samedi 8 janvier 2022

L'ombre de Yalta

 

 C'était récemment (le 25ème décembre dernier), le 30ème anniversaire du décès de l'URSS.

On n'en a guère parlé  à l'Ouest sauf pour évoquer une nostalgie et un désenchantement qui seraient généralisés.  Ça me gêne beaucoup cette analyse journalistique tant elle s'impose maintenant comme un cliché. J'ai vraiment l'impression que, pour je ne sais quelles obscures raisons, la Fable est en train de supplanter le Réel. Je me sens donc obligée d'exprimer mon petit point de vue, peut-être pas plus illégitime que beaucoup d'autres.

- Il faut d'abord rappeler la joie délirante des populations au lendemain de la Chute du communisme, une joie dont on ne peut guère avoir idée ici tant elle était unanime et tant l'événement était inespéré. Le Parti avait réussi à dissoudre le Peuple et, brusquement, d'un simple coup de pied, comme dans un rêve, le Peuple parvenait à dissoudre le Parti. C'étaient même deux siècles de "servitude" qui, pour certains pays (la Pologne, les États Baltes), s'effaçaient tout à coup. 


 - Et puis ensuite, les choses n'ont, certes, pas évolué sans mal...C'est incontestable mais tout de même...! Il y a eu un décollage économique impressionnant de la quasi totalité des pays de l'ancien bloc soviétique. On a pris l'habitude de considérer un peu de haut tous ces pays subalternes que l'on confond plus ou moins. Mais il suffit de voyager aujourd'hui un peu. 

Sait-on que la République Tchèque, la Pologne, l'Estonie ont maintenant des niveaux de vie tout proches de la moyenne européenne et que leur croissance continue de battre, chaque année, des records ? Que la Roumanie devient une grande usine de l'Europe ? Qu'il n'y a, nulle part, de chômage ? Que dans tous ces pays (et notamment en Ukraine et Bulgarie), on assiste à l'éclosion d'une nouvelle génération d'informaticiens de premier plan ? Ce qui a posé problème, c'est qu'au cours de ces 30 dernières années, ces pays se sont massivement vidés de leurs population (le record, la Bulgarie : 2 millions d'habitants en moins sur un total initial de 9 millions). Mais on constate aujourd'hui un retour des "expatriés" avec, enfin, un solde positif des migrations.


 - Partout, on vit matériellement beaucoup mieux. C'est avec amertume que je pense à mes parents dont la majorité de l'existence a été une humiliation permanente Aucun des besoins de base n'était satisfait : une alimentation rare, infecte et anti-hygiénique, des vêtements d'une grotesque laideur, des réseaux d'eau et d'électricité redoutables ( toujours prêts à vous inonder ou vous électrocuter quand ils n'étaient pas en panne), des logements minuscules dans les quels il fallait s'entasser, un téléphone rare et dans le quel il fallait hurler, des transports chaotiques et cahotants. Et que dire des possibilités de voyages, de la culture, des librairies ? Seul point positif : le système était très égalitaire mais ça peut faire réfléchir à une époque où une nouvelle démagogie, à l'Ouest, dénonce, avec beaucoup d'approximations (Piketty et consorts), les intolérables inégalités de la société capitaliste. 

- Quand j'entends donc parler de nostalgie, de désenchantement, ça me fait bien rigoler. Quoi qu'on en dise à l'Ouest, ça n'est pas le sentiment de l'immense majorité des populations. Les imbéciles qui le sont, c'est de leur jeunesse. Et puis, ils appréciaient sans doute le côté peinard, paresseux et parfaitement sûr, sans imprévu, de la société soviétique. Je ne crois pas non plus à cette idée, développée par Svetlana Alexievitch, d'un "Homme Rouge", désintéressé et pétri d'idéaux collectifs, qui serait aujourd'hui désorienté au sein de l'anarchie capitaliste. 


