samedi 17 août 2019

Fantômes familiaux


Il y a incontestablement, pour moi, deux catégories de personnes :

- celles qui vivent entourées d'une famille plus ou moins nombreuse. Je conçois que ça puisse être réconfortant, sécurisant, mais aussi abêtissant.

- celles qui, comme moi, sont des loups solitaires. Le soir de Noël, je n'ai même pas de poisson rouge ou de chat, juste les souris de mon jardin, pour partager les restes de la bûche et des langoustines.

Ces situations opposées ne résultent bien sûr pas d'un choix. C'est le destin de chaque individu qui en décide.
























Ce qui est sûr, c'est que les mentalités de chaque camp sont radicalement différentes. Les "sans famille" ne voient pas du tout le monde de la même manière que ceux qui sont "entourés". Leur rapport à la mort, à la vie, n'est pas du tout le même.

Je sais ainsi que je suis une fille plutôt pas drôle et plutôt dure et que la compassion, l'apitoiement, le sentimentalisme, ne sont pas mes premières qualités. Mais c'est sans doute parce que je me sens "en première ligne", dans le champ de tir, et que je ne peux compter que sur moi.


Mais je crois aussi que c'est une force : j'ai le sentiment d'une plus grande lucidité; quant aux conventions, aux bonnes pensées, aux idées doucereuses, je n'en ai rien à fiche.

Et puis les familles, c'est aussi extraordinairement compliqué. C'est un effroyable sac d'amour certainement mais aussi de petites haines, de conflits interminables, d'envies, de désirs inavouables, de jalousies. Il y a tous ces aspects rances et vomitifs. Être débarrassé de ça, c'est pas mal non plus.


Mais on en a jamais fini non plus avec les familles. Les morts ne cessent jamais de nous accompagner durant notre vie; toujours, ils viennent nous hanter.

La nuit, je rêve souvent ainsi de mes parents. Ils sortent du cimetière, ils sont recouverts de sang, ils titubent. "Quelle tête de linotte tu peux être" qu'ils me disent. "Tu n'as même pas fait attention, tu t'es empressée de faire fermer notre cercueil alors qu'on était encore en vie". Quant à ma sœur, elle est en hardes avec les vêtements déchirés d'une prostituée et elle vient m'accabler, comme autrefois, de reproches.

 
La vérité, c'est qu'on se sent continuellement coupables de la mort de ses proches même si on n'y est évidemment pour rien. C'est pour ça que je demeure sensible à cette coutume slave (surtout à Noël) de mettre, à table, un couvert supplémentaire pour un éventuel visiteur. Le visiteur, c'est évidemment un défunt qui revient. Ou bien alors on va au cimetière avec de la nourriture et de la boisson (évidemment de la vodka) et on partage un repas avec les morts (je précise quand même que je n'ose pas faire ça en France).


Ce qui m'ennuie le plus, c'est qu'en mourant précocement mes parents n'ont jamais su ce qu'on était devenues ma sœur et moi, comment on s'en était tirées  malgré tout, comment on avait réussi à faire notre trou à l'Ouest. Parce qu'on leur a donné toutes les bonnes raisons de s'inquiéter gravement. Plus dévergondées, plus insolentes que nous, il n'y avait sûrement pas. La différence, c'est que je cultivais l'arrogance et ma sœur, la "lose" et la marginalité. On a fait les 400 coups, il ne nous arrivait que d'invraisemblables histoires et puis on était carrément sadiques, de terribles manipulatrices.


Je me dis souvent que mes parents, on leur a ôté le goût de vivre, ma sœur et moi. Supporter des dingues comme nous, méchantes en plus de ça, c'était sûrement extrêmement déprimant.

C'est mon père qui s'en est allé le premier, balayé tout jeune par un cancer du poumon. L'énigme absolue pour moi c'est qu'il ne nous a rien dit de sa maladie et qu'il n' a suivi aucun traitement. Un comble pour un médecin ! Il s'est contenté de mourir un soir brusquement et tragiquement. Je me dis qu'il fallait qu'il soit vraiment lassé de la vie pour s'abandonner ainsi à la mort. Quelquefois aussi, je me rassure en me disant qu'il savait bien qu'au-delà d'un certain stade, il était à peu près inutile de traiter un cancer.


