samedi 6 août 2022

Roxelane, la sultane: une inspiratrice


Il y a quinze jours, je regardais à la télévision la rencontre tripartite, à Téhéran, de la Russie, de l'Iran et de la Turquie (soit Poutine, Raïssi et Erdogan). Un trio satanique, une réunion du club des assassins. 


Ce qui me sidère, c'est que pour les Russes, ça représente quand même une sacrée révolution mentale. Parce que dans toute leur éducation, façonnée par l'Histoire, on leur a appris à redouter les Turcs et les Persans. Et il faut dire que pendant tout le 19ème siècle et une partie du 20ème, les guerres avec ces deux pays ont été quasi incessantes. Avec deux moments forts d'humiliation : l'assassinat de Griboïedov à Téhéran et la défaite à l'issue de la guerre de Crimée (1856). Les Russes continuent de ruminer ça.


Mais jusqu'alors, les Russes se considéraient tout de même comme les porte-drapeaux de la culture européenne face à la barbarie asiatique. Et l'Asie, que l'on étendait à la Mongolie et à la Chine et au Japon (je ne parle pas de la déculottée prise face au Japon en 1905), on s'en méfiait terriblement. On en avait même une vision absolument xénophobe. Rien que des fourbes et des cruels. 


Alors quand Poutine vient aujourd'hui raconter à ses "vassaux" qu'ils ne sont pas des Européens mais davantage proches des Turcs, des Iraniens et des Chinois, c'est normalement, pour eux, un véritable renversement copernicien. Mais c'est toujours la même apathie de leur part. Alors, je ne me prive pas, quand je rencontre des Russes, de les faire enrager en leur précisant qu'ils sont des Asiatiques.


Pour ce qui me concerne, j'ai toujours eu le sentiment de vivre en proximité avec la Turquie. D'abord parce que le territoire de l'ancien Empire ottoman s'étendait jusqu'en Galicie, pourtant très au Nord de l'Europe. Non loin de Lviv, il existe ainsi de multiples vestiges des anciens postes-frontières entre les Turcs et ce qui était le Royaume de Pologne. Le symbole le plus marquant, c'est à Kamenets-Podolski (image ci-dessus) dont la cathédrale Saint Pierre et Paul demeure flanquée d'un minaret.


Surtout, la Galicie est le lieu de naissance de la Sultane Roxelane (1498-1558), l'ancienne esclave qui est devenue, rien que ça, l'épouse de Soliman le Magnifique (1494-1566). Soliman, le grand sultan qui faisait trembler le monde, l'Empire des Habsbourg et les Perses. Celui qui a porté l'Empire ottoman au sommet de sa puissance mais qui a déposé les armes devant une esclave chrétienne.


Roxelane, elle est très connue en Pologne et en Ukraine. Beaucoup moins ailleurs mais elle devient aujourd'hui une icône mondiale, celle de nouvelles féministes. Des féministes qui ne s'adonnent pas à l'esprit victimaire mais font face à l'adversité, en tirent même parti, et ne dédaignent pas le pouvoir et la puissance. On surnommait même Roxelane "la Joyeuse", ce qui est tout de même un comble quand on a traversé mille épreuves et été une esclave.


Roxelane, elle est née dans une petite ville située tout près de Liv (45 kms au Sud) : Rohatyn (d'où provient le nom du grand financier et ambassadeur des USA à Paris : Feliks Rohatyn). Sur la grand place, on a érigé une statue (photo ci-dessus) de Roxelane. La langue maternelle de Roxelane était donc probablement le polonais.


Et puis, un jour, Roxelane, elle a été enlevée par des Tatars. C'était fréquent à l'époque pour les jeunes filles au teint clair et aux cheveux blonds qui venaient approvisionner le marché turc aux esclaves. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on emploie le mot "Slave" (venant d'esclave).


Quand nos parents nous ont raconté cette histoire, ça nous a terrorisées, ma sœur et moi. Tout de suite, on s'est vues capturées puis expédiées dans un harem turc. On a eu beau nous dire que c'étaient de vieilles histoires et que la Turquie se situait aujourd'hui très loin de l'Ukraine, on n'a jamais été entièrement convaincues. L'angoisse enfantine a perduré et j'en conserve, pour ma part, un intérêt marqué pour la question (généralement occultée) de l'esclavage en pays musulman. Et puis, les hommes turcs me font frémir, vraiment pas mon genre.