 En réalité, "L'Homme Rouge" n'a jamais existé. Des communistes à l'Est, c'était vraiment une espèce rarissime. "Personne, à part les idiots, ne croyait plus en l'idéologie soviétique" souligne plutôt, fort justement, Boris Akounine. Les dirigeants, on les considérait comme de ridicules pantins et on n'arrêtait pas de s'en moquer. Quant à la fin du communisme, il m'apparaît faux, également, de dire qu'elle a été impulsée par le Parti lui-même et quelques intellectuels. La société toute entière était devenue une marmite bouillante, prête à exploser. Gorbatchev et tous les autres ont été débordés par une population exaspérée, par une vraie Révolution.

- Alors, où est le problème aujourd'hui ? Le problème, il est surtout russe. Il faut dire que si le communisme ne s'est pas écroulé plus tôt, c'est parce que le régime a pu s'appuyer sur la Guerre Froide en faisant peur à la population en lui racontant qu'ils étaient menacés par l'Occident. Et ça excusait tout et surtout les difficultés économiques. On était pauvres mais ça n'était pas de notre faute (il fallait notamment soutenir tous ces fainéants de pays satellites). Et puis, si on était pauvres, on était du moins respectés et on faisait peur aux pays capitalistes.

 C'est exactement ce scénario qu'essaie de rejouer Poutine. Il s'agit de garantir la pérennité du régime et surtout de contenir les aspirations démocratiques et libérales, synonymes de décadence. C'est pour cette raison qu'il déteste l'Ukraine qui, il le sent bien, lui échappe de plus en plus. A cette fin, il cherche à faire peur (aux autres et à sa population), à défaut d'impressionner par les performances économiques de la Russie (l'économie russe, victime de la malédiction des matière premières, ça n'est jamais que l'équivalent de celle de l'Italie, 2,5 fois moins peuplée). Ça lui permet de raviver la nostalgie de beaucoup de Russes convaincus, effectivement, qu'ils étaient une super-puissance (l'actuelle détestation de Gorbatchev est, à cet égard, significative: on lui reproche d'avoir rabaissé la Russie). 


.Ça passe d'abord par la volonté de recoller les morceaux de l'ancien glacis soviétique avec ses satellites et ses "pays tampons". Ça impliquerait d'abord l'arrêt de tout élargissement de l'Otan (notamment pour l'Ukraine, la Géorgie, voire la Finlande). Cela au nom de "prétendues" garanties (dont il n'existe aucune trace) qui auraient été fournies par les États-Unis en 1990. Il s'agirait, en fait, de ressusciter les accords exorbitants et aberrants de Yalta qui garantissaient à la Russie des pays à sa solde. Il faudrait donc refuser à certains pays le droit  d'exprimer ses aspirations européennes et libérales. On saura, la semaine prochaine, si les pays occidentaux ont encore suffisamment de force et de conviction démocratique pour refuser cet odieux chantage.

 On est dans un engrenage dangereux parce que les médias russes (on ne le sait pas trop à l'Ouest) n'arrêtent pas de marteler aujourd'hui que les armées occidentales n'ont qu'un rêve : envahir prochainement la Russie et défiler sur la Place Rouge. Bref, la paranoïa complète mais c'est aussi la vieille tactique russe (qui a aussi été celle de Hitler) : celle de l'agresseur qui se dit agressé. Et puis Poutine a adopté des positions radicales (avec ses "lignes rouges") qui, s'il n'obtient pas complète satisfaction, peuvent le contraindre à engager une guerre en Ukraine.

Quelques-unes de mes photographies  de l'exposition Ilya Répine (1844-1930), peintre qui a traversé les périodes les plus mouvementées de l'Empire des Tsars. C'est au Petit Palais et je la recommande car elle est très complète. Elle rencontre d'ailleurs un grand succès même s'il s'agit d'une peinture "réaliste". Un motif d'irritation toutefois: on fait la publicité de cette exposition en disant de Répine qu'il est "le Peintre de l'âme russe".  D'abord, cette idée d'âme russe, je trouve ça idiot mais surtout, je me permets de signaler que Répine n'était pas Russe mais ...Ukrainien. Cette bourde, c'est vraiment fâcheux aujourd'hui mais il est vrai que si l'on avait évoqué l'âme ukrainienne plutôt que l'âme russe, ça aurait beaucoup moins attiré les foules.

