenu par un patte qui se tord pour se libérer, c’est vraiment impressionnant.
Au cours de cet avant-midi d’observation, j’ai eu droit à un moment de comédie. Trois corneilles ont débouché entre l’île où était perché la pygargue, et la rive. Elles sont entrées en plein dans son secteur. La pygargue a ouvert ses ailes, et les corneilles surprises ont détalé rapidement. Manifestement, ce n’était pas une bonne idée. Les pygargues chassent aussi les corneilles. Mais, la pygargue se concentrait sur les bernaches. Elle a refermé ses ailes.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Ce matin en quittant ma paillasse, comme à tous mes matins du monde, je me dirige vers ma fenêtre. Habituellement, mes trois bernaches sont en train de batifoler à l’eau. J’ai jeté un coup d’œil des fois que ma grande pygargue serait dans les environs. Rien, parfaitement rien. Pas l’ombre d’une pygargue. Les trois bernaches étaient bien présentes. Elles font reculer la mort, une journée après l’autre. Je suis toujours surpris de les voir chaque matin encore vivantes. La semaine dernière le 24 décembre au matin, par moins 24 degrés, elles étaient immobiles sur la glace, on aurait dit des boules de givres, le bec dans le dos enfoui dans leur plumage. J’ai pensé : voilà, elles sont mortes. Soudain, il y en a une qui a bougé. Je n’arrivait pas à croire ce que je voyais. Vraiment, la vie, des fois est plus que surprenante. Elle est beaucoup plus forte, puissante et résiliente que nous pouvons nous l’imager.
Je suis aller me préparer mon café en attendant mon ravitaillement, parce que je me fais livrer. Je n’ai pas mis un pied dans une épicerie depuis 22 mois. Discipline d’acier en temps de pandémie.
Mon café en main et mes jumelles à porté de main, j’attendais le retour de ma grande pygargue. Mais dans la nature, il n’y a jamais eux jours pareils. Le jour d’hier n’a rien à voir avec le jour d’aujourd’hui, et n’essayez pas d’imaginer le jour de demain. Vous risquez d’avoir tout faux. Visiblement, la pygargue devait être occupée ailleurs.
Après la réception de mon ravitaillement, j’ai repris mon observation. Il restait encore une bernache retardataire. Mais, c’est quoi ces boules noires? C’était des castors. Un gros, qui s’occupait à ronger des branches qu’il allait couper sur l’île, et un autre qui était sur la glace recouverte par une couche d’eau, mais qui ne bougeait pas. Ce que je n’arrivais pas à comprendre, pourquoi ce castor de bougeait pas? J’étais dépassé par la situation, encore voir des castors autour d’un point d’eau libre de glace, mais à cette époque de l’année c’est exceptionnel. Je me suis demandé si le castor immobile était mort. J’ai enfilé mes bottes et je me suis rendu sur la rive de la rivière. Pendant 90 minutes, j’ai eu tout le loisir d’observer le gros castor, qui traversait le bassin, allait chercher des branches qu’il coupait sur l’Île, revenait, plongeait à l’eau, allait faire un tour sous la glace, pour ressortir par un autre trou. Mais l’autre castor ne bougeait pas. Tout ce que je voyais c’était une boule noire comme s’il avait été de dos. Pas question de mettre un pied sur la glace mince, qui supporte le poids d’une bernache ou d’un castor, mais certainement pas le poids d’un humain. Ma patience a été récompensée. Soudain, la boule a bougé lentement, j’ai aperçu une petite tête de castor, mais beaucoup trop petite pour cette grosse boule noire, pour finalement voir la boule de séparer en deux. C’était deux jeunes castors couchés ensemble bien collés, qui dormaient sur la glace recouverte d’eau! L’un a plongé à l’eau, l’autre est demeuré sur la glace. Des jeunes nés à la fin de l’été dernier. J’ai eu tout le loisir de les observer à l’aide de mes jumelles. Pas besoin de voyager au bout du monde pour trouver l’aventure.
Ma grande pygargue ne s’est pas manifestée, mais j’ai vu autre chose. J’ignorais que des castors pouvaient se mettent en boule pour un petit roupillon sur la glace.
Franchement, ce solstice est vraiment riche, remplie de surprises, des grandes lectures, des observations instructives, d’inspirations qui se transforment en écriture, un sentiment très fort de vibrations vitales, simplement la vie quoi!
Merci Carmilla et bonne fin de nuit