Ma mère l'a suivi,  avec quelques années de décalage, à la suite d'un A.V.C. ; mais elle a été emportée dans une longue démence qui nous a rapidement privées d'échanges et de contact avec elle. Le problème, c'est que ce sont de ces années très pénibles dont on se souvient le plus quand on pense à elle : ma mère, je la vois toujours comme un légume bredouillant des paroles énigmatiques.

Le cancer du poumon,  l'A.V.C., voilà bien deux maladies typiquement slaves, consécutives bien sûr, à la mauvaise hygiène de vie dans les pays de l'Est. On meurt très jeune en Russie, il faut le rappeler.

Pour un tableau complet, il ne manquait que la folie.



Ma sœur s'est chargé de l'exécuter. En matière de déviance, elle était vraiment experte. Elle était à la fois  mon négatif (moi pragmatique, terre à terre; elle, bohème, artiste) et mon double : son exemple m'a, en fait, dissuadée de moi-même sombrer. Elle voulait travailler dans le mannequinat, devenir comédienne ou peintre. C'est des foutaises, du rêve, de l'illusion, je lui disais. T'es qu'une conne, petite bourgeoise, qu'elle me répondait. Elle détestait mon côté sentencieux et haïssait probablement ma relative réussite. Je n'ai pas pu l'empêcher de se perdre dans les addictions de toutes sortes. Quand elle est morte, en mars 2015, c'était comme si on m'avait arraché toute mon enfance. Et puis, on parlait entre nous une langue unique au monde faite d'un ahurissant mélange de russe, de polonais, de persan, de français. Nous seules, sans doute, pouvions nous comprendre. Aujourd'hui, je ne connais plus personne capable de comprendre intégralement ce que je dis.


Je m'arrête...

"T'es bien pleurnicharde aujourd'hui" vous allez me dire. Tu dénonces sans cesse l'esprit victimaire mais tu te présentes aussi comme une malheureuse.

Je ne crois pas, à vrai dire, avoir traversé davantage d'épreuves que les autres.

D'ailleurs, toutes les familles abritent une folie soigneusement dissimulée. On est simplement plus ou moins capables de reconnaître ça.

 Je pense même être aujourd'hui une privilégiée et avoir une vie plutôt agréable. Mais je ne peux m'empêcher de m'interroger sur tous les points de bifurcation d'une existence. Ma conviction, c'est que, presque comme tout le monde, j'aurais pu être quelqu'un de radicalement autre. Cela n'a tenu finalement qu'à quelques accidents du destin.

La première photo (Musée Guimet, Paris) est de moi-même. La dernière image est de l'illustrateur Raul Colon.

Je n'aime pas beaucoup les romans familiaux. Les traumatismes, je ne crois d'ailleurs pas que ce soient eux qui forgent notre personnalité. J'ai cependant découvert, l'an dernier, Vanessa Schneider, la journaliste du "Monde" et fille du psychanalyste. J'ai été fascinée par trois de ses livres :

- "Tâche de ne pas devenir folle"
- "La mère de ma mère"
- "Tu t'appelais Maria Schneider"

Les deux premiers se trouvent en poche.

Au cinéma, je recommande évidemment le film de Tarantino : "Once upon a time...in Hollywood".

12 commentaires:

Nuages a dit…

Je n'ai évidemment pas le même parcours de vie que vous.

Mais moi aussi, je me considère aujourd'hui comme étant "sans famille".

Mon père est mort en 1999, ma mère en 2005, je suis fils unique, j'ai encore un oncle qui doit avoir 98 ans, qui allait très bien à 90 ans, mais avec qui je n'ai plus de contacts. Il me reste aussi deux cousines, qui ont 5 et 10 ans de plus que moi, et que je ne vois plus non plus.

C'est un peu étrange. Mes amis sont un peu une famille choisie, même si ce n'est pas la même chose. Mes fréquents séjours à Avioth ont sans doute quelque chose à voir avec le désir d'appartenance à un groupe, chaleureux si possible, mais qui est dans ce cas-ci très large et en perpétuel renouvellement.

Mais au final, je n'ai plus aucune nostalgie de la famille proprement dite, au sens biologique du terme.