La "chance" (très relative) de Roxelane, c'est qu'elle a été achetée par la mère de Soliman et aussitôt affectée au harem de son fils en compagnie de quelques trois cents femmes, toutes chrétiennes: des Grecques, des serbes, des Italiennes, des Caucasiennes etc... Et dans ce milieu sans doute impitoyable, d'une férocité absolue, Roxelane va s'imposer par sa beauté et son caractère. Elle va ainsi rapidement conquérir Soliman qui deviendra fou amoureux d'elle. 


Il faut dire que pour parvenir à cette fin, Roxelane n'a pas ménagé sa peine: elle a appris le turc, s'est convertie à l'Islam, est devenue experte en toutes sortes d'art: musique, danse, chant. Elle était sans doute aussi redoutablement intelligente mais sa réussite fut telle que ses détracteurs lui prêtèrent également des talents de sorcière: elle enduisait, dit-on, ses mamelons de haschich afin d'envoûter Soliman.


Elle parviendra ainsi à épouser Soliman au grand dam de ses conseillers. C'est doublement incroyable : d'une part parce qu'elle était une esclave chrétienne, d'autre part parce que, depuis la prise de Constantinople, les sultans n'avaient pas le droit de se marier. Et puis, un sultan tout puissant mais fou amoureux, ça ne fait pas très sérieux et c'est, paraît-il, soigneusement gommé, aujourd'hui, par l'historiographie turque. Pour l'amour de Roxelane, Soliman ira ainsi jusqu'à renoncer à son propre harem.  


Et Roxelane ne se contentera pas ensuite d'être l'épouse du Sultan. Elle se mêlera directement des affaires de l'Empire. Elle a ainsi participé à l'élaboration des grands travaux lancés à Jérusalem et La Mecque et s'est vu confier de nombreuses missions diplomatiques. Grâce à elle, notamment, le Royaume de Pologne a été épargné par les invasions turques.


Et surtout, elle a touché au pire du pire. Elle s'est montrée intrigante, manœuvrière, cruelle, impitoyable. Elle n'hésite d'abord pas à se débarrasser de ses ennemis. En premier lieu Ibrahim Pacha, l'ami et grand vizir de Soliman qui le considérait presque comme son frère. Il a été assassiné par les eunuques du harem. Un peu plus tard, c'est le fils aîné du Sultan qui est exécuté, celui même qui devait lui succéder. Roxelane a ainsi assuré la succession de ses propres enfants.


Roxelane n'était donc sûrement pas un ange. Elle s'est laissée emporter par l'abus de pouvoir et la duplicité (sa fidélité au christianisme malgré sa conversion à l'Islam). Elle était peut-être une courtisane mais les hommes, elle n'en avait, au fond, pas grand chose, à fiche. Ce qui l'intéressait avant tout, c'était le pouvoir et sa conquête. Une mentalité bien différente de celle des féministes actuelles. 


Mais ce qui est remarquable, c'est que de toutes ses aventures, complots et machinations, Roxelane est sortie absolument indemne. A tel point qu'après sa mort, Soliman lui fera construire un grand mausolée (toujours existant auprès de la mosquée Süleymaniye, image 10 de ce post).


Pour ma part, je pense souvent à Roxelane. Une polono-ukrainienne transférée à l'étranger, dans un milieu totalement hostile. Dans un monde incertain, en proie à la guerre et à la fureur. Comment continuer de vivre, survivre, dans un environnement entièrement défavorable, que l'on n'a pas choisi ?


Je n'ai sûrement pas la force mentale d'une Roxelane mais, de même que Théodora ancienne Impératrice de Byzance, elle a quand même été une inspiratrice. Il ne faut pas se laisser emporter par la nostalgie, il ne faut pas rejeter ce monde qui vous semble hostile, voilà ce qu'elle m'a appris. Il faut d'abord s'adapter, se plier aux nouvelles règles. A partir de là, de cet immense effort, on peut retirer une nouvelle satisfaction de son existence. Peut-être même plus que si on était resté dans sa coquille initiale. Et tant pis si on ne vous comprend pas toujours bien.

 
Tableaux principalement de Joanna CHROBAK, née en 1968 à Poznan (Pologne). Les autres œuvres picturales sont de Lecomte du Nouy, Trouillebert, Ingres, Renoir, Matisse. Il existe, à vrai dire, une peinture orientaliste surabondante consacrée, à la fin du 19ème siècle, au harem. Ca a vraiment été le grand fantasme de l'Europe industrielle.