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

En ce moment à Paris, il fait incroyablement doux : 15° dans l'après-midi. C'est désespérant. En revanche, en Europe du Nord (Russie, Scandinavie, Europe Centrale, il fait bien froid et il y a de la neige, ce qui n'est pas le cas tous les ans.

Les animaux que je contemple, c'est, pour moi, beaucoup plus limité que vous : 6 mésanges, quelques rouge-queues, un rouge-gorge qui, en dépit de son apparence sympathique, se montre très agressif. Et puis mon inamovible couple de merles qui régente tout. Leurs "petits" de l'an dernier viennent seulement de partir après plusieurs mois de cohabitation.

Ils m'énervent quelquefois un peu. D'abord, ils deviennent très difficiles. Ils ne veulent plus que des fruits de qualité et une nourriture chaque jour renouvelée. Finies les pommes ou les poires, rien que des myrtilles, à la rigueur, et, si possible, des cerises accompagnées de vers et insectes desséchés.

Surtout, ils passent une grande partie de leur journée à observer par la fenêtre ce que je fais dans mon appartement. Je ne sais pas ce qui les intéresse à ce point mais c'est presque gênant. "C'est Hitchcock chez toi" m'ont dit des amis.

Bonne et belle année à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Devant chez moi ou presque, au bord des étangs d'Ixelles, un grand arbre a été littéralement colonisé par les perruches vertes à collier. Elles font un raffut pas possible au coucher du soleil. Puis c'est le silence.
Ce n'est que tout récemment, en allant à l'arrêt de bus tout proche, vers 20 heures, que j'ai découvert que des dizaines de perruches dormaient dans l'arbre, perchées sur des fines branches. Un vrai arbre de Noël vivant, avec toutes ces boules de plumes vertes. J'en montrerai sans doute une photo sur mon blog un de ces jours.

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Voilà une bernache qui ne souffrira plus! Elle est tombée pendant la nuit, et ce matin sa charogne repose à quelques mètres du trou libre de glace. Trois corneilles essayaient d’en tirer quelque chose, mais soudainement la grande Pygargue est arrivée, a chassé les indésirables, s’est emparée de la dépouille, puis a tenté un décollage. Trop lourd pour un pygargue, largage immédiat, comme pour les pilotes d’hélicoptère lorsqu’ils font de l’élingue et que la charge est trop lourde ou bien déstabilisée. J’assiste ce matin, au grand banquet de madame Pygargue. De son puissant bec elle fait boucherie, arrachant de longues lanières de viandes, qu’elle avale gloutonnement. Belle démonstration d’entropie, rien ne se perd dans la nature.

À bien y penser, pourquoi devrions-nous prendre le chemin du cimetière ou encore du crématoire? Si je tombais en forêt, foudroyé subitement, et qu’on ne retrouverait pas ma charogne, un grand pygargue pourrait me nettoyer les os, ce qui serait très bien, au lieu d’être enterré, encerclé de catholiques teigneux. Il y a des peuples sur terre qui se livrent à cette pratique. Ils déposent le cadavre sur un tréteaux et les grands aigles viennent se sustenter. Voilà du grand recyclage, de la vraie écologie. Ce qui est très bien, parce qu’il n’y a aucune morale, aucune idéologie. C’était tout simplement la vie, et maintenant c’est tout simplement la mort. Nous pourrions poser la question au deux petits castors qui sont sortis ce matin, qui sans doute nous répondraient : Pourquoi manger de la viande lorsqu’on peut se contenter d’écorce d’arbre?