Anonyme a dit…

Bonjour Carmilla,

J’ai été touché par la lecture de votre billet. Merci.

Je ne vois pas en quoi il y aurait sensiblerie excessive ou pleurnicherie dans le fait d’écrire qu’on a souffert de la mort ou qu’on en souffre encore. C’est banal de le dire mais c’est dans la vie.

Ce sont les plaintes itératives qui sont obscènes et je n’ai jamais lu ici aucune plainte. Je ne sais pas comment vous faites. Votre existence m'apparaît exceptionnelle.

On a tous nos morts même si, c’est vrai, on ne vit pas tous la chose de la même manière. J’ai perdu un frère de vingt ans dans des addictions et une compagne, et j’ai mis la mort de côté même si elle est toujours là. Je préfère me voir vieillir en auscultant la ''chance'' qui m’a été prêtée d'être encore là.

Ces tragédies font de nous (j’ose une généralisation) des ascètes hyper lucides et des personnes aux engagements sentimentaux rares et mesurés.

Pour la famille, vous avez raison, elle est pure folie. Après la mort, j’ai porté mes parents et élevé mes enfants seul, en contrôlant (sûrement abusivement) la sûreté de leurs existences. Etre en hypervigilance, c’est une tyrannie qui, parfois, conduit à vouloir s’effacer, disparaître, n’être plus rien. C’est permanent chez moi, ces pulsions contradictoires de l’évaporation et de l’omniprésence. C’est ce que me dit ma fille à sa façon.

D’ailleurs, ça n’a rien à voir, mais je l’ai conduite chez une amie ce matin rue des acacias dans le 17ème. Je me suis dit que c’était sûrement assez proche de vos quartiers. Enfin si, cela a à voir : AR Paris express pour qu’elle soit en sûreté. Elle faisait la gueule dans le confort. Je pense qu’ils vont exploser ; car l’insupportable est inadmissible ! Je m'efface.

Bien à vous.

Alban

Richard a dit…

Bonsoir Madame Carmilla.
Votre texte me rappelle certains auteurs comme Michel Tremblay, Victor-Lévy Beaulieu, Claude-Henri Grignon, Dostoïevski, Tolstoï, et quelques autres, qui ont puisé leur inspiration dans ce sujet inépuisable : la famille.
À ce chapitre l'humain demeure bien étrange à mes yeux. Lorsqu'il est en famille il désire en sortir à tout prix parce qu'il se sent étouffé.
Une fois seul au grand large, il s'en ennuie, au point de regretter sa décision de l'avoir quitté.
Personnellement, je n'ai jamais regretté lorsque les portes du corral se sont ouvertes devant moi, la liberté, à mes yeux, c'était tout ce qui comptait. Le large, le nord, n'était jamais assez large, assez vaste, la solitude ne m'a jamais pesé.
Dans les entre-saisons, je repassais, mais ce n'était que de brèves escales, le temps de prendre les dernières nouvelles, d'écouter les commérages, de compter les survivants parmi les morts. Ce fut sans aucun doute, les plus belles années de mon existence. Dans un sens j'ai échappé à ma famille pour découvrir plus tard que je n'en avais jamais fait parti, que j'étais un être à part et que j'allais le demeurer. (Je le suis encore aujourd'hui, non sans une certaine fierté.)
Mais la réalité allait me rattraper plus tard. À mon retour définitif du nord, lorsque j'eus repris la ferme familiale, je me suis retrouvé comme support de mes parents, jusqu'à leur mort. Après une dure vie de labeurs, ils auront connu des fins lamentables. Je les ai aidé jusqu'à la fin. Pour mon père ce fut relativement rapide, pour ma mère ce fut une autre histoire, pendant 9 années j'allais assister à son ultime naufrage interminable causé par l'Alzheimer. J'avais l'impression d’assister au naufrage d'une vie. Une beau grand bateau qui donnait de la bande, qui s'enfonçait, mais qui résistait. Elle refusait de mourir. Puis, sans cause apparente, il y avait des embellies, des retours foudroyants de mémoire et lors de ces périodes, j'en ai plus appris sur toute sa famille qu'elle ne m'en avait révélé jadis. Cette période fut cruelle, mais riche en révélations. Puis elle a cessé de se nourrir. Le jour ultime, où j'ai dû lui annoncer que c'était la fin, qu'elle allait mourir, elle a piqué une colère et dans ses derniers instants de lucidité, elle m'a passé un savon. Et quel savon ! J'ai été surpris par sa réaction d'une part, mais pas déstabilisé. Elle refusait la mort. Dans son esprit, il n'était pas question de mourir. Elle aura lutté jusqu'au dernier carré.
Mon deuil était fait depuis longtemps. Je savais que cela ne pouvait plus durer. Quelques heures plus tard elle s'est éteinte. J'en ai éprouvé un grand soulagement, qui s'est transformé en joie. La souffrance comme la merde cela doit avoir un fin !
Richard St-Laurent

