samedi 4 décembre 2021

"EMMA"


La critique littéraire moderne, surtout celle qui sévit depuis les temps structuralistes, affirme que la compréhension d'une œuvre ne se déduit pas de la biographie et de la personnalité de l'écrivain. La psychologie de l'auteur et même la société historique dans laquelle il a vécu, ce ne serait pas si important que ça. 

Sans doute, un grand roman, c'est, en effet, d'abord une construction, réélaboration, du monde. Mais un bouquin, ça n'est pas non plus seulement une expérimentation formelle, c'est quand même d'abord une expérience de vie. Un bouquin, ça vous apprend à aimer, à souffrir, à être triste puis joyeux, ou bien à être cruel ou indifférent voire même à mourir.

J'ai quand même toujours envie de savoir et comprendre comment un écrivain a transposé son vécu dans une œuvre, de connaître les expériences heureuses ou malheureuses qui l'ont façonné. On ne créée tout de même rien ex nihilo. On vit d'emblée dans un cadre plus ou moins agréable, plus ou moins esthétique. Et ensuite, on rencontre plus ou moins d'adversité. Souvent, les artistes, poètes et littérateurs se plaisent, complaisent, à abominer, vomir, la famille ou la province dont ils sont issus. C'est leur geste fondateur. Il faudrait avoir souffert pour être, un jour, reconnu parmi les Grands.

C'est pour ça que j'aime beaucoup visiter les lieux où ont vécu les écrivains que j'aime. J'ai l'impression d'apprendre beaucoup et ça modifie souvent ma perception de leur œuvre.

La semaine dernière, j'ai ainsi eu la chance de me rendre à Rouen et même de trouver le temps de faire quelques photos.

Rouen, c'est évidemment Flaubert dont on célèbre, cette année, le bicentenaire de la naissance. Cet écrivain "érudit onirique" (Michel Foucault) qui, en quelques romans, révolutionna tout simplement la littérature mondiale.

Flaubert, à la différence de la plupart des écrivains, il ne reniera jamais son passé, ni sa famille, ni sa ville natale.  Il est vrai qu'il était issu d'un milieu bourgeois et aimant (père et frère grands médecins, sœur adorée) et que la ville de Rouen est tout simplement splendide, propre à bouleverser les âmes les plus indifférentes.

Et puis, il revendiquait son orgueil normand. C'est un vrai particularisme culturel. Ça touche d'abord aux origines : on est différents, on vient du Grand Nord, on descend des Vikings, on est des Barbares. Et puis, on a conquis l'Angleterre et on est allés jusqu'en Sicile. Quant à aujourd'hui, on peut dire que la peinture impressionniste, elle s'est développée en Normandie. Et que dire de Proust ? Sans Cabourg, il n'y aurait pas de "Recherche du temps perdu".

C'est bien sûr un peu ridicule mais c'est inoffensif. Je suis à vrai dire davantage sensible à la revendication de la spécificité de la cuisine normande. Celle-ci faisait, on le sait, les délices de Flaubert, "Bon Vivant" devant l’Éternel. Il est vrai que si on aime les poissons et les fruits de mer, on est comblés. Et puis, le vrai fromage normand, la vraie andouille (celle de Vire), le vrai Calvados, c'est vraiment indépassable (mais pourquoi y-a-t-il tant de produits frelatés ?).

Le Normand Flaubert, donc, se revendiquait hyper-sensuel et se décrivait d'ailleurs lui-même comme un barbare avide de sensations, d'impressions. "Il aurait voulu être renégat à Smyrne, tenancier de maison close dans la Rome Antique, marchand de chameaux à Sidi Bou Saïd, pirate dans le Golfe d'Aden, batelier sur le Nil ou Empereur d'Orient". Il incarnait la vie truculente, débordante, excessive. Mais il est vrai aussi que les frères Goncourt, ultra-Parisiens, le considéraient comme un plouc.

Et puis, il était obsédé par les femmes qu'il consommait comme un forcené. Celles des bordels d'Orient ou bien les grisettes rencontrées sur les boulevards parisiens. Sa sœur, sa maîtresse (Louise Colet), sa nièce ont joué un rôle essentiel dans sa vie. Il fantasmait aussi sur les femmes fatales, inaccessibles. Il a toutefois toujours répugné à l'idée du mariage parce que "la première chose de la vie, ce n'est pas d'aimer, c'est d'écrire". 