Sur la chute de l'URSS, des tonnes de livres ont été publiés. Mon point de vue, c'est quand même que la Révolution est venue d'en bas, du Peuple, et non pas d'en haut, de la classe politique. Je suis donc très réservée sur beaucoup d'analyses produites. Je recommande néanmoins :

- Vladimir Fédorovski : "Le roman vrai de Gorbatchev". Fédorovski a bien connu, personnellement, les principaux dirigeants soviétiques et il dresse, ici, un portrait intéressant de Gorbatchev (il était vraiment l'anti-Poutine), un homme malheureusement détesté aujourd'hui par les Russes.

Et puis la Russie, ça n'est pas que l'URSS et le communisme. Pour vous aérer l'esprit, je vous conseille aussi des romans policiers.

- Boris AKOUNINE, très célèbre, vit aujourd'hui à Londres. Ses romans évoquent généralement généralement  la Russie entre 1850 et 1914. Je sélectionne 2 titres : "La ville noire". Ça se passe à Bakou avant la 1ère guerre mondiale."Avant la fin du monde". Quatre nouvelles qui sont des hommages au grands noms de la littérature policière.

- Leonid Youzefovitch : "Le Prince des vents". Très célèbre également. Un grand spécialiste de l'Asie Centrale.


9 commentaires:

Richard a dit…

De Feodor Dostoïevski à l’ombre de Yalta

Bonjour ou bonsoir Carmilla!

Passer de Yves Thériault à Dostoïevski, c’est de franchir le pas, entre deux misères, qui reste toujours la misère. Il y avait longtemps que je me promettais de relire encore une fois : Crime et Châtiment. C’est ce que je suis en train de faire dans une vieille édition de Garnier Flammarion.

Il faut lire les cents premières pages avec attention, qui dresse un portait de l’univers social dans lequel évolue Raskolnikov est d’un réalisme saisissant, ou la pauvreté, la crasse, la misère, la maladie, la folie, règnent en maître et ne semble pas émouvoir le régime tsariste qui ne semblait pas tenir compte. Étais-ce seulement de l’indifférence? Il y avait des gens très riches à cette époque qui défilaient sans se rendre comptes des millions de pauvres qui les côtoyaient. Cette situation ne pouvait que déboucher sur des désastres que les événements futurs allaient corroborer.

Est-ce que la situation a changé, il faut lire le récit de Frédérick Lavoie, journaliste indépendant qui a passé dix ans de sa vie en Russie, et qui raconte dans : « Allers Simples », la vie quotidienne non seulement des Russes, mais aussi de ce que vous appelez les états tampons. Enfin, une bonne partie de ces pays qui étaient jadis sous la bottes de l’URSS à l’époque. Les régimes passent, mais les situations se ressemblent. Ce qui est étrange, peu importe les auteurs russes, ils ont toujours un espace, où ils évoquent la misère et la crasse. Même vous Carmilla vous évoquez cette misère surtout lorsque vous parlez des toilettes russe, ce que Lavoie ne manque pas de souligner dans son livre. Pour étayer mon dire, la toile 2 et 3, rappelle les bateliers de la Volga, la grosse misère qui ressemblait à de l’esclavage. Ces deux toiles en disent long et ce qui s’y passe se déroulait aussi ailleurs en Russie à cette époque.

On n’en a guère parlé à l’ouest, encore moins en Amérique du Nord, sauf quelques textes sur Radio-Canada. Je suis sans doute le seul dans mon coin de pays à m’intéresser à cette situation explosive, au pouvoir corrosif, qui peut dangereusement dérailler. Se serait d’un très mauvais goût et malhabile, en plein coeur d’une pandémie, de se retrouver en guerre, parce qu’on manque de discernement pour en ajouter à nos infortunes. Et n’oublions pas pour en rajouter, que l’Ukraine est elle-même divisée. Elle ne semble pas très solide. D’après vos propos, vous soulignez la faiblesse de son économie. Ce qui gonfle la problématique. Ce que n’a pas manquer de souligner Frédérick Lavoie dans son ouvrage sur l’Ukraine : « Ukraine à Fragmentation ».

Est-ce que la Russie présentement espère une résurrection sur les cendres qu’a laissé l’implosion du régime précédent? Il faudrait peut-être changer de recette afin de ne pas se faire servir un accident comme Danzig en 1939.