Images des villes-forteresses (contre les Turcs) de Kamenets-Podolski et de Khotyn en Ukraine de l'Ouest. Image également de la place de Rohatyn. Des lieux que je connais bien mais qui n'ont guère attiré de touristes étrangers jusqu'alors et ça n'est sans doute pas près de changer de si tôt. Image enfin du mausolée de Roxelane à Istanbul.

Mes recommandations :

La Russie d'abord :

- Iouri TYNIANOV : "La mort du Vazir Moukhtar". A mes yeux, l'un des grands romans russes. Le héros en est Alexandre Griboïedov, diplomate et poète (presque l'égal de Pouchkine), massacré à Téhéran en 1829 (à l'âge de 35 ans). En complément, on lira :

- Alexandre POUCHKINE : "Voyage à Arzroum". Arzroum, c'est l'actuelle Erzurum en Turquie Centrale, l'ancienne capitale de l'ancien Royaume d'Arménie. Pouchkine s'y est rendu sans autorisation en 1829 au cours d'un périple de 3 000 kms. Il a alors croisé le convoi qui ramenait le cadavre de Griboïedov. Un livre très singulier et totalement méconnu de Pouchkine.

- Vsevolod IVANOV : "Le retour de Bouddha". Les Mongols continuent de faire très peur aux Russes. Il s'agit d'une expédition en train au début des années 20 pour restituer, en pleine guerre civile, une statue du Bouddha aux Mongols. Un roman fantastique alliant le bouddhisme à la Révolution et dans lequel l'URSS apparaît un véritable Royaume des morts.

Puis l'Islam :


- Lady Mary W. MONTAGU : "L'Islam au cœur 1717-1718 Correspondance". Une merveilleuse curiosité rédigée par l'épouse de l'ambassadeur britannique à Constantinople. Voltaire avait beaucoup apprécié ce livre.

- Gilles MILTON : "Captifs en Barbarie - L'histoire extraordinaire des esclaves européens en terre d'Islam". Ce très grand livre m'a bouleversée. Il faut absolument l'avoir lu. Il traite d'un chapitre fascinant et méconnu d'une histoire qui ne prendra fin qu'en 1816 (il y a seulement deux siècles). C'est l'aventure cruelle de dizaine de milliers d'Européens capturés et vendus sur les grands marchés d'esclaves.

- Murray GORDON : "L'esclavage dans le monde arabe VIIème-XXème siècle". Ce livre s'élargit à l'esclavage des Africains.

- Steinunn JOHANNESDOTTIR : "L'exclave islandaise" 2 tomes. Un roman d'aventures basé sur des faits réels. Au 17ème siècle, des centaines d'Islandaises ont été enlevées par des pirates puis vendues comme esclaves. Une histoire enfouie aujourd'hui redécouverte par les Islandais.

12 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Excellent papier sur cette femme exceptionnelle, qui rappelle votre texte du 25 septembre 2021 sur Théodora. On dirait deux sœurs sorties du même moule, qui a l’origine ne payaient pas de mine en ce qui concerne leur avenir. Comme de quoi, il ne faut pas présumer en vain. J’aime bien ces personnages historiques qui partent dans le dénuement, qui bataillent pendant toute leur existence et qui finissent par faire quelque chose de leur vie. Voilà qui est inspirant. Nous pouvons faire beaucoup, avec un peu de chance, de l’intelligence, et de la volonté. Ce qui est préférable aux plaintes inutiles. Mettre un souverain hyper-puissant dans sa petite poche, il faut le faire.

Vous ne vous privez pas de votre humour caustique en traitant les Russes d’Asiatiques. Ils ne doivent pas être très heureux de vos propos. Il est clair que cousin Vladimir regarde vers l’Orient. Sur le fond il n’a pas tellement le choix, mais il devrait se méfier de Raïssi et encore plus de Erdogan, et puis, il manque dans l’équation : Xi Jinping. Ce qui nous donne un étrange quatuor. Je doute de cette union tacite. Ces genres de personnages n’ont pas les mêmes buts. Ce sont les exportations qui tirent l’économie de la Chine et cette dernière n’a pas envie de tirer sur ses clients. Certes c’était blessant pour les Chinois d’assister à la visite de madame Pelosi sans réagir. D’autant plus que la démocratie taïwanaise est l’un des plus solide dans le sud-est asiatique, et Taïwan a bien pris note de ce qu’il s’est passé à Hongkong. Pendant ce temps personne n’oublie ce qui se déroule en Ukraine. Tout cela ne manque pas d’intérêt, et c’est à suivre.