Chaque livre de Flaubert est pour moi un chef-d’œuvre.  Mais je me souviens surtout, évidemment, du choc éprouvé, adolescente, à la lecture de "Madame Bovary". Je me suis tout de suite reconnue dans le portrait de cette jeune femme perdue dans ses lectures et ses rêves.

"Madame Bovary", c'est le roman de l'insatisfaction et de la déception. Le réel n'est jamais à la hauteur de ce que l'on rêvait. Alors on s'échappe, on s'enfuit, dans une quête éperdue, dans la recherche désespérée  de ce qui correspondra peut-être enfin à vos aspirations. Mais bien entendu, ça n'arrive jamais.

Je suis terriblement comme ça, mes amants en savent quelque chose. Parfois, je m'en désole et, même, je m'en veux, je me prends à me détester. Parce que c'est vrai que je suis souvent cruelle et que je sème le malheur, l'affliction. Et puis mon insupportable air de supériorité, le sentiment que je cherche à donner d'être au-dessus de la mêlée, l'impossibilité en fait, sous des apparences policées, de communiquer avec moi.

Tu es incapable de partager, d'échanger, d'avoir une vie commune, je me dis souvent. Seuls comptent tes rêves et ta personne, ton effroyable narcissisme.

Et puis tu es infernale, tu es tellement changeante qu'on n'arrive pas à te suivre. Ce qui te passionnait hier, tu le délaisses aujourd'hui et inversement. Et il en va des choses comme des gens. On ne sait finalement pas ce que tu aimes, quels sont tes goûts et dégoûts. Tu passes sans cesse d'une tocade à une autre et chaque tocade, tu la vis avec excès. Comment s'y retrouver, ne pas perdre pied avec toi ?

Sans doute, mais c'est irrépressible, c'est trop profondément ancré en moi. Et c'est vrai que la perspective d'une vie de famille rangée, régulière, faite d'une multitude de "petits riens", me fait horreur.


Et puis, être une Madame Bovary, ça a aussi plein d'aspects positifs. 


Ça vous fait carburer à plein parce que vous êtes une révoltée et que rien n'est trop beau pour vous. 


Vous êtes une révoltée contre l'ennui, la médiocrité et la banalité de la vie. Et aussi contre sa laideur et sa bêtise.

Alors, pour échapper à toute cette horreur, vous êtes prête à prendre tous les risques, à affronter les pires histoires, les plus compliquées.

 

Parce que toujours, vous préférerez le rêve à la réalité.

Mais le rêve actif, contraire à l'inertie, celui qui vous emporte sur des chemins escarpés et inavouables.


Mes petites images de Rouen. Je me suis concentrée sur tout ce qui avait trait à Flaubert (sa maison et sa chambres natales, le jardin et les parcs qu'il fréquentait, sa tombe) et sur Madame Bovary ( la cathédrale et ses alentours où elle donnait ses "rendez-vous").

Si vous vous intéressez à Madame Bovary, il faut compléter votre visite de Rouen par celle des villages de Ry (dont le roman est une description) et de Lyons-la-Forêt. Deux villages normands tels qu'on a pu les rêver. Si vous ne pouvez faire le voyage, regardez le film de Claude Chabrol qui a été tourné en ces lieux. Ils ont également été magnifiquement filmés par Anne FONTAINE : "Gemma Bovary" (2014).

De Flaubert, il faut évidemment tout lire, ce n'est pas excessivement volumineux. On néglige trop un roman monstrueux que je trouve fascinant : "Salammbô". La passion amoureuse rencontre le tumulte de l'Histoire.

Autres lectures :

- Régis JAUFFRET : "Le dernier bain de Gustave Flaubert ". Un récit, d'un trait, de la vie de Flaubert. C'est romancé mais absolument juste.

- André POSTEL : "Un automne de Flaubert". Un livre original paru en décembre 2019 (maintenant édité en poche) qui évoque un séjour de Flaubert en Bretagne (à Concarneau). Une période de repos pour lutter contre la dépression.