Nous pouvons nous poser la question : Pourquoi la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne, et les pays Baltes semblent avoir réussi ce tour de force de se transformer en états modernes et viables économiquement, alors que les Russes semblent avoir ratés le train? Cousin Vladimir peut bien pomper le nationalisme russe, mais il y a déjà des fuites dans son ballon.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

D’autres part, il ne faut pas se surprendre des réalisations économiques en Europe Centrale. Ces populations avaient des retards à rattraper. Dans un premier temps, ils sont prêts à travailler pour des salaires moindres. Il y a des entreprises françaises qui ont délocalisé en Pologne. Je me souviens qu’à l’époque la presse française avait fait grand état de ces délocalisations. Ce n’est pas la première fois que cela se produit dans le monde. Ce qui signifie, que la Communauté Européenne n’a rien égalisée en Europe. Un autre ratage…? Le jour où les salaires augmenteront dans ces pays, eux aussi seront les victimes de délocalisations.

Et, présentement, devant cet état de crise larvée, que fait la Communauté Européenne? Oui, je sais, votre Président veut emmerder les non-vaccinés. Il est peut-être un peu tard pour se fâcher. Pour le reste, il semble très occupé par cette gestion de crise sanitaire. Et puis, ne pas oublier les élections dans 90 jours. Nous n’avons eu aucune réaction ici en Amérique, sur ce conflit qui perdure entre l’Ukraine et la Russie.

D’après ce que je vois, personne en Europe n’est prêt à lever le petit doigt pour l’Ukraine, pas plus que l’ONU d’ailleurs! Encore moins les investisseurs qui se méfient des Ukrainiens comme des serpents à sonnette. Eux, savent que ce n’est pas le temps d’aller investir dans cette partie du monde. Vous devez en savoir quelque chose vous qui œuvrez dans le domaine de la finance, ces gens-là, évitent les pays qui sont sur le bord d’un conflit, qui sont instables et qui n’ont pas de politique claires.

Depuis le temps que l’Ukraine a retrouvé son indépendance, les choses ne semblent pas avoir beaucoup bouger dans ce pays. Elle hésite entre la Russie et la Communauté Européenne. Elle tergiverse. Ce qui n’est pas très recommandé au niveau de la diplomatie internationale. Que veut l’Ukraine?

Vous revenez souvent avec amertume sur votre enfance, sur les pénuries, je puis comprendre que vous aimez le luxe aujourd’hui. Vous avez été comme des millions de vos compatriotes à l’époque, la victime d’un régime qui n’avait tablé que sur une seule chose : s’accaparer des moyens de productions. Les communistes pensaient, qu’en contrôlant les moyens de productions, ils pourraient tout contrôler. Erreur! Ce qui signifie qu’un bon révolutionnaire, la plus part du temps, ne se transformera pas en bon administrateur. Cuba est est un autre exemple. Lorsqu’il y a des inégalités, et il y en a partout sur cette terre, dans tous les régimes, sans doute encore plus en Russie qu’ailleurs et les États-Unis ne sont pas en reste, alors il y a des recherches pour trouver des moyens d’amenuiser ces inégalités. Par ailleurs, il est clair que si l’Ukraine se transformait au point de devenir riche, ce serait dangereux pour le régime qui prévôt en Russie présentement, en soulignant sa médiocrité.

Moi aussi à l’époque, après l’écrasement de l’URSS, j’espérais qu’il y aurait un décollage de la Russie. Qu’est-ce qu’on a vu? Des oligarques qui se sont comportés comme des vulgaires marchands de bestiaux, pour ne pas dire des voleurs de grands chemins. Vous en conviendrez Carmilla, c’est là un des pires aspects du capitalisme. Pourquoi faut-il que les Russes choisissent toujours ce qu’il y a de pire? En décidant de s’engager dans la guerre froide avec les États-Unis ils se condamnèrent à perdre. Cette course aux armements leur aura été une spirale fatale. Personne en 1945, pouvait soutenir les cadences de productions des États-Unis et surtout pas la Russie. Alors, lorsque je pense à tout cela, je pense aussi à vos privations Carmilla. Des millions de personnes ont soufferts en Russie pour la maudite lubie de la puissance par les armes.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

A Yalta, en février 1945, les Russes avaient raison de croire qu’il était une puissance mondiale, il était en train de vaincre les Allemands, ils avaient fait de lourds sacrifices, leurs succès était en train de les aveugler, jamais Staline n’avait autant dominé.

