samedi 31 août 2019

La PMA et la folie de l'enfant à tout prix



Les Français vont prochainement s'offrir un nouveau débat de société avec le projet d'extension aux femmes lesbiennes et aux femmes célibataires du recours à la P.M.A. (procréation médicalement assistée).

Ce sera sûrement animé avec, probablement, plein de manifs à la clé. Surtout, ce sera l'occasion de tracer, une nouvelle fois, une frontière entre "progressistes" et "réactionnaires".

Comme si les choses étaient aussi simples.


Moi, par exemple, je n'ai jamais bien compris ce que ça avait de progressiste de proclamer le droit au mariage pour tous (i.e. des couples homos/lesbos). J'ai toujours considéré que ce qui était révolutionnaire, c'était plutôt de refuser le mariage et de préférer l'errance amoureuse. Et puis la formule du mariage pour tous, elle est biaisée, elle ne s'ouvre pas à tout le monde contrairement à ce qu'on affirme, elle demeure extraordinairement sélective : quid du mariage avec un immigré sans papiers par exemple ? Ou du mariage entre frères et sœurs, voire entre enfants (moins de 18 ans)  ou entre enfants et adultes, ou encore entre gendre et belle-mère ? Et même la polygamie, unanimement perçue comme symbole d'archaïsme mais, dans la réalité, universellement pratiquée, sans le reconnaître, dans les sociétés occidentales. Quoi qu'on en dise, notre libéralisme a des limites : on pratique toujours des discriminations, c'est ce qui fonde l'ordre social.


La possibilité du recours à la PMA pour les couples de lesbiennes, ça ne m'apparaît donc pas bien révolutionnaire. Comme si les inverti(e)s (pour reprendre l'appellation proustienne) étaient appelés à la rescousse pour sauver une institution qui s'écroule "partout et de partout", celle de la famille. Il est vrai que les mecs sont exclus du nouveau dispositif, ce qui est illogique, mais on sait bien que ça peut-être contourné en se rendant aux U.S.A..


Je m'interroge toutefois sur ce besoin qu'ont les gays et les lesbiennes de se reproduire. C'est vrai que ça mettra sans doute en évidence que leur "déviance" n'est pas héréditaire. Mais tout de même... Je me dis souvent que ce qu'il y avait de fascinant dans l'homosexualité, c'était son caractère transgressif. C'était le frisson de l'interdit, les dangers de la clandestinité, qui pouvaient donner envie de s'y adonner. Mais aujourd'hui que l'homosexualité s'affiche au grand jour et revêt même tous les oripeaux de la vie petite bourgeoise, avec tout son kitsch et sa "culculterie", le mariage puis les gosses, j'ai l'impression que ça perd tout attrait. A tel point qu'on peut, peut-être, en annoncer l'inéluctable déclin.


"Pourquoi tu critiques ?" elle se moque, ma copine Daria. "En tant que vieille fille, tu vas pouvoir, toi aussi, en profiter".

"Pauvre idiote !" que je lui réponds. "Est-ce que j'ai une tête à m'encombrer d'un chiard ? Moi, je suis moderne et pragmatique, j'ai trouvé bien mieux. J'ai appris que je pouvais vendre mes ovules à une banque d'ovocytes américaine. Comme je suis pas trop moche et pas trop conne, je peux même en tirer un très bon prix, jusqu'à 25 000 dollars. C'est ça l'avenir ! Mais pas question pour moi, bien sûr, de faire, un jour connaissance avec les crétins que j'aurai pu générer."

Procréer sans rapport sexuel et en gagnant même de l'argent si on est bien foutu et avec un Q.I. potable. C'est vers ça qu'on se dirige avec le développement des nouvelles technologies de procréation mais ça ne semble encore inquiéter personne.


C'est tout de même bizarre cette obsession de nombreux couples, hétérosexuels et homosexuels, d'avoir un enfant, envers et contre tout. Pas de vie accomplie, réussie, sans un  têtard qui va vous casser les pieds pendant des décennies. J'avoue que j'ai du mal à comprendre et que ça me dépasse un peu.