- Julian BARNES : "Le perroquet de Flaubert". Un livre éblouissant sur Flaubert (paru en 2000) écrit par un Britannique amoureux de la littérature française. Se trouve facilement en poche.

- Caroline COMMANVILLE : "Souvenirs sur Gustave Flaubert". Un portrait de Flaubert par Caroline, la nièce adorée,  fille de la sœur adorée, de même prénom et morte prématurément.

- Willa CATHER : "La nièce de Flaubert". La rencontre authentique de Caroline en 1930 à Aix-les-Bains. La description d'une femme étonnante.

Je conseille aussi les deux numéros Hors-Série du "Monde" et de "Télérama" consacrés à Flaubert. Ils se complètent très bien.

Enfin, la dernière image ci-dessous n'a bien sûr rien à voir avec Flaubert. Il s'agit d'un côté de ma terrasse (celui qui sert à mes merles de coin salle à manger et de point d'observation, leur grande passion, sur l'intérieur de mon appartement). C'est à l'intention de Nuages qui s'intéressait à la grande fougère, prélevée sur sa grande serre, que m'a vendue, cet été, le Roi des Belges (c'est, du moins ce que je me plais à croire).


6 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Apocalypse cognitive

Vous savez nous surprendre, vous vous plaisez à nous désarçonner, mais d’autre part vous éprouvez du mal à cacher votre vulnérabilité. Cette réalité, si difficile, ne dépasse jamais le rêve. Une vie fendue en deux, dans le mystère insondable d’une existence, sur le bord d’un précipice sans fond, mais qui vous attire au point de sauter dans le vide. L’univers d’une hésitation perpétuelle entre cette réalité et cette part du rêve, ce qui résulte en une réalité entre deux portes. Plusieurs de nos contemporains passent leur existences entre ces deux états, on peut en faire sa vie, et pourquoi pas. Nous pouvons construire des châteaux dans l’insatisfaction, se dire révolter sans faire de révolution, dans une fuite éperdue, nager dans les eaux du (black dog), s’en sortir pour y replonger. Est-ce que la réalité est morne? Vous faites dans l’existentialisme pas à peu près, à la recherche du vertige ultime.

Apocalypse cognitive, expression que j’emprunte à Gérald Bronner, titre de son dernier ouvrage, du moins le dernier arrivée au Québec, traite de cette manière d’être qu’on retrouve chez ceux qui se sont créés un univers parallèle dans le monde virtuel qu’ils finissent par reconnaître comme plus intéressant que la réalité. Certes le monde virtuel est séduisant, il nourrit notre insatiable appétit pour notre ration de dopamine, quitte a négliger notre besoin de sérotonine, avec l’impression de contrôler notre destin. (Or, la recherche du plaisir s’oppose bien souvent au bonheur, y compris en termes chimiques.) Gérald Bronner. Ce qui signifie que la réalité aussi banale que sa cruauté, ou encore son incontournable routine morne, finit toujours par nous retrouver, nous encercler, et nous envelopper. Ce qui fait que l’évasion virtuelle trouble nos jugements sur la réalité. Qui plus est, si ce texte de Bronner nous interpelle tous, la page couverture reste évocatrices de son sujet : La Méduse par Le Caravage. Tableau que vous avez déjà glissé pour illustrer vos textes. Cette tête décapitée, pétrie par l’horreur, coiffé de serpents. Étrange façon de se faire ramener sur terre par un atterrissage brutal. J’espère que vous l’avez lu, si non, je vous le recommande, Apocalypse cognitive devient incontournable.