Après Soliman le Magnifique, cet empire s’est enfoncé dans la décadence. Ce qui n’est pas surprenant avec toutes les intrigues qui couraient autour de ce souverain. Roxelane a sans doute été opportuniste, comme bien des femmes, elle a joué à la séductrice, car chez les femmes la séduction est une arme puissante et cela a fonctionné. Ce qui est étonnant, c’est la mère de Soliman qui a acheté Roxelane pour être affectée au harem de son fils. Pas mal, un véritable cadeau royal, qui plus est, empoisonné. La voie royale du ver dans la pomme. Est-ce que Soliman était fou amoureux, ou bien, naïf?

Peut-être que nous aurions besoin d’une brave courtisane qui pourrait s’enduire les seins de haschich avec une touche de cyanure et fourrer le tout au fond du lit de cousin Vladimir. Tant qu’à pousser les choses à l’extrême… Excusez-moi, c’est mon côté machiavélique. Et puis, je doute que le haschich et le cyanure forme un mélange efficace. Je ne suis pas très connaissant de ces substances.

Pour couronner le tout construisez-vous une bonne couche de duplicité et faite de la politique souterraine, c’est le conseil que nous pourrions donner à toute femme qui vise le pouvoir.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je m'intéresse effectivement à toutes ces personnes qui ont fait face à l'adversité la plus extrême. Comment vivre, survivre, dans une société, un environnement, complétement hostiles ?

Adolescente, j'avais été très impressionnée par les réflexions de Bruno Bettelheim sur les personnes qui avaient réussi à survivre dans les camps de concentration. Il ne fallait pas être tétanisé par la peur ni non plus s'enfermer dans une attitude d'opposition systématique. Il fallait une espèce de rectitude morale qui permettait d'établir un dialogue avec ses bourreaux.

Théodora et Roxelane ont donc effectivement nourri mes réflexions. S'ajoute leur indifférence au qu'en dira-t-on. Ce qui est sûr, c'est que lorsque je pourrai retourner en Ukraine, je me rendrai à Rohatyn. A sa manière, Roxelane incarne un certain esprit de résistance.

Il semble que Soliman ait été effectivement très amoureux de Roxelane. Pour preuve, il lui a fait une confiance aveugle et s'est soumis à toutes ses volontés. Il lui a enfin érigé un magnifique mausolée.

Quant à Poutine, sa politique étrangère risque quand même de rencontrer bientôt de sacrées difficultés internes. La population russe demeure raciste et xénophobe. Les Ouzbeks, les Tadjiks, les Kirghizes qui viennent travailler à Moscou sur les grands chantiers sont méprisés. Alors évoquer un rapprochement avec les Chinois, les Turcs, les Iraniens, je suis sûre que ça ne plaît pas du tout. Les Russes ne se sentent aucune affinité avec eux, on leur a toujours appris à s'en méfier.

Enfin, faire de la politique ne m'intéresse pas du tout. Je préfère la réflexion technique sur des questions économiques.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla
Comment vivre, survivre, dans une société, un environnement, complètement hostiles ? Cela demeure une grande question pour moi. Ce qui explique que je me suis intéressé aux anciens combattants, aux prisonniers, aux malades, aux colons, aux expatriés comme les doukhobors, à toutes ces personnes qui ont traversé l’impensable, à tous ceux qui ont fini par émerger vivants des camps de concentrations. Ce qui est intéressant, c’est que ces personnes posent la fameuse question : Pourquoi moi je m’en suis sorti? Je n’étais pas meilleur qu’un autre, pas meilleur que ceux qui étaient dans la même situation que moi? Cela peut aller jusqu’à la culpabilité morbide. Lorsque vous rencontrez par hasard ces personnes au lourd vécu, vous savez que c’est une chance inouïe qui s’offre à vous.