C'est sûr qu'un gosse, c'est d'abord une manière d'accéder à une forme d'immortalité. Et puis, c' est aussi une façon de se positionner par rapport au modèle parental, soit en le répétant, soit en s'inscrivant contre (refus d'enfanter). Pour une femme, enfanter, c'est s'identifier à sa mère et recevoir un enfant de son père. Pour un homme, c'est retrouver l'amour porté à sa mère et évincer son père (ce qui explique que certains hommes n'ont jamais d'enfant par crainte du père avec lequel ils ne veulent pas entrer en rivalité).


Moi, je n'ai peut-être jamais réussi à m'identifier suffisamment à ma mère pour avoir envie d'enfanter. Et puis, un enfant, j'en trouve chaque jour l'équivalent dans ma vie professionnelle, avec ses réussites et ses échecs. [Quant à mon non-mariage, mon célibat, peut-être que je souhaite rester fidèle à un seul homme : mon père].

Mais je crois aussi qu'un enfant, ça va au-delà de ces considérations d'éternité et de filiation. Avec un enfant, on cherche à créer un double de soi-même mais en version améliorée. L'enfant, ce serait notre version idéale (notre surmoi freudien) débarrassée de tous ses défauts et de toutes ses turpitudes. L'enfant, il servirait finalement à évacuer notre sentiment de culpabilité. C'est pour ça qu'on se projette tant en lui, qu'on l'aime presque autant que soi-même mais qu'on en vient aussi à le détester, éventuellement, quand il nous déçoit.


De cet amour/haine vis-à-vis de nos enfants, j'ai eu une confirmation en lisant récemment une biographie de Marina Tsvetaeva, la grande poétesse russe (1892-1941). Elle a eu deux filles, Ariadna (Alia) et Irène. La première Ariadna se révèle, initialement, un petit génie précoce tandis que la seconde, Irène, souffre d'un retard dans son développement physique et même mental (elle parle à peine, elle est gauche et maladroite). Marina Tsvetaeva se met alors à aduler Ariadna, à l'aimer d'un amour total et exclusif. Elle en vient même à rejeter Irène et à la délaisser au point qu'elle la laisse mourir de faim dans un pensionnat durant la Révolution bolchevique. Marina Tsvetaeva n'ira même pas à l'enterrement mais éprouvera une immense culpabilité. Et l'histoire sera encore plus cruelle puisque Ariadna ne confirmera pas ensuite ses dispositions initiales et rejettera même sa mère.


Je trouve cette histoire terrible et exemplaire : que la grande Tsvetaeva ait pu se comporter ainsi ! Ça prouve bien qu'il y a dans l'amour maternel quelque chose de trouble et de peut-être malsain. A travers ses enfants, c'est soi-même que l'on aime et déteste à la fois. La mère criminelle, c'est simplement une mère suicidaire et ça concerne en fait presque toutes les femmes qui sont, on le sait bien, d'éternelles dépressives.

Et puis, il y a autre chose qui me dérange beaucoup dans la maternité. C'est qu'on se met à croire très fort à la biologie. On est convaincus que nos gènes sont porteurs pas seulement de notre apparence physique mais aussi de notre caractère, de nos inclinations, de nos capacités intellectuelles à tel point qu'on se retrouverait presque entièrement dans nos ancêtres. C'est une vision que je déteste : j'espère bien que je ne ressemble pas à mes parents et grands-parents et que, si j'avais des enfants, ils ne me ressembleraient pas.  Mon arbre généalogique, je n'en ai rien à fiche ! D'ailleurs,  l'Histoire a bien montré à quelles funestes dérives peut conduire semblable conviction.


Néanmoins, notre  époque, quand elle évoque la famille, valorise de plus en plus les liens du sang. Il est ainsi particulièrement significatif que le Projet de Loi Bioéthique qui inclut l'ouverture de la PMA à toutes les femmes (mariées, célibataires, hétérosexuelles, lesbiennes) prévoit que les enfants nés d'un don de sperme puissent accéder, à leur majorité, à l'identité et à une typologie physique du donneur. En conséquence, pour donner son sperme en France, un homme devra obligatoirement accepter que son identité puisse être un jour révélée à l'enfant né de ce don, s'il le souhaite.