Bien des ouvrages d’historiens racontent, que les alliés se sont fait roulé dans la farine à Yalta. Je n’en suis pas si sûr. Le fait que les alliés leur aient laissé les mains libres à l’est était un cadeau empoisonné. L’avenir allait leur donner raison. Imposer le communisme aux peuples qu’ils avaient libérés en guise de reconnaissance, ce n’était pas l’idée du siècle. Cela faisait des communistes du bouts des lèvres. Bien des peuples n’ont jamais adhérer au au communisme. Ils avaient connu autre chose avant la guerre. Ce fut l’une des nombreuses questions traitées à Yalta. Il y en avait une autre, beaucoup plus pressante, parce que si l’Allemagne était vaincu, il restait le cas du Japon. Ils ont demandé à la Russie de s’engager aux côté des alliés. Cela a pris quatre mois à Staline pour faire pivoter son armée pour les envoyer dans l’est de la Russie. Ironie de la chose, les Russes avaient signé un traité de non agression avec le Japon en 1941. Ce qui rappelle un autre traité qui avait été signé en 1939, entre l’Allemagne et la Russie. Les Américains n’ont pas attendu après les Russes. On sait avec quelle manière ils ont résolu le problème.

Tant qu’à savoir si la semaine prochaine les pays occidentaux auront encore autant de forces et de convictions démocratiques, cela reste à voir. Si j’étais Ukrainien, je ne compterais pas là-dessus. Reconnaissons que cousin Vladimir joue bien ses pièces, il bouge au coeur d’une crise sanitaire, en plein hiver, laisse courir des rumeurs assassines, provoque les Ukrainiens, ce qui détourne l’attention des russes qui eux aussi soufflent de la crise sanitaire. J’ai beaucoup de difficultés à croire aux chiffres des russes sur la crise sanitaire, tout comme les chiffres de la Chine. Et surtout n’évoquons pas l’opinion publique russe...

Reconnaissons, qu’il y a là un côté cruel et violent du caractère Russe. Certes, je ne changerai pas l’image qui prévôt ici en Amérique, sur ce trait de caractère. C’est ainsi que les voient les Américains et les canadiens. Présentement les relations diplomatiques canadiennes, ou du moins pour ce qui en restent, sont aussi mauvaises avec la Russie que la Chine. Les russes sont des êtres cruels, et violents; on en revient à Dostoïevski et à Crime et Châtiment. Défoncer le crâne d’une petit vieille à coup de hache ce n’était peut-être pas autant de la fiction qu’une certaine réalité en Russie à cette époque. La cruauté ils connaissent et souvent même dans la plus pure indifférence. La pauvreté, la misère et l’inégalité attirent la violence. Alors, abattre une journaliste dans une cage d’escalier, cela ne doit pas les déranger, pas plus que supprimer toute opposition non plus. Connaissant l’histoire rien ne devrait nous surprendre de la part des russes. S’ils envahissent l’Ukraine et que L’OTAN ne bouge pas, et que l’Union Européenne reste assis muette, nous n’aurons qu’à nous en prendre à nous-mêmes, si Vladimir réussit son coup de poker. Le problème ukrainien ne sera plus occidental, mais va devenir celui des russes. Mais, cela c’est une autre histoire.

L’autre possibilité qu’il ne faudrait pas oublier, c’est qu’à la suite des nombreux échanges téléphoniques des dernières semaines entre le vieux Jos et Cousin Vladimir, c’est que peut-être tout a déjà été réglé. Reste plus qu’à savoir de quelle manière on va nous faire avaler la pilule.

Merci pour votre texte Carmilla et bonne nuit!