Nous voulons vivre intensément, mais souvent nous refusons la réalité, ce qui souligne nos ambivalences. Flaubert comme plusieurs autres voulait tout faire, mais comme il n’avait qu’une seule vie, et sans doute une seule réalité, s’est échappé par l’écriture, ce qui est une autre forme de virtualité. Nous n’avons pas tout inventé avec Internet, les humains rêvent depuis longtemps. Je me souviens qu’on nous faisait travailler au collège des textes choisis de Flaubert, certes pas madame Bovary, Les frères éducateurs ne l’auraient jamais permis, c’était à l’indexe, (lecture interdite), mais Salammbô, du moins dans certaines parties pour analyse de texte était permis. Il faut reconnaître que Flaubert était un virtuose de la langue. Cette appétit de vivre se manifeste sous deux formes, la réalité et le rêve. Mais, le rêve ne nous libère jamais de la réalité. Tenir le cap entre ces deux formes exige à la fois, beaucoup de réalisme et d’imagination. Le tout est souvent faussé par nos origines, nos éducations, nos jugements de valeurs, j’ajouterais même nos périodes d’ennuis. Nos lectures de jeunesses ne sont-elles pas un genre de fuite de notre réalité morne. L’enfance est beaucoup moins innocente que nous pouvons l’imaginer.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Est-ce Franz Reichelt était habité par une passion, un grand rêve, comme quelque chose qui le dépassait? C’est vrai, j’ai fait beaucoup dans l’aviation ces dernières semaines. Je dois avouer que le rêve de voler c’est et demeure très fort chez les humains. Mais, c’est un domaine qui est plaqué dans la réalité. L’incontournable loi de la gravité.

Ça m’arrive souvent lorsque je retourne à mon ancien métier d’aviateur, et je ne peux pas faire autrement, après des discussions passionnantes. J’étire la main pour retrouver un livre que je relis toujours avec plaisir. Et pour cause, je l’ai tellement lu, que je le sais pratiquement par coeur. Une fois que j’ai ouvert : Un duel d’aigles de Peter Townsend, je suis incapable de lire autre chose, tout s’arrête dans ma vie, un peu comme le coeur vous arrête lorsque vous faites votre premier décrochage en avion. Ce livre est un récit de La Bataille d’Angleterre à l’été 1940 entre la Luftwaffe et la RAF, mais c’est aussi un livre d’histoire, qui relate la naissance et l’histoire de ces deux aviations, ce qui est rendu d’une manière grandiose par Townsend. La renaissance de la Royal Air Force dans les années 1920 aux travers des disputent politiques en Angleterre, et pendant les mêmes années, la naissance de la Luftwaffe dans un patelin russe qui porte le nom Lipetsk, que peut-être vous connaissez Carmilla (350km au sud-est de Moscou), où les russes accueillirent en secret les jeunes allemands et leur école de pilotage interdite en Allemagne ce qui leur permettait de contourner le Traité de Versailles. Ironie de l’histoire, cette Luftwaffe sera née en Russie, qui quelques années plus tard fera des ravages dans le pays des soviets.

Ce livre est écrit sur un fond de passion, qui anime tous les jeunes qui touchent à ce domaine. La passion de voler. Nous rêvons de voler avant de nous envoler. Autant Amelia Earhart, que Charles Lindbergh et sans oublier Peter Townsend et des milliers d’autres aviateurs qui ont été les proies irrésistibles de cette passion. J’en suis. Ce fut certes un rêve, mais aussi une décision. Il faut se rappeler que nous étions des volontaires tout comme ces jeunes allemands qui partaient parfaire leur formation à Lipetsk .

Pourquoi je reviens sur ce sujet? Parce que je trouve qu’il cadre très bien sur l’état d’esprit qui animait autant Franz Reichelt que Flaubert et je puis ajouter Henry de Monfried et même vous Carmilla, une certaine évasion de la réalité. Voler à bord d’un avion procure une grande satisfaction, entouré de ce ciel immense, souvent de nuages magnifiques, d’une lumière très intense, où il devient facile, du moins pour les jeunes pilotes de s’y perdre. Subjugué par un état second, vous oubliez la réalité qui finit invariablement par vous rattraper, perte de direction, perte de position, et panne sèche de carburant. Certes, l’expérience, nous évitaient ces genres de mésaventures, mais j’ai remarqué que cette puissance du rêve était toujours présente, même chez les pilotes les plus durs et les plus désabusés. Comment ne pas être happé par quelques secondes voire quelques minutes de beautés par un soleil levant, la forme des nuages, ou encore cette bonne vieille terre sous nos ailes?