La P.M.A., c'était pourtant l'occasion de bazarder ces fables des liens du sang et de la "vérité biologique" des origines. On ressort de vieilles foutaises parce qu'on sait bien que ce n'est pas le sang qui établit l'identité. C'est la parole, le récit, l'histoire individuelle qui construisent peu à peu l'identité humaine. Ce n'est qu'une affaire d'élaboration psychique et ça n'a rien à voir avec le sang ou les gènes.


Mais peut-être que ça n'a plus d'importance; peut-être que le combat pour la préservation de l'anonymat des donneurs, pour la sauvegarde des aléas de la procréation, pour le refus de la programmation des humains, est d'ores et déjà perdu. Parce qu'il faut bien le dire, ce projet de Loi français sur la P.M.A., il est d'ores et déjà obsolète, dépassé. En Inde, aux États-Unis, les banques de sperme et d'ovocytes travaillent déjà sur la fabrication d'enfants modèles et d'enfants à la carte. On peut choisir les donneurs en fonction de ses caractéristiques physiques, on peut s'assurer du niveau de son Q.I.. On peut aussi, d'ores et déjà, choisir le sexe de son enfant et bientôt on pourra s'assurer qu'il n'est porteur d'aucune tare physique ou génétique. Les tarifs sont clairement affichés (ça n'est même pas très cher), un grand business mondial se met en place pour répondre à la folie moderne d'enfant à tout prix et il est ouvert à tout le monde y compris aux Français.


On n'en est pas toujours conscients mais on vient de rentrer dans une nouvelle ère en biologie: enfants à 3 parents biologiques, fabrication de sperme in vitro, modifications génétiques avant réimplantation de l'embryon. On devient des "démiurges", capables de fabriquer de la vie et des enfants modèles. Le bouleversement scientifique devient un bouleversement de notre vision de la procréation : non seulement on n'aura plus besoin de passer sous la couette pour se reproduire mais, en plus, on va pouvoir présélectionner les vies qui valent d'être vécues... Et ça, c'est une question autrement plus grave que le réchauffement climatique...

Tableaux d'Elka LEONARD, jeune artiste française qui commence à rencontrer un certain succès, notamment aux USA.

Il n'existe pas encore de grand roman consacré aux déboires et angoisses d'enfants nés de la P.M.A. mais nul doute que ça deviendra le thème favori des best-sellers à venir. Il faut toutefois rappeler le caractère prophétique du livre d'Orwell : "1984". Il prévoyait que les enfants devraient être procréés et sélectionnés par insémination artificielle. Quant à l'instinct sexuel, il serait extirpé.

Au cinéma, je recommande particulièrement : "Une fille facile" de Rebecca Zlotowski. Rapports de classe et relations érotiques.

9 commentaires:

Nuages a dit…

Un billet très pertinent, comme souvent.

Un jour peut-être, ce sera l'inverse : l'Etat ne reconnaîtra plus le mariage. Il dira que les gens peuvent avoir les relations qu'ils désirent, durables ou non, mais que l'Etat, la loi, n'ont pas à les reconnaître, les officialiser, les valider.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Votre remarque rencontre une de mes réflexions depuis quelque temps.

Que l’État s'occupe de l'état civil (des naissances et des morts), cela se comprend mais pourquoi diable faut-il qu'il s'occupe aussi des mariages (depuis la Révolution en France) ? Il s'immisce d'une certaine manière dans la vie privée des gens et il fait rentrer dans le mariage des choses assez baroques. L’État n'est vraiment pas là pour régenter la vie des couples, il a bien d'autres priorités.