Repas terminé en moins de 20 minutes, et croyez-moi, il ne reste rien pour les corneilles, parce que ma grande pygargue vient de décoller avec sa charge allégé, et elle a déposé son paquet de viande sur la glace au bout de l’île. Elle est restée un moment les pattes plantées sur son monticule de viande, puis elle est allée se percher dans un arbre. L’appât, un vieux classique.

Bon vent et bonne chance Carmilla, on va en avoir besoin pour l’année qui s’annonce.

Merci pour vos textes, vos commentaires, vos débats, qui sont toujours très appréciés, ainsi que vos suggestions de lectures.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Les perruches à collier sont également devenues très nombreuses à Paris (dans les parcs et cimetières) et dans les grandes villes françaises. L'histoire est assez extraordinaire parce qu'il semble que ces perruches sont les descendantes des occupantes d'une grande cage en provenance d'Afrique qui se serait accidentellement ouverte sur un aéroport parisien dans les années 70. Les fugitives se sont peu à peu adaptées au climat européen. Mais elles ne se posent jamais à terre et résident même à grande hauteur, ce qui les met à l'abri des prédateurs. Elles sont effectivement très jolies mais pour les prendre en photo, il me faudrait un super téléobjectif. Et puis, on parle aujourd'hui d'une véritable surpopulation de perruches au détriment d'autres oiseaux.

Il y a également de plus en plus de corneilles dans les grandes villes. A Paris, on les laisse même, paraît-il, se développer parce qu'elles contribuent à limiter la population des pigeons. Les corneilles sont en effet des oiseaux très intelligents mais cruels qui s'attaquent aux oisillons en ravageant les nids. Elles sont redoutées par tous les autres oiseaux. Je suppose que les oiseaux qui s'installent dans mon jardin le font parce qu'ils sont à l'abri des corneilles qui ne s'y risquent jamais. Etre un oiseau, on croit généralement que c'est la liberté mais ça me semble plutôt être un état d'inquiétude permanente.

J'attends donc vos photos de perruches bruxelloises.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Des pygargues, des bernaches, je n'en vois jamais à Paris et je ne sais trop à quoi elles ressemblent.

Offrir son corps à la voracité des oiseaux, c'est ce que faisaient jusqu'à une époque récente les zoroastriens au sommet de tours dites du silence. La pratique est maintenant interdite.

Mais cette idée ne me séduit pas. Même si je ne me rends à vrai dire jamais sur les tombes de ma famille, je m'interroge néanmoins sur l'évolution de notre civilisation qui, de plus en plus, cesse d'honorer ses morts. L'étape ultime, c'est la crémation et la petite urne funéraire dont on répand le contenu dans la Nature. On dit pourtant que les premières manifestations de la culture humaine, avant l'Art, la technique et l'écriture, ont été les pratiques funéraires, absolument universelles. Qu'elles disparaissent aujourd'hui est troublant. Et puis ça correspond aussi à un mépris du corps.

Merci pour votre avis positif sur mon blog. J'espère surtout pouvoir parvenir à évoluer et me renouveler.

Carmilla

Nuages a dit…

Et voilà, je viens de regarder le 23ème et dernier épisode de la série "Serviteur du peuple". J'ai adoré !
Dommage que ce soit fini, mais j'espère qu'Arte diffusera bientôt la saison 2, dont il existe aussi, paraît-il, une version en film long-métrage.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je ne suis pas aussi avancée que vous mais j'y arriverai bientôt. C'est effectivement très bon. Petite remarque : c'est en langue russe ce qui est préférable pour moi mais un peu étonnant aujourd'hui. Mais il est vrai que si l'on veut être compris de tous les Ukrainiens... mais les choses changent aussi. Il y a maintenant pas mal d'Ukrainiens qui ne parlent pas russe.

Je crois en effet qu'il y a bien plus que ces 23 épisodes tant leur succès avait été grand.

Bien à vous,

Carmilla