Townsend n’avait surtout pas le temps de rêver à bord de son Hurricane alors qu’il fouillait le ciel à la recherche de l’ennemi dans le ciel d’Angleterre. Le rêve l’avait amené aux meurtres industriels et techniques.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Entre le rêve et la réalité, que choisir? C’est la question que vous posez dans votre texte aujourd’hui Carmilla. Picorer entre deux portes n’est jamais une bonne solution. Par contre, difficile de changer la nature profonde d’une personne. (Je sais vous détestez cette expression, mais moi je l’adore et je ne m’en prive pas de l’employer). L’être humain rêve, mais l’humain n’est pas un rêve, surtout lorsqu’il surgit à bord d’un Messerschmitt ME 109 pour vous faire la peau dans une lutte de ( fight dog). Ce qui m’amène à souligner un fait que j’ai remarqué chez plusieurs pilotes, autant chez les pilotes civils que militaires, qui après avoir assouvi leur rêve de voler, ont poursuivit leur existence dans d’autres domaines, et que jamais leur vie ne fut banale, platement bête par la suite. Même chose pour les navigateurs solitaires comme Éric Tabarly pour ne prendre qu’un exemple parmi tant d’autres. L’existence est beaucoup plus vaste qu’un manche d’avion ou qu’une voile de bateau. Je n’ai jamais caché qu’à une certaine époque de ma vie, hors de l’aviation il n’y avait rien, mais pour une fois le rêve m’a ramener sur terre et m’a ouvertes des portes dans des domaines que je n’avais pas pensé possible. Il est bon de rêver, et encore plus de réaliser un rêve; mais il fait rudement bon de meubler sa réalité, de la peupler, d’en faire son royaume personnel, pour y découvrir une certaine raison de vivre. C’est comme descendre d’un avion après un vol difficile où vous venez de l’échapper bel. Cette sensation tout à fait unique que le danger vous procure sous l’effet de l’adrénaline. La réalité peut être ainsi, sans doute pas avec la même intensité que cette recherche du plaisir que procure la dopamine, mais de celle plus durable dans le temps de la sérotonine. Les humains en général préfèrent le temps court, intense, et facile; au temps long de la patience qui vous amène à la plénitude. On en revient aux propos de Bronner qui parle du plaisir qui ne s’accorde pas toujours avec le bonheur. Plusieurs humains n’arrivent pas à départager entre plaisir et bonheur. Ils passent leur vie entière à errer, souvent dans l’ignorance de ce qu’ils recherchent. Je trouve que cela fait malheureusement beaucoup de vies perdues. Ce qui fait, que nos addictions nous coupe de notre temps de cerveau disponible. Des fois, ce n’est pas mauvais de rester assis sur une roche, en silence, parfaitement calme, dans un autre état. Certains diront que c’est une perte de temps. Nous pouvons les laisser courir dans leurs quêtes inutiles. Mais, si nous voulons dépasser un jour le plafond sociétale, il faudra y réfléchir sérieusement, en s’engageant dans le temps long, là où le rêve existe toujours, mais a indiscutablement une autre saveur. Notre véritable trésor, c’est notre cognitif, les restes ne se sont des outils, des matières, des énergies, mais je puis vous assurer, du moins je le souhaite, que nous n’en resteront pas à ce que nous connaissons. Franz Reichelt a raté son coup, Amelia Earhart s’est perdue, Charles Lindbergh après son exploit avait perdu le sens du jugement, et Peter Townsend s’en est miraculeusement sorti. Ne soyez pas surprise Carmilla, il se pourrait bien que je relise encore une fois dans une avenir prévisible : Un duel d’aigles. Cela ne fait pas de doute dans mon esprit, je vais relire Apocalypse cognitive de Bronner. Je viens de vivre vraiment un automne riche en découvertes de toutes sortes, en lectures diverses et en beautés étonnantes; je m’en voudrais d’oublier cette lecture tout à fait particulière de Bruce Chatwin : La sagesse du nomade, qui est un recueil de sa correspondance, ce qui en révèle beaucoup plus que toutes ses œuvres de fictions qui ne sont pourtant pas banales, sur cette vie qu’a mené cet homme, entre les rêves et les réalités de la vie.
Merci pour votre texte Carmilla

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Merci Camilla de nous avoir montré votre majestueuse fougère. J'espère qu'elle supportera bien l'hiver.
Je devine la pitance de vos merles en haut à droite de la photo, et je repère aussi une belle tête de Bouddha (si c'est bien lui).