Plutôt que réformer le mariage, le mieux ce serait peut-être en effet de le supprimer ou plutôt d'en confier la gestion aux individus eux-mêmes (par contrat) ou même aux communautés (par convention). Il n'est pas sûr que les pratiques seraient plus conservatrices ou répressives. Il y aurait du moins une pluralité des mondes possibles. C'est un beau thème de réflexion.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bien le bonjour Dame Carmilla !
Pour les patriarches de ma race, les néandertaliens attardés, il apparaît sans l'ombre d'un doute, que la pulsion de reproduction reste forte peu importe les époques. On ne totalise pas 7.5 milliards d'Homo Sapiens avec seulement du fond de caleçon. Le plaisir sexuel y pourvoit aisément. Pour d'autres se sera l'appel de la race, la loi du clan, la puissance de la tribu, voir des bras pour les travaux pénibles qui se transforment rapidement en défenseurs de la cité. Nous évoquons des milliers de raisons pour donner la vie. Reste que le fondement premier ne tient que par le désir viscérale. Au comble de l'orgasme, est-ce que nous nous interrogeons sur la possibilité d'une naissance ? L'animal que nous sommes prend le dessus foudroyé par la jouissance qui peut hypothéquer le reste de son existence. Peut importe le sexe, les tendances, le genre, les préférences sexuelles. J'en ai discuté avec plusieurs homosexuels qui me disaient que le plus grand regret de leur vie fut de ne pas avoir eu d'enfant. Ce qui révèle qu'il n'y a pas d'exception à la règle, biologiquement nous sommes ainsi constitués, ce qui n'empêche pas, aujourd'hui, de pouvoir choisir d'en avoir ou pas. Ce que vous assumez complètement et totalement. Ce n'est ni bien ni mal, c'est une décision qui vous regarde ; quoi que lorsque vous évoquez que vous n'avez personne pour partager à Noël, alors que la nostalgie vous ronge, je sens comme un certain regret, ce qui nous arrive tous d'ailleurs, partagé dans nos émotions les plus intimes, dans l'ambivalence de nos sentiments. Oui, la belle vie sans enfants, mais les trous noirs au milieu. Le sexe a un prix humain, tout comme la naissance d'un être nouveau, ou bien, la liberté qui n'est jamais bon marché. Monnaie de jouissances, de doutes, de craintes, d'espoirs déçus qui forment toute la vie. Un bon exemple, c'est ce désir d'être reconnu par ses pairs, s'ajoute aussi celle d'être reconnu par sa descendance. Quoi que nous pouvons être rejeté par notre famille, notre descendance, par la tribu ou le clan, pour devenir des loups solitaires, les charognards de la contestation, du refus, de l'abstraction, les rebelles des sentiments, ce qui ne signifie pas que nous allons nous noyer dans la cruauté. Contrairement aux albinos vous aurez assumé votre décision qui n'est pas un accident biologique. Sur ce point de rupture à l'équilibre chancelant l'intérêt nous empoigne pour ne plus nous lâcher. Naître, c'est devenir, évolué, grandir, plafonner, se dessécher et disparaître. Nous possédons ce pouvoir de donner la vie, oui je le vois comme un pouvoir, celui de projeter un être nouveau dans l'existence, vers son destin, lui ou elle, qui n'a rien demandé. Pour le reste, je reprendrai le titre d'un film de Claude Lelouche : L'aventure, c'est l'aventure.
Richard St-Laurent

Richard a dit…

Tant qu'au mariage avant d'être une institution cela demeure à mes yeux un contrat, ce que j'ai fuit pendant toute ma vie, et entendons-nous bien cela reste et demeure un contrat. Ce que je m'explique mal, c'est que les hétéros sexuels veulent divorcer et que les homos veulent se marier. Là, je pense que j'ai manqué quelque chose. Comme si nous avions besoin de cette institution pour faire des enfants, pire pour célébrer un amour. IL y a beaucoup de mariages branlants, comme il y a des amours sans contrat toujours plus passionnants et solides.

De l’insémination artificielle et plus encore, ce qui me rappelle que dans l'industrie laitière on pratique ce genre de fécondation depuis longtemps, recherchant l'efficacité dans la production. Voilà ce que me rappelle cette manière de faire, plus besoin de taureau dans le pacage, c'était les premiers pas dans cette toute puissance divine que l'homme a déjà endossé. Un pied dans la divinité, un pied dans l'eugénisme, attention à l’écartèlement. Par contre, je ne manque pas de souligner, que certaines personnes désirent des enfants et ne peuvent pas en avoir biologiquement ; et pour d'autres, une naissance c'est une catastrophe.