Richard a dit…

J'aime lorsque vous évoquez cette tradition d'un couvert supplémentaire pour le mort qui va revenir à Noël, et aussi, du pique-nique hivernal dans un cimetière avec nourriture et vodka.
Il me semble de me voir en train de savourer mon scotch au cimetière de Windsor, c'est là que tous mes ancêtres sont enterrés.
J'arroserais la terre d'un bon vieux scotch.
Contrairement à vous Carmilla, je ne rêve jamais ni de mes parents décédés, ni des ancêtres qui les ont précédés. Je n'ai jamais eu de difficulté à faire sauter les ponts derrière moi. Pas d'angoisse, pas de regret. Mes sœurs avaient été scandalisées de me voir aller lors des funérailles. Et dire que c'est moi l’athée qui a fait le dernier discours dans une église catholique aux funérailles de ma mère. Et croyez-moi, ce discours était très bien tourné.
Je ne suis par très porté sur les histoires de fantômes, de revenants, de visites des morts qui vous reviennent en plein milieu de nos rêves, des manitous et autres loup-garous, esprits flottants ou souterrains. Je pense que je préfère la vodka et les victuailles au milieu d'un cimetière sous la neige. Le temps de se souvenir et de tirer une touche d'un excellent cigare.
Si mes ancêtres ne viennent pas hanter mes nuits, par contre, je n'oublie pas tout ce que nous avons vécu ensemble, j'étais quand même le fils d'Armand et de Jeanne, même si je leur ai fait voir de toutes les couleurs, et que nous avons été souvent en conflit. La famille est une grande institution, c'est la base de nos sociétés depuis longtemps. Et, ces sociétés, même aujourd'hui, quoi qu'on en pense ou en dise, repose encore sur la famille. Tu peux détester ta famille comme tu peux l'aimer. Elle peut te chérir comme te rejeter.
Alors, il m'arrive des fois de lever mon verre à mes parents, je les salut comme cela dans l'air du temps, au moment présent qui me plaît, parce que je n'ai jamais remis les pieds au cimetière depuis qu'ils sont décédé.
Il me semble en train de me voir au cimetière verser mon scotch sur les tombes de mes ancêtres.
Soudain, quelqu'un me touche l'épaule.
Je me retourne et me retrouve devant un être que je n'ai jamais vu.
« Vous êtes... ?
« Je suis ton arrière-grand-père Léonard. Même si je ne fais plus partie de votre monde, je te regarde évoluer depuis des années. »
Ses yeux bleus et froids se plantent dans mes yeux bruns et chauds, et de poursuivre...
« Tu n'as pas assez d'embêter les vivants, il faut que tu viens embêter les morts. »
Cela pourrait être le débuts d'une très belle histoire.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Je n'ai pas eu cette espèce de complicité que vous avez eu avec votre sœur. Il y a une séparation très net entre mes trois sœurs et moi, nous n'avons jamais été proches. Alors, je me sens très à part. On ne se fréquente pas, pas parce que nous sommes en froid, mais simplement que nous n'avons rien en commun. Je me suis senti aussi unique devant mes parents que devant mes sœurs et c'est très bien ainsi. En fait, je sais ce que signifie le mot famille, mais j'en ignore la nature profonde, je ne l'ai tout simplement pas vécu. Ce qui m'invite à poser un regard très singulier sur ce monde. J'ai vu des familles tissés serrés comme on dit au Québec, proches, aimantes, chaleureuses. Je me souviens de cette de Welly Marcoux à Tête-à-la-Baleine sur la basse côte nord qui m'avaient accueilli parce que je m'étais fait prendre par la mauvaise température. Ils habitaient une toute petite maison et je me demandais où j'allais coucher. On m'a donner un souper de fête, dinde et légumes en conserves. On m'a fait une place au deuxième étage entre les lits des enfants. J'ai très bien dormi. Cela avait été très généreux de leur part de me donner l'hospitalité et surtout de partager leur quotidien et surtout leur rire. Les Marcoux, c'est pour moi une vrai famille. Plus tard, par un autre dimanche de Pâques, c'est toute la communauté des Indiens Montagnais de Schefferville qui m'avait invité pour le dîner. J'étais le seul blanc. Ce fut un honneur.