Ce qui nous apprend que l’homme peut vivre dans des conditions horribles et s’en sortir. L’humain est fait pour dépasser l’extrême. Nous pouvons le constater avec cette saloperie de guerre en Ukraine. Je me demande toujours et sans doute que c’est une question inutile : C’est quoi la limite de l’endurance humaine face à la souffrance? Et, je parle ici de toutes les souffrances. Le tout, sans oublier, peu importe notre âge et notre condition, de nous engouffrer dans de telles situations qui nous apparaîtrons inextricables. J’ai remarqué que souvent lorsque ces personnes finissent par sortir de leur malheur, pour beaucoup, la vie quotidienne est une bénédiction, mais pour d’autres c’est d’un ennui mortel. Qu’est-ce que je vais faire de ma vie après tout ce que j’ai vécu et enduré? Cela pose toute sorte de questions existentielles.

J’ai bien du mal à suivre les politiques extérieures et diplomatiques du fameux quatuor et les plus mystérieux à mes yeux demeurent les russes et les chinois, on ignore toujours ce que ces gens-là vont faire, et une fois qu’ils ont posé un geste, on arrive mal à expliquer cette action. L’accord sur l’exportation du blé ukrainien en est remarquable exemple, l’encre n’était pas sèche, que les russes bombardaient Odessa. On ne me fera pas croire que c’était une erreur de la part des russes, non plus qu’une mauvaise communication. Dans ces cas-là, comment se fier à un tel accord? Tant qu’aux deux autres compères, la Turquie et L’Iran, aussi bien aller coucher avec une vipère. Tant qu’aux Ouzbeks, Tadjiks, Kirghizes, ils font parti des peuples qui se méfient du quatuor, et croyez-moi, ils ne sont pas les seuls.

Pendant ce temps Zelenski devra prendre des décisions, une campagne éclair en automne, ou bien une campagne d’hiver. Celui qui a parler d’armer un million d’ukrainiens auraient mieux faire de se taire. On ne dit pas ce genre de chose publiquement. Comment et avec quoi on arme un million de soldats, qui plus est, aux portes de l’hiver? Est-ce de la désinformation? Pour l’heure les bombardements russes ont l’air de s’essouffler, et les Ukrainiens ont l’air de poursuivre leurs harcèlements de précisions avec les nouveaux missiles. Maintenant, il faut compter avec l’épuisement et les pertes, surtout du côté Ukrainien. Après 164 jours de guerre l’usure commence à se manifester. D’autres parts les sanctions économiques n’ont pas l’air d’avoir les effets escomptés. Les rares images qui nous parviennent des grandes villes russes nous montre un pays qui semble prendre du bon temps. La guerre connaît pas. La crème glacée coule à flot, et ce conflit ne semble pas affecter la population civil.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Richard a dit…

https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/larrivee-des-doukhobors

Voici un texte sur l'arrivée des doukhobors au Canada

Merci

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Merci d'abord pour cette référence aux doukhobors que je connais mal. L'orthodoxie a généré plusieurs sectes dissidentes. Ce sont malheureusement, le plus souvent, des mouvements régressifs qui refusent le monde moderne. En Russie, ce sont les vieux croyants, des dissidents anti-réformes qui ont essaimé jusqu'en Roumanie. Leur influence est toutefois très faible.

Comment survit-on au traumatisme d'une guerre, d'une captivité ? Les survivants d'une catastrophe entretiennent souvent, semble-t-il, un sentiment de culpabilité. Pourquoi moi ? se dit-on. Et c'est alors que l'on recense ses insuffisances, ses compromissions. Ce sont, peut-être, les meilleurs d'entre nous qui ont disparu. Les lâches, les peureux, auraient survécu tandis que les héros seraient morts.

Ce n'est bien sûr pas si simple mais cette culpabilité est destructrice. Moi-même, je me sens coupable de la mort de mes parents et de ma soeur.

A l'inverse, il y a ceux qui éprouvent une trouble nostalgie pour l'époque de la guerre. Mais ce ne sont tout de même pas d'anciens prisonniers. Ce sont des gens, à la vie plutôt médiocre, qui ont eu l'impression de vivre plus intensément en temps de guerre. Et surtout que le champ des possibles s'ouvrait largement pour eux. Leur horizon n'était plus bloqué parce que les hiérarchies sociales s'effaçaient tout à coup.

Il n'y a donc pas de réponse univoque. C'est toute la complexité du psychisme humain où se côtoient, en chacun de nous, le sublime et l'abject.