Je n'aime pas le mot « déviance » et vous avez bien fait de le mettre entre guillemets. L'homosexualité est aussi normale et naturelle que l'hétérosexualité, parole d'un vieux paysan. Pourquoi deux personnes de même sexe ne pourraient pas élever des enfants ? Au final, c'est peut-être mieux que d'élever un enfant seul. Je sais cela porte à controverse et le débat n'est pas terminé. Reste aussi l'adoption que je respecte parce que là tu prends une décision fondamentale. Je suis toujours surpris au Québec, lorsque j'entends une jeune fille à l'accent bien de chez-nous, mais qui visiblement n'est pas née sur le territoire, tu sais immédiatement qu'elle a été adoptée. Ici, beaucoup de couples sont allés chercher des enfants en Chine. Cela ajoute à notre diversité et je trouve cela très bien. Qui plus est, j'ai un couple d'amie qui ont adopté une africaine. Il fallait voir dans quel état cet enfant est arrivé au Québec. Ils l'ont littéralement sauvé physiquement, elle serait peut-être décédée en Afrique, aujourd'hui, cette jeune fille va entreprendre des études supérieures. Pour elle, le destin aura basculé et c'est peu dire. La vie n'est pas toujours une saloperie.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Les expressions comme bien foutu et Quotient Intellectuel m'horripile. Comment ne pas penser à l'eugénisme ? Ce qui nous renvoie aux propos de Timothy Snyder. Est-ce que nous allons nous plier moralement à ce genre d'exercice de sélection ? Serais-ce nous prendre non pas pour des dieux, mais comme quelque chose de plus que les dieux ? Ô malheureuse toute puissante orgueil ! Nous allons améliorer la race ? On croirait entendre Goebbels. Il y a assez d'enfants sur terre qui vivent dans la misère, on devrait d'abord s'occuper décemment d'eux. Si on met des êtres au monde, en priorité, il faut s'occuper d'eux. On ne laisse personne en arrière.

L'exemple de cette poétesse Russe Tsvetaeva, révèle que nos lubies de la beauté et de l'intelligence n'évoluent pas comme nous l'avions imaginé. Combien de personnes que j'ai croisées dans ma vie, beaux et intelligents, mais complètement idiots voir imbéciles ? Nous ferions mieux de faire attention à nos choix, surtout de la manière de les exercer. Vouloir la garantie d'une perfection hypothétique, c'est ouvrir une porte derrière laquelle bien des surprises nous attendent. Cela pourrait être assez révélateur. Imaginez qu'un jour on se met à donner naissance à une multitude de Blondinets, genre Président d'une puissance nucléaire, ou des petits Bolsonaro, ou encore, des Cousins Vladimir à la pelleté ? Les modes changent. Il ne faudrait peut-être pas l'oublier, que ces processus peuvent dérailler. Sur le fond, cela pose la question, hautement philosophique : Qu'est-ce que l'intelligence ? Moi, lorsqu'on me dit qu'on va mesurer mon intelligence, je prends mes jambes à mon cou et je me sauve. Pourquoi on s'est battu à la Dernière Guerre mondiale si ce n'est pour éviter tout cela ? Et l'on va remettre cela ? Vous avec raison, il faut que je vous le donne madame Carmilla lorsque vous écrivez : «« on va pouvoir présélectionner les vies qui valent d'être vécues... Et ça, c'est une question autrement plus grave que le réchauffement climatique. »» Mais qui est-ce qui vaut la peine d'être vécu ? Poser la question de qui mérite la vie, c'est aussi parler de mort, d'extinction, d'extermination ; ce qui n'est pas si éloigné du réchauffement climatique. Il se pourrait que ces deux facteurs fassent un tout un jour et nous en aurons plein les bottes. On l'aura cherché...