Nous sommes fait pour la chaleur humaine, tributaires des attentions et des regards des autres, ce qui devrait être en principe une famille, mais ce n'est pas toujours le cas. Chez-nous, lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il n'a pas eu de père, on évoque qu'il n'a pas été élevé dans une famille, qu'il n'a pas bénéficié de cette chaleur humain. Ça donne ce que ça donne, des fois à force de résilience, des êtres humains magnifiques en sorte généreux et confiant en eux-mêmes. D'autre fois, c'est la ruine et la mort, la misère et la souffrance.

Une vie agréable n'est pas le bonheur et encore moins la plénitude. Nous pouvons évoluer de différentes manières, pour certain ils sortiront du cocon familiale bien outillé ; pour d'autres, le chantier commencera dès qu'ils auront franchit la porte de la cuisine pour une dernière fois. Ils devront se construire en route.

On ne choisit pas sa famille et eux non plus ne nous choisissent pas.

Bonne nuit Carmilla
Richard St-Laurent

Richard a dit…

PS :

Je voudrais revenir sur vos photos et images.

Si la première photo est de vous et que la dernière image est de Raoul Colon, les magnifiques photos en noir et blanc sont de qui ? Je les trouve mystérieuses et sublimes. Elles accompagnent bien votre texte.

Depuis que je vous lis, je ne vous ai jamais vu vous ouvrir ainsi.

C'était très significatif et inspirant, nous incitant à fouiller en nous-mêmes.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Moi non plus, je n'ai pas de nostalgie de l'époque où j'avais une famille (une seule exception, le jour de Noël).

Je dois cependant reconnaître que si je cherche aujourd'hui à élargir mon entourage, c'est quand même surtout du côté du monde slave, c'est-à-dire de mon passé, que je me tourne. Mais il est vrai que j'ai toujours l'impression que la communication n'est jamais parfaite avec les Français, on ne se comprend qu'à moitié.

Au total, être sans famille présente quand même certains avantages. On se sent plus autonome, plus libre de ses choix parce qu'on n'est plus exposés au risque de décevoir ses proches.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Alban,

C'est exactement cela. Avec l'épreuve de la mort, on acquiert une plus grande lucidité. Et puis, on se forge aussi une espèce de carapace qui vous fait sans doute apparaître froid et distant.

Mais cette épreuve est également libératrice parce qu'il n'y a plus personne pour vous juger.

Et puis, ne plus être plongé dans les conflits familiaux, c'est peut-être en effet reposant. Je ne peux pas dire que j'en ai beaucoup souffert mais je crois vraiment que si j'avais des enfants, ça me rendrait folle d'avoir à gérer ces histoires infinies. Je suis peut-être très égoïste mais j'aime bien aussi un peu de calme et de tranquillité. L'hypervigilance, comme vous l'écrivez, ça doit en effet être épuisant, voire destructeur. Beaucoup y laissent sinon leur peau, du moins leur individualité. Respirer un peu d'air de temps en temps, c'est sans doute indispensable.

Quant à la rue des Acacias, elle est effectivement proche de mon domicile. Elle débouche sur la Fnac des Ternes que je fréquente assidument. Je vous conseille vivement à ce propos de lire les livres de Vanessa Schneider que je recommande. La folie familiale y est admirablement décrite.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il faut d'abord bien situer mon blog à son juste niveau, très modeste. Je n'ai nullement l'impression d'être à hauteur des écrivains que vous citez.