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Sur ce sujet, un intéressant article du journal belge "La Libre" :

https://www.lalibre.be/international/europe/2022/01/09/moscou-exclut-toute-concession-lors-des-pourparlers-avec-washington-G77ZNAAQ7BCVZMH2MFBB2YNK6E/

Hier, j'ai vu le documentaire "Ielnia, la petite ville de la Grande guerre patriotique" :

https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/04/14/ielnia-la-petite-ville-de-la-grande-guerre-patriotique-sur-arte-voyage-en-russie-au-c-ur-de-la-legende-d-une-patrie-resistante-et-victorieuse_6076797_3246.html

Il était passé sur Arte et j'avais pu le télécharger grâce au site Cipconverter.

C'est édifiant : on voit comment le peuple russe est assommé de propagande guerrière et patriotique, en présentant la Russie comme un pays héroïque qui est à nouveau assiégé et encerclé par une nouvelle forme de fascisme. Un des orateurs des cérémonies patriotico-guerrières qui se déroulent souvent dans la petite ville de Ielnia déclare en substance : "en 1941, nous avons été attaqués par la peste brune, mais aujourd'hui nous sommes menacés par la peste noire, qui est beaucoup plus perfide et donc encore plus dangereuse, celle des fascismes américain et européen".

Il faudrait rappeler à ces thuriféraires de la grande guerre patriotique 1941-1945 que, entre le 23 août 1939 et le 22 juin 1941, l'Allemagne nazie et l'URSS étaient de fait alliées, qu'elles se sont partagées la Pologne en septembre 1939, et qu'en 1940 l'URSS a annexé les trois états baltes.

Nuages a dit…

Bonne nouvelle, ce film documentaire est sur Youtube :

https://www.youtube.com/watch?v=RfVnRN2waMQ

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je pense quand même que la Russie des Tsars et l'URSS étaient bien différentes. L'URSS et ses satellites étaient malgré tout très égalitaires. Il y avait certes une nomenklatura mais limitée et au niveau de vie médiocre en comparaison d'un homme d'affaires de l'Ouest. Mais l'égalité de l'URSS était une égalité dans la misère et la stagnation économique. A l'inverse, la Russie des Tsars commençait à entrevoir un fort développement économique et industriel que la Révolution a stoppé net.

L'un des aspects les plus désagréables des pays communistes était, en effet, leur effrayante saleté. On n'osait pas fréquenter les toilettes publiques et on préférait aller dans les parcs. Ça a bien changé, il faut le reconnaître. Même la pauvre Ukraine est propre. C'est en partie culturel : les Slaves apprécient l'eau.

L'URSS vainqueur de la 2nde guerre ? C'est quand même oublier qu'elle a d'abord pactisé avec Hitler, qu'elle a ensuite été massivement soutenue, via l'Iran, par les USA et la Grande-Bretagne et que si elle a finalement repoussé les Allemands, c'est au prix d'une hécatombe délibérée de ses soldats. Le pays était enfin plus que misérable sous la férule de Staline, ce n'était sûrement pas une grande puissance. Les accords de Yalta qui se sont traduits par des gains territoriaux importants, sont, dans ce contexte incompréhensibles. Un pays comme la Pologne était ainsi un vainqueur incontestable de cette guerre mais on l'a encore davantage écrasé.

L'Ukraine divisée ? Aujourd'hui non. Les agressions de la Russie ont eu pour principal effet d'unifier le pays contre la Russie et la population ne rêve que d'une chose : une adhésion à l'Otan et à l'Union Européenne. Et c'est pourquoi Poutine sent bien que le pays est en train de lui échapper et il souhaite donc intervenir rapidement, tant qu'il a encore une supériorité militaire.

Il sait bien que, de toute manière, ni les USA ni l'UE ne viendront au secours de l'Ukraine. Biden s'est d'ailleurs empressé de le déclarer (quelle maladresse). Quant aux sanctions, Poutine n'en a cure, celles appliquées à la suite de l'annexion de la Crimée étant insignifiantes. Que tout le monde se fiche de l'Ukraine, je ne l'ignore pas non plus mais que devient la crédibilité de l'Europe, par exemple, si elle n'est pas capable de défendre, un minimum, certaines des valeurs qui sont censées l'avoir fondée ?