Carmilla, on dirait que vous avez encore sauté la clôture et que vous êtes aller vadrouiller dans le jardin de Harari : Sapiens et Homodeus ! Vous êtes peut-être dure, mais votre conscience se retrouve au niveau de votre dureté. Vous êtes consciente d'un futur possible mais toujours incertain.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Un enfant qui naît c'est comme un petit bateau en papier que l'on lance sur l'eau d'un ruisseau. Peut-être que le voyage sera court et qu'il heurtera la première pierre, se renversera dans le rapide, se noiera dans la rivière Watopéka ? Il commence à nous échappé dès les premiers instants de sa vie. Peut-être qu'il va se rendre à la rivière Saint-François et couler ? Sa vie sera ponctuée d'épreuves ? Aura-t-il de la chance comme cette jeune africaine de mon récit. Peut-être qu'il atteindra le grand fleuve avec l'espérance d'atteindre la mer ? Naître, c'est tous les possibles, c'est très aléatoire, mais lorsque l'enfant paraît dans cette vie couvert de liquide visqueux, qu'on va couper son cordon, ce geste capital, c'est le début de la liberté. Nous ignorons tous ce qu'il va devenir. Je crois que c'est mieux ainsi. Comment ne pas éprouver un serrement de cœur lorsque le bébé vient de naître ? Cela fait parti de l'aventure humaine. Lorsque j'ai tenu mon fils dans mes bras après sa naissance, je lui ai dit : On n'a rien de mieux à t'offrir que la vie. C'est à toi de jouer.

C'est exactement ce que vous avez écrit lorsque vous évoquez : « C'est la parole, le récit, l'histoire individuelle qui construisent peu à peu l'identité humaine. »    C'est ce que j'ai légué à mon fils Charle. Pour l'heure il s'en sort bien.

Trop de personne sont sans parole, sans récit, sans histoire personnelle.

Comment allons transmette cela à des êtres fabriqués artificiellement ?

Je me pose cette question, moi passionné de paroles, de récits et d'histoires personnelles, d'instruction, d'éducation, je reconnais que ce n'est pas toujours facile d'éduquer un enfant, mais c'est passionnant à voir évoluer.

Voilà qui complète bien ma semaine. Je sais que ce n'est pas votre tasse de thé l'écologie, mais jeudi dernier, par hasard j'ai découvert un ouvrage intéressant, publié chez Actes Sud : Drawdown, un ouvrage collectif sous la direction de Paul Hawken. On sort des scénarios catastrophes. Il y a des hypothèses de solutions. Cette bourrée de mathématiques et statistiques, mais c'est très accessible, qui plus est c'est un beau livre.

Merci pour votre texte pertinent et intéressant.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

L'objet de mon blog n'est pas d'exprimer des opinions mais de susciter des questions.

Des opinions, tout le monde en a mais tout le monde a, à peu près, les mêmes. Je trouve donc que ça n'est pas très intéressant.

Attention donc à ne pas déduire de mes textes ma personnalité supposée. Dans la "vraie vie", je pense être un peu plus nuancée mais cela moi seule, bien sûr, le sais. En tout état de cause, je pense avoir une vie très satisfaisante et il n'est pas dans ma nature de me plaindre.

Sans doute, le désir de reproduction est universel et très fort mais j'ai le sentiment que les motifs en sont troubles et guère désintéressés. On a autant de mauvaises raisons d'avoir des enfants que de ne pas en avoir. C'est la petite part monstrueuse qui sommeille en chacun de nous.

Le grand bouleversement contemporain, c'est tout de même qu'il devient possible de procréer sans passer par les détours de la différence des sexes, ni par ceux de l'amour et de l'orgasme et en programmant même son enfant.

Sur ce dernier point, on peut craindre, comme vous le soulignez, un développement de l'eugénisme. On va sans doute sélectionner de plus en plus les "bons embryons". On sera tous issus de sujets sains dotés d'un QI élevé. C'est une évolution inéluctable déjà esquissée.

2 points m'empêchent toutefois de désespérer :

- on a déjà fait naître des enfants issus de "génies" mais on s'est rendu compte que ça ne donnait pas automatiquement des génies.