Cela étant précisé, nous avons tous, effectivement, des sentiments ambigus vis-à-vis de la famille, allant du rejet violent à la nostalgie paralysante. Ce n'est sûrement pas un lieu pacifique mais je crois que le conflit est le moteur profond des familles. C'est de notre capacité à émerger de ces conflits que se constitue, peu à peu, notre personnalité. On ne devient éventuellement libres que par référence à l'éducation familiale reçue: modèle ou contre-exemple.

J'avais moi-même des relations très conflictuelles avec ma sœur. Mais ce que l'on partage essentiellement avec tous ses proches(et cela est ineffaçable), c'est un imaginaire commun et une histoire partagée. Malgré tout, on se comprend mieux qu'avec n'importe qui d'autre, même si on se déteste éventuellement. Oserais-je le dire ? A une époque où on parle de plus en plus du mariage pour tous, où on en fait un droit absolu, je pense que celui-ci devrait être élargi aux frères et sœurs : ce seraient sans doute les couples les plus solides.

Mais au total, je suis d'accord avec vous. On ne peut en aucune manière préjuger des résultats d'une éducation. Il y a des familles aimantes qui génèrent des délinquants et des familles "sans amour" qui produisent des personnes conviviales, altruistes et généreuses. Rien n'est jamais arrêté par le Destin.

Je ne crois pas non plus aux fantômes mais rêver du retour de "ses morts" est tout à fait banal. C'est ne pas en rêver qui est surprenant.

En ce qui concerne enfin certaines images de ce post, beaucoup sont simplement issues d'Internet. Je suis adhérente de l'application Pinterest comme abonnée et comme contributrice. Mais souvent les images sont mal identifiées ou sont produites par des inconnus. C'est le cas ici. J'ai quand même retenu quelques noms : Ria Pereira, Antonio Palmerini et John Batho (qui est un peu connu).

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour madame Carmilla et merci pour votre commentaire.

J'ai retenu deux citations qui me semblent pertinentes pour notre époque, tiré de Terre Noire et De la Tyrannie de Snyder.

« Pourtant, aucune solution scientifique n'est éternelle ; le choix politique de soutenir la science fait gagner du temps, mais ne garantit aucunement que les choix futurs seront les bons. L'avenir pourrait bien nous réserver un autre moment de choix, un peu comme celui des Allemands dans les années 1930. »

Timothy Snyder
Terre Noire
Page -461-462-

«  Si aucun de nous n'est prêt à mourir pour la liberté, nous mourons tous sous la tyrannie. »

Timothy Snyder
De la tyrannie
Page -93-

Snyder a tout pour me plaire, précision, argumentation, nombreuses sources, voilà un historien sérieux, qui donne à réfléchir.

Il ne suffit pas de regarder ce monde, mais de le comprendre.

« En politique, être trompé n'est pas une excuse. »
Leszek Kolakowski

Si on y réfléchit, pour en revenir à la famille, cette institution est une organisation politique, du moins pour moi, c'est à cause de ma famille que je m'intéresse à la politique, à l'Histoire et à ceux qui racontent. Peu importe que se soit un auteur reconnu ou un quidam.


Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Voici une réaction d'un journaliste du journal Le Devoir à Montréal sur la fameuse trottinette

https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/560885/a-trottinette

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

D'abord pour la référence à l'article de ce journaliste québecois consacré à la trottinette. Je me plais à penser qu'il a peut-être consulté préalablement mon blog.

Son point de vue est éclairant. Quoiqu'il en soit, il me semble qu'il ne faut surtout pas oublier le plaisir procuré par une trottinette; c'est un nouveau moyen de transport vraiment plaisant et agréable surtout quand il fait chaud. Essayez un jour ! Si vous n'avez pas trop l'esprit de sérieux, vous serez conquis.

Ensuite, s'agissant de Timothy Snyder, je partage cet avis que l'on met souvent en place des systèmes et des dispositifs pour un avenir dont on ignore complétement les contours. On a tendance à penser que le futur même proche (30 ans) sera à peu près identique au présent. Rien n'est moins sûr ! De nombreux bouleversements, scientifiques et techniques, peuvent considérablement rebattre les cartes politiques. Le pire n'est pas certain mais s'il n'est pas toujours indispensable d'appliquer une politique du pire, une attitude trop passive ou trop timorée peut aussi conduire à une catastrophe.

Bien à vous,

Carmilla