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Qui sommes-nous en effet ? On vit une époque qui prône la transparence, la sincérité et l'intégrité. Vis-à-vis des autres, on s'affiche comme des gens bien, pétris de qualités, irréprochables. C'est l'Empire du Bien avec ses citoyens "Purs".

J'avoue que c'est une attitude qui m'apparaît totalement mensongère. Il n'y a pas, de ma part, de complaisance à me montrer sous un jour un peu noir mais je pense vraiment que la duplicité humaine est très forte (même, voire peut-être surtout, dans l'enfance). C'est pour cette raison que je fuis généralement tous ceux qui se prétendent exemplaires.

Je partage ici le point de vue de Marcel Proust qui ne perçoit que signes mensongers dans l'univers social et amoureux. Finalement les qualités que j'apprécie le plus chez les autres, c'est la modestie et la lucidité. Être capable de reconnaître qu'on n'est peut-être pas si bien que ça, qu'on peut même être parfois une crapule, je trouve ça énorme. Ceux à qui va ma sympathie, ce sont finalement les gens qui savent reconnaître qu'ils sont défaillants.

Je crois aussi qu'on est tous travaillés par le dilemme rêve/réalité. On n'est jamais complétement contents, satisfaits. Ça peut être paralysant si on s'enferme dans le rêve, mais ça peut aussi être dynamisant si on cherche alors à transformer sa vie. Et puis, il faut reconnaître que les gens contents d'eux-mêmes sont absolument insupportables.

Mais ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui, avec l'explosion des réseaux sociaux, il n'y a plus ni rêve, ni réalité. On est entièrement plongés dans l'immédiateté pulsionnelle et la sensation épidermique. On devient des animaux de laboratoire réagissant à des stimuli. Il n'y a plus de distance critique et ça en vient à ponctionner une grande partie de l'existence de beaucoup de gens, des jeunes en particulier. L'Apocalypse cognitive, ça ne m'apparaît pas une expression outrée.

Enfin, je comprends bien la passion que l'on peut éprouver pour l'aéronautique. J'imagine en effet le plaisir et même l'exaltation que l'on peut prendre à piloter un avion. C'est sans doute en effet le rêve et la toute-puissance. Je ne sais pas si c'est une sensation qui en est proche, mais j'aime bien moi-même conduire une voiture de sport même si je reconnais aussi que c'est bête et primaire parce qu'aucune véritable qualité n'est requise pour conduire une voiture(on peut être idiot et inculte, ce qui ne saurait être le cas d'un pilote d'avion). Toutefois, le problème de l'aviation, c'est qu'approcher cet univers en Europe n'est vraiment pas évident.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

La véritable dimension de la fougère est, à vrai-dire, un peu écrasée par l'utilisation d'un grand-angle. Dans l'immédiat, elle se porte bien et ne semble pas souffrir du froid naissant. Il est vrai que c'est une banale fougère mais que l'on a entretenue pendant de longues années pour lui façonner cette espèce de tronc.

Ce n'est pas la pitance (boules de graisse et vers de farine) des merles que vous voyez en haut à droite mais celle des mésanges. Deux couples (des charbonnières et des bleues) viennent s'y restaurer plusieurs fois par jour. Les mésanges sont les seuls oiseaux suffisamment agiles pour attraper cette nourriture (les autres se cassent la figure). En outre les mésanges sont peu craintives et, si l'on ne fait pas de gestes brusques, elles peuvent venir manger dans votre main.

Les merles ont longtemps été au nombre de 5 cette année, plusieurs enfants étant restés plusieurs mois avec leurs parents (vraiment bizarre). Ce n'est qu'aujourd'hui que les parents sont seuls et, curieusement (alors que l'hiver débute), la merlette vient de construire un nouveau nid.

Les merles sont nourris dans une grande assiette de fonte (que l'on entraperçoit) mais il faut veiller à bien la nettoyer tous les jours.

Enfin, il s'agit bien, en effet, d'une petite figure de "Bouddha".

Bien à vous,

Carmilla