- de "véritables génies" comme Beethoven ou Marcel Proust seraient probablement éliminés aujourd'hui par le "screening génétique". On comprendra alors peut-être que la révélation du talent et du génie vient moins du niveau du Q.I. que de la capacité à dépasser sa souffrance et à transcender son corps.

Bien à vous,

Carmilla

PS : je n'ai toujours pas lu Harari mais ça viendra. Je suis trop dispersée.

Richard a dit…

Bonjour Dame Carmilla.
Vous êtes fascinante et déstabilisante à la fois avec vos interrogations coriaces, là où les questions appellent les réflexions qui précéderont les opinions. Comment ne pas imaginer l'être humain, qui semaine après semaine, écrit sur des sujets qui nous touchent de près ? Là où vous maniez la culture dans tous les horizons possibles, mais jamais dans la banalité, comment ne pas vous sentir au travers de vos interrogations ? Vos textes prennent les teintes de vos réflexions toujours préparés d'avance, qui massèrent dans le fond de vos tripes, et vous préparez votre coup sans doute avec le désir de la provocation, de la remise en question, de la peinture épaisse, parfois de l'exagération qui ne quitte jamais les rails de la rigueur. Vous l'écrivez souvent que ce blog reste un dérivatif à votre existence quotidienne, ce que ne vous permets pas vos activités professionnelles. Ne pas voir ce dépassement qui culbute par-dessus ce simple dérivatif reste difficile à camoufler. Cela transpire, se sent, au travers vos mots, vos phrases, vos idées, ce qui fait que vos opinions, (j'ose le dire), ne peuvent être rangées dans le placard des banalités et des spectacles désolants, qui s'étalent quotidiennement sous nos yeux. Pas de fausse modestie, vous savez pertinemment votre valeur. Vous ne baissez jamais les bras, aucun sujet de vous rebute, vous vibrez comme une corde sensible sur le point de rupture sans jamais vous rompre. Étourdissant tour de force équilibriste, fruit d'une longue préparation minutieuse, d'expériences multiples, qui débouche aujourd'hui pour des lecteurs avertis. Nous imaginons, nous les humains, être seuls dans notre bulle à penser que nos réflexions s'étiolent dans l’individualisme, pourtant ce qui a déjà surgit dans une cerveau, un autre être humain étranger le pense déjà. Ces deux êtres humains ne se rencontrerons jamais, malgré la même pensée, peut-être au même moment. Cette aventure des idées, me fascine, que dire m’obsède et je sais que ma quête ne prendra fin qu'avec la mort. Quel frisson ! Quel merveilleux frisson ! Ce qui ressemble à ces merveilleuses discutions qui au gré des hasards vous renversent comme une ivresse incontournable, où le temps coule sans paramètre, sans chiffre, qu'on voudrait que cela ne se termine jamais. Comment ne pouvais-je peinturer épais en lisant votre texte sur l'insémination artificielle, sur le désir d'enfanter, sur notre avenir comme Homos Sapiens et bien d'autres sujets tout en nuance dans votre texte ? Si nous nous interrogeons, forcément, l'opinion se formera, pour irrésistiblement s'exposer. Se dévoiler tient du domaine du grand art...

Bonne fin de journée
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

C'est très gentil ce que vous me dites mais je ne crois vraiment pas être si originale que ça : mes références sont finalement très codées.

Disons que j'ai eu la chance de vivre dans plusieurs pays inhabituels. Et la chance aussi de bénéficier du système d'éducation à la française, très rationaliste et qui exerce les étudiants à savoir s'exprimer, plus ou moins intelligemment, sur une foule de sujets.

Je concède que j'essaie de m'intéresser à beaucoup de choses. Mais le revers de la médaille, c'est que je ne suis vraiment spécialiste en rien. On pourra dire que je suis superficielle. Et puis, j'ai aussi d'énormes lacunes. Mais qu'importe : ce mode de fonctionnement dispersé me convient. Il permet de faire des rapprochements inattendus.

Je reconnais aussi que je suis sûrement trop tranchante dans mes textes. Un de mes lecteurs m'écrivait, fort justement, que c'était mon côté zoroastrien. Mais je pense que la tiédeur convient mal à un blog.

Bien à vous,

Carmilla