Quant à l'Ukraine, je ne sais absolument pas ce qui peut se passer dans les mois qui viennent. Une récente étude américaine bien étayée montre quand même que l'économie russe est en train d'imploser. C'est aussi ce que je crois. Il ne faut jamais se contenter du spectacle de la rue pour juger de la situation économique d'une pays. Je suis allée, il n'y a tout de même pas si longtemps, à Moscou, à Téhéran, à Kyïv. On y trouve des commerces et des magasins époustouflants, un parc automobile impressionnant. On peut alors se dire que l'on y vit aussi bien qu'à Paris. Mais c'est évidemment complétement faux.

Ce que je redoute beaucoup en fait, c'est l'après-guerre en Ukraine. Quel que soit le résultat, l'état moral de la population sera épouvantable. Rien ne pourra s'oublier, s'effacer. La conscience générale des Ukrainiens, ce n'est, en effet, pas seulement que les Russes veulent conquérir leur territoire (ce qui serait un moindre mal), mais c'est surtout que les Russes veulent les tuer, les exterminer impitoyablement. C'est un vrai programme hitlérien d'anéantissement d'un peuple dont on nie l'identité. Et cette perception là, elle est terrible, ravageuse.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Si c’est possible, pourriez-vous me donner les coordonnés de l’étude américaine dont vous faites mention dans votre dernier commentaire.

Merci

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Bonjour Richard,

Il s'agit d'une étude de l'université de Yale, aux USA, publiée la semaine dernière et largement commentée dans la presse française. Je pense que vous devriez la trouver facilement.

Bien cordialement,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Merci pour les informations.

Je me pose cette question : Comment se fait-il qu’au Canada ce rapport ne semble pas avoir attiré l’attention des médias conventionnels?

Je n’en avais pas entendu parlé.

Comme informations, on nous sert souvent du spectacle au lieu du savoir.
C’est vraiment déplorable!

Effectivement c’est bien étayé et intéressant.

Dans ses conditions, pendants combien de temps l’agresseur peut soutenir cette guerre?

En toute reconnaissance

Richard St-Laurent

Richard a dit…

C’est d’abord une question de principe et de prévalence des normes générales du droit : la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’inviolabilité des frontières d’un État national pleinement reconnu sur la scène internationale et membre de l’ONU depuis sa fondation ! Un État indépendant depuis la dissolution de l’URSS, décision non pas imposée par l’Occident mais voulue par les présidents russe, bélarusse et ukrainien de l’époque. Les frontières ukrainiennes ont été reconnues par la Russie elle-même. Rappelons la signature du mémorandum de Budapest (1994) et du traité d’amitié russo-ukrainien (1997). Sur un plan général, l’Acte final d’Helsinki (1975) exclut la modification des frontières par la force, principe repris dans la charte de Paris (1990), celle-ci marquant la fin de la guerre froide.

par Jean-Sylvestre Mongrenier

Petit bout de texte instructif

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

N'exagérons rien. Je ne crois pas qu'en France, on ait beaucoup parlé de ce rapport de l'Université de Yale. Il a simplement été évoqué par plusieurs journaux "sérieux".

Ce rapport est effectivement convaincant. Plus de 20 ans de Poutinisme n'ont pas permis de construire une véritable économie en Russie. Le pays demeure une "monarchie pétrolière" qui vit dans la dépendance des matières premières et de la fluctuation de leurs prix. C'est une richesse artificielle.

Enfin, sur la question des frontières, on peut bien sûr développer des bavardages sans fin sur l'appartenance historique de certains territoires à un peuple. Mais imagine-t-on que les Italiens revendiquent les terres historiques de l'Empire romain ?

Il ne peut évidemment y avoir d'autre référence que le Droit international des frontières.

Le pire pour l'Ukraine, c'est que ce mémorandum de Budapest que vous évoquez était censé lui offrir sécurité de ses frontières et assistance militaire de la part de la Russie en échange de son renoncement à l'arme nucléaire. Ca a en effet été scrupuleusement respecté.

Bien à vous,

Carmilla

Anonyme a dit…

Bonsoir Camilla, Je pose ceci pour le mot sataniques

https://youtu.be/U0aUDI4YyB4

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Inconnu pour cette référence.

Je ne partage guère les analyses ici développées. Ce qui est simplement vrai, c'est que le pouvoir russe se nourrit d'une vision eschatologique et messianique. Mais c'est carrément absurde. L'âme (slave en l'occurrence), je ne sais pas ce que c'est. Surtout ça ne saurait être le moteur du monde. Le politique et l'esprit démocratique ont depuis longtemps détrôné ces vieilleries.

Bien à vous,

Carmilla