S'agissant de l'économie ukrainienne enfin, c'est sûr que ce n'est pas brillant puisque le pays est l'un des plus pauvres d'Europe (mais si vous vous rendez à Kiev, vous n'aurez pas une impression de misère). Pourtant, le pays a une agriculture potentiellement puissante et il dispose d'une infrastructure industrielle. Mais se posent deux problèmes majeurs. On est d'abord, en Ukraine, incapables d'intégrer ce qu'est un Etat de Droit. On continue de fonctionner comme du temps de l'Union Soviétique où toutes les affaires se réglaient par relations, copinage, corruption, faveurs, pots-de-vin etc... Le second problème, c'est qu'en effet personne, aucun grand groupe étranger, n'investit en Ukraine tant la situation politique est incertaine. Le pays manque donc dramatiquement de capital. Mais si on arrive à résoudre ces deux problèmes, je suis plutôt optimiste pour l'Ukraine. La population est éduquée et on assiste déjà, aujourd'hui, au développement de multiples start-up dans l'informatique.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je connais ce documentaire effectivement édifiant.

A l'Ouest, on ignore complétement, en effet, ce qu'est la propagande des médias russes. C'est incroyablement outrancier et grossier.

On raconte carrément que des Nazis sont au pouvoir en Ukraine (c'est d'autant plus bizarre que Zielenski est juif) et qu'aux Etats-Unis, des Fascistes rêvent de conquérir Moscou (une si belle ville, un si beau pays, mais je ne crois pas vraiment que les Américains rêvent de s'y installer).

On réécrit complétement l'Histoire au profit de la glorieuse Russie. Le record en la matière, c'est Poutine qui a récemment déclaré que la Pologne avait une part de responsabilité dans le déclenchement de la 2nde guerre mondiale parce que les troupes polonaises s'étaient rendues coupables de provocations (c'est ce qu'a déclaré Hitler). Aujourd'hui, ce sont les Ukrainiens et les Américains qui viennent provoquer les Russes. Et c'est encore la même chose au Kazakhstan : ce sont des milices étrangères encadrées par des Américains qui y conduisent des actions terroristes.

L'URSS, c'était le pays du "Grand Mensonge'. La Russie, c'est peut-être encore pire. Ce que je ne comprends pas, c'est que les diplomates occidentaux acceptent d'écouter de pareilles absurdités. Avec des bases pareilles, je ne vois pas quel dialogue est possible.

Bien à vous,

Carmilla

dominique a dit…

Je me souviens d'août 1991, j'ai vraiment compris que quelque chose d'important se passait à Moscou, mais pas que c'était la chute de l'URSS! j'ai tout compris de travers, je croyais que Elstine prenait le pouvoir pour revenir au stalinisme et qu'il avait plus ou moins séquestré Gorbatchev! Ensuite , j'ai vu que c'était plus complexe que cela.

De ce qui arrivait à l'est ( derrière le rideau de fer comme on disait alors)se détachaient , pour l'occidental moyen, nombre de phénomènes extraordinaires, le Printemps de Prague, Solidarnosc,Vaclav Havel (il m'avait impressionnée) la Chute du Mur de Berlin... On avait un éclairage superficiel...

bonne journée !

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Dominique,

Je crois qu'en effet, on connaissait très mal, à l'Ouest, le bloc communiste. Mais il est vrai qu'il était très fermé et que c'était compliqué d'y pénétrer.

Il y a eu, là-bas, au début des années 90, une période d'exaltation et de liberté folles. Le sentiment éprouvé était vraiment celui du prisonnier tout à coup libéré alors qu'il ne s'y attendait pas du tout. Je crois qu'on ne peut pas imaginer, ici, ce que ça a pu être.

Ce qui est dommage (ça n'est que ma perception), c'est que cette méconnaissance des "pays de l'Est" persiste largement aujourd'hui. Pourtant, leurs mentalités, leur culture, sont complétement européennes. Mais je pense que les choses sont susceptibles d'évoluer dans les prochaines années car beaucoup de ces pays (Pologne, Etats Baltes, Roumanie, République Tchèque) sont devenus (indépendamment de leurs actuels dirigeants politiques) des tigres économiques.

Bien à vous,

Carmilla