Quel lapin suivre ?
Ca ne fait pas seulement référence aux fêtes de Pâques. C’est la question que pose Anka Zhuravleva avec son étonnante photo, croisement d’Hitchcock, d’Alice au pays des merveilles et d’Andy Warhol.
Anka, je l’admire et l’adore. Elle n’a que 30 ans. Elle a fait des études d’architecture; après la mort brutale de ses parents, elle a eu une jeunesse plus ou moins dissolue, punk, rock, chanteuse; elle a été mannequin, a travaillé chez Mostfilm, a quitté Moscou pour Saint-Peterburg, est devenue peintre puis photographe. Tout ça pour dire qu’elle a changé maintes fois de vie, d’orientation, à chaque fois avec grand succès.
Tout ça pour dire aussi que des lapins blancs qui nous invitent à les suivre au pays des rêves, il s’en présente plein dans une vie.
Ca signifie surtout que rien n’est jamais figé, arrêté, que les choix sont multiples dans une existence. On change, on bouge, on se recompose continuellement et c’est nous-mêmes qui forgeons, pour l’essentiel, notre destin.
C’est un point de vue évidemment complètement différent de l’approche psychologisante aujourd’hui en vogue, victimaire et déresponsabilisante (un passé traumatisant vous façonnerait presque définitivement).
Je suis libre, je suis guérie lorsque je suis capable de revenir en toute quiétude, en complet détachement, dans des circonstances éventuellement proches, sur les lieux mêmes (un café de Berlin un soir d’automne par exemple), de ce que je croyais être l’éclosion d’un amour. Et c’est peut-être justement là et à cet instant même que votre amour se révèlera authentique, véritable car libre de toute sujétion, addiction.
L’introspection, les souvenirs d’enfance, c’est très à la mode aujourd’hui. Mais j’ai vraiment l’impression qu’à trop rechercher son identité, ses origines, on s’enferme encore davantage et s’enfonce dans le narcissisme hystérique.
Moi, les racines, le passé, je n’en ai rien à faire. L’éparpillement, la dispersion, la contradiction, voilà ce qui me plaît. Tant pis si je passe pour touche à tout et superficielle.
S’arracher à soi-même, c’est ça qui m’apparaît important. Pas de pays natal, pas de « Heimat », pas de famille; plusieurs langues, cultures, pays qui me traversent. Capable de faire tout et son contraire, sans dispositions naturelles. N’aimer personne et tout le monde, homme ou femme, dans la seule déchirure d’une rencontre éphémère.
Dépasser les contingences pour s’ouvrir aux autres et à l’illumination de l’instant.
Images d’Anka Zhuravleva АНКА ЖУРАВЛЕВА(в девичестве БЕЛОВА)
Son site : anka-zhuravleva.com